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Les extensions possibles du cas Barclays sur d’autres dark pools

 Les extensions possibles du cas Barclays sur d’autres dark pools

Credit suisse/ubs. Elles exploitent le premier et le troisième dark pool et pourraient être visées par des enquêtes.

Le danger d’une procédure contre Credit Suisse et UBS concernant leurs «dark pools» a fait baisser ces deux titres à la fin de la semaine dernière. La plainte déposée mercredi soir contre la britannique Barclays donne l’impression que la seule présence de traders haute fréquence (HFTs) sur ces plateformes destinées à faire passer des ordres importants sans avoir d’impact sur le cours officiel des titres concernés suffise pour être visé de manière similaire. Et le procureur général de New York Eric Schneiderman a (volontairement?) laissé planer une ambiguïté sur l’extension de ses enquêtes à d’autres établissements. Rappelons que la plateforme Crossfinder de Credit Suisse passe pour le dark pool le plus important du monde (Barclays figurant en deuxième position), UBS complétant ce top 3 mondial. Ces inquiétudes épidermiques ne tiennent compte ni des éléments aggravant le cas Barclays, ni du fonctionnement de ces dark pools, qui comptent pour environ 15% du négoce aux Etats-Unis. A ce stade, l’envergure de ces activités ou encore la présence (sollicitée ou non) d’HFTs ne sauraient justifier à elles seules ces démarches.

Tous les exploitants de dark pools se trouvent pris entre deux exigences plutôt contradictoires. Ils doivent assurer une liquidité suffisante pour permettre des transactions d’une envergure dépassant même les standards sur les marchés publics. Mais les investisseurs institutionnels, principaux clients du côté des acquisitions, ne peuvent guère la garantir à eux seuls. Les banques doivent donc recruter des vendeurs, les HFT passant ainsi parfois pour des «fournisseurs de liquidité».

Ce qui pose la question si un dark pool peut fonctionner sans HFTs. Le seul exemple d’un dark pool donnant l’exclusivité aux investisseurs importants pour fixer le prix d’une transaction, Liquidnet, en montre les possibilités et les limites. La taille moyenne d’une transaction y est certes nettement plus élevée que pour la plupart des autres grands dark pools. Mais leur nombre reste ainsi beaucoup plus faible que dans le cas des autres plateformes. Cela suggère également que passer par cette plateforme implique de n’avoir aucune contrainte particulière au niveau du timing.

Trouver un acheteur et un vendeur pouvant se mettre d’accord sur les conditions d’une transaction reste une tâche parfois ardue, malgré les moyens électroniques. Comme Matt Levine l’a souligné sur Bloomberg, le problème est simplement d’ordre logique: «Les investisseurs institutionnels avec des buts et des horizons temporels similaires auront tendance à bouger ensemble. Pour pouvoir réaliser des transactions, il faut réunir des acteurs avec des points de vue, des objectifs et des horizons temporels différents en un seul endroit». Et payer un peu plus, accepter qu’un intermédiaire en tire un bénéfice plus ou moins important, simplement pour pouvoir acquérir les titres souhaités dans les délais prévus, peut être plus acceptable que d’attendre un autre vendeur, dont l’investisseur ne peut même pas être sûr qu’il arrivera un jour.

Mener une action contre la présence de HFTs dans les dark pools ressemble ainsi à une attaque de ces plateformes en elles-mêmes. De ce point de vue, les investisseurs ne se sont guère trompés: les actions des exploitants de plateformes de négoce officielles ont bénéficié de la procédure menée contre Barclays.

Mais admettre la présence de HFTs dans un dark pool pose un problème en termes de marketing, à plus forte raison encore depuis la parution du livre Flash Boys de Michael Lewis dont les publications ont déjà plusieurs fois ébranlé Wall Street. Leur réputation est si mauvaise que pour convaincre les autres participants, il est préférable de la nier ou du moins la minimiser. Dans ce cadre-là, Barclays a toutefois dépassé des limites qu’il ne faut pas franchir. Un graphique visant officiellement à illustrer la capacité de Barclays de surveiller l’activité dans son dark pool, le type d’acteurs et leur importance, a omis le participant le plus large, Tradebot Systems (dont BATS avait d’ailleurs été un spin-off) – un HFT. Il suggère ainsi que ce marché est assez équilibré, laissant le premier rôle aux investisseurs institutionnels. Sur ce point, Barclays semble avoir trompé les investisseurs institutionnels. Elle les a laissé croire que les HFT ne jouent qu’un rôle mineur, que les investisseurs se trouvent à l’abri dans son dark pool, alors qu’en réalité, la banque a collaboré étroitement avec plusieurs d’entre eux. Il n’est cependant pas possible d’affirmer que les investisseurs aient ainsi subi un préjudice financier. La rupture du contrat de confiance est toutefois déjà suffisamment grave pour une banque dont le président exécutif Anthony Jenkins entré en fonction après le scandale du Libor a juré de changer fondamentalement de culture. D’autant plus que Barclays avait laissé entendre qu’elle surveillerait les HFT.

Le livre de Michael Lewis liste également quelques indices pour la présence d’HFTs dans le dark pool de Credit Suisse. Elle leur fournirait des informations sur les transactions prévues pour le compte d’institutionnels juste avant leur exécution, permettant ainsi aux HFTs de faire du front running. La banque a toujours démenti la présence de HFTs dans son dark pool.

Christian Affolter/ Agefi Suisse 30/6/2014

http://agefi.com/une/essentiels/artikel/credit-suisseubs-elles-exploitent-le-premier-et-le-troisieme-dark-pool-et-pourraient-etre-visees-par-des-enquetes.html

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