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CGT 2015, l’offensive ou l’implosion par Nicolas Tandler

  CGT 2015, l’offensive ou l’implosion par Nicolas Tandler

Jamais la situation à la CGT n’a été plus grave, depuis 1895, date du congrès qui lui donna naissance. Même en 1939,  lorsqu’à l’automne, la fraction stalinienne de la Confédération syndicale fut mise hors-la-loi: à ce moment, les deux tiers de la CGT subsistèrent légalement, et le tiers communiste favorable au Pacte germano-soviétique se réfugia dans la clandestinité, malgré l’arrestation de ses principaux dirigeants.

Début 2015, l’organisation dirigée –si peu- pour quelques jours encore par le secrétaire général Thierry Lepaon, apparaît dépourvue de toute capacité d’action. Des luttes intestines la secouent, plus de personnes que d’oppositions entre stratégies, pour l’heure manifestement inexistantes.  Certes, des augures comme Raymond Soubie, qui donne le la de la politique sociale des gouvernants depuis des décennies, évoquent, de même que le quotidien officieux Le Monde, une lutte sourde entre « réformisme » et syndicalisme de « lutte de classes ». C’est faire beaucoup d’honneur aux factions en cause, qui ne se préoccupent que d’intérêts de fédérations professionnelles –l’opposition la plus marquée se décèle entre fonction publique et secteur privé-; depuis 1948, la CGT avait une ligne dictée à la fois de l’extérieur –le Parti Communiste-, et de l’intérieur, les représentants du PC dans sa direction. Louis Vianney et Bernard Thibault, les deux prédécesseurs de Thierry Lepaon, ont œuvré, d’abord discrètement, puis de manière plus ouverte, à la séparation entre le parti et le syndicat. Le PC traversant une longue crise, à savoir l’impossibilité, depuis l’abolition effective (et non plus seulement de forme) du « centralisme démocratique », de faire régner une discipline d’action dans ses rangs, a plaqué son désarroi sur ses membres cégétistes, de façon beaucoup délétère que dans son fonctionnement propre. 

                                                 Des grèves pour des indemnités de départ 

Chaque fédération professionnelle a agi sans se soucier d’une vision générale, chaque dirigeant a pratiqué une politique de boutique. Avec des résultats variés, les succès, modestes au demeurant, et souvent temporaires, se payant par des compromissions plus ou moins discrètes avec les gouvernements en place. Bernard Thibault était passé maître dans cette façon de faire, et il en fut récompensé par sa promotion internationale, à Genève, au Bureau International du Travail/OIT. Au détriment d’ailleurs de Force Ouvrière, mais ceci est une autre histoire. Si l’on suit dans leurs détails les grands conflits sociaux depuis le début du nouveau siècle, les « victoires » syndicales ont été remportées devant les tribunaux, beaucoup plus que par des grèves militantes. La CGT est devenue la grande spécialiste de « luttes » pour des indemnités de licenciement dépassant de loin les obligations légales. Le revers de la médaille a consisté dans le fait que les licenciés en cause, pour la partie éloignée de la retraite, n’ont pas retrouvé de travail, dans une proportion écrasante. Ce n’est pas par hasard, au demeurant, que Thierry Lepaon est devenu N° 1 de la CGT, avec comme titre de gloire d’avoir mené les opérations d’indemnisation des licenciés chez Moulinex. Un genre de combat dépourvu d’avenir réel à terme, même s’il contribue à augmenter « l’armée de réserve du capital » (Marx), annonciateur en principe de la fin du capitalisme. Mais plus on avance vers cet horizon, plus il recule. En tout cas, en France, depuis quarante ans, le chômage de masse a surgi, et a subsisté. La crise française, sous cet angle, ne s’est jamais interrompue. 

Quant au malaise cégétiste présent, il convient de revenir à sa genèse, fin 2014. Des « révélations » sur des dépenses du secrétaire général Thierry Lepaon sont parvenues à un hebdomadaire parisien, puis sont reprises par toute la presse. Malgré leurs imprécisions, et leurs erreurs factuelles, en particulier sur le montant des dépenses. Deux mois après, même scénario, toutes les publications sous-entendant, ou affirmant, que toutes les « fuites » viennent de l’intérieur de la CGT, à coup sûr de Montreuil, siège de la confédération. T. Lepaon finit par reprendre à son compte cette version. Mais il ne prononce jamais un seul nom, fût-ce par allusion.

En fait, il faut revenir à l’adage latin, « cherche à qui le crime profite ». La grève SNCF de l’été 2014 avait été très mal jugée par le gouvernement Valls. Lepaon avait été considéré comme ne « tenant pas ses troupes »,  incapable de comprendre les appels du pied, « l’intérieur supérieur du politique », etc. Une opération dénigrement s’enclenchait dans la presse, aussi bien de droite que de gauche. Enfin, se produisent les attaques ad hominem. En se défendant, Lepaon tombe dans le piège, il confirme des informations d’abord floues, aide involontairement à les préciser, s’enfonce. A noter qu’à aucun moment, il ne désigne les auteurs possibles de la manœuvre, censés se trouver autour de lui. Parce qu’il n’y en a pas. Si l’initiative relevait de l’interne, une équipe de rechange se serait aussitôt profilée. Or, il n’en existe pas à ce jour.  

                                                        L’offensive ou l’implosion 

On peut penser, sans risque de démenti, qu’un « service » a reçu instruction, de haut, de s’occuper du cas Lepaon. Vite.  Les fonctionnaires impliqués ont fait avec ce qu’ils avaient au départ, peu de choses, mais la boule de neige a entraîné l’avalanche. But de l’opération: créer suffisamment d’ennuis internes à la direction cégétiste, pour la détourner de grandes manœuvres sociales. Objectif atteint. La réussite a dépassé ce qu’elle recherchait. Aujourd’hui, et le PC a rappelé subtilement et néanmoins clairement le syndicat à l’ordre (L’Humanité du 7 janvier dernier), si la CGT ne se lance pas, et vite, dans des offensives revendicatrices audacieuses, elle marche tout droit à l’implosion. Les petits responsables l’ont compris plus vite que les hiérarques des fédérations professionnelles. Les conseillers sociaux du pouvoir s’interrogent ces derniers jours: si la CGT tourne en roue libre, ne va-t-on pas à des épisodes anarchiques dans maintes entreprises vitales? Et pas seulement dans les transports. Le climat général est mauvais, les salariés à qui l’on parle de déflation constatent des vagues de hausse de prix, et pas seulement dans les services publics. Une CGT livrée au combat des chefs n’assurera pas, moyennant quelques concessions plus ou moins consistantes, les apaisements nécessaires.

Malgré sa place de premier syndicat français, la CFDT, surtout structure de cadres, ne peut jouer le rôle cégétiste d’encadrement de grèves dures. Pas plus d’ailleurs que les autres confédérations, ni les trotskistes de SUD. Ceux qui ont lancé la machine infernale ne contrôlent plus la situation. C’est tout le paysage social français qui peut basculer dans les semaines à venir.

Nicolas Tandler Le 11 Janvier 2015

5 réponses »

  1. Quelques mots sur K Marx . Il l’a pas inventé ‘la lutte des classes’ çà lui est venue d’un autre , qui a étudié plus à fond la question et a conclu que la lutte des classes s’était transformée en lutte des classes . Il a pas cherché plus loin , pérsuadé en homme du 19e siécle d’un progrés linéaire , constant ou permanent . Une donnée , quoi . Le dévellopement des forces productives .
    Aujourd’hui , je crois que le pb se repose . On en a en haut qui font tout pour revenir à la lutte des races , et ils gagnent du terrain , on en est à la dérivée seconde , pas premiére , mais quand méme , ils contrent .
    La CGT elle a quelques pb concrets , ce sont d’autres races qui se dévellopent , et elles la jouent pas lutte de classes . Quoi faire ? Se laisser corrompre comme les autres , ou intégrer les questions de sexe ? Les questions de reproduction , c’est moins polémique .
    Alors là , y a un vrai dilemme , c’est ou le Capital ou le Travail . On a pas tout compris de K Marx . Mon emploi ou ma chérie , pour forcer le trait . Là on sait plus .

  2. Désolé , milles pardons , la lutte des races s’est transformée en lutte des classes , que j’ai voulu écrire .

  3. Il manque quelque chose dans mon commentaire . Les dominants c’est normal qu’il nous fassent le coup du sexe , sans patrimoine ou dot faut faire ses preuves , mais les dominés , on s’attendait pas à ce qu’ils nous fassent le coup . On a pas réalisé que pour eux on est riche .

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