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L’Edito du Mercredi 22 Avril 2015: Face à la question grecque, il faut sortir de la morale Par Bruno Bertez

L’Edito du Mercredi 22 Avril 2015: Face à la question grecque, il faut sortir de la morale Par Bruno Bertez

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Nous avons renoncé à suivre au jour le jour l’actualité du conflit grec. Notez que nous qualifions cette affaire de « conflit », alors que nous devrions en bonne logique objective ne parler que de « problème grec ».

La question Grecque est une question de macro-économie qui est mal posée, car elle est posée à la fois en termes moraux et en termes politiques. 

En termes moraux car il est évident à lire les déclarations, que ce qui domine, c’est la volonté de punir le peuple Grec, de le briser et de lui faire payer les erreurs et fautes passées. Cela est particulièrement net dans les propos tenus par les Allemands et leurs suiveurs comme les Espagnols et les Français. Les Grecs, à les entendre sont coupables, donc nous sommes dans la morale.

Les fautes passées, c’est son comportement de pays du Sud, une certaine nonchalance, une absence de rigueur dans la gouvernance. Les fautes passées, ce sont les caractéristiques du système Grec, de sa société et de son identité. 

Les erreurs passées, ce sont les erreurs des plans successifs qui ont été imposés et acceptés. A cet égard, il faut oser dire que ces plans étaient mal conçus, qu’ils reposaient sur des théories et des mécanismes économiques qui se sont avérées inadaptés, comme le fameux multiplicateur fiscal qui a plongé le pays dans la récession sans rééquilibrer les comptes. Les théories du FMI, des eurocrates et de la BCE ne s’appliquent pas à un corps social, économique et culturel qui n’en est pas redevable. Le système Grec n’était et n’est toujours pas le système idéal sur lesquels les apprentis sorciers ont travaillé. Il est différent et l’économie, c’est une somme de comportements.

Le diagnostic établi sur la situation Grecque était trop approximatif, le malade n’était pas ce que l’on croyait, il a réagi autrement que prévu. Les remèdes ont été pire que le mal, ils ont fait d’un problème à 30 milliards d’euros, une impasse à 230 milliards, ils ont mis la population au chômage improductif et disloqué les mécanismes de production, détruit les institutions et délégitimé l’organisation politique. 

La moralisation des questions économiques est un vieux problème et dans le passé on l’a résolu en abandonnant la catégorie « morale » et en la remplaçant par le calcul économique du « bien commun ». Au lieu de considérer le système Grec et sa seule culpabilité, il convient et on y viendra, de considérer le système européen comme un tout, comme une entité totale dans laquelle les déséquilibres des uns se retrouvent ailleurs et ou les pertes des uns pèsent sur la prospérité de l’ensemble. Ce qui est choquant, c’est de constater que ceux qui prétendent considérer l »Europe comme un ensemble viable sont incapables de raisonner en termes globaux, de bien commun, il s sont les premiers à avoir un raisonnement non systémique, un raisonnement en termes de parties et non pas en termes de « tout » ! 

Tout créancier normal et rationnel sait que la valeur de ses créances repose sur la capacité du débiteur à produire des richesses et à se mettre au travail. Dans le cas Européen, on l’oublie et on veut que la Grèce accepte de se plier à des réformes qui sont destructrices et gaspilleuse de richesses présentes et potentielles. On détruit la capacité Grecque à produire les ressources nécessaires au remboursement. 

Mais il y a plus, on entretient l’incertitude partout en Europe, sinon dans le monde, on pousse à l’extrême les risques, ce qui fait que cela est contre-productif et contrarie les actions stimulantes ou supposées telles de la BCE, de la baisse du change et de la chute du cours des matières premières. Le passage à vide actuel est flagrant, le bon sens commande d’en imputer la cause à l’incertitude de la situation. Une épée de Damoclès est suspendue sur le système Européen et même mondial en raison des conséquences non connues d’un éventuel défaut Grec et en raison des effets de contagion non maîtrisés. On a vu les primes de risque se retendre sur les pays du Sud. Les banques sont obligées d’en tenir compte, cela renforce la frilosité et pèse sur les prises de risque en matière de crédit. Les remarques Américaines récentes le soulignent à juste titre. 

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Le calcul rationnel, économique et financier qui est seul porteur de solutions optimum est celui des avantages et des inconvénients qu’il y a à étudier une restructuration de la dette, des dettes Grecques. On ne peut à la fois se vouloir « un ensemble » et raisonner en termes de parties, cela est contradictoire et donc gaspilleur et inefficace. Une restructuration technique, c’est à dire fondée sur les mécanismes qui ont été éprouvés dans le passé, peut optimiser aussi bien la situation du partenaire Grec que la situation de l’ensemble européen et des créanciers divers. L’optimisation restaurera la capacité de remboursement de la Grèce, donc valorisera réellement et non fictivement les dettes de ce pays. Le renforcement donnera une vraie valeur aux créances alors que celle ci n’est que fictive et soutenue par la BCE c’est à dire par l’ensemble des contribuables européens et singulièrement allemands. 

Une restructuration n’est pas un cadeau, c’est une opération vérité, réaliste. On ne gagne rien à tenter de maintenir la fiction de valeur de ce qui est non recouvrable. 

L’argument de la psychologie, de l’exemple et de la contagion ne tient pas. Il est souvent invoqué, c’est l’argument des juristes, or Schauble est malheureusement un juriste, pas un économiste ; plus c’est un aigri, un père fouettard. 

Germans Furious After Varoufakis/Tsipras Admit "Greece Will Never Repay Its Debts" | Zero Hedge | The France News Net - Latest stories | Scoop.it

Schauble ne veut pas que l’exemple Grec soit utilisé par les Italiens et les Espagnols par pour obtenir de rabais sur leurs dettes, c’est un argument de juriste simplet qui conduit à punir les délinquants pour l’exemple afin que d’autre se soient pas tentés de les imiter. 

Cela n’a jamais empêché la délinquance, cela ne fait que donner des satisfactions de vengeance à ceux qui se considèrent comme victimes. La catégorie de l’économique et du politique n’est pas assimilable à celle du juridique, on l’a vu dans l’histoire lorsqu’il s’est agir de restructurer et de rendre supportable … les dettes Allemandes. Là, la sagesse et le réalisme ont prévalu, grâce il faut le dire aux anglo-saxons, ils ont une attitude et des logiques plus adaptées face à ce type de question. 

Et puis il y a la question politique, elle crève les yeux, mais on n’en parle pas. Dans cette affaire, c’est l’Allemagne qui prend une fois de plus le leadership, elle impose ses vues. A un tel point que, même ceux qui pensent autrement n’osent pas l’exprimer. La position de la France en bonne logique devrait être celle de la raison, pas celle de la générosité ou de l’amitié comme le suggère Giscard, non elle devrait être le pays qui, grâce à sa situation moyenne fait prévaloir, le bon sens, le calcul raisonnable et l’intérêt général de l’Europe. Hélas, la France n’est gouvernée, c’est le chien crevé au fil de l’eau, le suivisme béat.

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BRUNO BERTEZ Le Mercredi 22 Avril 2015 

illustrations et mise en page by THE WOLF

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8 réponses »

  1. « Ce qui est choquant, c’est de constater que ceux qui prétendent considérer l »Europe comme un ensemble viable sont incapables de raisonner en termes globaux, de bien commun, il s sont les premiers à avoir un raisonnement non systémique, un raisonnement en termes de parties et non pas en termes de « tout » !  »

    C’est affreux, je me rends compte que c’est exactement mon type de raisonnement pour la Grèce ! Je vais avoir besoin de réfléchir un peu. Je comprends l’agacement des allemands qui ont fait des efforts pour la réunification devant le côté cigale des grecs.
    Là où je vous rejoins complètement, c’est que le créancier veut un débiteur capable de produire de la richesse pour rembourser sa dette.
    Cordialement, Nathalie MP

  2. Dans l’Union Européenne, il n’y a pas que la Grèce.

    Neuf pays de l’Union Européenne sont en faillite.

    La Grèce, l’Italie, le Portugal, l’Irlande, Chypre, la Belgique, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni sont en faillite.

    Chiffres Eurostat publiés le mardi 21 avril 2015 :

    1- Médaille d’or : Grèce. Dette publique de 317,094 milliards d’euros, soit 177,1 % du PIB.

    2- Médaille d’argent : Italie. Dette publique de 2134,920 milliards d’euros, soit 132,1 % du PIB.

    3- Médaille de bronze : Portugal. Dette publique de 225,280 milliards d’euros, soit 130,2 % du PIB.

    4- Irlande : dette publique de 203,319 milliards d’euros, soit 109,7 % du PIB.

    5- Chypre : dette publique de 18,819 milliards d’euros, soit 107,5 % du PIB.

    6- Belgique : dette publique de 428,365 milliards d’euros, soit 106,5 % du PIB.

    7- Espagne : dette publique de 1033,857 milliards d’euros, soit 97,7 % du PIB.

    8- France : dette publique de 2037,772 milliards d’euros, soit 95 % du PIB.

    9- Royaume-Uni : dette publique de 1600,862 milliards de livres sterling, soit 89,4 % du PIB.

    http://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/6796761/2-21042015-AP-FR.pdf/7466add3-3a70-4abb-9009-bc986a5d2c0a

  3. « on veut que la Grèce accepte de se plier à des réformes qui sont destructrices et gaspilleuses de richesses présentes et potentielles. »
    Quelles réformes ?
    La Grèce a-t-elle déjà mis en place des réformes ?
    Comme les réformes de la France, elles ont dû m’échapper…

    Les réformes efficaces ne peuvent se faire par une approche « par le haut ». Il faut une volonté populaire et un accord populaire, qui n’existent pas en Grèce.

    Si le débiteur est incapable de produire de quoi rembourser, le créancier déchire ses créances, ne fait plus crédit et passe à autre chose. C’est la dure loi du capitalisme, il ne peut fonctionner que si la faillite est possible. La perte sanctionne les mauvais investissements et ceux qui font les erreurs sont ceux qui payent. C’est ainsi qu’on apprend de ses erreurs…

    Aucune morale là-dedans, simplement un système où l’on n’est pas responsable de ses erreurs n’est pas efficace.

    • Je me trompe peut -être mais j’ai l’impression en vous lisant que vous appliquez « la dure loi du capitalisme » à un système qui ne l’est pas. Un pays n’est pas une entreprise, ou une collection d’entreprises. Le politique n’est pas l’économique et le géopolitique encore moins. je ne suis pas sur que l’assimilation soit pertinente.

      Schumpeter, c’est bien pour la microéconomie, déjà moins bien pour la macro et encore moins pour la politique. Vous avez cependant le droit d’assimiler les deux, mais ce n’est pas ainsi que cela fonctionne.

      Vous êtes sur une voie parallèle, votre propos n’est pas adapté, en particulier lorsque vous dites:
      « la perte sanctionne les mauvais investissements et ceux qui font les erreurs sont ceux qui payent « .

      Suggérez vous la solution radicale qui voudrait que les banquiers qui ont mal apprécié la solidité du crédit de la Grèce perdent leurs créances et soient mis en faillite ou suggérez vous que c’est la Grèce qui doit être mise en faillite?

    • On ne mélange pas des choux et des carottes, des pommes et des poires, des Allemands et des Grecs…

      L’erreur des Allemands c’est de vouloir vassaliser les autres nations européennes dans le but de trouver de nouveaux marchés et consommateurs à ses produits issu de son capitalisme rhénan performant…L’erreur des Grecs c’est de l’avoir accepter en pensant que l’on pouvait raser gratis ad eternum et qu’il n’y aurait jamais un prix à payer… Le tout au nom de l’idéologie mortifère qu’est l’idéologie européenne totalitaire qui au nom d’un pseudo universalisme européen nie les différences, toutes les différences…Ne laissant personne respirer à son rythme de…développement…et selon un mode adapté à son contexte…social, politique et économique

      Autre point important le seul capitalisme que connaisse la France ou la Grèce est le capitalisme monopolistique d’état…En cela les pays latins ont plus à voir avec la Chine qu’avec l’Allemagne et l’école autrichienne…… qui a plus à voir avec la Suisse ou l’Italie du Nord…Dailleurs au passage les Allemands devraient de mêler plus souvent de leur c…ils ont fort à faire il me se semble avec la partie Est de leur nation..

  4. Merci, cher Lupus, de soutenir le débat. Je suis flattée.

    Le problème de la politique et de la démocratie actuelle c’est que ceux qui font les erreurs n’en payent pas le prix. Donc pas d’apprentissage et pas d’efficacité possible.

    « L’économie » au sens donné aujourd’hui à ce mot n’est QUE politique. Voir Ha-joon Chang, professeur à Cambridge. Sinon, il n’y aurait pas de taux d’intérêt négatifs.

    Les créances grecques ne sont plus dans les banques commerciales. Elles sont « au bilan des banques centrales », terme pudique pour dire dans les mains des contribuables (garants en dernier ressort avec l’argent qu’ils sont censés gagner dans le futur ou bien les impôts qu’on va lever).

    Laissons la Grèce se débrouiller avec ses chimères. Soyons grands et généreux. Tirons un trait sur les créances et arrêtons le massacre. Plus de prêt. Les Grecs apprendront à vivre sans « l’argent des autres ».
    Les Français aussi y viendront….
    C’est très douloureux de vivre sans l’argent des autres, mais c’est indispensable pour rester libre.

    • Bonjour Simone, le seul obstacle mais il est de taille à laisser vivre la Grèce sa vie de nation indépendante c’est l’interconnection sousjascente au système pris comme une globalité ou vous ne pouvez mettre en péril un élément sans mettre en péril tous les autres…c’est que j’appelle de l’intégration, de la convergence divergente à marche forcée qui ne dit pas son mais produits ses effets…C’est un voyage aller ou il n’est pas prévu de retour et c’est cela la construction européenne…Pas d’exit possible…comme sur l’ile de la fameuse série Le Prisonnier..

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