Commentaire de Marché

Les Clefs Pour Comprendre du Samedi 23 Mai 2015 : Yellen en campagne, hier à Providence Par Bruno Bertez

 Les Clefs Pour Comprendre du Samedi 23 Mai 2015 : Yellen en campagne, hier à Providence Par Bruno  Bertez

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Yellen est intervenue vendredi 22 Mai à Rhode Island. Elle avait préparé un long et bon discours qui fait le tour de la situation économique telle que la voit la Fed. Un discours cohérent, quasi publicitaire, destiné visiblement à être utilisé nationalement, presque politiquement. On sent au travers de l’exposé, en filigrane, la volonté de répondre et de désamorcer les critiques. Les Républicains, on le sait affûtent leurs crayons dans la perspective de la campagne à venir, ils veulent rogner les ailes de la Fed , trop dirigiste . Les Républicains en ont assez de l’arbitraire, du dirigisme et du règne de la personnalité, ils veulent un retour aux règles, aux « rules. ».

Nous avons trouvé cette intervention, très convaincante, Yellen vous prend dans son système, dans son cadre analytique et elle le fait bien. Cela nous a intrigué, en effet comment se fait-il que nous, qui ne partageons pas ce cadre soyons convaincu par ce discours ? Nous avons décidé de l’analyser sous un autre angle que celui des commentateurs MSM, analyser non pas au niveau de ce qu’elle dit, mais au niveau de ce qu’elle ne dit pas, de ce qu’elle omet, de ce qu’elle occulte. Au niveau de l’ordre qu’elle met dans la réalité.

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Les secrets de la rhétorique de Yellen sont multiples, nous en avons relevé quelques-uns.

Le premier consiste à emprisonner la pensée dans le cadre des théories  de la Fed et à faire comme si il y avait une logique derrière ces théories. Le diagnostic sur l’origine de la crise n’est pas rappelé, mais il est en filigrane : c’est un dysfonctionnement accidentel qui a failli bloquer le système du crédit et donc cassé une fraction importante de la demande.

Elle pratique le recours à l’évidence, c’est à dire qu’elle présente a ses interlocuteurs ce que l’on voit et que par conséquent on ne peut contester. C’est la parole politique par excellence, celle qui met en scène et donne à voir pour briser, neutraliser l’esprit critique. Dans un vocabulaire à peu près simple, non technique qui ne soulève pas de réaction de rejet par sa technicité.

Elle assène comme si cela était une vérité incontournable l’histoire du double mandat de la Fed. Mandat que la Fed a tordu et interprété extensivement : l’emploi et l’objectif d’inflation.

Elle dit :

-Que la Fed a réussi à stabiliser le système financier et à soutenir l’économie grâce à sa politique monétaire destinée à faire baisser les taux d’intérêt à long terme:

-Que cette politique a été un succès. Le chômage est à 5,4% en Avril, les créations de postes sont impressionnantes, les gens osent changer de travail, c’est un signe de confiance, le chômage devrait descendre à 5 % à fin 2015.

Qui oserait en douter ? Ce sont des juxtapositions, des corrélations, des amalgames puisque rien ne dit que sans les mesures de soutien à l’économie, la croissance ne serait pas revenue et en plus vigoureuse…et en plus saine.

Le secret disons nous, consiste à emprisonner la pensée dans le cadre des théories de la Fed et à faire comme si il y avait une logique derrière ces théories.

On martèle comme si cela était une vérité incontournable, le double mandat de la Fed. L’emploi et l’objectif d’inflation.

On montre que l’on a réussi sur le premier volet, celui de l’emploi . On affirme sans sourciller, d’évidence, que la Fed a mandat de pousser l’inflation jusqu’à 2% car « les salaires et les prix ne montent pas assez, et une inflation basse nuit au fonctionnement de l’économie en rendant plus difficile le remboursement des dettes. »

Que l’on y réfléchisse, depuis quand une Banque Centrale a-t-elle mandat de faciliter le remboursement des dettes, d’alléger le fardeau des débiteurs au détriment des prêteurs ? Cela n’est écrit dans aucune Charte ! La Banque Centrale n’a pas encore mission politique de transférer les richesses et les revenus des uns, les classes moyennes, vers les autres, les riches qui ont accès privilégié au crédit. Rien ne prouve que l’installation dans l’immoralité qui consiste à payer ses dettes en monnaie dévaluée est sain, favorable aux bons calculs économiques et à la bonne utilisation des ressources.

Sur la question de l’inflation qui ne parvient pas malgré les trillions ajoutés au bilan de la Fed à rattraper les 2% fatidiques, on a des excuses. Les salaires n’ont pas progressé comme dans le passé, le « slack » est resté important, la concurrence mondiale a été sévère, la baisse des prix importés et du pétrole ont pesé sur la hausse des prix. Bref, votre fille ne parle pas parce que votre fille est muette. On énumère les causes apparentes de pression sur les prix, sans mettre en question l’impuissance de la politique monétaire et l’absence de transmission. On occulte le fait essentiel : on a poussé sur une corde, ce qui a conduit à pousser beaucoup, dans le vide. On a dû sur-stimuler faute de résultat.

Sur la question de la faiblesse de la reprise on a des explications. Il y a des « headwinds », des vents contraires, Ah les vents contraires, qu’ils aiment cela nos bons Banquiers Centraux ! C’est le refuge suprême de l’ignorance que cet appel aux vents contraires pour expliquer et justifier les échecs. Si cela marche c’est grâce à ma politique, si cela ne marche pas, c’est la faute aux vents contraires. La théorie des vents contraires permet de maintenir ses affirmations et prévisions même quand la réalité ne s’y conforme pas ! Elle permet de maintenir la fiction d’une reprise qui aurait été plus forte, plus auto-entretenue, si … il n’y avait pas eu les fameux vents contraires. Cela va servir encore beaucoup pour justifier les erreurs de prévisions qui se cessent de se multiplier-toujours dans le sens trop optimiste- depuis 2007.

On rejette hors du système que l’on est censé contrôler, tout ce qui vient gêner nos plans et invalider nos présupposés théoriques. Ainsi, il en va de la hausse récente du dollar. Quand on le fait baisser par les QE, cela est le résultat de notre action, nous nous en octroyons le bénéfice, cela stimule l’activité exportatrice, mais quand le dollar monte et pénalise les ventes à l’étranger … c’est un vent contraire ! C’est de la faute du ROW, le Reste du Monde qui s’est permis de ralentir sa croissance.

Et tout est à l’avenant. Des affirmations tronquées, des liens de causalité biaisés, une pensée qui ne pénètre jamais à l’intérieur des phénomènes, une pensée qui glisse sur le réel selon la ligne de plus grande pente de l’autosatisfaction.

Dans le discours de Yellen, vous ne trouvez de référence et d’exposé que de ce que l’on voit, l’actif du système . Le système de Yellen, comme celui de tous les politiciens est un arbre à une seule branche ; si c’était un homme, il serait manchot.

On fait comme si un système n’était pas composé  de deux faces indissociables, de deux parties, comme un bilan . Une partie « actif », que l’on voit et une partie « passif » que l’on ne voit pas. Or la crise, celle de 2008 en particulier est une crise … du passif, une crise de ce qui est caché, l’origine des fonds. C’est la crise du surendettement. Vous ne trouverez chez Yellen aucune allusion au niveau de dettes, sauf pour dire que cela a mis les emprunteurs « underwater », ce qui continue de peser sur l’activité de la construction. Vous ne trouverez nulle analyse de l’utilisation des fonds mis à la disposition des banques à des activités spéculatives ou récessionnistes comme les rachats d’actions et le Monopoly.

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Aucune analyse en termes de taux de profit de l’activité productrice insuffisant pour générer des investissements créateurs de vraies richesses. Si le système était communiste, l’exposé de Yellen resterait le même car on occulte, on oublie les paramètres essentiels qui caractérisent le système, l’origine des fonds, la capitalisation, l’accumulation du capital, l’empilement des dettes et bien sur les transferts/spoliation des certains agents économiques au profit d’autres.

Yellen ne dit pas un mot de tout ce à quoi les agents économiques et les citoyens ont dû consentir pour stabiliser en apparence l’économie américaine. Or ce sont ces coûts, ces passifs qui vont déterminer, produire le monde de demain.

  • -La détérioration de la situation budgétaire et l’endettement record du gouvernement.
  • -La poursuite de la concentration bancaire l’aggravation du problème du too big to fail.
  • -La stagnation de l’investissement productif, concurrencé par la spéculation.
  • -La chute tendancielle de la productivité descendue à 1,25 % en moyenne depuis 2007.
  • -La déqualification des salariés, la chute du salaire réel moyen, la dépendance, la précarité.
  • -La dette colossale, irrécouvrable de toute une génération d’étudiants.
  • -La formation de bulles sur le marché financier, son instabilité, son risque de révulsion.
  • -La destruction du » business model » des institutions de retraite et de l’épargne privée.
  • -L’aggravation des inégalités qui déchire le tissus social et politique, tue le consensus.
  • -La perversion du système mondial qui a été noyé par les liquidités excédentaires.
  • -La destruction de l’image internationale des USA et du dollar par excès d’égoïsme unilatéral.
  • -Les craquements et la contestation du système monétaire impérial global.

Yellen , d’une part,  n’agite que le chiffon rouge de ses succès apparents, elle trace des causalités qui n’en sont pas, d’autre part, elle escamote les coûts et les conséquences non voulues de la politique qui a été menée.

Le reste n’est que détail de gestion quotidienne et de pilotage des anticipations moutonnières.

Selon Yellen, l’économie américaine devrait bien se renforcer, après la faiblesse du 1er trimestre. Une première hausse du taux des fonds fédéraux cette année resterait donc plausible, si l’on en croit son intervention à Providence, Rhode Island.

Il faut dès maintenant envisager la hausse des taux car la politique monétaire agissant avec un délai, il s’agit de prendre les devants avant que l’on arrive aux objectifs que l’on s’est fixé. Bien entendu, les futurs développements économiques resteront déterminants.

La dirigeante de la banque centrale américaine juge l’économie US bien positionnée, et table sur une expansion modérée, compte tenu de certains facteurs adverses tels que la faiblesse du secteur énergétique, le niveau modéré des investissements des entreprises, ou encore la lente amélioration du marché immobilier. Malgré ces facteurs, il semblerait donc que la Fed soit enfin prête à durcir quelque peu sa politique de taux cette année, même si les futurs développements économiques resteront déterminants…

« Si l’économie continue à s’améliorer comme je l’anticipe, je pense qu’il sera approprié à un certain stade cette année de prendre la mesure initiale de relever le taux des fonds fédéraux et de débuter le processus de normalisation de la politique monétaire », a lancé Yellen, qui nuance toutefois son propos en insistant sur le fait que les actions futures sur les taux seront probablement « graduelles ».

Janet Yellen pense d’ailleurs qu’il faudra plusieurs années avant que la politique monétaire ne soit normalisée. En réalité la Fed ne le dit pas, mais elle entend maintenir un excès considérable de liquidités jusque fin 2017 afin d’éviter les accidents financiers. La question centrale n’est pas celle des taux,  un baby step de 0,25, non la question centrale, c’est le matelas de liquidités. Les mouvements récents sur les marchés de fonds d’état ont eu une ampleur supérieure à des babysteps d’un quart de point !

Yellen constate également que le marché du travail se rapproche de l’objectif, même si « nous n’y sommes pas encore ». Elle nous livre une analyse qualitative du marché de l’emploi marqué par le temps partiel et le découragement d’une partie de la main d’œuvre potentielle. Grâce à cette analyse on comprend qu’elle se réserve un droit à l’arbitraire.

L’économie américaine devrait selon elle retrouver un rythme modéré de croissance. La Fed pourrait envisager de durcir plus fortement sa politique de taux si l’économie américaine accélère plus que prévu, ce qui reste très hypothétique évidemment. Néanmoins, repousser la première hausse de taux jusqu’à ce que l’emploi et l’inflation soient totalement en phase avec les objectifs de la Fed « ferait courir le risque d’une surchauffe de l’économie », explique Yellen.

Yellen conclut sur un élargissement de son discours et évoque les perspectives de long terme. Elle ne  prend pas parti sur la question de la stagnation séculaire, tarte à la crème actuelle, mais elle évoque les facteurs, conditions de la croissance :

  • -l’éducation
  • -l’esprit d’entreprise
  • -l’innovation
  • -la promotion de l’investissement public et privé.

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A lire texte intéressant qui tourne autour de la question des perspectives de long terme et la productivité.

http://www.federalreserve.gov/pubs/feds/2013/201377/201377abs.html

 BRUNO BERTEZ Le 23 Mai 2015 

illustrations et mise en page by THE WOLF

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