Art de la guerre monétaire et économique

Quand les aveugles pilotent à vue ! (Bruno Bertez) / Est-ce la plus grande crise de l’histoire? (Zerohedge)

Quand les aveugles pilotent à vue !

Fed

Nous avons publié en son temps un article qui a bien marché, il était intitulé: »Quand les aveugles pilotent à vue » si nos souvenirs sont bons. Nous estimons qu’il est temps de reprendre cette idée. Ce qui nous en donne la conviction, c’est trois choses :

-l’extrême volatilité des marchés, ils ne savent à quel saint se vouer et semblent désorientés, les gourous et les guidances font défaut.

-l’absence de commentaires et de prévisions de la Fed lors de ces dernières interventions. Faute de savoir ou va l’économie, elle s’abstient d’en parler, elle se repose sur l’espoir que la mauvaise passe est transitoire et que les effets négatifs de contagion resteront limités.

-la Fed n’a plus de stratégie puisqu’elle a lancé un programme de normalisation, mais que verbalement elle suggère qu’elle ne s’y tiendra peut-être pas. Il est évident que l’espoir ne peut fonder une stratégie ! En tant que banque, la Fed reconnait l’incertitude et elle réduit son risque.

Notre analyse est que cette incertitude est la caractéristique majeure de la situation. Le long terme se télescope avec le court terme ; voire même le long terme se télescope avec  le moyen terme et le court terme.

Le long terme, c’est le poids de la crise et l’héritage de 2007/2008. Ce que souvent, nous appelons la pesanteur, la loi de la gravitation. Un héritage se concrétise dans un bilan, le bilan d’un système, c’est sa mémoire, et les bilans sont lourds.

Le moyen terme, c’est l’incidence de la phase de tentative de normalisation avec d’abord le Taper, puis la hausse des taux de décembre. Le soutien monétaire, le soutien par la liquidité se réduit et provoque des ajustements dont on ne sait pas très bien s’ils constituent une transition ou un retournement. En particulier chez les émergents, en Chine, sur les matières premières et, bien sûr, le pétrole.

Le court terme, ce sont d’abord les parades mises en place par les pays qui sont en difficulté comme la Chine (en cours) , le Japon ( en cours) et l’Europe( à venir). Ces mesures, par leur aspect désespéré, jusqu’au boutiste viennent brouiller la situation. Personne ne sait si elles suffiront et personne ne sait si elles ne vont pas provoquer de nouvelles perturbations, des effets non désirés.

La Fed fait elle-même partie du court terme. En effet, elle entretient l’espoir que, s’il le faut, si les conditions financières se resserrent, si le risk-off persiste, alors elle agira. L’ennui est que dans les analyses et les modèles de la Fed, le marché financier joue un rôle central, il est à la fois cause et effet ; il est à la fois moteur et frein. On connait la doctrine officielle : les marchés ne sont pas reflet de l’économie, ils en sont la locomotive. Que faire quand le message des marchés n’est pas net ? Que faire quand ce message est « mixed », c’est à dire qu’il est un mélange de crainte et d’espoir ?

Nous n’avons pas de réponse à cette question, elle sera tranchée par l’avenir, par ce qui va suivre. Nous sommes dans une de ces phases ou la logique bute sur la tautologie : le serpent se mord la queue. Il n’y a pas de référent extérieur, historique ou intellectuel, sur lequel fonder un raisonnement et encore moins appuyer une action.

La pensée fausse qui sous-tend l’action des autorités se révèle par l’impasse, par le jugement d’impossible, il n’y a pas de bonne réponse :

-si la Fed reste dans ses dispositions de 2015 et qu’elle monte les taux, cela sera sanglant puisque la hausse de décembre a eu un effet négatif et que cet effet négatif n’a été contré que par l’espoir qu’elle ne les monterait plus.

-si la Fed ne monte pas les taux, ce sera catastrophique car elle accréditera l’idée qu’elle a commis une erreur, l’idée que les remèdes ont échoué et qu’elle est prisonnière.

Le dilemme de la Fed n’est pas sans signification pour les marchés, car son existence même servira, sert déjà de révélateur, de ce que certains pressentent depuis longtemps. Et c’est la raison pour laquelle l’establishment dégage en touche et évoque non pas la poursuite des actions antérieures, mais d’autres mesures plus radicales, encore moins conventionnelles, encore plus aventureuses comme les taux négatifs, les menaces sur le cash et l’argent liquide, bref la destruction du modèle financier et bancaire sur lequel nous avons vécu.

Nous sommes à la croisée des chemins :

Il se révèle que l’action antérieure a été incapable de produire une croissance auto entretenue, les « green shoots » meurent sitôt que l’on cesse de les arroser.

Il se donne à voir que les mesures de fournitures de liquidités sont incapables de traiter les problèmes de solvabilité et de rentabilité.

Il se révèle que l’on a besoin une fois de plus de recourir à l’arme budgétaire et au creusement des déficits pour pallier l’insuffisance des revenus et des cash flows.

Il se révèle que l’empilement des dettes depuis 2008 à la faveur des taux zéro a fragilisé encore plus les débiteurs marginaux, le high yield, les périphériques sectoriels et géographiques du système et que cette masse de dettes est le talon d’Achille de l’édifice.

Il se révèle que le niveau atteint déjà maintenant rend très problématique le remboursement et le service d’une masse considérable de créances.

Bref il apparait de plus en plus évident que la faiblesse des résultats obtenus en 7 ans dévalorise les remèdes, alors que les risques et conséquences non voulues n’ont cessé de progresser et d’inflater en montants, en masses concernées. Au lieu des « green shoots », c’est le mal qui prend racine.

Bref ce qui perce, ce qui transparait, c’est le « debt trap », le piège de la dette : beaucoup de débiteurs seront incapables d’honorer leur dettes, tandis que beaucoup de gens (les créanciers) s’apercevront qu’ils sont beaucoup moins riches qu’ils ne le croyaient.

Nous en revenons ainsi à l’erreur de l’interprétation de la période de 1929. Bernanke a vu juste quand il a considéré et écrit que c’était la contraction des dettes qui avait été la cause de l’aggravation de la crise de 29; et il s’est arquebouté contre cette contraction de la masse de dettes. Mais, grisé par son analyse, il ne l’a pas poussée plus loin, car ce n’est pas en faisant le contraire de ce qui a été fait dans  les années 30 que l’on pouvait sortir de la crise:  on pouvait en effet la repousser, la retarder, mais on ne faisait que retarder les échéances. Son action aurait été raisonnable si elle avait permis de relancer une croissance nominale forte, capable de faire chuter les ratios de dettes, mais précisément, le poids de la masse dettes oblitère la croissance nominale, l’empêche de retrouver non seulement son rythme ancien, mais même, elle interdit une allure conforme au potentiel. Les incantations inflationnistes et anti-deflationnistes n’y ont rien fait, elles n’y font encore rien :  la croissance nominale suffisante pour alléger et solvabiliser ne revient pas. On a eu beau inflater les bilans des banques centrales mondiales jusqu’à 25% des GDP, le bilan de la Banque of  Japan jusqu’à 70% du GDP, ruiner les épargnants, détruire les retraites, on n’a rien à montrer comme résultat , pas plus en croissance réelle qu’en croissance nominale.

Pire, la dégradation en profondeur des paramètres de la croissance s’est accélérée en raison de la mauvaise allocation des ressources vers tout ce qui est improductif et gaspillage, la productivité chute, les revenus réels aussi, les budgets des gouvernements ne rééquilibrent pas.

Pour en revenir au court terme, les marchés financiers donnent le spectacle, eux aussi de l’indécision et de l’incertitude. Ceci se concrétise par le combat classique des bulls contre les bears. Pour le moment, ce sont les bulls qui l’emportent, ils ont eu le renfort des vendeurs à découvert qui, pris à la gorge par les actions concertées des autorités, n’ont eu d’autre possibilité que de se racheter. Ils sont en train de reconnaitre leur défaite. Elle ne signifiera rien et ne présagera rien. Car ce qui va compter, ce n’est pas l’écume de la spéculation, mais le comportement futur des vrais opérateurs, des opérateurs finaux, les vrais utilisateurs du marché. La spéculation est faite pour perdre et bonifier les résultats de vrais utilisateurs. Des  « commercials » comme on dit sur les marchés de matières premières. La situation des banques sera à notre sens l’élément déterminant car finalement, ce sont elles et leur masse colossale qui donnent le « la » sur le risk. Leurs modèles bancaires, leurs modèles de risk, la situation du funding leur donnent-ils encore la possibilité de leverager et d’augmenter leur exposition ? Nous ferions plutôt le pari contraire, nous pensons qu’elles vont bientôt « servir » les marchés, mais ce n’est qu’un pari.

Est-ce la plus grande crise de l’histoire? (Zerohedge)


Tyler Durden

Par Tyler Durden – Le 11 février 2016 – Source Zero Hedge / Le Saker Francophone

En parlant du pétrole et de l’or, la semaine dernière, la Deutsche Bank a publié un graphique à long terme du pétrole en termes réels ajustés, qui montre que le prix réel moyen depuis 1861 est de 47 dollars.

À la suite de cela, Deutsche Bank note qu’il y a des ratios qu’ils surveillent de temps en temps, ceux de divers actifs au prix de l’or…

Aujourd’hui, nous mettons à jour le ratio entre l’or et le pétrole depuis 1865 et on constate que le prix de l’or vient de frapper à un niveau record, autour de 44 fois le prix du pétrole.

Le record précédent, qui était de 41 en 1892, vient d’être dépassé.

Pour remettre ce ratio en perspective, celui-ci était de 6,6 en juin 2008 et seulement de 12 en mai 2014. La moyenne sur le long terme est de 15,5. Bien que cela ne dise rien sur la dynamique de ce ratio à court terme, il peut par contre sembler une bonne idée de l’exploiter sur le long terme pour ceux qui se soucient de telles choses.

Cependant, comme nous l’avons noté récemment, ce record semble tout simplement prévoir une crise et, selon le tableau ci-dessus, il sera la plus grande crise de l’histoire…

La précédente «plus grande crise de l’histoire» était celle de 1893, quand unedépression économique grave a frappé l’Amérique. Nous ne faisons que pointer ici qu’en tant que ratio de crise, ce ratio or/pétrole, nous invite à nous demander: quelle crise nous attend donc juste au coin du bois, et quelle sera sont ampleur ?

Tyler Durden

Liens 

Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Diane pour le Saker Francophone.

http://lesakerfrancophone.fr/est-ce-la-plus-grande-crise-de-lhistoire

EN BANDE SON 

4 réponses »

  1. Au fil de cette lecture définissant parfaitement la problématique, l’analyse passionnante
    qu’en fait Bruno Bertez (ENCORE MERCI), m’a fait souvenance d’une analogie lointaine,
    qui m’a traversé l’esprit ?

    Une « vieille histoire » qui évoquait un problème dont la complexité était telle,
    que les plus grands penseurs que les plus grands cerveaux grecs, les maîtres
    indiscutés de « la chose » dans ces temps là butaient dessus depuis des lustres ?
    Pour en arriver à la conclusion que c’était INFAISABLE ? IM.POS.SI.BLE !

    Or, un jeune garçon brillant de brillant voulait conquérir … le monde ?
    Mais pour ce faire, il lui fallait tout d’bord fédérer les grecs eux mêmes
    divisés en plusieurs « puissances » souvent ennemies d’ailleurs ?

    Vous le voyez arriver hein ?

    Et bien oui ! C’est ainsi qu’Alexandre le grand est devenu … ce qu’il est devenu !

    Ce noeud absolument impossible à défaire, CE NOEUD GORDIEN,
    il l’a « eu » d’un GRAND coup de glaive ?

    PAF !

    Tranché net le noeud ! Plus de problème ???
    Personne n’y avait pensé avant lui et encore moins OSÉ ?

    Se pourrait-il que nous nous « trouvassions » (sic) devant un truc du genre ?

    Heureusement, avec des penseurs aussi brillants que
    les Présidents et autres ministres premier ou se con d’ailleurs
    en exercice comme à notre tête; avec cette pléthore d’énarque
    et autres docteurs en touttoutout , avec ces espèces y a liste
    qui nous dirigent, nous avons CERTAINEMENT quelque part
    comme sous le coude le brillant acteur … ou la brillante actrice
    qui va nous régler ça d’un coup de …. baguette magique peut-être ?

    PIF ! POUF ! PAF !

    ABRACADABRI ABRACADBRAAAAAA et la bobinette cheeerra ?

    C’est chouette hein ?

    Avouez qu’on a quand même CETTE GRANDE CHANCE d’avoir à notre tête
    des gens de cette qualité ?

    On pourra dire … alors, qu’on l’aura échappé belle ? Surtout si le glaive
    ne s’abat pas sur nous, ou sur une quelconque partie de notre anatomie ?

    Pfiouuuuuuuuuu !!!

  2. « Nous en revenons ainsi à l’erreur de l’interprétation de la période de 1929. Bernanke a vu juste quand il a considéré et écrit que c’était la contraction des dettes qui avait été la cause de l’aggravation de la crise de 29; et il s’est arquebouté contre cette contraction de la masse de dettes. Mais, grisé par son analyse, il ne l’a pas poussée plus loin, car ce n’est pas en faisant le contraire de ce qui a été fait dans les années 30 que l’on pouvait sortir de la crise: on pouvait en effet la repousser, la retarder, mais on ne faisait que retarder les échéances.  »

    à, 1939

    si si il l’a poussé plus loin mais pas en public
    (il participe au financement de la defense)

  3. peut-être que « la contraction des dettes qui avait été la cause de l’aggravation de la crise de 29 » n’en était en fait qu’un symptôme ; en tentant de traiter cette contraction -de masquer ce symptôme- Bernie n’a rien fait que de modifier le déroulement temporel de la cause ?

    La FED peut d’ores et déjà prendre prétexte du la prochaine élection présidentielle pour geler ces interventions, comme elle l’a si souvent fait. Du coup avec un VLIRP (Very Low IRP) elle attirera aux US les capitaux fuyant les ZIRP et autres NIRP, ce qui lui permettra d’attendre, sans empêcher ses membres de sonder le terrain en disant tout, n’importe quoi et le contraire, histoire de préparer le début 2017.

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