Commentaire de Marché

Mister Market and Doctor Conjoncture du Lundi 27 Octobre: Forte hausse des Bourses ; Draghi joue et gagne par Bruno Bertez

Mister Market and Doctor Conjoncture du Lundi 27 Octobre: Forte hausse des Bourses ; Draghi joue et gagne par Bruno Bertez

 

Nous voudrions développer dans la présente chronique une idée forte, non conventionnelle, voire même non financièrement  correcte, qui s’articule autour des points suivants: 

  • -Le maillon faible du système global est maintenant l’Europe.
  • -La balle n’est plus dans le camp de la Fed, mais dans le camp de la BCE.
  • -C’est Draghi et Coeuré qui ont sauvé les marchés la semaine dernière et non pas Williams et Bullard.
  • -La victoire de Draghi est fragile, car le soutien allemand s’effrite.
  • -C’est maintenant la situation intérieure allemande qu’il faut suivre de très près.

 En un mot comme en cent, nous affirmons que les observateurs scrutent du mauvais côté en ayant les yeux braqués sur la Fed, Yellen, les Gouverneurs et même sur les indicateurs économiques américains. Notre conviction est que les marges de manœuvre de la Fed sont limitées. Il lui est difficile de se déjuger sur le Taper pour les raisons suivantes:

  •  -Question de crédibilité.
  • -Question d’opposition interne.
  • -Question de régulation.

 La Fed est en retard sur la hausse des taux et sur la stabilité financière. Les coûts salariaux par unité produite montent clairement; les marché des emprunts spéculatifs est malsain. 

Nous pensons que plutôt que de prolonger son action, ce qui serait reculer pour mieux sauter, la Fed attend un relais extérieur dans la stimulation monétaire globale et, singulièrement, elle l’attend, là ou cela est le plus nécessaire, dans son optique, en Europe. La récession y menace, la hausse des prix ralentit, l’euphorie post « coûte que coûte »se dissipe, il n’y a aucun rééquilibrage et, par conséquent, les risques de rechute financière s’accroissent. Il n’y a rien à espérer du côté politique ou budgétaire, tout est bloqué. On en voit les signes avant-coureurs.

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Par ailleurs, les USA sont conscients du lien qu’il y a entre la géopolitique et la dislocation, radicalisation sociale. Une Europe encore plus déstabilisée serait moins encline à suivre les USA dans leur tentative de modifier l’ordre du monde actuel. L’attitude face à la Russie, par exemple,  pourrait se trouver contestée en cas de récession ou de nouveau choc financier. Tout ce qui mine la légitimité des gouvernements en place et favorise les extrêmes politiques est considéré comme un danger par les Américains. 

Les Anglo-Saxons pensent que, faute d’action politique, faute d’action budgétaire et fiscale, il faut une action plus audacieuse de la part de la BCE.

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Les marchés financiers se sont fortement redressés, voire emballés, la semaine dernière. Après un mardi calamiteux qui les amenés au bord du gouffre, ils ont bénéficié d’un soutien fort qui les a propulsés hors des zones de danger. La psychologie s’est trouvée renversée, retournée. Mardi, en début de journée, tout était offert, le Dax était au plus bas de septembre 2013; les bonds italiens, espagnols, portugais étaient massacrés; les CDS étaient en hausse sur un large front, aussi bien sur le souverain que sur le corporate; les matières premières étaient liquidées. Le S&P Future était à la vente, seuls les Bunds et les Treasuries étaient achetés. Bref, on s’orientait plein sud, vers une dure journée de risk-off et de possibles enchaînements baissiers par des appels de marge. 

C’est alors que, sur les marchés, a circulé une rumeur… selon cette rumeur, la BCE allait annoncer des mesures fortes, non-conventionnelles. On peut bien sûr s’interroger sur les délits d’initiés, mais là n’est pas notre propos aujourd’hui. En quelques instants, les futures S&P sont passés du rouge

(-1%) au vert, pour ne plus revenir en arrière, et terminer la journée sur un gain de près de 3%!

Même chose pour les indices européens, même chose pour les CDS, même chose pour le High Yield. Le mouvement initié mardi avant l’ouverture du marché américain s’est amplifié toute la semaine, tant et si bien que le S&P a enregistré sa meilleure semaine depuis longtemps pour finir sur un gain de 4,2%. Et bien sûr, tout a été à l’unisson. 

A côté du gain de plus de 4% sur le S&P, on s’est envolé sur les Utilities; bien sûr, les Banques ont fait un grand bond en avant, tandis que les volatils, comme le Nasdaq et le Russell, devenaient euphoriques. Ne parlons pas des Biotechs qui grimpent au ciel, n’en déplaise à Yellen qui les trouvaient trop chères il y a quelques semaines. Le risk est recherché sur un large front, il y en a à peine assez pour tout le monde.On rachète le 10 ans Grec, le Portugais, l’Italien , l’Espagnol. Le Dax finit en hausse 1,6% ; l’IBEX de 4% ; le MIB de 4,4%. Plus c’est mauvais et plus cela monte. Le Nikkei est loin d’être en reste avec une hausse de 5,2%. Pas besoin de faire un dessin, on a sauvé la journée de mardi et sur la lancée, on a sauvé toute la semaine. 

Mardi, en cours de journée, peu de temps après les rumeurs, Reuters a publié un article qui est venu relayer les rumeurs, que l’on devrait donc plutôt appeler « fuites ». Cet article rapportait les propos, tenez-vous bien, de quelqu’un qui travaillait à la BCE. Cette personne s’exprimait sous couvert et condition d’anonymat. Ben voyons! Cet anonyme, dit: «  la BCE est en train d’examiner la possibilité d’acheter des bonds Corporate sur le marché secondaire; elle pourrait prendre la décision dès le début décembre avec l’intention de démarrer les achats en tout début d’année… elle a déjà effectué les travaux préparatoires, ces achats permettraient d’élargir les achats d’assets du secteur privé qui ont déjà été décidés et initiés». Pour ceux qui ne le sauraient pas, il existe une relation mathématique, un modèle, qui relie le cours des obligations du secteur privé au cours des actions correspondantes.

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Non, vous ne rêvez pas, le cynisme et l’effronterie sont maintenant au comble et ce n’est même plus besoin de mettre des gants pour cacher la main qui manipule, un masque suffit, celui de l’anonymat.

On ne se cache plus pour « goinfrer » les initiés, le Smart money, les grandes banques. Toutes les lois de la décence sont violées, nous ne parlons pas de  l’égalité… Inutile d’y insister, vous partagez notre réprobation, surtout si vous étiez « short » sur les marchés. Encore une belle claque, mais elle n’est pas tombée du ciel celle-là. 

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Le culot des Banques Centrales et celui de Reuters qui a déjà fait ce coup dans le passé, le culot des Banques Centrales n’est pas ce sur quoi nous voulons insister. Nous voulons souligner l’extrême danger, l’extrême fragilité d’un Système qui se montre aussi dépendant d’une rumeur, d’une « fuite » :la débacle n’a été évitée que par une rumeur, d’abord, et une « fuite » anonyme, ensuite. 

L’équilibre des marchés ne dépend, ni de la situation économique, ni de la situation financière réelle. Il ne dépend même plus de la transparence et des promesses des régulateurs, même plus de la fameuse « guidance », il dépend de « fuites » et d’insinuations. C’est une situation unique dans l’histoire des grands pays modernes, on ne l’a connue à aussi grande échelle que lors des expériences de John law et des Assignats Français. Ce n’est même plus la promesse officielle d’utiliser le « coûte que coûte  », nous en sommes aux expédients. 

Tout cela est loin d’ être anecdotique, cela est fondamental, même si la détérioration en profondeur est lente à se manifester et si les prises de conscience prennent du temps.  Avant, le marché financier était considéré comme un repaire de voleurs, la fameuse rue Quincampoix, puis la mère Marthe Hanau, maintenant ce sont les officiels qui détroussent les spéculateurs/opérateurs/investisseurs et épargnants. 

Ce qui s’est passé cette semaine pointe ce qui est caché, à savoir que le vrai problème, le maillon faible, c’est l’Europe. C’est là que cela se disloque, c’est là que les plaques tectoniques glissent.

Vous connaissez notre idée: ce qui révèle la maladie, c’est le remède. Ce qui donne à voir le trou, la faille, c’est la plaque que l’on met dessus pour les dissimuler. La dénégation valide l’affirmation. 

Le Système tient, mais c’est au prix d’une dégradation, d’une délitation de plus en plus profondes, de plus en plus importantes. On touche maintenant aux principes de base, à la morale. Il tient par les mensonges, les promesses que l’on ne peut tenir et, bien sûr, ensuite, par les contrôles, la coercition. 

En dernière analyse, on tient sur le pari que l’Allemagne cédera, qu’elle acceptera la dérive. C’est l’équivalent du fameux et sinistre « l’Allemagne paiera » qui a conduit là où on a vu. Or la situation allemande évolue. Les relations entre Draghi et le patron de la Bundesbank sont, dit-on, horribles, la rupture est consommée. Le soutien à Weidmann dans le pays est fort et il est relayé. Il a derrière lui de grands éditorialistes. Weidmann et Sinn sont d’autant plus écoutés qu’ils ont vu juste quand ils ont prédit que les facilités données par Draghi ne seraient pas utilisées pour prendre les décisions nécessaires mais, au contraire, pour les différer.

 

Merkel a réussi à tromper son monde, mais on comprend de plus en plus, en Allemagne, qu’en sous-main, elle a donné le feu vert aux libertés que Draghi prend avec le banking orthodoxe, les Traités et la Constitution allemande. Ce qui se passe maintenant est perçu  dans le pays par beaucoup  d’intellectuels comme une provocation.  A la différence des autres Allemands qui n’ont eu d’autre choix que de démissionner pour marquer leur opposition, Weidmann est toujours là et il s’exprime, il fait campagne. Il utilise sa tribune. Et puis politiquement, les choses changent avec la montée du parti AfD, Alternative für Deutschland.

Il y a en Allemagne une répartition des rôles, vous avez remarqué que tant que Merkel ne s’exprime pas, tout se passe comme si elle donnait le feu vert, c’est sa parole qui compte, même pas celle de Schauble. Gare si elle sort de son mutisme.

 

 BRUNO BERTEZ Le Dimanche 26 Octobre 2014

illustrations et mise en page by THE WOLF

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7 réponses »

  1. la manip je sais pas

    sinon « C’est l’équivalent du fameux et sinistre « l’Allemagne paiera »  » c’est une formidable trouvaille que vous avez fait là!
    tout devient limpide

    la période post défaite de Sedan a été marquée par une énorme crise comparable à celles du XX qui se termina juste avant la première guerre, ceci à cause des réparations
    Bien entendu ce sont le jeu des répèrations qui ont fait WW2
    (evidemment a chaque fois qu’il y a une atrophie de la masse des creances /dettes encore plus quand elles sont internationales…)

    aujourd’hui nous sommes après la guerre, comme vous le dites,
    (voir le % de pib des etats dans les economies par exemple ou les chutes de production réelle),
    l’allemagne (+chinamerica) a tout détruit en capacités industrielles au Sud

    Les événements les transferts de richesse / pillages dans la mondialisation violente depuis 2001 sont parfaitement équivalents à une guerre

    il me souvient une formule de Napoléon répétée par Guillemin en substance::
    « je connais bien les Francais ils ne seront pas contre aller faire un peu de pillage à l’est(?) »
    Le pouvoir politique depuis Degaulle s’est maintenu en occupant les gens non pas par la guerre traditionnelle en temps de crise, mais dans le cadre d’une sorte de jeu de bonneteau ou dans le cadre de la guerre économique
    (par ex les F furent bien satisfaits de leur rente immobilière ainsi que pour les pauvres de leur plasma mais on tout perdu, a contrario les chinois ont bien travaillé leur balance des paiements mais in fine se sont fait enfler de 2trillions etc…)

  2. Encore une fois on a gagné du temps, par le verbe et des annonces d’actions futures. Cela n’en finit pas. Même si je partage vos analyse, reconnaissons que le Système a une capacité à durer étonnante. Peut-être que vous n’êtes pas surpris, mais moi franchement je pensais que ça allait péter avant.

    • Cela fait près de 30 ans que je répète: « le seul pouvoir de ceux qui prétendent diriger est de retarder l’inévitable ». C’est le seul, mais il est terriblement efficace.

      Je stigmatise sans cesse les millénaristes et les Cassandre car à cause d’eux, le public passe à coté de tout, y compris à côté de la hausse boursière qui dure depuis Mars. 2009. Le facteur temps est déterminant.

      Ceux qui crient au loup sans cesse et à tort et à travers rendent un bien mauvais service au public. Que ce soit sur l’euro, sur les obligations ou sur les actions.

      La crise est certaine, mais vous n’imaginez pas les ressources qui existent encore et qui n’ont pas été utilisées.

      Dans la propagation de la crise on n’en est encore qu’aux périphéries: le Centre tient et sert encore de refuge. Le dollar est ferme, trop ferme, il n’est pas contesté sauf verbalement.

      C’est quand le Centre sera contesté et qu’il ne pourra plus utiliser ses expédients qu’il faudra commencer à être vigilant. Mais ce ne sera qu’une étape car avant d’arriver aux dernière lignes de défense on aura transformé le FMI en banque Globale de dernier ressort et on n’en est pas là

      C’est le ressentiment, la colère, les frustrations qui conduisent les gens aux excès millénaristes. Même si cela leur déplait, le ciel n’est pas prêt de tomber sur notre tête. Le système tient, au prix du malheur des citoyens, mais il tient.

      Au lieu de faire de prévisions idiotes pour se soulager, il faut dénoncer ce que l’on fait subir aux gens,, les impôts, les baisses de niveau de vie, les contrôles, les pertes de liberté , la disparition de l’avenir, la perte du sens de ce que l’on fait …

      Ceux qui hurlent aux loups sont complices objectifs des dominants, car ils entretiennent la peur, or les dominants dominent par la peur. J’ai écrit il y a peu sur ce sujet.

  3. le dollar bouge plus hihi

    le QE c’est aussi la devaluation du dollar pour satteliser le SP
    depuis 1semaine et plus Bass mauldin n’arretent pas de parler d’un rallye du dollar qui mettrait par terre les emergents

    le pb c’est par ex KO ou toutes les boites du SP qui avec un tel rallye du dollar se feraient massacrer. la fed ne pourra le tolerer

  4. Le relais de la Fed c’est la BOJ

    C’est reparti pour un tour de manège enchanté. Et puis il nous restera encore un autre relais, Draghi.

    j’ai fait il y a peu un commentaire developpé afin de m’opposer aux Cassandre et millénaristes qui ne cessent d’annonce la catastrophe imminente.

    j’insiste. les responsables de la conduite des affaires sont incapables en général et incapables en particulier: ils sont incapables de résoudre les problèmes auxquels nos sociétés sont confrontées mais ils ont une capacité extrème à reporter les problèmes, à repousser les échéances et cela ne doit pas être sous-estimé: ils disposent de moyens considérables, non pour faire le bien, mais pour rester en place et maintenir leur (des)ordre; ces moyens sont :

    -la printing press

    -la maitrise des médias et de la propagande

    -leur connivence et collusion

    Avec la printing press, ils diluent tous les problèmes et faussent toutes les mesures. Avec la maitrise des médias, ils imposent une vision et une interprétation des évènements réels complètement tronquée. Avec la connivence, ils peuvent avancer masqués et tromper leur monde.

    Et cela marche. Inutile de le nier, cela marche, cela dure et cela peut durer très longtemps.

    Les USA sont obligés de stopper leur expérience monétaire, c’est la fin des QE. Normalement et on en voit les prémices et signes avant-coureurs, cet arrêt est disloquant: il réduit la liquidité globale et risque de révéler ceux qui se baignent nus pour reprendre une expression connue.

    Jeudi dernier , les signes de la dislocation tentaient une nouvelle fois de refaire surface. On voyait les capitaux fuir la périphérie en particulier la périphérie Européenne. Vendredi, dans la nuit, de facon tout a fait inattendue, les japonais ont annoncé une augmentation de 30% de leurs opérations de printing press. Ils sont passés à 725 Milliards de dollars l’an.

    Les marchés qui s’étaient mis en mode risk-off, se sont retournés une nouvelle fois et on est passé au mode risk-on en l’espace de quelques instants: Tokyo a gagné 5%, les autres places ont suivi, résultat, cette semaine on inscrit de nouveaux records alors que les Cassandre annoncaient la chute.

    Nous avions expliqué il y a peu que les QE américains allaient cesser, mais que les relais allaient être pris. Nous avions indiqué que l’Europe et le japon allaient se substituer à la Fed et que ce qui comptait, c’était la liquidité globale.

    De fait les japonais et Kuroda ont fait ce que le suzerain souhaitaient, ils ont renforcé les taux nuls, avili le yen et ainsi relancé la spéculation globale par le biais du carry sur le yen. On peut à nouveau emprunter au taux zero une monnaie qui se déprécie et ainsi acheter avec le produit des assets financiers qui rapportent encore et qui sont dans une monnaie qui ne perd pas.

    La course à la dévaluation mondiale est une réalité et elle est techniquement favorable aux achats d’assets financiers. Les Etats Unis connaissent des entrées de capitaux record en provenance des émergents , du Japon et surtout d’Europe. Les sorties de capitaux d’Europe sont colossales. Le dollar index flambe.

    Des grands gérants de hedge fund qui ont fait leur preuve et savent analyser une situation comme Robertson, tirent la sonnette d’alarme. C’est évident que l’histoire accélère, que tous les scrupules s’envolent et que l’on joue le tout pour le tout, mais Robertson a tort, il ne tient pas compte du facteur temps. et de l’aveuglement des peuples et de la trahison de ceux qui sont censés savoir et mettre le hola. La machine est lancée, de plus en plus folle et il n’ y a plus qu’un fragile ancrage. l’Allemagne.

    Nous pensions que ce serait Draghi qui monterait le premier au créneau pour assurer le relais de la Fed , nous avons été surpris, c’est Kuroda. Et bien cela veut dire qu’il y encore une reserve derrière, disponible pour boucher les futures bréches.

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