Risques géopolitiques, sociaux, environnementaux et sanitaires

Etats-Unis: Le sévère contrecoup de la sécheresse

Etats-Unis: Le sévère contrecoup de la sécheresse

John Plassard  /Mirabaud Securities LLP/ Agefi Suisse  27.04.2015

états-Unis. La Californie en particulier souffre de périodes de sécheresse successives sans précédent depuis quatre ans. Sérieux impact économiques.

California’s Reservoirs Are Miserably Low

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Le réchauffement climatique suscite de nombreux débats depuis des années. Selon certains éminents spécialistes, le phénomène du réchauffement n’est plus constaté depuis 1997, malgré l’augmentation des émissions massives de gaz carbonique durant cette période. Pour d’autres, il prend de l’ampleur.

Quelle que soit la vérité scientifique, aujourd’hui, le constat est le suivant: les Etats-Unis connaissent l’une des pires sécheresses jamais connue. Il convient ici de comprendre les implications économiques majeures pour l’économie américaine et de ne surtout pas minimiser la situation.

  • Quelques statistiques

Plusieurs scientifiques et experts de renom pensent que l’humanité est en train d’atteindre le pic de l’eau, c’est-à-dire le moment auquel l’eau potable est consommée plus rapidement qu’elle n’est reconstituée (ou disponible). Vous trouverez ci-dessous une liste de statistiques concernant la consommation de l’eau.

  • l Les ressources d’eau potable

70% des ressources d’eau sont confinées en tant que glace ou neige permanente, près de 30% sont stockées de manière souterraine et 0,3% se trouvent dans les lacs et les rivières.

  • l Les usages de l’eau

69% de l’eau est destinée à l’irrigation, 15% à la production d’électricité, 8% à des utilisations domestiques, 7% à l’industrie manufacturière et finalement 1% à l’élevage.

  • l Les besoins en eau

On estime, en moyenne, que les besoins en eau d’une personne par jour pour survivre dans un climat modéré sont compris entre 2,2 et 5 litres. Il faudrait en moyenne 50 litres d’eau pour boire, cuisiner, se laver et couvrir ses besoins sanitaires. Aux Etats-Unis, un citoyen «moyen» utilise de manière journalière entre 245 et 300 litres d’eau. En Hollande, la consommation est de 100 litres alors qu’en Gambie, elle n’est que de 4,4 litres par jour. Chaque année sont consommés globalement 9 milliards de mètres cube d’eau (si l’on inclut les besoins directs et indirects). Chaque année est extraite de la nappe phréatique plus vite qu’elle ne peut être remplacée assez d’eau pour remplir 100 millions de piscines olympiques.

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Les Etats-Unis

l La Californie

Depuis quatre ans, la Californie est confrontée à des sécheresses successives sans précédent. 80% de l’eau est consommée par l’agriculture qui exporte en marchandise 13,6 milliards de dollars par an et emploie près d’un demi-million de salariés.

L’été s’annonce encore plus terrible d’autant que dans la Sierra Nevada, au 1er avril, les réserves de neige étaient nulles. Elles s’élevent généralement à 5% du stock moyen de début de printemps. S’il n’y a pas de neige, il n’y aura donc pas d’eau dans les fleuves Sacramento et San Joaquin par exemple.

Le 1er avril 2015, Jerry Brown le gouverneur démocrate de l’Etat a annoncé toute une série de mesures d’économie. Pour la première fois de son histoire, la Californie a choisi le rationnement. Peu importe si ces mesures ne portent que sur 20% de la consommation totale, car une nouvelle fois l’agriculture est absente tout comme l’industrie et en particulier l’industrie pétrolière qui consomme pourtant des tonnes d’eau dans la fracturation hydraulique (les fluides de fracturation sont composés à 99,5% de sable et d’eau et de seulement 0,5% d’additifs).

l Le Nevada

Sans refaire l’histoire de Las Vegas, il convient de rappeler que la ville qui ne dort jamais ne reçoit que 10 cm de pluie par an. Son approvisionnement en eau dépend à 10% du lac Powell, dans l’Utah, l’Etat voisin. Or, le lac artificiel a perdu plus d’un tiers de sa capacité de stockage en quinze ans. Les 90% restants proviennent du lac Mead voisin. Ce dernier est alimenté à 97% par le Colorado. Mais le puissant fleuve perd de sa vigueur année après année. Pour revenir à la «normale», il faudrait que le lac Mead monte très rapidement de 7%, ce qui semble impensable puisque le niveau du Lac se réduit à vue d’œil. Les experts estiment qu’à ce rythme, l’une des deux conduites situées à 320 mètres de profondeur, et qui approvisionnent Las Vegas, sera bientôt inutilisable.

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Implication pour l’inflation

En 2012 les Etats-Unis avait connu la pire sécheresse de ces 60 dernières années. A l’époque, 88% du maïs américain était cultivé dans des régions frappées par la sécheresse. Celle-ci touchait aussi d’autres récoltes et formes d’agriculture: 44% du bétail américain et 40% du soja américain se trouvaient eux aussi dans des zones touchées par le manque d’eau. Pour 2011, les dégâts subis par les Etats-Unis étaient estimés à 14 milliards de dollars, c’est là encore un record historique dû à l’action conjointe des blizzards, tornades, inondations, ouragans, sécheresses, vagues de chaleur et autres incendies.

En 2013, les américains avaient donc fait face à une augmentation du prix des denrées alimentaires, conséquence directe de la plus grave sécheresse enregistrée depuis 1963. Il y avait eu un impact sur l’inflation, malgré le fait qu’il avait été modeste. En effet, il convient de rappeler que les denrées alimentaires ne représentent que 14% de l’Indice des prix à la consommation (IPC). Ainsi, une hausse de 4% de l’inflation des prix des denrées alimentaires au détail ne se traduirait que par une augmentation de 0,6% de l’ensemble de l’inflation.

Au niveau international, au titre de plus grand importateur de produits agricoles américains, la Chine avait été la première touchée par la sécheresse qui ravageait les terres américaines en 2012 (en 2011, la Chine avait importé 16 milliards d’euros de soja, maïs, coton et cuir des Etats-Unis, détrônant le Canada pour la toute première fois).

Rappelons que l’Empire du Milieu dépend tout particulièrement du soja, une source d’alimentation animale cruciale pour les énormes fermes à cochons du pays.

Si la hausse du prix de l’alimentaire entraîne une forte inflation, le gouvernement chinois aura donc plus de mal à gonfler sa masse monétaire et à relancer la croissance; une priorité pourtant, vu le ralentissement récent de son économie. De plus, par le passé, la hausse des prix de l’alimentaire a toujours engendré plusieurs sources de mécontentement en Chine, voire des soulèvements sociaux.

Finalement, si l’on examine les récents chocs sur le prix des produits de base (exemple des années 2007-2008), il y a quelques enseignements à en tirer, notamment que tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. Les chocs alimentaires sont plus susceptibles d’avoir des effets inflationnistes durables dans les pays où l’alimentation représente une proportion substantielle du panier de biens et de services mesuré par l’indice des prix à la consommation (IPC).

Il est avéré que plus le taux d’inflation est élevé avant le choc, plus l’effet inflationniste est important. Après le choc de 2008, par exemple, les économies qui avaient une inflation initiale supérieure à 10% ont connu en moyenne une accélération de l’IPC supérieure de 6 points à celle des pays où l’inflation préexistante était inférieure à 10 %.

Une inflation faible et stable s’accompagne donc d’un moindre effet inflationniste sur les produits de base.

Implication pour l’immobilier

Alors que tous les spécialistes s’accordaient à dire que le mauvais temps qu’il a fait sur la côte Est des Etats-Unis était une mauvaise nouvelle pour le secteur de l’immobilier (notamment pour les reventes de logements), il semble cependant que la sécheresse que connaît la côte Ouest ait une influence encore plus élevée. En effet, les mises en chantier dans cette région sont en baisse pour le troisième mois consécutif en mars 2015, s’effondrant de 19%, au plus bas depuis mai 2014.

Cette influence est confirmée par le fait que la construction a rebondi très logiquement, après l’hiver rigoureux 2014-2015, dans quasiment toutes les autres parties du pays (notamment dans le nord-est et le mid-ouest). La sécheresse décourage actuellement les entreprises de construire ou de faire des demandes pour des nouvelles constructions comme le confirme le chef économiste de la NAHB (National Association of Home Builders) de Washington, David Crowe. Et ceci ne concerne pas seulement la Californie ou Las Vegas puisque 21% des Etats-Unis (exceptés l’Alaska et Hawaï) ont connu à la fin mars 2015 leur «catégorie de sécheresse» élevées de modéré à extrême.

Même si cette situation climatique devait être temporaire, elle a et aura des implications claires sur le secteur de l’immobilier américain.

Implication pour les Etats

L’Etat de la Californie représente plus de 10% de la population américaine. Si la sécheresse devait s’intensifier, il est sérieusement envisageable qu’une partie de la population soit forcée de migrer vers d’autres Etats. Cette perspective, si elle peut actuellement faire sourire, est prise très au sérieux par les autorités californiennes et fédérales américaines. Ces dernières rappellent qu’historiquement, les périodes de sécheresse intense ont poussé une certaine partie de la population touchée à quitter les zones arides.

Ce nouvel été meurtrier qui, s’il se confirme, s’avèrerait être l’un des pires jamais connu par cette région, pourrait pousser les Californiens à migrer hors de l’Etat avec les conséquences économiques que cela implique. En examinant les cas «extrêmes» qui se sont produits aux Etats-Unis, on se souvient que l’ouragan Sandy avait fait fuir plus de 800.000 personnes. Si l’on remonte encore un peu plus dans le passé, le fameux épisode du «dust bowl» des années 1930 (tempêtes de sable et l’érosion due au vent) avait poussé de nombreux agriculteurs des Grandes Plaines d’Amérique du Nord à émigrer vers la… Californie! Les études montrent un fort impact de la température et des périodes de sécheresse sur la productivité agricole et la migration. D’une part car certaines plantes produisent moins, et, d’autre part, au-dessus d’une certaine température, le travail physique devient pénible pour l’homme. Les gens deviennent donc plus vulnérables et sont ainsi forcés de quitter leurs habitations et fermes.

En conclusion, il faudrait énormément de pluie pour que les conditions s’inversent radicalement dans les Etats américains touchés par l’une des pires sécheresses frappant les Etats-Unis. Un représentant du gouvernement californien vient même de déclarer que les conditions actuelles dans le comté de Tulare (centre de la Californie) ressemblaient à «un pays du tiers-monde». Ce n’est en tout cas pas la fonte des neiges qui pourrait sauver la Californie, puisque le niveau d’or blanc enregistré dans la Sierra Nevada est à au plus bas niveau jamais enregistré.

La thématique devrait donc nous accompagner tout au long de l’année et avoir des implications économiques et politiques pour les Etats-Unis, qu’il convient de ne pas minimiser.

http://www.agefi.com/quotidien-agefi/europe-monde/detail/edition/2015-04-27/article/etats-unis-la-californie-en-particulier-souffre-de-periodes-de-secheresse-successives-sans-precedent-depuis-quatre-ans-serieux-impact-economiques-397174.html?catUID=16&issueUID=836&pageUID=24989&cHash=bb43dc5acf6635a2a07f7d4d97d5b768

La Californie asséchée rationne encore une fois son eau

PAR AFPE 15/4/2015

L’organisme qui distribue l’eau en Californie du sud va couper de 15% la quantité d’eau qu’il procure aux sociétés de distribution locales, mettant ainsi en place des restrictions demandées par le gouverneur de Californie face à la sécheresse

Le conseil d’administration de Metropolitan Water District (MWD), l’organisme de distribution d’eau pour le sud de la Californie (ouest des Etats-Unis) a voté mardi une baisse de 15% de la quantité d’eau fournie aux 26 agences de services locales qu’il dessert.

C’est la quatrième fois seulement que le MWD prend de telles mesures.

«La Californie du sud montre l’exemple depuis plus de vingt ans en matière d’économies d’eau et à présent nous demandons aux gens d’en faire beaucoup plus», a commenté Randy Record, président du conseil d’administration du MWD. «Nous savons que ce sera difficile, mais nous faisons face à une sécheresse sans précédent», a-t-il ajouté.

Les restrictions des allocations imposées à chaque ville ou agence de distribution locale déprendront de leur dépendance à l’approvisionnement en provenance du MWD et des mesures d’économie déjà mises en place.

Les villes et agences qui utilisent plus d’eau que les quantités allouées devront payer des pénalités.

Ces restrictions sont les premières mesures concrètes après 25% d’économies d’eau obligatoires édictées au début du mois par le gouverneur de la Californie, Jerry Brown.

Les dirigeants du MWD ont aussi fait savoir qu’ils allaient aussi lancer des campagnes d’information pour encourager les économies d’eau, travailler avec l’Etat pour le financement de mesures d’incitations, et pour contrôler la consommation des agences locales afin de s’assurer qu’elles respectent les limitations.

La sécheresse catastrophique qui touche l’ouest des Etats-Unis met à rude épreuve les nappes d’eau souterraines et menace l’approvisionnement en eau dans cette région où vivent 40 millions de personnes.

Parmi les mesures annoncées début avril par Jerry Brown, la Californie va demander le remplacement de 4,6 millions de mètres carrés de pelouses, qui deviennent indésirables car trop gourmandes en arrosage, par des plantes peu consommatrices comme les cactus, les agaves ou les plantes succulentes.

Jerry Brown a par ailleurs ordonné la création d’un programme de rabais pour remplacer les vieilles installations d’eau et d’électricité par des modèles et technologies plus économes, notamment les goutte à goutte.

Il y a une semaine, les autorités californiennes avaient déploré les «piètres» économies d’eau, jusqu’à présent sur la base du volontariat, que des habitants de cet Etat ont initiées: 2,8% en février sur un an seulement. 

5 réponses »

    • L’or bleu : L’eau, le grand enjeu du XXIe siècle de Barlow Maude et Clarke Tony expliquait et prévoyait en 2007 (pour la version poche française) plutôt bien ce qui arrive actuellement à ce sujet.

  1. l’homme n’est bon qu’à faire un monstrueux gachis des ressources naturelles ; ainsi en est il pour l’eau , que l’on soutire à notre planête sans compter ; puisque l’homme n’est pas capable de se contenter de ses réels besoins , dame nature lui met le couteau sous la gorge et l’obligera à se restreindre ; l’homme ne mattera pas la nature , c’est elle qui le méttra à genoux ;

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