Art de la guerre monétaire et économique

L’Edito du Lundi 1er Juin 2015 : Sauver nos sociétés plutôt que les financiers Par Bruno Bertez

L’Edito du Lundi 1er Juin 2015 : Sauver nos sociétés plutôt que les financiers Par Bruno Bertez

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Notre cadre analytique est fondé depuis le début des années 80 sur un constat: le crédit, dans nos systèmes, peut être émis sans limite, sans contrainte, grâce d’une part, au désancrage de la création monétaire et, d’autre part, au Fractionnal Banking.  On pourrait ajouter grâce à la prise de pouvoir politique et monétaire par les ultra-riches. Ce serait approximatif car l’enrichissement  produit le pouvoir et le pouvoir produit l’enrichissement.  

Les Banques Centrales et Banques Commerciales peuvent créer de la monnaie « out of thin air », sans autre limite que l’acceptation de cette monnaie. Nos monnaies sont des monnaies de crédit. La condition pour créer du crédit, c’est qu’il y ait une demande pour les « actifs » ainsi créés. Pour stimuler la demande, les Banques Centrales et les Gouvernements donnent toutes sortes de garanties, font toutes sortes de promesses, en gros, ils prétendent que les créances sont money-like, aussi bonnes, aussi sûres que de la monnaie. Et que s’il y a un accident, elles seront là pour sauver tout le monde. Du moins, « les gros », les TBTF.

La dette des uns devient un actif, « un asset » pour les autres. Si vous avez une créance sur quelqu’un, vous considérez que vous avez un actif, même si c’est le passif de quelqu’un d’autre. Un « actif  » qui lui aussi peut être acheté à crédit, financé par le levier, c’est à dire par la dette et la création monétaire. Les banques peuvent multiplier les créations de crédit sans être contraintes par les dépôts. Les marchés, en mobilisant et diffusant les actifs financiers ainsi créés, sont un maillon essentiel dans ce processus. Les marchés ne collectent pas seulement de l’épargne, ils fonctionnent à crédit, d’où l’importance de les stabiliser, afin de maintenir le levier. La Banque d ‘Angleterre a,  il y a quelques mois tordu le cou aux idées fausses sur la création de monnaie  et démontré le pouvoir premier et illimité de création monétaire par les banques. Note trimestrielle Q1 « Money creation in the modern economy », This article explains how the majority of money in the modern néconomy is created by commercial banks  making loans.» by McLeay, Radia et Thomas.

Les marchés doivent structurellement être haussiers, dans pareil système. Pour que les marchés absorbent les crédits ainsi créés, il faut qu’ils soient enclins à la prise de risque. C’est à dire qu’il faut qu’ils acceptent un risque d’insolvabilité. La liquidité crée l’illusion que l’on peut toujours vendre avant que le risque d’insolvabilité ne se manifeste… pour les autres, c’est la racine du système, c’est ce que l’on appelle la chaîne du bonheur, le Ponzi. 

Un crédit, c’est une reconnaissance de dette, une promesse de payer des intérêts et le principal dans le futur. Un crédit produit un pouvoir d’achat supplémentaire pour celui qui le contracte. Pour le pays, il permet de réaliser un produit national supérieur, temporairement, supérieur à celui qui serait réalisé sans crédit. Il ne produit pas une baisse de pouvoir d’achat pour celui qui le consent car, entre-temps, il y a eu multiplication des pains par le leverage; par le levier de nouvelles dettes et le pouvoir de création de monnaie des banques/des marchés/de la Banque Centrale. Le crédit dans nos systèmes, c’est le paradoxe du joueur de billes de Jacques Rueff : ce que les uns gagnent, les autres ne le perdent pas, les billes sont rendues, recyclées, remises en jeu.

Quand le cycle du crédit dure longtemps, alors une formidable création de richesse a lieu; la richesse apparente s’accumule tant que le stock de crédit s’accroît. Nous vous rappelons que les dettes des uns constituent le patrimoine des autres; ou ce qu’ils croient être leur patrimoine tant qu’ils espèrent que les promesses de service du crédit seront tenues.

 Il parait évident pour chacun que, plus le crédit est facile et bon marché, plus la qualité des débiteurs se détériorent. On accorde un crédit à un chien avec un chapeau. Quand le crédit est facile,  la masse de crédits qui seront non solvables, non remboursables, s’accumule. L’exemple en a été fourni par les crédits subprimes au logement, il est fourni par les crédits étudiants, par la Grèce, etc.

Qu’est-ce qu’une crise du crédit ? C’est la révélation brutale qu’il y a trop de crédits dans le système en regard des revenus disponibles pour les honorer, et symétriquement trop d’actifs, trop de patrimoines constitués par les promesses de remboursement. Une crise du crédit est toujours une crise symétrique de doute sur la valeur des patrimoines financiers. Surtout si ces patrimoines financiers sont gagés, donnés en garantie, pour créer d’autres crédits comme c’est le cas dans nos systèmes bancaires, ces patrimoines gagés donnés, en garantie, on les appelle les collatéraux. 

Si une crise du crédit se produit, c’est à dire si à un moment il se révèle qu’il y a une masse de crédit trop importante, qu’elle ne peut pas être honorée et que les richesses auxquelles elle est censée correspondre, n’existent pas, alors il faut qu’il y ait une remise en proportion, il faut que l’on détruise du crédit qui ne peut être remboursé et servi, et bien sûr que l’on détruise la pseudo-richesse, les créances qui en sont la contrepartie. Une crise du crédit est une crise où l’on reconnaît que certains crédit ne peuvent être remboursés et où, en même temps, on admet que les créances, le patrimoine financier qui en constitue le symétrique ne vaut rien. La dette de celui qui est endetté ne vaut plus rien et la créance de celui qui a prêté est dévalorisée. Une crise du crédit est un révélateur de la situation réelle de l’économie, un révélateur de l’état du système. Ce que l’on voit, l’actif, peut sembler sain, mais ce que l’on ne voit pas, le passif se révèle pour ce qu’il est « pourri ». 

Il faut savoir que le crédit excessif sert à maintenir en activité des secteurs murs, malsains, en permettant de leur adresser une demande supérieure à ce qu’elle serait sans le crédit excessif. De même, le crédit excessif conduit les gouvernements à dépenser plus qu’il n’est raisonnable, de même, le crédit excessif peut servir à financer des investissements et des emplois qui ne seront jamais rentables et pèseront sur la santé de l’économie. 

Le crédit excessif ne se traduit pas par l’inflation des prix de biens et des services dans un système ouvert sur l’étranger, car la demande excédentaire se porte sur les biens importés, de Chine par exemple. Dans ce cas, l’excès se mesure par le déficit extérieur et non par la hausse des prix. En revanche, le crédit très et trop facile sert à acheter des biens, des actifs, des patrimoines, de l’immobilier, des œuvres d’art, des actions, des obligations, des fonds d’Etat,  lesquels se trouvent demandés plus qu’il ne serait raisonnable; c’est l’inflation du prix des assets. Celle que l’on connaît depuis des décennies, ou que certains désignent sous le nom de « bulles ». C’est la forme d’inflation la plus pernicieuse, elle pourrit tout, détruit l’épargne, encourage les usages spéculatifs, renforce la nécessité du profit dans le système pour rentabiliser le capital inflaté et payer les dividendes. Bien entendu, elle est responsable de l’accroissement des inégalités et de l’injustice sociale.

Les vrais épargnants sont ruinés, leur épargne ne rapporte rien, les spéculateurs font fortune. Mais surtout, comme le scandale de  l’inflation du prix des actifs et des biens patrimoniaux n’est pas directement perceptible par le public des petites gens et des classes moyennes,  les classes qui en bénéficient s’en donnent à cœur joie. Les classes qui en bénéficient, ce sont les banquiers, les kleptocrates, les ploutocrates, les gouvernements qui peuvent ainsi s’endetter et se surendetter, et leurs valets ponctionnaires, et les assistés; ceux qui en sont spoliés sont les classes moyennes, les classes laborieuses. Ceux qui ne sont pas assez riches pour accéder au crédit et qui, au contraire, le paient à un taux usuraire alors que les autres en jouissent quasi gratuitement. Tout cela produit un transfert de richesses et de revenu colossal, des moins riches vers les plus riches 

Quand un gouvernement est confronté à une crise du crédit, il peut l’accepter et piloter, orienter la destruction du crédit pourri et faire en sorte que le retour à une proportion entre la richesse vraie et la richesse fictive se passe bien. Le gouvernement peut accompagner l’assainissement en limitant les dégâts pour ceux qui ne sont pas responsables de la crise et en les faisant supporter par ceux qui en sont les responsables et qui en ont profité. Cela, c’est dans le cas d’un gouvernement honnête, démocratique, propre. Dans le cas contraire, ce Gouvernement, avec l’aide de la Banque Centrale, met en place une politique fondée sur des subterfuges qui ont une seule logique: ne pas faire payer la crise à ceux qui l’ont créée, qui en ont profité et qui continuent de le faire. Ces subterfuges s’articulent autour de la fiscalité, la baisse du niveau de vie, la mise au chômage des classes moyennes et une politique monétaire dite non conventionnelle. Celle de la Fed, celle de la BCE. Derrière la complexité et l’enfumage, il s’agit de faire croire aux classes moyennes que la crise est de leur faute, qu’elles vivent trop bien, au-dessus des moyens du pays et de leur extorquer, de leur presser le citron, de secréter un excédent, pour rembourser les crédits pourris, enrichir les banques pour les rendre solvables, et qu’elles continuent à prêter aux gouvernements pour qu’ils continuent comme si de rien n’était, à acheter des votes et à gaspiller.

Bref au lieu de faire ce qui doit être fait, assainir le système, stopper la gangrène, les Gouvernements et les Banques Centrales sont alliés pour faire en sorte que cela continue le plus longtemps possible, fut-ce au prix de risques aggravés considérables:

  • -Risque de crise du crédit et des marchés financiers considérables. 
  • -Risque d’avilir la monnaie. 
  • -Risque de dépression économique. 
  • -Risque de fissurer la société, de dé-légitimer nos systèmes politiques et sociaux. 
  • -Risque de recherche de boucs émissaires.
  • -Risque de guerre car toutes les guerres ont toujours été causées par des crises de ce genre. 
  • -Risque de pertes de liberté, de servitude et de mise en place de sociétés totalitaires.  

Les élites proposent que nos sociétés se transforment et se plient aux besoins de sauvetage du système financier, bancaire et monétaire, nous proposons l’inverse, que l’on réforme ce système, il nous conduit au chaos.

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BRUNO BERTEZ Le 1er Juin 2015 

illustrations et mise en page by THE WOLF

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3 réponses »

  1. Oui, mais en pratique comment s’y prendre ?

    par exemple la dette-monétisée circule, les derniers échanges peuvent être « honnêtes », c’est-à-dire par paiement comptant, sans crédit : pourquoi le dernier qui possède cette « monnaie » devrait-il en subir la dévaluation ?

    de même le dernier acheteur à crédit n’a-t-il agit que pour ne pas être le spectateur passif, le pigeon, tandis que tous les autres s’enrichissent (par illusion, nous sommes d’accord) grâce au crédit ? en effet, ne pas agir, jouer, revient à subir un appauvrissement réel tant que la bulle du prix des actifs n’éclate pas, ce qui peut prendre un temps très long.

    On peut bien entendu identifier des coupables (je ne parle même plus de suspect ni de « responsables ») chez les banquiers centraux et commerciaux et chez les politiques, mais ensuite ? les Maîtres ne peuvent pas faire pas un véritable exemple, ni se saborder, ni sacrifier leur patrimoine, leur pouvoir ; ils ne peuvent que commettre une illusion, une petite punition parmi les courtisans les moins en cours, mais sans rien changer pour eux (c.f. Lehman Brothers).

    Alors seule solution : une révolution, La Révolution ? mais le peuple clientéliste y est-il prêt, ne suffira-t-il pas de lui faire peur pour l’inhiber ? d’autant qu’il peut manifester sa mauvaise humeur, en passant de droite à gauche et vice-versa parmi les Maîtres, qu’il a du pain et des jeux.

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