Art de la guerre monétaire et économique

Tom Hayes, le «Machiavel du Libor», condamné pour l’exemple…Lequel ?

Tom Hayes, le «Machiavel du Libor», condamné pour l’exemple…Lequel ?

Olivier Perrin/ Le TEMPS 4/8/185

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Pour avoir orchestré un système de collusion destiné à manipuler le taux interbancaire à large échelle, l’ex-courtier britannique d’UBS et de Citigroup en a pris pour 14 ans ferme. C’est la première fois qu’une personne physique est condamnée dans cette affaire

Ce sont «des moyennes des taux pratiqués par différentes banques pour des échéances données, calculées sur la base des déclarations sur l’honneur faites par un panel de grandes banques», selon la définition de LaTribune.fr. Dans le détail, Tom Hayes a donc «orchestré de septembre 2006 à septembre 2010 un système de collusion avec des traders des banques suisse UBS et américaine Citigroup, mais aussi avec ceux d’autres établissements, afin d’influencer à leur avantage le niveau du Libor», explique Le Figaro.

Deux mille requêtes

Il «travaillait pour UBS à Tokyo entre 2006 et 2009, avant de rejoindre Citigroup, indique Le Monde. Selon l’accusation, il était au centre de la manipulation du Libor libellé en yens. Au total, il aurait émis 2000 requêtes de manipulations pendant ses trois années dans la banque suisse.» Pour se défendre, l’ex-courtier avait expliqué que la manipulation du taux était «monnaie courante» dans l’industrie financière.

«Tom Hayes était à l’épicentre (de la manipulation), a accusé Mukul Chawla, le procureur. Personne ne suggère qu’il doive porter la responsabilité de toute la manipulation, mais il est allé plus loin que les autres.» A en croire le procureur, l’ancien trader d’UBS et de Citigroup avait mis en place un réseau de manipulation à grande échelle, non seulement à l’intérieur de sa banque, mais aussi avec de nombreux autres établissements financiers.

Selon lui, Tom Hayes faisait cela pour augmenter son bonus: «Vous étiez cupide (greedy), vous vouliez avoir le plus d’argent possible. C’est la façon dont vous êtes jugé, c’est votre standard pour mesurer votre performance.»

. «Il n’y a aucun doute que la manipulation existait avant que Tom Hayes ne rejoigne UBS. […] Mais il l’a développée à une autre échelle, accuse Mukul Chawla. Il a réalisé qu’il pouvait (le faire) avec d’autres banques […] et avec les maisons de courtage.» Au total, le trader a ainsi inclus presque l’ensemble du panel des 16 banques qui calculent le taux Libor en yens.

L’accusation a ainsi présenté des extraits d’un échange sur une messagerie électronique entre Tom Hayes et un trader de la maison de courtage Tullett Prebon.

– Salut. Bon week-end? Tu es avec la (personne qui est chargée de communiquer le taux à la BBA)?

– Oui

– A partir de maintenant, j’aimerais que tu lui demandes un service. Tu verras, je te le rendrai. Ça te rapportera aussi. C’est un truc que je fais déjà avec ICAP (une autre maison de courtage). Tu pourrais lui demander de baisser un peu le Libor aujourd’hui?

Quelques minutes plus tard, son interlocuteur acceptait

Cette condamnation, très lourde, est une première dans le retentissant scandale qui a coûté des milliards au secteur bancaire et entaché sa réputation. Une première parce que c’est «une personne physique qui a dû faire face à un tribunal», précise le Handelsblatt. En légende de la photographie que publie le WSJ – où l’on voit l’ex-trader arriver au tribunal en compagnie de son épouse – on lit que «ce verdict de 14 ans est un des plus sévères jamais prononcés contre un banquier depuis le début de la crise financière». Le jury a tranché «de manière unanime» dans ce procès «pour l’exemple», puisque «plusieurs autres grandes banques ont avoué avoir aussi manipulé le Libor», confirme-t-il.

Le «Rain Man» du Libor

Le quotidien new-yorkais rappelle également le profil psychologique du condamné: «un mathématicien légèrement autiste» que ses collègues surnommaient «Rain Man», d’après le fameux personnage incarné par Dustin Hoffman dans le film de Barry Levinson.

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L’ancien trader souffre d’une forme légère du syndrome d’Asperger, un trouble psychologique proche de l’autisme. L’affection n’a été diagnostiquée que quelques semaines avant l’ouverture du procès. Mais elle était bien présente au moment des faits qui sont reprochés à Tom Hayes.

«On lui aurait presque donné le bon Dieu sans confession!» ironise Le Point. «Rain Man Ringmaster Of Libor», insiste pour sa part Sky News. Il a eu beau «plaider que ses patrons étaient au courant d’un comportement qu’il n’a jamais jugé inadéquat», le jury n’a eu besoin que «d’une bonne semaine pour balayer ses arguments». «Ma hiérarchie savait», rapportent Les Echos au terme d’un procès où le Daily Telegraph précise que le coupable «n’était pas motivé» par l’argent.

Quant au quotidien financier de la City, qui y voit «une belle victoire pour le surveillant» – l’Office britannique de lutte contre la délinquance financière, le Serious Fraud Office – il précise que Tom Hayes avait reçu le pseudonyme de «Machiavel du Libor» par un des enquêteurs. Du nom de célèbre homme politique et philosophe italien (1469-1527), tenant de la théorie voulant que «la fin justifie les moyens» et que le souverain ne se soucie plus du bien commun mais cherche à stabiliser son pouvoir par la force et les apparences.

Le FT s’appuie sur l’adresse du juge au prévenu: «Vous étiez le centre, lehub de la conspiration, où vous avez entraîné les autres.» Il publie, à ce sujet, une infographie éloquente en page 13.

C’est «un réseau» que Hayes avait monté, pour le Guardian, organisé par «cupidité» et pour «obtenir de meilleurs salaires». Ce pourquoi le Daily Mail exige que «de nouvelles enquêtes soient maintenant» menées: «Now bring the bank bosses to justice!» clame-t-il.

 Entre octobre 2006 et novembre 2010, Hayes avait passé un accord secret avec des collègues courtiers en vue de falsifier à plus de trois cents reprises les données communiquées respectivement à l’Association des banquiers britanniques et à la Banque du Japon afin de leur permettre de calculer les taux auxquels les banques se prêtent de l’argent.

En fait, le trader soudoyait des intermédiaires avec du liquide ou en leur promettant de lucratifs contrats. L’un de ses complices était un courtier londonien, Colin Goodman. Celui-ci faisait autorité sur l’indice du négoce du yen. Les banques qui recevaient chaque matin son e-mail leur suggérant un taux avaient tendance, par facilité ou par paresse, à reprendre son estimation dans leurs soumissions. Mais l’expert, qui par vantardise se faisait appeler Lord Libor, suivait en fait les instructions de Hayes. En échange des tripatouillages de l’outil de référence, l’opérateur recevait de ce dernier l’équivalent de 1 500 euros par mois, à l’occasion une caisse de champagne et le remboursement des frais de bouche, en général un poulet au curry. Tout cela paraît dérisoire au regard des sommes en jeu, mais pour l’encourager à tricher, Hayes ne cessait de lui répéter : « Bientôt, tu pourras t’acheter une Ferrari. » Et à chaque fois que Goodman avait des états d’âme, l’organisation menaçait de lui retirer ses ordres d’achat et de vente qui constituaient une bonne partie de son bonus.

http://www.lepoint.fr/monde/qui-est-tom-hayes-le-trader-condamne-pour-le-scandale-du-libor-03-08-2015-1954600_24.php

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/7236c550-3a75-11e5-9458-9f31f164eeae/Tom_Hayes_le_Machiavel_du_Libor_condamn%C3%A9_pour_lexemple

Diplômé de mathématiques, Tom Hayes a expliqué qu’il était « obsédé » par les marchés financiers, « qui sont une part énorme de [son] identité ». « Je cherchais à bien faire mon travail. Je suis comme ça », a-t-il dit pour justifier la manipulation du Libor sur le yen japonais ,dont il était l’un des principaux acteurs pendant quatre ans chez UBS à Tokyo

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Il pensait respecter les règles

La défense s’est ensuite attachée à prouver que Tom Hayes pensait agir dans le respect des règles. S’il a reconnu avoir agi malhonnêtement lorsqu’il a été interrogé par les enquêteurs britanniques du Serious Fraud Office en 2013, c’était pour « être certain » d’être poursuivi au Royaume-Uni, a expliqué l’accusé. Tom Hayes était alors « pétrifié par la peur » d’être extradé vers les Etats-Unis, où il était également sous le coup d’une enquête, et d’être ainsi séparé de son épouse et de son fils, alors âgé d’un an. « J’ai été contraint de dire que j’avais agi malhonnêtement, a-t-il soutenu. Je ne pouvais pas parler librement. » Il assure désormais que ce n’était pas le cas. Et plaide d’ailleurs non coupable pour ce procès, le premier du genre dans le scandale du Libor, qui a déjà coûté plus de 9 milliards de dollars en amendes aux banques impliquées.

Il assure que sa direction était au courant

La seconde ligne de défense de l’ancien trader risque de susciter un profond malaise dans la hiérarchie d’UBS. Tom Hayes assure que tous ses supérieurs étaient au courant de ce qu’il faisait et qu’il ne leur a jamais rien caché. « Tout ce que je faisais était transparent pour mes employeurs », a-t-il dit. L’avocat a rappelé que son client communiquait essentiellement par e-mail avec les traders des banques concurrentes qui l’aidaient à manipuler le Libor, laissant donc des traces écrites. La preuve, selon la défense, qu’il ne cherchait pas à se cacher.

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http://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/021192607789-libor-ma-hierarchie-savait-assure-tom-hayes-a-son-proces-1135340.php?1FtXuoUTiHvjiQQf.99

EN BANDE SON: 

4 réponses »

  1. That guy is a Jerome Kierviel ! Toutes les directions de banque sont au courant,,,pourvu que ça rapporte,,,pas trop vu , pas pris ! ceux qui devraient être inculpés, , ce sont les présidents, les GM, les directors…. Ça ressemble à du déjà-vu, UN MAUVAIS FILM ! THEY’VE FOUND A SCAPEGOAT !!

  2. Dans ces conditions, Goldman Saks devrait être condamné à 1000 ans de prison

  3. La fraude au LIBOR est aussi une conséquence de Bâle 2 et des régulations sur les OTC.

    Il existe deux façons de faire un prêt à court terme entre institutions financières:
    * en prêtant de l’argent (ce que mesure le LIBOR, les prêts interbanciares)
    * en mettant une partie de ses avoirs au « Mont-de-Piété » fianancier. Ca s’appelle un repo, on met des obligations en gage chez une autre banque en échange d’un prêt d’un montant équivaleent à la velur du collatréal déposé.

    Dans la mesure ou le coût en fonds propres de ces deux opérations, pour l’entité prêteuse, est nettement moins élevé dans le cas d’un repo, cette pratique s’est généralisée et une part important des crédits interbancaires à court terme s’est transféré du Money Market vers le marché des repos.

    Le problème est que le LIBOR est resté le taux de référence de la quasi-totalité des financements à taux variable (swaps, prêts flottants, …). On s’est donc retrouvé avec une situation ou un marché « étroit et peu liquide » servait de sous-jacent à un marché beaucoup plus gros.

    Dans ce type de situation, les manipulations sont malheureusement inéluctables.

    On pourrait comparer cela aux matchs truqués de la deuxième division du championnat belge, où des matchs aux enjeux modérés (un match de D2 belge avec 1000 spectateurs à tout casser) servaient de sous-jacents à des millions de dollars de paris en Asie

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