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Propagande et manipulation – Statistiques : A la recherche des chômeurs invisibles en Europe

A la recherche des chômeurs invisibles en Europe

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Tous les statisticiens en conviennent: la « bonne » mesure du chômage n’existe pas, tout est affaire de conventions.

 

Entre les statistiques officielles du chômage et la réalité du marché du travail en Europe, le fossé est énorme. Une étude, réalisée en exclusivité pour L’Expansion par le cabinet de recherche économique indépendant PrimeView, révèle les vrais chiffres du « mal-emploi ».

Le succès du « Jobs act », la grande réforme du marché du travail italienne menée tambour battant par Matteo Renzi: voilà ce qui fait rêver les défenseurs du projet de loi travail de Myriam El Khomri. Le Premier ministre italien semble en effet avoir réussi son pari, au moins sur le papier. Grâce à une flexibilité accrue, et notamment un assouplissement des conditions de licenciement en vigueur depuis mars 2015, la fameuse « courbe du chômage » se serait bel et bien inversée de l’autre côté des Alpes. Le taux de chômage est officiellement passé de 12,7% fin 2014 à 11,9% un an plus tard.

Las… Selon l’étude réalisée en exclusivité pour L’Expansion par PrimeView, la réalité du marché de l’emploi italien est nettement moins rose. Le « vrai » taux de chômage italien, recalculé par ce cabinet de recherche économique, est en réalité au moins… trois fois plus important qu’annoncé par les pouvoirs publics italiens, à 34% fin 2015. Et, surtout, la baisse enregistrée depuis début 2014 atteindrait tout juste 0,3 point. »Les chiffres officiels du chômage ne disent pas grand-chose de l’état réel du marché du travail et de la capacité d’une économie à couvrir les besoins en emploi de la population », souligne Pierre Sabatier, le directeur général de PrimeView. Pour être comptabilisé officiellement comme chômeur, il faut en effet ne pas travailler, être disponible et rechercher activement un emploi.

Le vrai visage du monde du travail européen

Sources: PrimeView, Eurostat.

Sources: PrimeView, Eurostat.

L’Expansion

Mais cette définition, établie par le Bureau international du travail (BIT), laisse de côté les « chômeurs découragés » – qui voudraient travailler, mais ont fini par renoncer à chercher un poste. Elle oublie aussi tous ceux qui, faute de mieux, se contentent de temps partiels. Les données existent, pourtant. Eurostat, l’organisme statistique européen, les publie régulièrement. Mais ces chiffres sont peu commentés, et encore plus rarement comparés pays par pays.

Tous les statisticiens le diront: la « bonne » mesure du chômage n’existe pas, tout est affaire de conventions. Pour autant, dépasser l’indicateur officiel et intégrer les données de ce « halo du chômage », comme jargonnent les experts, permet d’avoir une vision plus fine des performances des différents pays sur le front de l’emploi. Et le résultat n’est pas fameux.

Chômeurs découragés et temps partiels subis oubliés des statistiques

Sources: PrimeView, EurostatParu dans L'Expansion de juin 2016.

Sources: PrimeView, EurostatParu dans L’Expansion de juin 2016.

L’Expansion

Avec 22 points d’écart entre le taux de chômage officiel et le chiffre recalculé par Prime-View, l’Italie bat, certes, tous les records – essentiellement du fait du nombre très élevé de chômeurs découragés. Mais les autres pays ne sont pas en reste. En France, le taux de « mal-emploi » se hisse à 27,1%, plus du double de l’estimation de l’Insee. Même en Allemagne, ce taux de chômage « recalculé » atteint encore 12,8% de la population active, trois fois le chiffre officiel.

A chacun sa méthode pour masquer la réalité

Ce phénomène s’est bien sûr aggravé avec la crise. Plus le manque d’emplois est criant, plus il est tentant d’arrêter de chercher un job ou d’accepter un petit boulot pour quelques heures seulement par semaine… et donc de sortir des chiffres officiels. « Mais, en réalité, les pays ont de tout temps trouvé des astuces pour embellir leurs statistiques », regrette l’économiste Jacques Freyssinet, président du conseil scientifique du Centre d’études de l’emploi.

En France, l’écart entre les chiffres officiels et la réalité se creuse

Evolution des taux de chômage officiel et recalculé (en pourcentage de la population active en 2015)

 Sources: PrimeView, Eurostat.

Sources: PrimeView, Eurostat.

L’Expansion

Ainsi, le Royaume-Uni et les Pays-Bas sont connus pour la générosité de leur régime d’invalidité, où sont « cachés » nombre de chômeurs âgés. A cela peut s’ajouter le chômage partiel auquel l’Italie et, dans une moindre mesure, l’Allemagne recourent beaucoup. Les préretraites ou les dispenses de recherche d’emploi pour les travailleurs âgés peuvent aussi jouer. Tout comme les formations. « Même si là, l’analyse est plus difficile: il faudrait en effet arriver à distinguer les ‘formations parkings’ de celles réellement utiles », ajoute Jacques Freyssinet.

Autant de données de toute façon peu comparables d’un pays à l’autre, qui n’ont donc pas été incluses dans l’étude de PrimeView. Mais une chose est sûre: la situation du marché du travail européen est bien plus inquiétante que ne le laissent entendre les chiffres officiels…

« La vraie question, aujourd’hui, c’est surtout de savoir quelles leçons tirer de l’expérience des pays qui ont malgré tout réussi à réduire le chômage », insiste Pierre Sabatier. En Angleterre, royaume de la flexibilité, la baisse du coût du travail (- 6% pour le salaire réel annuel moyen, entre 2007 et 2014) explique sans doute largement le recul du nombre de demandeurs d’emploi.

En Allemagne, depuis 2007, c’est la diminution du temps de travail (la deuxième plus forte en Europe, après l’Italie) qui, au-delà des bonnes performances économiques du pays, a clairement joué, avec une montée des emplois à temps partiel. « C’est la face cachée des réussites britannique et allemande », souligne Eric Heyer, de l’Observatoire français des conjonctures économiques.

Doit-on choisir entre un chômage élevé et des travailleurs pauvres?

La France, elle, a fait le choix inverse. Les aides à la création de postes à temps partiel ont disparu depuis plusieurs années. Et, plus récemment, les emplois de moins de vingt-quatre heures hebdomadaires ont été interdits, même si le patronat et les syndicats d’une branche peuvent s’accorder pour fixer un seuil inférieur à ce couperet. En attendant, les temps partiels représentent une faible part de l’emploi, les salaires des personnes en poste restent élevés, et le chômage atteint des niveaux inégalés

Les recettes des pays qui ont réussi à réduire le chômage

Sources: PrimeView, Eurostat.

Sources: PrimeView, Eurostat.

L’Expansion

« Pour comprendre pourquoi les solutions adoptées à l’étranger passent mal en France, il faudrait sans doute chercher du côté du marché immobilier: quand les prix et les loyers sont bas, comme en Allemagne, on peut sans doute accepter un peu plus de précarité », suggère Eric Heyer.

Reste que le constat est finalement assez déprimant. Nos sociétés n’auraient donc le choix qu’entre un chômage élevé à la française ou des travailleurs pauvres toujours plus nombreux, comme au Royaume-Uni et en Allemagne. Triste alternative, qui souligne surtout l’incapacité des pays européens, quel que soit leur modèle, à fournir un emploi décent à tous ceux qui en ont besoin.

L’analyse doit toutefois être nuancée, selon Pierre Sabatier: « En Allemagne, la part du temps partiel dans l’emploi total a augmenté, mais c’est souvent un choix des travailleurs concernés. » Une évolution liée à la structure démographique du pays, pour cet économiste: « Il est possible que les seniors, de plus en plus nombreux du fait du vieillissement de la population, estiment ne plus avoir besoin d’emploi à temps plein, parce que leur logement est payé ou qu’ils n’ont plus d’enfants à charge. »

En attendant, et ce n’est sans doute pas un hasard, l’Allemagne a instauré un salaire minimum, et le Royaume-Uni a fortement revalorisé le sien. « Ces pays sont partis du principe qu’il était toujours mieux d’être en emploi qu’au chômage. Ils pensaient que les petits boulots seraient des tremplins vers de meilleurs postes. Mais le maintien d’inégalités de salaire élevées dans ces pays montre que cet effet tremplin n’existe pas. D’où, à présent, leur recours au salaire minimum », décrypte Eric Heyer.

Le cocktail « flexibilité-salaire minimum » permettra-t-il, in fine, de faire reculer le chômage tout en offrant des emplois décents à tous? Pour le savoir, il faudra encore attendre quelques années…

PrimeView est un cabinet indépendant de recherche économique et financière créé en 2008. Il produit des études et des analyses prospectives à destination des investisseurs (gérants de portefeuille, banques privés…) et des entreprises (comités de direction…).

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http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/a-la-recherche-des-chomeurs-invisibles-en-europe_1798738.html#vYzs9gqmlgCLC7fh.01

5 réponses »

  1. Merci pour ces taux réels de chômage, celui de la France était connu mais moins les autres et je pense que les autres pays de l’UE font la même chose.
    Cela veut donc dire que sans immigration africaine, ce serait le plein emploi.
    Cela veut aussi dire qu’avec tous ceux qui rentrent, les taux réels de chômage vont augmenter, les impôts aussi, car il faut payer ces nouvelles bouches à nourrir et l’Europe prépare déjà un nouvel impôt applicable juste après l’élection de 2017 pour les financer.
    Moins on est à travailler, plus l’imposition par personne est élevée ( les migrants qui arrivent comme ceux qui sont déjà là ne payent de toute façon rien).
    Le français de souche et les immigrés européens bien intégrés finiront par ne plus rien avoir du tout.
    Il va falloir qu’il se réveille sinon il finira clochard en ayant travaillé toute sa vie.

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