Douce France

Je ne suis pas Charlie Par Bruno Bertez

Je ne suis pas Charlie  Par Bruno Bertez

Comme vous vous en doutez, j’ai longuement hésité avant d’écrire ces quelques lignes. Prendre le contre-pied, s’opposer frontalement à un mouvement de masse, c’est être plus que téméraire, c’est être inconscient. 

Certains diraient même que le titre que je choisis est une provocation. Je ne le conteste pas car, comme les caricaturistes et journalistes de Charlie Hebdo, je pratique moi-même la caricature. Je force le trait, j’exagère, je grossis, pour frapper, pour retenir l’attention et ainsi, mieux convaincre. 

Le grand mouvement « Je suis Charlie » a quelque chose de dégoûtant. Qu’est-ce que cela veut dire « Je suis Charlie » ? Cela veut dire, je me prends, je me mets à la place de ceux qui ont mené un combat. Je ne précise pas le combat car ce combat était multiple. Ce qui est sûr, c’est que c’était un combat contre l’esprit dominant, contre la bêtise, contre la pensée unique, contre le conformisme. Je ne retiens pas des gens de Charlie Hebdo qu’ils étaient journalistes car je n’ai pas le sentiment, mais je peux me tromper, que leur intention première était d’informer. Je pense, qu’avant tout, ils voulaient bousculer, démystifier, chambouler, ils voulaient renverser des statues, faire bouger. C’était des iconoclastes. Pour moi, plus que des journalistes, c’était des combattants. Des combattants d’une certaine forme de liberté que je confonds pas avec la liberté de la presse. Certains propos de leurs dirigeants vont dans ce sens. 

Dans le combat qu’ils ont mené, on ne peut pas dire qu’ils étaient bien nombreux. Non seulement, ils n’étaient qu’une poignée, mais leur journal était diffusé à 30.000 exemplaires, c’est peu. C’est peu pour vivre, c’est peu pour progresser, c’est peu pour influencer. Les gens de Charlie Hebdo étaient donc, pour moi, des combattants, mais des combattants relativement isolés. Qui leur a apporté du soutien dans leurs différents combats et, en particulier, dans celui qui a causé leur perte. Bien peu. La  masse, la foule, les politiques, tous ces gens ont plutôt eu tendance à prendre leurs distances avec Charlie Hebdo lorsqu’ils ont publié ces pages sacrilèges sur l’Islam. Bien peu l’ont soutenu ou popularisé son combat quand il s’en est pris à la Charia. 

Que dire sur leur protection. Inadéquate, réduite à un minimum. Leur protection était purement formelle, cosmétique, un peu comme pour faire semblant. Derrière le dispositif, si on peut le qualifier ainsi, il n’y avait nulle réflexion, nulle tentative de prévenir efficacement. 

Charlie Hebdo était bien seul quand il était vivant, mais ils sont tous là, maintenant qu’ils sont morts. Ils sont tous là, ceux qui, selon moi, ont contribué au triste destin de Charlie Hebdo. Si Charlie avait été soutenu par un milieu favorable, par une opinion publique courageuse, ils seraient certainement encore vivants. Il faut oser, me semble-t-il, trouver scandaleux ce reversement de l’opinion et des pouvoirs et dire que c’est quand on est en vie que l’on a besoin de soutien, et non pas quand on est mort. Malgré leur grande ampleur, les manifestations actuelles ont quelque chose de dérisoire et j’avoue que c’est en raison de la honte qu’elles m’inspirent que j’ai écrit ces quelques lignes. Les Français sont plus prompts à agiter des petits panneaux, ce qui ne leur coûte rien, qu’à se lever et à se battre pour les vraies libertés. 

Je suis étonné de la discrétion dont on fait preuve à l’égard de l’un des meilleurs d’entre eux, Bernard Maris, cet économiste non-conformiste. Bernard Maris était un économiste d’exceptionnelle qualité. La preuve, il s’était montré ces derniers temps capable de dépasser l’économisme et de l’intégrer dans une réflexion beaucoup plus vaste, philosophique et sociologique. Si l’on avait fait autour des travaux de Bernard Maris ou autour de ses chroniques signées « Oncle Bernard » autant de tapage que l’on en fait maintenant, le débat économique français aurait été porté à un niveau supérieur à ce qu’il est maintenant. On serait rentré dans le vif du sujet. Mais Bernard Maris, ses travaux d’économiste, la récente évolution de sa pensée, tout cela n’intéresse personne car ce n’est pas récupérable. En parler maintenant dérangerait ceux qui orchestrent la grande mystification en cours. 

La grande mystification en cours, c’est celle de l’Union Nationale. Quel rapport y a t’il entre ce qui est intervenu mercredi dernier et l’Union Nationale, Grand Dieu ? Aucun. Absolument aucun. L’appel à l’Union Nationale est une escroquerie de communiquant politique : il s’agit de saisir l’opportunité de faire oublier une politique désastreuse, aussi bien de droite que de gauche, une politique qui divise. C’est cette politique qui divise, qui fragmente, qui disloque le corps social qui, précisément, nourrit le terreau sur lequel on peut semer le terrorisme. Le terrorisme prospère si les conditions lui sont favorables. Or, précisément, les politiques actuelles isolent les gens, renforcent les égoïsmes, brisent les liens sociaux et les solidarités spontanées. Je ne vise pas cette solidarité de façade que les politiciens ne cessent d’invoquer pour justifier leurs politiques scélérates. La politique intérieure est désespérante au sens fort, elle tue tout espoir. La politique extérieure est encore pire ; elle fabrique des ennemis. Certains réels, d’autres imaginaires. Cette politique étrangère se confère le droit de bombarder, de tuer sans discernement, de démoniser des populations entières avec l’aide d’un vocabulaire et de discours irresponsables. 

Je n’ai aucune idée de la personnalité des assassins. Ce sont eux qui ont tué, cela aurait pu en être d’autres. Les conditions sont prêtes, elles sont réunies pour que la barbarie se propage. Jusqu’à présent, les Français bien-pensants ont fermé les yeux ; pour eux, la barbarie, c’est ailleurs, mais l’action criminelle de ceux qui ont opéré devrait leur rappeler que la barbarie peut aussi faire ses ravages chez nous.  

Je ne vois personne dans les milieux responsables ou dans les médias qui comprenne que ces événements terribles devaient mériter mieux qu’une action publicitaire et qu’ils imposaient au contraire que l’on fasse progresser la conscience des Français, que l’on pose les vrais débats. Que l’on s’adresse à l’intelligence. Non. Ce qui a été choisi, c’est de massifier, de resserrer les rangs du troupeau. La démarche de Charlie Hebdo, qui a toujours été de lutter contre le troupeau, contre la bien-pensance, s’est trouvée trahie dès l’instant même de l’assassinat. Ils ont été assassinés une seconde fois. Politiciens de droite, de gauche, journalistes, commentateurs, ils sont tous complices pour dissimuler et enterrer les vraies questions, tous complices pour mettre le couvercle de l’émotionnel imbécile sur les questionnements qui s’imposent. 

Aux proches des victimes, à ceux qu’ils aimaient et qui les aimaient, je veux dire toute ma compassion. Je veux dire également toute mon admiration pour la démarche  qui animait l’équipe de Charlie Hebdo, sa révolte et son courage. Les contenus de leur journal, leurs idées, leur art, étaient le leur et ils avaient choisi d’aller jusqu’au bout.  Les admirer, ce n’est pas approuver toutes leurs idées et tous leurs choix, c’est saluer avec respect leur démarche.  Ils n’étaient pas inconscients, ils connaissaient les risques auxquels ils s’exposaient. Ils avaient décidé de monter sur les barricades. Ils en sont morts.

Bruno Bertez Le 9 Janvier 2015

209 réponses »

  1. J’ai pondu ceci en 1/4 d’heure, d’une seule traite, le 12 janvier, soumis à la modération le 13 et il a été publié le 14 sur C4N
    La loi « charlie » contre signée par 1 million de manifestants pour la liberté permet désormais de dire et d’écrire n’importe quoi, n’importe où, n’importe comment, y compris de blasphémer ou d’uriner sur les autels . . . ou encore par exemple dire que le socialisme est le meilleur moyen de ruiner un pays ! C’est devenu en soi une jurisprudence déboutant ainsi les ceusses qui cherchent des noises à tout un chacun.
    qui est ce tiers qui juge de l’incohérence des propos d’autrui, à moins que lui même . . .
    HALTE à la Charlie Mania
    Désormais critiquer Charlie c’est un blasphème !
    Rire de Charlie est et peut vous causer de l’urticaire !
    Charlie est personna grata, les autres non !
    Rien n’existe sans Charlie !
    Aujourd’hui Charlie est notre maitre à penser à tout, tout prêt !
    Même si vous n’aimez pas Charlie, aimez-le !
    Charlie est gentil, tout les autres sont méchants, tous y compris vous !
    Si vous ne pensez pas comme Charlie, soyez maudit !
    Lynch veille si vous dites du mal de Charlie
    Tout vous sera pardonné si vous louez Charlie (pas trop cher tout de même) !
    Charlie est le Ying et le Yang !
    Point de salut sans Charlie !
    Si vous voulez récupérer Charlie, rackez !
    Charlie nous sauvera tous, même si on n’y croit pas ?
    Faites ce que vous voulez, Charlie veille !
    Les millions de Charlie ne seront pas perdus pour tout le monde !
    Votre liberté s’arrête à celle de Charlie, autrement dit, oubliez la !
    Seule la gauche-de-la-bien-pensense peut parler au nom de Charlie !
    Saint Charlie ne priez pas pour nous ou alors discrètement !
    Je suis bouleversement charlivari(é) !
    On peut rire de tout mais pas avec n’importe quel Charliot !
    Big Charlie veille sur vous !
    Seule la pensée Charlie peut sauver l’humanité !
    Charlie est la lumière de l’existence, rien d’autre n’existe !
    Je ne crois en rien d’autre que Charlie !
    Tous les matins en me rasant je me regarde en rêvant à Charlie !
    Si vous oubliez votre prière à Charlie, lui ne vous oubliera pas !
    Charlie est omnipotent (impo(r)tent?) et vous sauvera demain, j’ai dit demain !
    La gauche a récupéré Charlie, il est son étendard et son symbole !
    Utiliser Charly à des fins personnelles est autorisé d’interdiction !
    Seuls les grands prêtres autoproclamés de la nouvelle religion Charlie peuvent parler en son nom !
    Le sacrilège suprême c’est de parler en mal de Charlie !
    La profanation des reliques de Charlie est soumise à déclaration préalable !
    Vous pouvez rire de Charlie mais seulement à vos risques et périls !
    Si vous riez de vous même prenez garde que ce ne soit pas en contradiction avec les nouvelles lois de Charlie!Avant de rire de Charlie vous devez déposer un dossier pour obtenir la permission (temporaire) !
    Seules les personnes autorisées à s’autoriser ont le droit de rire, en ce qui concerne Charlie il faut une autorisation spéciale !
    Aucune autre religion que Charlie n’est tolérée !
    Aucune autre doctrine politique que Charlie n’est tolérée !
    La charlisisation de la société est en marche, rien ne pourra l’arrêter !
    Vive les lendemains charliesques qui chantent !
    La célèbre formule de benito mussolini doit être modifiée comme ceci :
    Tout dans l’État-Charlie, rien contre l’État-Charlie, rien hors de l’État-Charlie.
    Charlie vous demande à tous de déraison garder !
    La charlimania à haute dose décérebre !
    Les charliphyles et les charliphobes sont à mettre dans le même panier !
    L’aubaine de la charlimania tombe à pic pour certains !
    Charlie est un soporifique pour oublier la situation catastrophique de l’économie !
    La prescription de suppositoires charlifiques n’est autorisée que les jours grévés !
    Charlie est une bénédiction pour relever le niveau d’impopularité d’incertain !
    La meilleure façon de parler c’est de charlifier !
    Le charlivisme est incompatible avec toute démonstration de modération et/ou de tolérance !
    Les charlivistes sont les adorateurs de Charlie, ils suivent ses préceptes aveuglément !
    Le charlivisme est la nouvelle religion d’état !
    Toute personne critiquant le charlivisme encoure des poursuites !
    À
    La loi « charlie » contre signée par 1 million de manifestants pour la liberté permet désormais de dire et d’écrire n’importe quoi, n’importe où, n’importe comment, y compris de blasphémer ou d’uriner sur les autels . . .
    et dire que le socialisme est le meilleur moyen de ruiner un pays !


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