Art de la guerre monétaire et économique

Sommes-nous dans l’anti-chambre d’une dictature financière? Par Liliane held-khawam

Sommes-nous dans l’anti-chambre d’une dictature financière? Par Liliane held-khawam

MAI 6, 2015

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Un grand nombre de financiers ne savent plus à quel prix Nobel se vouer. Les ponctions sur l’épargne et donc sur les retraites et autres assurances-vie, appelées élégamment taux d’intérêts négatifs, ont suscité un tollé mondial. Mais le silence prévaut du côté des élus qui évitent depuis de trop nombreuses années toute confrontation avec la Haute Finance (HF).

Des voix professionnelles sont donc venues s’ajouter à celles qui grondaient déjà sur le net donnant plus de crédit à la thèse selon laquelle un petit groupe censé représenté « 1% » de la population détiendrait 50% des richesses mondiales serait en passe de prendre le pouvoir politique mondial.

Une richesse illimitée pour les uns grâce à un droit régalien (souverain)

Le calcul de ce taux de 50% des richesses mondiales est discutable. En fait, personne ne connaît réellement la masse monétaire créée par les banques commerciales. Celles-ci détiennent en effet une partie de leurs avoirs hors bilan. Ceci est légal. Légitime serait une autre question.
A côté de cette richesse potentiellement illimitée et inconnue, on découvre le monde peu attractif des « dark pool ». Il s’agit d’un circuit financier et boursier dont l’objectif est de garantir à la fois l’anonymat et de contourner les réglementations. Les opérations se font donc de gré à gré dans le plus grand secret.
Les sommes qui s’y échangent sont phénoménales. En 2007, en pleine crise des subprimes, les autorités de surveillance des marchés financiers européennes les auraient rendus légaux. Les dark pools sont le terrain de prédilection des logiciels de trading de haute fréquence qui en augmentent l’efficacité et les avantages.
Comment ont-ils été autorisés en pleine stratégie de Weissgeld comme dirait la ministre suisse des finances ? Si le mystère reste total autour de la chose, nous vous invitons à découvrir deux criminologues de talent : Jean-Daniel Gayraud et Alain Bauer.
Bref, illimitée, puissante, obscure et légale sont quelques-uns des qualificatifs de la Haute Finance.

Des autorités de surveillance des marchés financiers proches de la Haute Finance

AMF ou FINMA sont les autorités de surveillance des marchés financiers français et suisse, elles sont totalement indépendantes . Finma ose même le mot de « souveraineté ». Elles bénéficient d’une personnalité juridique propre et donc d’un conseil d’administration ou collège qui les gère à l’image d’une entreprise. On peut y trouver entre autres des patrons de la haute finance internationale (banques et assurances notamment).
Le fait est qu’une entité telle que FINMA définit elle-même les normes, ordonnances et lois. Elle a aussi l’autorité pour sanctionner. Elle est la garante de la bonne gestion de l’épargne, des caisses de pensions et des assurances (y c Vie).
Or, le silence de Finma et des élus au sujet des taux d’intérêts négatifs suivis par des obligations à rendement négatifs est assourdissant ! Tout le monde tolère l’intolérable.

L’impopularité est l’ennemi numéro 1 de la Haute finance

La haute Finance se sait impopulaire. Elle a l’argent et l’abondance. Elle a réussi à imposer ses propres normes qui lui permettent de prendre toujours plus l’ascendant sur les peuples et les Etats.
Mais voilà elle a besoin de pérenniser sa suprématie matérielle par un pouvoir politique sur le plan mondial. Elle ne peut se permettre d’avoir un contre-pouvoir quelque part. Un peuple trop fort constituerait une menace.
Pour instaurer sa gouvernance globale et mondiale de manière –qu’elle croit- définitive, elle s’en prend actuellement au moins –il y en a d’autres- à deux valeurs qui donnent une assise aux individus: la liberté et la propriété privée.

Confiscation de la propriété privée

Les taux négatifs pourraient, semble-t-il, évoluer dans une fourchette pouvant aller jusqu’à 5% ( !). Cela revient à une confiscation claire, nette et précise injustifiée et illégale. Dans la mesure où un tiers non autorisé se sert hors de toute raison légale, elle constitue une atteinte à la propriété. Cela enfreint l’article 26 de la Constitution.
Les restrictions posées par la Confédération en termes d’accès au capital LPP (retraite) en vue de l’acquisition de sa résidence principale a déjà été une atteinte aux articles 108 et 111 de la Constitution. Les capitaux de la retraite sont aussi de la propriété privée puisqu’ils sont nominatifs. A moins qu’ils n’aient changé de nature en cours de route et soient devenus une sorte d’impôt… ?
Les obligations à rendement négatif de la Confédération a été un faux pas supplémentaire à l’égard des caisses de pension et du rabotage planifié des retraites…
Tout ceci porte atteinte à la crédibilité de l’« autorité » de l’Etat mais aussi à son rôle de garant de la Constitution et de l’intérêt public. Dans un pays dit démocratique, c’est-à-dire où le peuple est souverain, cette autorité est garante de la protection des droits des citoyens qui se trouvent dans la Constitution. Quand un groupe privée, à savoir les fonds d’investissement, les banquiers privés et centraux s’en prennent à des droits constitutionnels sans réaction de l’Etat ou de la justice, on peut dire que quelque chose défaille.

Confiscation du droit à la vie privée et donc des libertés

Un deuxième élément qui est dans le viseur de la haute finance international est la suppression du cash, l’argent liquide. Ce faisant, elle porte un coup fatal à au moins 2 choses à la fois :

  1.  Atteinte aux prérogatives de la Banque centrale :
    • Le cash est une monnaie dite centrale qui n’est émise que par la banque centrale. S’en débarrasser revient à augmenter encore plus le poids de la monnaie créée par les banques privées (plus de 90% de la masse monétaire connue) ou monnaie bancaire.
    • La suppression du cash signe la mise à mort à plus ou moins brève échéance du concept même de banque centrale. Il existe déjà actuellement –à côté des dark pools- des plateformes, notamment la T2S qui se passe de banque centrale. Le trafic se fait de banque à banque en direct.
    • Eliminer le cash revient à se passer encore un peu plus de la banque centrale émettrice de cette monnaie et donc affaiblir les prérogatives théoriques de l’Etat.
    Pour la petite histoire, la Suisse par exemple a jugé bon de déléguer aux banquiers privés la gestion pure et simple de TOUT le trafic de paiement à l’intérieur et hors de Suisse.
    La banque centrale suisse a même créé une banque SECB– pour Swiss Euro Clearing bank- basée à Francfort et qui peut garder et gérer des « virements excédentaires».
    On peut même raisonnablement supposer que c’est via cette banque que la Suisse non membre de la zone euro a participé au programme Target2 – en soutien à l’Allemagne– à compenser les déficits de certains pays.
    Ces virements excédentaires sont sans doute les excédents de la balance des paiements de la Suisse que la SECB de concert avec la BNS a gardé hors de Suisse prenant le risque d’aggraver la déflation par assèchement de liquidités à l’intérieur du pays et de favoriser sur la durée une récession à venir.
  2.  Atteinte au droit à la vie privée des individus
    • Le cash supprimé permet à nos amis de la haute finance de tracer toutes vos dépenses et vos gains. Le contrôle en est facilité.
    • La gestion des données financières des individus pourraient alors devenir celle d’un centre de coûts et de profits contrôlable au même titre que n’importe quel collaborateur d’entreprise. Tout le monde sait que la comptabilité analytique et les logiciels qui vont avec permettent aujourd’hui de localiser chaque franc qui vous est imputé directement ou indirectement en coût ou en gain…
    La Suisse a mis au point une nouvelle ventilation de ses statistiques qui considère le foyer comme « centre de production ». Peu rassurant…
    • Remise en question du droit à la vie privée garantie pourtant par l’article 13 de la Constitution. La suppression du cash permettra à votre banquier préféré de vous accompagner dans tous vos déplacements mais aussi de savoir exactement grâce au code barre des produits achetés. Votre base de données inclurait la totalité des achats, les lieux, les dates, les goûts,…
    • Alimenter le big data et commercialiser vos données. Avoir accès à votre dossier personnel et votre comportement en tant que consommateur a un prix. Les services Marketing raffolent de ce genre d’informations qui leur évite de mal cibler le client. On pense que ce genre de données est l’or noir de l’avenir…

On peut donc dire que la Haute Finance s’en prend directement à nos libertés et notre droit à la propriété privée. Ce faisant, elle impose ses propres critères sociétaux justifiant la mise sous tutelle de l’humain par les besoins d’un marché décidément insatiables et la logique technocratique…
A ce jour, les représentants de l’Etat ne semblent pas choquer par des pratiques qui mettent un système liberticide et inhumain au-dessus des individus et de leur bien-être. Deux piliers des droits du citoyen et d’une Constitution dite démocratique tremblent sur leur base. Vont-ils tomber ?.
Question ultime: l’Etat est-il déjà mort ou fait-il semblant de l’être ?…

Liliane Held-Khawam

6 réponses »

  1. Bravo très bel article. Je le commenterai peut être à nouveau plus tard, mais je voudrai glisser une hypothèse de travail.

    Le système capitaliste a buté sur certaines limites dans le milieu des années 60 chez nos « amis » anglo-saxons. Le deficit spending d’abord des britanniques, puis de Kennedy et Johnson s’est installé. Il a permis de dépasser les limites de la dépense, c’est à dire les limites au financement du beurre, des canons et des répartitions sociales. C’était l’époque de la générosité de la Great Society. Des modifications considérables, sous la pression de l’entourage de Kennedy ont été apportées aux pratiques du loyal, traditional central banking.

    Et c’est là que le système a muté. Il s’est financiarisé. Puis la fonction a créé l’organe, le nouveau système bancaire, puis l’organe a créé les nouvelles lois, les nouvelles théories et les nouvelles pratiques puis les nouvelles classes sociales kleptos.
    Si on passe d’une analyse historique à une analyse logique et dialectique, on peut affirmer que le système capitaliste a buté sur des limites et qu’au lieu de les repousser à l’intérieur de ses règles, il a préféré les contourner, tricher et prendre le risque de muter en un système pervers, plus financier, plus abstrait, moins légitime.

    La crise de 2008 n’était déjà plus crise du système capitaliste classique, mais déjà première crise du nouveau système, le système capitaliste financiarisé.

    Et c’est le révélateur d’une logique terrible: le système capitaliste classique fondé sur la production de richesses réelles, de profits liés à la production et au système entrepreneurial, ce système pour survivre évolue vers une forme de socialisme! En croyant échapper au socialisme, on se précipite dans ses bras.

    Ainsi la création et le maintien d’une demande sont socialisés par le crédit.

    Le crédit est socialisé par la création monétaire et la baisse des taux des Banques Centrales.

    Le profit est maintenu par la mise au chômage de la main d’œuvre.

    La mise au chômage ne conduit pas à la Révolution car la répartition socialiste entretient le volant de chômage grâce aux indemnités socialisées.

    L’usage de la monnaie est socialisé, elle ne s’articule plus au droit de propriété, mais à la politique économique et sociale.

    Tout en découle !

    Mon hypothèse de travail est terrible, je considère que la volonté imbécile de dépasser les limites du système capitaliste afin de maintenir le calme social et les privilèges des capitalistes les moins performants, cette volonté nous a mis sur la route du socialisme.
    Socialisme non démocratique, piloté par une élite de dominants illégitimes, qui ne tiennent le pouvoir que par le mensonge, la propagande, et la manipulation.
    C’est une tyrannie, une dictature et nous sommes fondés à lutter contre elle pour le bien des générations futures.

    Le système capitaliste fondé sur l’accumulation n’est défendable que si lui-même respecte ses règles, c’est à dire si il élimine les capitalistes les moins performants, les moins utiles socialement, si il ose faire la sélection. En socialisant la dette et la monnaie pour créer plus de crédit on s’oppose à l’élimination des capitalistes les moins performants, on les maintient en vie avec leurs privilèges non mérités, et on pourrit le système.

    C’est Gribouille qui se jette à l’eau pour ne pas être mouillé. Le début de ce processus, c’est bien entendu l’application des imbécillités keynésiennes. Le système politique applicable et taillé sur mesure pour cette situation c’est bien sur la sociale-démocratie, système de mensonge par excellence théorisé comme par hasard par les « amis » anglo-saxons du socialisme Fabien. Le socialisme Fabien étant le socialisme élaboré par les ultra-riches pour se maintenir comme tels.

    • Merci pour votre commentaire! Je trouve que votre hypothèse de travail est des plus intéressantes et cohérentes. A titre personnelle, j’hésitais entre votre vision et une autre qui serait que les *dérives* actuelles ne le sont que du point de vue de la démocratie. Les *crises » successives serviraient à mettre en place un nouveau pouvoir politique privatisé piloté par les FTN.
      Pour cela, il fallait détruire les classes moyennes et bourgeoises et les Etats-Nations. Le support des socialistes a été utile un temps pour éviter des émeutes du temps où les citoyens et les syndicats avaient encore du pep. Aujourd’hui, ils sont épuisés et effrayés par leur avenir économique et surtout professionnel. La peur tétanise et immobilise.
      Il s’est passé la même chose au moment de la mutation des entreprises nationales en Firmes transnationales. On maintenait le stress et l’insécurité au niveau des jobs et on a ramené les visions à long terme de 10 ans à 3-6 mois… Les collaborateurs vivaient (vivent encore) dans une insécurité quotidienne qui les amenait à accepter l’inacceptable ( y c de mauvais traitements psychologiques) avec un seul désir: garder son emploi.
      Enfin, le timing avec la surveillance des personnes -omniprésente dans les traités de Lisbonne, EEE…- arrive au « bon » moment des dites crises avec des refontes législatives conséquentes et systématiquement en faveur des mêmes FTN…
      La question est ouverte entre une stratégie diabolique soigneusement planifiée et la dérive du capitalisme. Un mix des 2 est aussi possible… non?

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