Art de la guerre monétaire et économique

Le discours de la Méthode Par Charles Gave

Sur ce site, je fais part à qui veut bien nous rendre visite  de mes analyses et réflexions et bien des lecteurs sont assez aimables pour commenter et discuter mes petits papiers « en temps réel », ce que j’apprécie énormément.

Certains, à juste titre me font savoir que je me suis trompé ici ou là, et ils ont bien raison, ce qui m’amène à écrire ce petit discours de la méthode.

La première chose dont je suis convaincu est que se tromper n’est pas grave. Il faut simplement, quand cela se produit, analyser la situation nouvelle, comprendre pourquoi et comment l’erreur a eu lieu et ajuster le tir à nouveau.

Prenons un  premier exemple.

Devant la perte de popularité flagrante d’Obama, je m’attendais à ce qu’il soit battu par Romney lors de la dernière élection Présidentielle aux USA. Obama perdit plus de 7 millions de voix par rapport  à sa première élection, ce qui était gigantesque, mais Romney en perdit prés de 4 millions par rapport  à Mc Caïn, ce qui fut une énorme surprise, en tout cas pour moi.

Je n’avais pas compris à quel point Romney était détesté par les gens du « tea party ». La conclusion à tirer de cette erreur est que les candidats Républicains centristes n’ont aucune chance d’être élus, une partie importante des électeurs Républicains ne se déplaçant pas pour voter pour quelqu’un qui ressemble par trop au candidat Démocrate.

Leçon retenue.

Prenons un deuxième exemple, l’Euro.

Lorsque ce monstre financier a vu le jour, j’ai écrit force livres et articles pour expliquer qu’il allait  détruire l’Europe de la diversité que j’aimais.

Et puis, j’ai regardé la bête évoluer.

De 2000 à 2007, rien à signaler, rien à faire.

A partir de 2007/2008, la crise financière s’installe et il devient très rentable d’acheter des obligations allemandes et de vendre des obligations Grecques ou Espagnoles  en vendant également les titres des banques partout en Europe, ce que je fis avec abandon.

Arrive 2012 et l’explosion à la hausse des taux dans toute l’Europe du Sud, tandis que le futur de l‘Euro apparait bien compromis.

Curieusement, c’est à ce moment la que je recommande d’acheter des obligations Italiennes ou Portugaises et de vendre des obligations Allemandes tant la différence des taux entre ces pays du Sud est devenue importante et couvre le risque de change, même si ces monnaies venaient à sortir de l’Euro.

Arrive monsieur Draghi, qui dit qu’il fera tout ce qui est nécessaire et donc il me parait raisonnable de garder les positions sur le Sud de l’Europe et de couvrir les positions  à découvert sur les obligations allemandes.

Mais là, il se passe quelque chose que je n’avais absolument pas anticipé.

J’avais toujours fait mes raisonnements en pensant que les traités seraient respectés et que la Bundesbank y veillerait. En fait, ces traités n’étaient que des chiffons de papier et j’avais surestimé le pouvoir de la banque centrale allemande.

Et cela devint tout a fait évident en  fin 2014, où  monsieur Draghi nous annonce qu’il va procéder a un « Quantitatif Easing » massif dont la première conséquence sera une baisse de l’Euro.

Je recommande donc d’acheter des obligations en dollar.

Ce que j’essaie de montrer, c’est bien sur que l’Euro a duré beaucoup plus longtemps que je ne le pensais (ce qui était une erreur de ma part) tant la pression technocratique pour son maintien a été immense, mais qu’il était possible de s’ajuster de façon rationnelle à  tout ce qui se passait au fur et à mesure que les autorités changeaient les règles du jeu.

Et aujourd’hui, je suis bien embêté.

Nous sommes arrivés à un tel état de démence dans les  politiques monétaires en Europe que je ne sais plus comment me protéger, tout en restant en Europe.

Par exemple, des taux d’intérêts négatifs veulent dire, en termes philosophiques, que le futur est plus certain que le présent,  puisque les taux d’intérêts servent  à nous protéger contre les incertitudes du futur, ce qui est d’une idiotie crasse.

Le futur ne PEUT PAS être plus certain que le présent, sauf dans le monde des banquiers centraux bien sur.

Bref, je n’ai pas le moindre doute que l’Euro est un désastre, mais je n’ai plus la moindre idée non plus des outils de marché que je pourrais utiliser pour me protéger. La seule solution est de sortir d’Europe et d’investir dans des pays vaguement « normaux » en Asie par exemple, mais c’est à peu prés la seule solution rationnelle que je trouve.

Je me retrouve de fait obligé de gérer de l’argent de façon rationnelle dans un monde irrationnel  ce qui est une impossibilité LOGIQUE.

Ce monde a été créé de toutes pièces par le pouvoir monétaire en place, et donc je n’ai plus d’outils pour me protéger contre la folie de nos dirigeants, ce que j’avais réussi à faire jusque là.

Et c’est la première fois de ma carrière que cela m’arrive, ce qui me laisse tout désemparé. Je crains que la volatilité de marchés n’explose à la hausse dans les mois qui viennent, mais je n’ai pas suffisamment confiance dans ce diagnostic pour le jouer.

Je dis donc tranquillement à qui me le demande quand on me pose des questions « je ne sais pas ».

Apres tout reconnaitre son incompétence est parfois une forme de sagesse…

Troisième exemple : J’écris depuis quelque temps que nous sommes en train de rentrer dans des temps « révolutionnaires »  tant à cause des bouleversements technologiques que de la déliquescence d’un certain nombre de nos Institutions.

Guy Trefler animated Sticker

J’y ai même consacré un livre «C’est une Révolte, non Sire, c’est une Révolution » chez Bourin éditeur.

Les ruptures révolutionnaires, les craquements annonciateurs des tremblements de terre à venir se font entendre partout, Chine, Moyen Orient, Afrique du Nord, Afrique et pourtant notre vieille Europe reste comme figée dans un temps qui ne bougerait pas.

Et donc, sur le diagnostic des temps révolutionnaires, je crois encore et toujours que j’ai eu raison. Sur le moment ou la déferlante va toucher l’Europe, je n’avais et je n’ai toujours aucune idée. Mais s’imaginer  que le  vieux continent ne va pas  être touché par le Tsunami me fait penser à ces hommes politiques qui  m’expliquaient gravement que le nuage de Tchernobyl n’avait pas passé nos frontières.

Pour me résumer, la méthode est simple.

  • Analyser pour pouvoir agir, et bien faire la différence entre ce qui est structurel et ce qui est conjoncturel.
  • Ajuster son analyse quand les faits changent. « Quand les faits changent, je change» disait Keynes.
  • Attendre pour agir que les marchés commencent à bouger dans votre direction, ce qui peut prendre un temps fou, mais attendre n’a jamais ruiné personne.
  • Tout sortir quand on ne comprend plus rien. Comme le dit Warren Buffet « Quand je ne comprends pas,  je ne joue pas». C’est là ou je suis en train d’en arriver en Europe ou les fous ont pris le contrôle de l’asile.
  • Admettre ses erreurs le cas échéant et ça, c’est de loin le plus difficile.

http://institutdeslibertes.org/le-discours-de-la-methode/

2 réponses »

  1. sur les taux nuls ou négatifs

    c’est en soit un changement de métrique monétaire:
    la monnaie pouvant -et devant pour que le système se maintienne- être rendue encore plus fondante (cf S Gesell).

    Tout est en effet une question de convention on peut descendre bas pour les taux:
    en physique ainsi il y a
    le 0 degrés celsius avec le 0 kelvin à -273.5°c

    Si cela peut fonctionner avec des gérants à moyen terme,
    plus généralement en finance, avec l’homme de la rue, il y a une règle mathématique :
    dés qu’on dépasse les bornes il n’y a plus de limite
    alors il n’y aucune espérance de succés sauf à mettre la démocratie sous le bus

  2. Je pense que l’erreur que font beaucoup d’analyste et de pensé que le système mondial, économique et financier, fonctionne encore sur le moyen ou long terme. Se qui me semble une aberration depuis la création des heudge found et encore plus depuis la révolution financière des années 90 ou le monde boursier c’est ouvert a tous grâce a internet et les SICAV. Le temps long d’avant a fait place au temps court, temps réel. La plus valu a terrasser l’intérêt et personne n’arrive a comprendre que le gain présent a supplanté l’investissement futur et pour cause les choses changent tellement vite qu’il devient impossible de garantir un investissement technologique sur 20 ans. C’est bien une révolution qui a eu lieu dans le monde économique et financier. Il y a bien certaine entreprise qui continu a fonctionner sur l’ancien modèle productiviste, mais elle ne sont pas majoritaire et de très loin. La bourse est devenu un casino, la volatilité est la règle absolu, même si les QE garantissent la liquidité des marchés, pour le moment encore.
    La notion de compétition a fait place a la notion de bataille et de guerre. Tandis que la morale et l’éthique se sont transformé en tricherie et arnaque. Comment ne pas être déboussolé après de tel changement ? Même la politique n’est plus la gestion de l’état mais une coquille vide au mains des marchés qui financent les dit états.
    Dans ces conditions pourquoi ne pas considéré que le marché obligataire est tout simplement mort. Qu’il ne rapporte plus rien et bien au contraire. Que la notion même d’investissement et morte et enterré que seul subsiste la plus value. Et que cette plus value représente l’essentiel du monde économique actuel. On devient PDG non pas pour faire tourner la machine mais pour valoriser les stock options, et cela n’est qu’un exemple. L’interêt pour l’investissement n’est plus la règle se qui prime c’est la valorisation des actifs et la plus value, point barre.
    La règle consistant a accélérer la volatilité et empocher ses gains au passage et de jouer tapi a chaque fois. Cela pourrait durer très longtemps sur le principe du moteur a explosion ou chaque piston se doit de monter et descendre pour que le mouvement soit continu. L’essence du système n’étant que la disponibilité de liquidité. Mais cela n’est pas un problème avec le QE et les CDS. Mais il suffit qu’un seul des pistons serre pour que le moteur cesse de fonctionner. C’est se qu’a démontré la crise de l’immobilier. Donc dans un telle jeux économico financier il n’y a pas 50 à solutions. Ils faut spéculer et empocher les gains et être capable de passer des support a un autre très rapidement. Le problème n’étant pas de chercher un investissement a long ou moyen terme mais de jouer la plus value. Mais il est vrai que dans se mécanisme financier en flux tendu la moindre panne d’approvisionnement ou retard aura des conséquences dévastratrice sur l’ensemble de la chaine.
    Le discours sur la méthode s’applique au science dur, physique et non pas au science molle économique et financière. Utiliser la raison et l’analyse des faits reste toutefois la meilleur garanti analytique. Hors en économie c’est bien la valeur des choses qui varient. Et comme il n’existe que deux choses le physique et le cash il faut être pourvu des deux afin de pouvoir basculer d’un support vers l’autre très rapidement. D’un point de vue fréquentiel plus il y aura de volatilité plus il y aura de stabilité, les hausses équilibrant les baisses. Il faut juste savoir que se qui est trop bas ne pourra que monter et ce qui est trop haut que descendre. Les interêts négatif sur le cash compensent alors les hausses sur le physiques. A la seul condition que tout le monde veille bien jouer se jeux. Faire baisser le cash c’est l’obliger a placer sur le physique et vice versa. Lorsque tout est haut il faut chercher se qui est bas et en l’occurence le cash. Puisque si le cash se retire du marché les intérêt négatif seront compensé par la plus value positive lors de ma baisse du physique. C’est un jeux a somme nul sauf pour ceux qui ne sont pas spécialisé mais opportunite.
    D’ailleurs notre société et devenu une société d’opportunisme et d’individualisme. Mais peut on encore parler de société lorsque c’est du chacun pour soi ? Et comment être capable de prendre des décisions pour le futur lorsque l’objectif principale et le gains rapide. Le jeux est devenu simple il faut prendre aujourd’hui sans penser a demain. La prévoyance c’est l’ancien monde, celui de la sécurité. Aujourd’hui nous sommes dans la jouissance immédiate et non plus dans préparation de l’avenir.

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