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Ces Américains qui détruisent le dollar Par Nicolette De Joncaire (Avec commentaire de Bruno Bertez)

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Ces Américains qui détruisent le dollar Par Nicolette De Joncaire (Avec commentaire de Bruno Bertez)

La seule évocation d’une suspension possible des opérations de BNP Paribas sur le dollar a suffi à lézarder davantage le fondement de l’équilibre fragile qui permet au billet vert de conserver sa place de monnaie de réserve mondiale. Ce qui précipite le mouvement déjà bien engagé vers la multipolarité des échanges internationaux. L’ouverture à Paris d’une chambre de compensation pour le yuan, certes préparée de longue date, prend ici la valeur emblématique d’une coïncidence qui ne doit rien au hasard.

On en vient à se demander pourquoi les Etats-Unis choisissent d’exercer aujourd’hui leur droit territorial sur les échanges internationaux en dollars, alors qu’ils s’en sont abstenus pendant plus de 60 ans avec l’usage des eurodollars par les Sovietiques. Ils s’y sont toutefois décidés il y a quelques mois avec les banques proches de Vladimir Poutine après la sécession de la Crimée.  Mais le cas d’une banque comme BNP Paribas est une toute autre affaire. De par sa taille et son appartenance – voire sa subordination – à un gouvernement supposé ami. Car même les Américains ne peuvent ignorer que les faits reprochés à BNP Paribas, essentiellement entre 2003 et 2009, ont eu lieu alors que le groupe était dirigé par un grand commis de l’Etat français, à la fois responsable de la privatisation de BNP et de la fusion avec Paribas. Un homme alors considéré comme le conseiller le plus influent de la République en matière de politique financière.

Pourquoi donc cette instrumentalisation progressive du dollar à des fins politiques? Impossible de croire à des malentendus entre sphères politique et administrative. Aucun department ne peut prendre seul l’initiative d’actes d’une telle portée sans la validation du gouvernement. D’autant que Michel Barnier, directeur des services financiers de la Commission européenne, parle déjà d’enquêtes visant d’autres banques européennes.

Est-il question de rétablir l’équilibre entre banques américaines (forcément soumises aux embargos) et autres banques, selon le principe maintes fois invoqué du level playing field (certainement déjà en cause avec le secret bancaire)? S’agit-il du sursaut d’un suzerain qui entend rappeler son autorité alors que le dollar perd de la vitesse – il représentait 71% des réserves de change mondiales en 1999 et 61% en 2014 -, sans engager de troupes (une voie coûteuse et impopulaire).

Indépendamment du cas BNP Paribas, ces successions d’événements ne peuvent qu’ébranler davantage encore la confiance dans un dollar, fragilisé par une dette excessive. Et encourager les solutions de rechange.

Source AGEFI SUISSE 01/7/2014

http://agefi.com/une/detail/artikel/ces-americains-qui-detruisent-le-dollar.html?issueUID=620&pageUID=18543&cHash=82b6cfe5d7fbb0791f12fd6b6fc6f15a

Justice américaine: ce que BNP-Paribas savait

La compétence des tribunaux US pour des opérations réalisées hors Etats-Unis en dollars est connue depuis les années 1980. Mais la manière d’appliquer la loi a changé. 

BNP-Paribas n’était pas sans connaître les risques impliqués par l’utilisation du dollar. «Avec des garanties stand by en dollars, les cours américaines étaient compétentes dans les années 1980 déjà», se souvient Franco Foglia, un avocat genevois qui a travaillé précédemment pour Paribas avant d’être envoyé à New York auprès de Rogers & Wells la grande étude américaine chargée des intérêts de la banque. «A l’époque déjà, la compétence des tribunaux de New York pour des transactions ayant lieu hors des Etats-Unis, pour peu qu’elle se fassent en dollars, était connue au sein de la banque», précise l’avocat genevois. Pour sa part, David Forbes-Jaeger, autre avocat genevois, lui fait écho.

Toutefois, cette apparente continuité juridique est trompeuse. D’une part, on assiste à l’explosion des montants réclamés à titre d’amende, une évolution que David Forbes-Jaeger remet dans le contexte de la crise financière. L’administration américaine qui a aidé les banques – y compris étrangères – durant les années 2008-2009, récupère par ce biais des montants substantiels. D’autre part, on peut penser que les banques visées actuellement ne l’auraient pas été il y a vingt ou trente ans. En 1991, la BCCI avait disparu après avoir été accusée de blanchiment, mais c’était une banque marginale, avec des capitaux du Moyen-Orient.

Ce qui a changé par rapport aux années 1980 et 1990 également est la volonté des autorités américaines d’appliquer à la virgule des dispositions dont elles ne faisaient qu’un usage modéré, et cela se vérifie dans tous les domaines. En matière fiscale, la réglementation connue sous le sigle FBAR (Foreign Bank Account Report) instituée sur la base d’une loi remontant aux années 1970, n’a vraiment commencé à être appliquée sérieusement que vers 2006. En 2010 encore, certaines fiduciaires ne savaient même pas que leurs clients étaient tenus de remplir un formulaire de ce type. Cette observation relativise un peu l’imprudence de BNP-Paribas qui, sans ignorer la loi, pouvait se baser sur la façon de l’appliquer. Mais celle-ci a changé: il y a des choses qui ont eu passé, mais qui ne passent plus. – (Mohammad Farrokh)

SOURCE AGEFI SUISSE 12/6/14

http://agefi.com/une/essentiels/artikel/la-competence-des-tribunaux-us-pour-des-operations-realisees-hors-etats-unis-en-dollars-est-connue-depuis-les-annees-1980-mais-la-maniere-dappliquer-la-loi-a-change.html

A PROPOS PAR BRUNO BERTEZ

L’idée importante de ce remarquable article se trouve dans le titre à savoir que les américains eux-mêmes se tirent une balle dans le pied. 

L’ »overreach » juridique et judiciaire, fiscal, les embargos, les écoutes, le contrôle des services de transfert, Fatca et j’en passe, tout cela crée une dissymétrie que les pays souverains qui ont encore un peu de fierté et de souci de leur indépendance ne peuvent supporter. 

Les concurrents stratégiques des Etats-Unis ont compris: 

L’arme monétaire, financière fiscale et légale est utilisée tous azimuts ce qui ne peut que conduire les pays tiers à se désengager de la domination du dollar, et même de la zone dollar. 

La guerre des monnaies et des fonds d’Etat fera partie intégrante des affrontements futurs et lorsque nous disons, parlant des marchés que les Etats-Unis se considèrent comme en guerre, nous n’exagérons rien. Ils se donnent les moyens de lutte contre les « animal spirits », les paniques de leurs propres concitoyens. Les contrats passés par l’armée auprès du secteur privé pour étudier toutes ces questions en sont la preuve. 

Mon pari est qu’un jour ou l’autre, les Etats-Unis déclareront inconvertibles et/ou restreindront l’usage des dollars détenus à l’étranger.

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