Art de la guerre monétaire et économique

Descente au cœur de la faille du système : Les grands gagnants de l’endettement- l’analyse du chef du départment monétaire de la BRI- Le Commentaire de Bruno Bertez

Descente au cœur de la faille du système Par Bruno Bertez

Les Cassandre sont prompts à saluer la publication du dernier rapport de la BRI. Vous le trouvez résumé ci-dessous. En voici l’essentiel, articulé de façon organique, causale :

Elle confirme les alarmes des Cassandre

  • -La dette, ou plutôt son excès est la cause initiale des difficultés et elle est la cause sous-jacente de tous les symptômes divers de stress qui se succèdent.

  • -La dette étant traitée sur les marchés peut être liquidée, créant les conditions à la fois de l’instabilité et celles du resserrement des conditions financières.

  • -Cela est inquiétant, le système est fragile, il résisterait mal à un ralentissement plus prononcé de la croissance.

  • -Les banques sont « en bonne santé ce qui ne présage rien de bon », la valeur de leurs actifs dépend de la tenue des marchés, c’est à dire du Ponzi.

  • -La bulle des dettes privées a été partiellement transférée aux pays souverains, ce sont elles maintenant qui font bulle.

  • -Les firmes des pays émergents ont emprunté à tour de bras inconsidérément.

  • -La dette a favorisé le surinvestissement et elle oblige à produire, même à perte et elle entretient la pression de la déflation.

  • -La volonté de la Fed de normaliser sa politique monétaire crée un cercle vicieux : la normalisation entraine une tendance à l’appréciation du dollar, lequel provoque un durcissement des conditions financières qui déstabilise les emprunteurs en dollars …

  • -Last but not least, les investisseurs commencent à douter de la toute-puissance des banques centrales, la foi qui soulève les montagnes… de dettes, faiblit.

Nos fidèles lecteurs reconnaitront le squelette qui soutient et ordonne nos écrits réguliers. Pourtant, n’étant pas Cassandre, nous ne nous en réjouissons pas. L’économiste de la BRI lance en fait un avertissement.  Grosso modo il dit aux autorités : soyez vigilantes.

Mettre en garde contre un problème n’équivaut en rien à le résoudre! Si je vous mets en garde et que je vous serine, attention, sachez qu’un jour vous allez mourir, cela vous fait une belle jambe comme dit le peuple, et après ?

Nous savons, vous savez, pour nous lire, que nous serons submergés par le poids de la dette, et qu’un jour ou l’autre, espérons l’autre, le système va se révulser et que tout ce qui a été reporté jusque-là, va revenir au centuple comme une vengeance. On ne peut rien contre les mathématiques, on ne peut rien contre la loi de la pesanteur, la loi de la gravitation s’applique au poids des dettes. C’est le poids du « mort » sur le « vivant », c’est l’âne qui cesse de pouvoir porter son fardeau tant on l’a chargé et en même temps tant on a réduit sa ration de foin. La dette s’inscrit dans une analyse de flux continus qui, un jour, produiront du discontinu, c’est à dire de la rupture, tout comme le fameux fétu de paille sur le dos du chameau ou la goutte qui fait déborder le vase. Nous sommes dans un grand paradoxe de la pensée : tout n’est pas dérivable, toutes les évolutions ne sont pas extrapolables, le discontinu est la vraie loi qui gouverne le réel, sur le long terme et le très court terme. Nous sommes dans la faille de la pensée, la faille qui empêche d’appréhender le discontinu et la complexité. Nous sommes devant nos limites ce qui mine tout l’édifice de réflexion des Maîtres.

Donc la BRI lance une mise en garde. Oui, mais à qui ? Elle ne le précise pas et on la comprend, son objectif est d’être entendu, sélectivement, mais uniquement par ceux qui sont capables de décoder. Elle lance un avertissement à la Fed et aux Etats-Unis. On le déduit du fait que, au commencement de tout ; se trouve la dette et à la fin de tout se trouve le dollar.

L’articulation étant le fameux « resserrement des conditions financières ». Sur le dollar surabondant s’est construit un édifice global de dettes et il a pu tenir grâce au maintien de conditions financières stimulantes ; si les conditions cessent d’être stimulantes, si on ferme le robinet du dollar surabondant, alors tout s’écroule. La BRI, rejoint les organisations internationales, FMI et OCDE, elle met les Etats-Unis face à leurs responsabilités globales. Leur politique monétaire a infecté le monde global, l’arrêt de cette politique, son renversement avec ses 300 pbs de base de hausse des taux prévus en 2016, va changer la donne mondiale et faire basculer l’édifice, la pyramide.

La BRI, pour simplifie et aller à l’essentiel, met le doigt sur la contradiction majeure qui mine tout le système mondial : la contradiction entre une monnaie gérée selon les critères du double mandat américain de la Fed, l’inflation et l’emploi et les Nécessités d’un monde que eux même, les USA ont voulu ouvert, dépendant, un monde impérial. Nous sommes au cœur de la contradiction, de la limite d’un système mondial géré au profit d’un seul !

2 réponses »

  1. Bonsoir,

    Les américain ont toujours dit que le dollar était leur monnaie et notre problème. Chacun chez soi et les vachess seront bien gardées.
    Étant en train de lire l’excellent ouvrage d’Adam Tooze intitulé « le Déluge », publié aux Belles Lettres, portant sur l’échec de la politique wilsonnienne après la grande guerre, j’aurai tendance à penser que la contradiction que vous dénoncez n’est que le nième avatar de cette politique et que comme dans les années 20, elle se terminera mal pour les peupels qui tentent de gèrer le problème. Je soulignerai, sous toutes réserves de vérifications et d’analyses plus poussées, qu’elle me semble plutôt portée par les démocrates que par les républicains, les derniers étant minés par un fort courant isolationniste qui s’exprime de plus en plus à travers le Tea Party. Si on s’en tient uniquement au XXeme siècle, on constate en effet, après un rapide survol, que ce sont généralement des pouvoirs démocrates qui ont amenés les USA dans la guerre et qui ont conduit ce pays à sa position hégémonique actuelle. Le fait que les derniers conflits du siècle (guerre du golfe) impliquent un pouvoir républicain n’indiquerait-il pas que ce dernier s’est  » démocratisé » ce qui contribuerait à expliquer l’émergence d’un Tea Party fort dans le paysage politique américain ou d’un Donald Trump pour la prochaine présidentielle. À voir.

    Bonne soirée

  2. H.
    En temps de crise éco, TOUS les extrémismes gagnent du terrain. Même les religions, d’ailleurs.
    Juste question de bêtise humaine qui s’est TROP faite exploitée par les plus riches, donc, trop puissants.
    Bonne crise à vous et bons souvenirs de Roosevelt…

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