Art de la guerre monétaire et économique

Mister Market and Doctor Conjoncture du Jeudi 27 Novembre 2014 : Il n’y a plus de marchés, à propos des prix du pétrole Par Bruno Bertez

Mister Market and Doctor Conjoncture du Jeudi 27 Novembre 2014 : Il n’y a plus de marchés, à propos des prix du pétrole Par Bruno Bertez

EN LIEN:  Les Clefs pour Comprendre du Vendredi 21 Février 2014: Le scandale des prix du pétrole Par Bruno Bertez

Nous  pensons que les marchés, dès lors qu’ils ne sont plus les reflets des décisions multiples et contradictoires des intervenants ne donnent aucune autre indication que celles que l’on peut induire de la volonté des autorités dirigistes.

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Les marchés ne sont plus pré-dictifs, mais post-dictifs.

Même l’analyse technique, censée décoder le rapport des forces entre les haussiers et les baissiers ne fournit plus rien. Ainsi, à quatre reprises depuis 2011, l’analyse technique a totalement failli. Des indicateurs, qui pourtant sont fiables et ont un pouvoir prédictif historique de 95%, ont donné des signaux faux.

A changement de nature des marchés, qui ne sont plus des marchés, il faut d’autres outils. Appliquer les outils anciens est coûteux.

Les intervenants majeurs, que sont maintenant les Banques Centrales et la Finance Complice,  doivent être étudiés en fonction d’une nouvelle logique. Les théories fondées sur les anciens comportements des opérateurs sont « misleading », trompeuses. Et justement, les gens qui dirigent, pilotent les marchés, utilisent cette sorte de naïveté des opérateurs qui croient encore qu’il y a un ou des marchés.

Les dirigeants, les pilotes des marchés ne sont pas soumis à la rareté des ressources, ils interviennent avec de l’argent créé à partir de rien, ceci est le premier point; le second est que, même s’ils se trompent, échouent, ils ne sont pas sanctionnés. Ils opèrent dans un système de tiers-payant.

Le seul cadre théorique qui permet de comprendre un tant soit peu ce qui se passe est le cadre de la guerre. Nous sommes en guerre, en état de guerre. Tout est permis, car c’est la survie qui est en jeu. C’est, comme l’a bien exprimé Draghi, le coûte que coûte, le tout ou rien, le « double down » généralisé. Donc le cynisme et le mensonge sont permis. Tous comme les dégâts collatéraux. La plus sinistre comparaison de votre situation est celle des frappes avec les drones. Pour tuer 41 leaders terroristes, il a fallu tuer, selon The Guardian, plus de 1200 civils, femmes et enfants.

Mais, bien sûr, il faut maintenir la fiction que les marchés existent, car les marchés constituent précisément le champ de bataille truqué sur lesquels se déroule la guerre. Les pseudo-marchés sont le lieu et le mécanisme par lesquels se transmettent les ordres/impulsions des pilotes/chefs.

Nous sommes dans des systèmes hautement complexes car:

  • -il y a plusieurs guerres en même temps.
  • -les enjeux de la guerre sont dissimulés.
  • -les ennemis ne sont pas clairement identifiés.
  • -la mystification règne en maître.
  • -on fait croire aux victimes que c’est pour leur bien qu’on les fait souffrir.
  • -les chefs sont médiocres, ils n’ont ni vision stratégique, ni cohérence.

D’une façon générale et méthodologique, il faut d’abord admettre, pour mettre un peu d’intelligibilité dans ce chaos, qu‘il y a deux niveaux

–             le niveau du narratif, du discours sur le réel-

–             le niveau du réel en lui même.

Au niveau du narratif, celui que l’on appelle quelque fois « le symbolique » -la parole est un processus de symbolisation- au niveau donc de la parole, on cherche à mettre en mots, à faire des phrases. On raconte en quelque sorte l’histoire de ce qui se passe. Il y a plusieurs niveaux bien sûr.

Le plus important est le discours dominant, celui des Maîtres, des dirigeants. La politique dite « de transparence » vise à donner poids et crédibilité à ce que ces gens disent. C’est un moyen de s’octroyer l’influence dominante. Grâce à la transparence, ils donnent le « la », ils balisent le terrain.

Puis, il y a celui des comparses comme les gourous financiers employés par  Goldman et autres JPM. Leur poids vient du fait qu’ils crédibilisent en intervenant à l’appui de leurs dires ; ainsi, leurs prophéties se réalisent d’être crues. Ils construisent et pérennisent les corrélations que les moutons qui sont en-dessous vont suivre. Ces corrélations qu’ensuite les soi-disant analystes et gestionnaires modélisent pour les reproduire.

Il y a ensuite celui des médias, qui descendent encore dans l’échelle des comparses, complices sans le savoir ou complices conscients. Les médias ont la fonction de « disséminer » la parole des catégories supérieures. La fonction des « contrarians » est complémentaire, elle est de crédibiliser non le contenu des paroles des dirigeants, mais le champ de bataille. Ce sur quoi la parole porte. Les « contrarians » valident en quelque sorte le champ sur lesquels les dirigeants ont choisi de se battre. Ainsi, tant que l’on débat sur le Taper et les taux, on encadre la réflexion et on l’empêche de voir que ce qui est important, c’est… le change. Tant que l’on débat sur le change, on détourne l’attention du paramètre majeur, qui est… le risque, etc. On est dans le travail de l’illusion, tant il est vrai que l’illusion repose toujours sur le détournement de l’attention.

Donc il y a le narratif, le discours dominant, le discours disséminé et le consensus qui, ainsi, se fabrique. On démontre aisément que le narratif actuel repose sur la croyance généralisée en la toute-puissance des Banquiers Centraux.

Ensuite, il y a le réel, lequel à ses lois propres, et que l’on ne peut connaitre que par une approche scientifique, presque une approche désintéressée. Le narratif, lui, n’est jamais désintéressé. Même si la rémunération se fait souvent en autre chose que la monnaie, par exemple, en pouvoir ou honneurs.

Le réel, on ne fait que s’en approcher, il est toujours à chercher, presque toujours, dirais-je, à construire par l’intelligence et le travail. Ce n’est pas une donnée. On s’en approche dans certains lieux de travail, certaines universités, certaines fondations maintenant, mais on s’en approchera beaucoup plus, au fil du temps, quand toute la recherche historique aura fait son œuvre. C’est plus tard que l’on saura ce qui s’est passé. Ainsi, c’est maintenant que l’on commence à comprendre la nature et les causes profondes de la guerre de 1914.

Mais ce n’est pas parce que l’on ne connait pas le réel maintenant, ou parce qu’on ne le connait qu’imparfaitement, que le ce réel n’a pas ses lois et sa logique. Et ses lois et sa logique sont différentes de ce que les pilotes et le consensus disent. Confère ce qui s’est passé en 2007 et 2008 où le réel a refait irruption et a brisé le discours des dirigeants et du consensus. Le réel les a ridiculisés.

Nos dirigeants, cela en est presque comique, ne sont devenus dirigeants que parce qu’ils ont proclamé détenir la vérité sur la crise de 1929, donc parce qu’ils ont dénoncé le discours des Maîtres de 1929 et le consensus d’alors.

Ils sont incapables de prendre leur distance avec eux-mêmes et de considérer que sur le fond, ils sont exactement dans la situation des Maîtres de 1929, ils sont aveugles et persuadés de détenir la vérité! Les dirigeants actuels n’ont pas d’humour, de distance avec eux-mêmes, ils ne peuvent que vibrionner comme des  mouches dans un bocal. Ils sont à l’intérieur de la célèbre caverne.

Donc il y a le narratif, ou plutôt les narratifs qui, composés et synthétisés, forment ce que l’on appelle le Consensus avec un grand « c » et il y a le réel. Et nous le précisons, ce réel est en lui-même, et en même temps, en cours de construction et de découverte en interaction avec le narratif.

Ce que l’on appelle les modèles, c’est la mise en forme mathématique combinée, à la fois de la projection de l’idéologie dominante des années passées et le résultat de cette idéologie dominante sur le réel, l’interaction. Le modèle n’est pas le réel et encore moins la modélisation du réel, il est résultante en cours de construction, puis de découverte.

S’agissant du Pétrole, aucun modèle ne permet de comprendre ou d’anticiper la situation réelle ou à venir.

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C’est une résultante hautement complexe, aucune cause, aucun élément n’a pouvoir vraiment explicatif.

Le prix du pétrole a à voir avec -remarquez la formulation prudente-, a à voir avec:

  • – Le fondamental, la conjoncture, la croissance, la déflation, le rapport offre/demande etc.
  • – Le monétaire, les taux, la hausse du dollar car son prix est exprimé en dollars.
  • – La spéculation et l’emploi des liquidités.
  • – Le géopolitique du conflit sur l’Ukraine.
  • – Le géopolitique de la situation en Iran et au Moyen Orient en général.
  • – La nullité stratégique d’Obama incapable de choisir une ligne.

Etc. etc.

Le prix du pétrole est, comme on dit, surdéterminé par de multiples facteurs.

La question est de savoir quel est, dans la surdétermination, le facteur prépondérant en ce moment. Et cela, on ne  le sait… qu’en écoutant les discours, les discours dominants, les discours disséminés.

L’analyse financière ne sert à rien, cela fait des années que nous le répétons: les investisseurs feraient mieux de licencier les analystes et d’embaucher des spécialistes de la communication, des spécialistes de la politique, des spécialistes de la sociologie, des spécialistes du comportement des foules.

Et des détectives privés pour espionner les Maîtres puisque c’est ce que, eux, s’autorisent à faire avec nous.

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 BRUNO BERTEZ Le Mercredi 26 Novembre 2014 

illustrations et mise en page by THE WOLF

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6 réponses »

  1. Vous êtes observateur du marché depuis les années 80, Monsieur Bertez.

    L’Or noir a une place prépondérante dans son l’évolution, puisque même notre électricité y est indexée. L’opacité de sa couleur n’est rien par rapport son négoce.

    L’arnaque, c’est maintenant qu’elle prend tout le sens de sa démesure.

    Aucun ajustement sans destructions, voir même l’obligation de compenser les pertes avec toujours plus de taxes, de magouilles comptables, de fraudes, de mensonges, ext…

    Trois-quatre fois par semaines, actuellement, il y a des arrêts « techniques » sur les bourses. Quel joli mot pour justifier la main invisible, bien qu’elle laisse son empreinte indélébile.

    Des courroies de transmission ont lâché, oui, c’est La Guerre.

    C’est le coût de la vie, notre travail, nos productions, notre richesse qui financent cette arnaque. Ce qui est pris, est pris et notre sueur reste contre-productive, engloutie dans le gouffre de la surenchère.

    Combien de temps et de générations sacrifiés faudra-t-il ? le même temps que met un canon pour refroidir ? un certain temps, dans des temps incertains.

    Cette guerre, ce sont biens les devises de demain qui en sont l’enjeu. le soi-disant Saint-Graal de la domination mondiale. La politique de la terre brûlée n’est pas une option, c’est une norme ! La haine arrive, pas besoin d’avoir du nez pour la sentir.

    Et si cela fait le jeu des Maîtres, très vite, vous ne trouverez plus un gramme d’Or autre qu’en papier…. Car la seule issue pour les peuples, c’est de retirer le pouvoir monétaire d’une quelconque organisation mondiale dans un premier temps.

    L’exemple Juncker ou celui du Japon de ce mois sont suffisamment explicites pour comprendre les dérapages inadmissibles actuels.

    L’Or noir à 70$ le baril…Nous n’allons pas rouler en Cadillac pour autant…

  2. OK avec l analyse de monsieur Bertez.
    Reste le pb philosophique qu est ce que le réel quand tout passe en premier par la moulinette de notre cerveau lequel reste encore une énigme ,énigme qui doit être résolue par le cerveau….

    • Problème philosophique en effet qui suppose d’admettre dans le cas présent que la recherche de la vérité dans sa réalité nue est une quête permanente toujours inachevée et s’opposer ainsi à nos chers constructivistes qui restent persuadés que les effluves produites par leur cerveau sont la réalité…
      Aristote contre Platon…

  3. Merci , merci

    Vous me rajeunissez.
    Je travaille, j’analyse, j’opère, et je conseille sur les marchés depuis ….1966,
    c’est à dire 1 an avant ma sortie d’HEC!

  4. la fenetre de la convertibilité du dollar en oil a été fermée par obama
    (fin du peg oil que ce soit pour affaiblir ou renforcer le dollar et c’est pour ça que pas bcp l’ont pigé )

  5. Le rayonnement de votre esprit illumine nos réflexions, nos mémoires. La lumière est éternelle…

    Dans mes souvenirs, les années 70 furent décisives dans ce dénouement. Nixon, fin du dollar Or, crise pétrolière avec son embargo, début de la finance folle…

    Et puis les maths conservent bien, vous en êtes une preuve ! Mais inutile de vous flatter, votre caractère est suffisamment trempé.

    Alors, simplement, merci.

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