Art de la guerre monétaire et économique

« Mon allié, c’est la finance ». Comprendre les lois qui « modernisent » le travail Par Bruno Bertez

« Mon allié, c’est la finance ». Comprendre les lois qui « modernisent » le travail.

Hollande a conquis le pouvoir en clamant : mon ennemi c’est la finance.

Il ne le conserve qu’en en faisant son ami.

Il le garde, contre son électorat, contre le vœu des 80% des citoyens en affichant son alliance avec la finance.

La finance a le pouvoir de le faire tomber : il lui suffit de faire la grève du financement des déficits Français, de faire monter les taux d’intérêt au niveau qu’ils devraient avoir, de l’ordre de 3 à 4% en réel et d’attendre, le régime chute. Ce serait la version moderne de l’historique « mur de l’argent ».

Hollande a un allié, qui lui permet de rester en place malgré le rejet par les citoyens, il a un allié, cet allié c’est la finance. Les banques mondiales et leur chef de file, la BCE (par ses achats de titres à long terme sous le nom de QE), acceptent de financer les dépenses de Hollande qui lui permettent de conserver le pouvoir, d’acheter des votes, à condition qu’il s’engage à rembourser, à maintenir la solvabilité de la France. Hollande s’engage vis à vis des usuriers qui font les fins de mois du pays. Il bénéficie ainsi d’un crédit, pas seulement d’argent, mais également de temps. Il échange une relative facilité de court terme contre un tour de vis et de vice de long terme.

Mais il doit payer cette alliance, il doit donner des gages, cette finance ne lui permet de tenir, c’est à dire qu’elle ne finance ses déficits que si et seulement si, il garantit que la finance fera son plein, qu’elle sera remboursée, que les dettes seront honorées ou qu’elles conserveront leur valeur sur les marchés, ce qui revient au même.

Les banques acceptent de proroger les dettes anciennes de la France, de les « rouler » et d’en créer de nouvelles, à condition que la France se mette en position de produire plus pour les créanciers, de payer plus d’impôts, de travailler plus pour gagner beaucoup moins. A condition qu’en France on augmente le taux d’exploitation des salariés, que l’on confisque une partie plus grande de leur rémunération, que l’on organise la flexibilité qui permet de réduire les coûts, d ‘intensifier le travail en exacerbant la concurrence entre les salariés. C’était le sens profond de l’austérité, laquelle a été abandonnées, et c’est le sens profond de ce qui a remplacé l’austérité : les réformes !  Les réformes, c’est l’austérité de long terme, graduelle, sous une autre forme, subreptice, étalée. C’est l’austérité structurelle, durable, générationnelle.

Et pour que les dettes soient honorées il faut que le peuple soit pressuré, que le peuple rende ce qu’il a obtenu à la faveur de 30 années de progrès des sciences, des savoirs, des techniques et des procédés de fabrication. Bref il faut confisquer rétrospectivement et rétroactivement ce qui a été lâché dans  le passé  à la faveur d’un rapport des forces sociales plus en faveur du peuple.

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Macron qui symbolise à juste titre la finance, par ses origines et sa culture, est le maillon clef de la chaine qui concrétise cette alliance. Un maillon qui ne se cache plus et qui, cyniquement entre maintenant en politique, il veut faire le pont entre les kleptocrates de pseudo-gauche et les kleptocrates de fausse-droite. Il se positionne comme le maillon de la continuité post-Hollande ; assuré qu’il est de l’appui inconditionnel de la finance et de ses alliées, les très grandes entreprises financiarisées et mondialisées. Ces entreprises se moquent de ce qui se passe à l’intérieur du pays, de son pouvoir d’achat, de sa prospérité, de la répartition des revenus, car leurs marchés sont ailleurs, elles pillent la France comme des  compradores d’antan.

Le capitalisme dans sa forme actuelle n’est plus un capitalisme de production, il est capitalisme d’arbitrage généralisé, capitalisme d’exploitation des écarts. Le capitalisme est devenu financier au-delà de la finance elle-même, il produit toujours, certes, mais son profit n’est plus là, il est dans l’écart entre les valeurs. Il achète la main d’œuvre là où elle est bon marché et il vend le produit du travail de cette main d’œuvre, là où il est cher. Il a adopté le mode de fonctionnement de la finance anglo-saxonne, ses modes de raisonnements et ses méthodes.

Avant, on produisait et on vendait à ceux qui produisaient, on avait besoin pour réaliser la vente et le profit que les salariés gagnent leur vie, maintenant, on produit ici et on vend là-bas.  On a ainsi un premier écart ; vous comprenez pourquoi ils veulent un monde sans cesse plus ouvert ! Ensuite ce capitalisme a besoin non pas de pouvoir d’achat, là où il produit, mais de dénivellations de tous ordres, de dénivellations dans les coûts salariaux et les coûts de reproduction de la main d’œuvre, dénivellations dans  le pouvoir d’achat, dénivellations dans  le développement. Et ce capitalisme ne survit que de son extension, il est obligé d’exiger l’ouverture, c’est à dire la mise en communication de tous les espaces économiques, de tous les secteurs afin de pouvoir empocher la différence qui existe entre eux ou elles. Quand on dit que l’économie se financiarise, ce n’est pas seulement en raison de l’importance de la finance proprement dite, non, c’est en raison de la mutation même de ses processus et de l’adoption du modèle financier anglo-saxon qui est non pas de production, mais de jeu sur des écarts, qui est fait d ‘arbitrage entre les valeurs.

Pour comprendre il faut utiliser la comparaison avec la production d’énergie par un barrage hydraulique. Le fait qu’une source d ‘eau soit plus haute, à un niveau supérieur à la vallée, permet de stocker cette eau dans un réservoir et de la faire se déverser dans des turbines plus bas, en générant un profit, une plus-value, c’est à dire une énergie. C’est l’existence de la dénivellation qui permet de faire cette plus-value.  En économie, c’est la même chose, on utilise la dénivellation entre les coûts du travail, les niveaux de vie, les pouvoirs d’achat pour secréter et confisquer un profit, une plus-value. On modifie l’ordre du monde, on mondialise, on globalise, on passe le rouleau compresseur de l’écrasement des différences pour secréter le profit moderne. La réduction des différences, la destruction des nations, la négation des identités, à laquelle on assiste est inhérente à ce nouveau processus du capitalisme financier. Cela n’a plus rien à voir avec l’ancien système ou on réalisait le profit en exploitant les salariés mais où on était obligé de leur laisser un pouvoir d’achat suffisant pour qu’ils puissent acheter les marchandises que l’on produisait.

C’est la fin du Fordisme. La nouvelle ère de ce que l’on appelle le capitalisme financier, mais qui est en réalité le capitalisme d’arbitrage, le capitalisme anglo-saxon, c’est le processus de production et de génération du profit par « l’écart ». Le système a muté. La limite future des profits du capital, c’est le remorcellement, la déglobalisation qui sont en cours, le retour à la guerre froide. A la fin des fins, c’est la disparition des différences de niveau.  Quand tout aura été mis au même niveau, hausse des salaires en Chine, hausse du coût de reproduction de la main d’œuvre dans les émergents, baisse du niveau de vie des pays développés, alors il n’y aura plus de dénivellation à exploiter, il faudra, après une crise gigantesque, retourner au fordisme.

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EN BANDE SON

2 réponses »

  1. Rectification : Hollande avait déclamé « mon adversaire c’est la finance » et non pas « mon ennemi ». On peut être copain comme cochon et le rester même comme adversaire le temps d’un bridge ou d’un poker …

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