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Le témoignage qui dynamite l’affaire Kerviel/ Affaire Kerviel: un scandale financier (trop) vite étouffé !

 Le témoignage qui dynamite l’affaire Kerviel

Par Géraldine Meignan, publié le 17/05/2015 à 20:14 , mis à jour le 18/05/2015 à 18:14

Selon Mediapart, la commandante de police chargée de l’affaire Kerviel à la brigade financière a témoigné à visage découvert, faisant basculer le dossier vers un « scandale Société Générale ».

Les nouvelles révélations de Médiapart sur l’affaire Kerviel sont une bombe. Il n’y a pas d’autres mots. Selon le site d’information en ligne, la commandante de police de la brigade financière au coeur du dossier, celle qui a mené toutes les investigations depuis 2008, a été convoquée le 9 avril dans le bureau du juge d’instruction Roger Le Loire. Le témoignage qu’elle a livré à visage découvert est accablant pour la Société Générale et l’appareil judiciaire.  

Lire: Un nouveau procès Kerviel pourrait priver Société générale d’un gros cadeau fiscal

En 2008, lorsque l’enquêtrice de la brigade financière boucle son enquête et rédige son procès-verbal de synthèse, elle est convaincue de la culpabilité de Jérôme Kerviel. Elle n’a alors aucune raison de douter de la fiabilité des témoins, ni des documents que la banque a bien voulu lui fournir. C’est plus tard, bien plus tard, raconte Mediapart, lorsqu’elle sera saisie des plaintes déposées cette fois par Jérôme Kerviel contre la Société Générale, qu’elle aura accès à des éléments supplémentaires et de nouveaux témoignages, que le doute, lentement, s’immisce dans son esprit.  

VIDEO. L’affaire Kerviel expliquée en trois minutes. 

Les certitudes de l’enquêtrice vacillent

 

Le site d’information en ligne raconte comment, au fil des mois, les certitudes de cette enquêtrice pourtant chevronnée vont vaciller. Comment elle a eu « le sentiment d’avoir été instrumentalisée par la Société Générale », la manière dont la banque lui a « dirigé tous les témoins », le manque d’effectifs qui l’ont empêchée d’exploiter tous les scellés. Toujours selon Mediapart, l’enquêtrice relate au juge les témoignages qu’elle a reccueillis laissant entendre que la banque connaissait les agissement de Jérôme Kerviel. Enfin, elle évoque, détails à l’appui, l’attitude du parquet qui a tout fait pour enterrer l’affaire  

Lorsqu’on termine, stupéfait, la lecture de l’article de Médiapart, les images il y a un an de l’ancien trader au poste frontière de Menton reviennent brutalement à l’esprit. Souvenez-vous, quelques heures avant son interpellation par les policiers de Menton (à lire le récit exclusif des 100 jours de de prison), lorsque Jérôme Kerviel passe la frontière à Vintimille sous une nuée de caméras de télévision, il interpelle François Hollande. Il lui demande alors, non pas une grâce présidentielle comme certains ont bien voulu le dire, mais l’anonymat des personnes prêtes à témoigner. A ce moment, il sait que ces témoins s’ils étaient entendus et protégés feraient tomber l’accusation. Que l’affaire Kerviel se transformerait instantanément en affaire Société Générale. Une enquête fouillée de Médiapart – déjà !- ne venait-elle pas de révéler des dysfonctionnements graves dans son dossier ?  

On ose imaginer, les années de doutes, d’angoisses, de cauchemars, de culpabilité aussi qui ont dû broyer la vie de cette femme avant qu’elle ne se décide à briser le mur du silence. En sortant du pôle financier, il y a quelques semaines, cette femme a rejoint le cercle restreint des lanceurs d’alerte. Une espèce encore insuffisamment protégée dont on ne saluera jamais assez le courage. 

 http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/le-temoignage-qui-dynamite-l-affaire-kerviel_1680210.html%20%E2%80%93%20m%C3%A9dias#8UM1OTbbTS4Mgrj4.99

Affaire Kerviel: un scandale financier (trop) vite étouffé

PAR RICHARD WERLY/ Le Temps 18/5/15

Le rapport d’audition obtenu par «Mediapart» démontre surtout combien, face à la nécessité de sortir la Société Générale de l’ornière en pleine crise financière, les autorités policières et judiciaires françaises se sont montrées complaisantes

Il fallait sauver le soldat Société Générale! A lire l’article consacré par «Mediapart» à l’affaire Kerviel et aux manœuvres de la banque pour encadrer l’enquête policière et se dédouaner, la première réaction est de s’interroger. Pourquoi la justice française a laissé les choses se dérouler ainsi? Et pourquoi la policière en charge de l’enquête, dont «Mediapart» relate les frustrations, au point d’affirmer lors de son audition le 9 avril dernier «avoir la certitude que la hiérarchie de Jérôme Kerviel ne pouvait ignorer ses agissements» n’a-t-elle pas plus tôt rué dans les brancards ou organisé, comme cela se fait régulièrement en France, des «fuites» dans la presse qui auraient à coup sûr influé sur le processus judiciaire?

La réponse, à lire le compte rendu de l’audition de cette commandante de police devant le juge d’instruction Roger le Loire – doyen des magistrats du pôle financier de Paris et lui-même ancien inspecteur de police – semble être que la banque française a bénéficié, sinon de protections, du moins d’une indulgence largement liée aux circonstances et à l’entregent de ses dirigeants.

Il faut avoir le calendrier en tête. Le 24 janvier 2008, à l’occasion de la présentation de ses résultats 2007, la Société Générale organise une conférence de presse pour exposer les méfaits de l’un de ses plus brillants traders, Jérôme Kerviel, alors âgé de 31 ans. Embauché en 2000, puis chargé de gérer des placements à terme sur les indices boursiers mondiaux à partir de 2005, ce Breton originaire du Finistère aurait masqué à sa hiérarchie, grâce à «son intime connaissance des mécanismes internes», des prises de position à hauteur de plus de 60 milliards d’euros, dont il aurait résulté une moins-value de 6,3 milliards d’euros, et une perte nette pour l’établissement de 4,9 milliards d’euros. Pour mémoire, la fameuse faillite de la très respectée banque britannique Barings, en 1995, avait eu lieu après les révélations d’une perte d’environ 700 millions d’euros reprochée à son trader vedette alors basé à Singapour, Nick Leeson.

Ce 24 janvier 2008, la France financière se réveille abasourdie, et la direction de la Société Générale a toutes les raisons de craindre le pire. La crise des «subprime» a éclaté aux Etats-Unis durant l’été 2007. Les révélations sur les spéculations ahurissantes des banquiers de Wall Street et de leurs émules européens commencent à remplir les journaux du monde entier. Au point d’accoucher, quelques mois plus tard, d’un ouragan financier lors de la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008. La Société Générale est déjà, à l’époque, en négociation avec l’Etat français pour obtenir des lignes de crédit afin de reconstituer ses fonds propres. Elle obtiendra d’ailleurs, en décembre 2008, un prêt de 3,4 milliards d’euros, soit environ 15% des vingt milliards octroyés en urgence aux banques pour faire face à leurs échéances.

Plus préoccupant encore pour la direction de la Société Générale et son PDG de l’époque Daniel Bouton: l’exposition de la banque aux «subprime» américains (crédits immobiliers à très hauts risques) est très problématique, comme le prouve la plainte déposée contre l’établissement français par la banque britannique Northern Rock, qui lui reproche de lui avoir vendu en juin 2007 des «produits toxiques». Cette plainte, enterrée depuis des années, vient de refaire surface aux Etats-Unis et un procès pourrait avoir lieu en 2015.

Daniel Bouton, accusateur en chef de Jérôme Kerviel, sait aussi qu’il risque très gros si les contrôles déficients de sa banque, voire la complicité de la direction dans les agissements du «trader», devaient se confirmer. En 1998, au plus fort de la crise financière asiatique, cet énarque-inspecteur des finances a dû faire face à la perte brutale des deux tiers de la capitalisation boursière de sa banque, soit prés de 15 milliards d’euros, en raison de la stratégie d’acquisition boulimique dans les pays émergents de «SocGen», alors fière d’être «la plus anglo-saxonne des banques françaises». Daniel Bouton est par ailleurs obsédé par l’idée de voir sa banque, restée indépendante, être la victime d’un raid boursier si ses actions dévissent, depuis que le financier britannique George Soros a tenté le coup, et échoué, en 1988, juste avant son arrivée. Le PDG de la Société Générale, qui connaît par cœur les rouages de l’Etat et a, dans le passé, dirigé le cabinet d’Alain Juppé au Ministère du budget en pleine période de privatisations (1986-1988), active tous ses réseaux. La tête de Jérôme Kerviel doit tomber.

Impossible, par ailleurs, de ne pas faire le lien entre le gouvernement français de l’époque et cette affaire. En janvier 2008, Nicolas Sarkozy (élu en mai 2007) est à l’Elysée depuis moins d’un an. Mieux: la France s’apprête à succéder, au 1er juillet, à la Slovénie à la présidence tournante de l’Union européenne. L’émissaire du président Sarkozy auprès de Bruxelles est Jean-Pierre Jouyet, nommé ministre des Affaires européennes et aujourd’hui… secrétaire général de l’Elysée sous François Hollande! Or Jouyet et Bouton se connaissent fort bien. Tous deux sont des assidus du «Siècle», le cercle favori de l’élite parisienne. Le «soldat» Bouton ne doit pas tomber sous la salve.

Difficile, enfin, de ne pas penser que l’affaire Kerviel, gérée au cordeau par la Société Générale est aussi, à cette époque, un couvercle sur d’autres agissements problématiques de la très agressive banque française. Après le départ de Daniel Bouton en mai 2008, le directeur de la division financement et investissement de la banque, Jean-Pierre Mustier, fera l’objet d’une enquête de l’Autorité française des marchés financiers (AMF) pour délit d’initié. L’AMF le soupçonnait à l’époque d’avoir soldé tout son portefeuille de titres et la moitié de ses actions SocGen en août 2007, soit au moment où les agissements de Jérôme Kerviel ont sans doute été repérés en interne. Jean-Pierre Mustier a ensuite été relaxé puis il a rejoint le groupe italien Unicredit qu’il a récemment quitté.

Autre élément intéressant de ce puzzle, dans lequel Jérôme Kerviel (condamné à 5 ans de prison, dont 3 ferme puis libéré en septembre 2014 après 100 jours de détention) s’est retrouvé perdu et présenté comme seul coupable: l’ancien sherpa de Nicolas Sarkozy, Jean-Pierre Jouyet, fut, dès la fin 2008, nommé à la tête de… l’Autorité des marchés financiers.

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/abba0990-fd30-11e4-b5bb-46888044cd02/Affaire_Kerviel_un_scandale_financier_trop_vite_%C3%A9touff%C3%A9

7 réponses »

  1. Qui a osé douter un seul instant que la direction de la SG n’était pas au courant d’une exposition de 50 Millards. Surtout lors des appels de marges. Il faut arrêter de prendre les gens pour des cons. D’ailleurs les gros problème ne viennent par du fait de prendre les gens pour des cons mais des injustices. Un bon investisseur devrait savoir que plus le nombre d’injustice augmente dans un pays et plus sa stabilité social et économique se fragilise. Les puissants ne devraient jamais l’oublier ….

  2. A reblogué ceci sur La Loutreet a ajouté:
    Selon Mediapart, la commandante de police chargée de l’affaire Kerviel à la brigade financière a témoigné à visage découvert, faisant basculer le dossier vers un « scandale Société Générale ».

  3. Dommage la justice ne veut rien savoir… Ça laisse bien perplexe quand même, et ça fait peur! Belle démocratie et belle justice!

  4. Le pantouflage est une des causes de la crise financière. Est-i admissible que des agents de l’état, les inspecteurs des finances, puissent faire carrière dans les banques et institutions financières qu’ils sont chargés de contrôlés ?

    L’autre problème, est évidemment, le fonctionnement de la justice. Qu’une affaire de cette envergure puisse être manipulée et étouffée est révélateur d’un état de corruption proprement effarent que seul les plus naïfs pouvaient encore ignorer.

    Enfin, il est surprenant que Bouton, pur produit de l’énarchie et enfant chéri de la haute finance, se soit tant acharné sur Kerviel, le prolo-trader. Haine et arrogance de classe d’un élite qui nie la lutte des classes ? Quoi d’autre ?

  5. Et après on veut donner des leçons de morales aux autres pays !… genre par exemple la Russie faut en rire où en pleurer ???

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