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Michel Houellebecq : « Les élites haïssent le peuple »

Depuis une vingtaine d’années est apparu en France un phénomène assez étonnant, qu’on voit dans beaucoup de médias mais tout particulièrement dans le média dominant, le quotidien de référence leMonde, qui est manifestement un organe central de ce que l’on appelle le “politiquement correct” mais que je préfère appeler le “nouveau progressisme”. […] Immédiatement après 1945 et jusqu’à il y a à peu près vingt ans, les prolétaires, les ouvriers et plus généralement les pauvres bénéficiaient d’un a priori favorable dans les médias de l’élite. Ils étaient considérés comme respectables et leur point de vue considéré comme intéressant. De toute évidence, cette analyse était due à la domination du Parti communiste. Peu à peu, après 1968, cette domination intellectuelle s’est effritée et a subi un coup fatal avec la publication de l’Archipel du Goulag en 1974 par Soljenitsyne, livre qui a vraiment changé l’histoire du monde. Peu à peu, avec le déclin du parti, le respect envers le prolétaire a commencé à décliner. Et on a vu apparaître ce que l’on peut appeler une révolte des élites contre le peuple.

Un mot est apparu, celui de “populisme” pour désigner les opinions populaires dont il fallait se défier. […] L’idée a commencé à être exprimée, d’abord prudemment, puis de manière de plus en plus explicite, que le suffrage universel n’était pas la panacée et qu’il pouvait conduire à de grandes aberrations. Il y a eu un cap très important en France en 2005. Un référendum sur un traité européen, celui de Lisbonne, a eu pour résultat un “non” massif de la population. Quelques années plus tard, le traité a été adopté contre l’avis de la population par le Parlement réuni en Congrès. C’était un déni de démocratie vraiment frontal qui ne s’était pas vu en France depuis très longtemps. Parallèlement, le langage employé par les élites pour parler du peuple est devenu de plus en plus insultant. […]

Entre la population et les élites, le mot “incompréhension” en France est, à mon avis, beaucoup trop faible. Ce à quoi on a affaire, c’est tout simplement de la haine. Et c’est ce même mot de “haine” que j’utilise pour qualifier mes rapports avec différents journaux, spécialement avec le Monde. […] La violence du débat public en France — enfin ce qu’on appelle le débat public et qui a été tout simplement une chasse aux sorcières — n’a cessé d’augmenter. Et le niveau des insultes n’a cessé de monter. […] Depuis l’arrivée de François Hollande, les choses se sont encore durcies et ont monté d’un cran car un phénomène nouveau et totalement imprévu a commencé à se produire. Certains intellectuels français, en particulier Alain Finkielkraut et Michel Onfray, ont déserté le camp des élites pour se rapprocher du camp de la population. Immédiatement ils ont été voués à l’opprobre par l’ensemble des médias, ils ont rejoint le camp des populistes abjects, où il y avait déjà Éric Zemmour et où je passais faire un tour de temps à autre. […]

On peut se poser la question : les intellectuels français sont-ils massivement passés à droite et devenus réactionnaires ? […] Ce virage à droite n’est pas si net. La vérité, à mon avis, est qu’ils ont abandonné la gauche sans pour autant rejoindre la droite. Ils ont retrouvé quelque chose dont ils avaient complètement perdu le souvenir et même jusqu’à la notion, qui est la liberté de penser. […] La Seconde Guerre mondiale avait profondément discrédité les intellectuels de droite. Pour être honnête, c’était un peu injuste car une partie de ceux-ci non seulement n’a pas collaboré mais a même résisté. […] Et à partir de 1945, l’intégralité du pouvoir intellectuel en France est tombée aux mains de la gauche. […]

Les intellectuels de ma génération sont toujours aussi ignorants des choses scientifiques et offrent toujours aussi peu de contenus, mais ils ont renoncé à dissimuler cette absence de contenu. Ils n’essaient plus du tout de produire une pensée neuve et ont renoncé à toute ambition philosophique. Les intellectuels à l’heure actuelle sont des observateurs, des commentateurs engagés des faits de société. […]

Ce qui a vraiment fait rentrer le sujet dans le débat public, c’est un petit livre de 70 pages publié en 2002 par Daniel Lindenberg. Le titre était le Rappel à l’ordre et son sous-titre Enquête sur les nouveaux réactionnaires. […] En 2016, ce livre a été réédité avec une postface inédite de l’auteur […] dans laquelle il dit deux choses. Ce qu’il dit d’exact, c’est que son livre a été mal accueilli en 2002. On lui a reproché de mélanger tout et n’importe quoi et de regrouper comme “nouveaux réactionnaires” des gens dont les opinions n’avaient absolument rien à voir. […] La conception du progressisme de Lindenberg est totalement nouvelle : ce qui rend une innovation bonne pour lui, ce n’est pas sa nature, c’est son caractère innovant en lui-même. La croyance de Lindenberg tient en deux points : nous vivons une époque supérieure à toutes celles qui l’ont précédée et toute innovation, quelle qu’elle soit, rend l’époque encore meilleure. La chose fausse dans sa postface est qu’il déclare que ceux qu’il avait inculpés sous la dénomination de “nouveaux réactionnaires” se sont défendus et ont protesté en disant qu’ils n’étaient pas réactionnaires. Alors qu’en réalité, c’est le contraire qui s’est produit, je m’en souviens très bien ; j’étais un des principaux accusés. Alain Finkielkraut était ravi d’être dans le même groupe de gens dont il aimait bien les écrits et, quand je lui en ai reparlé, il m’a dit : « C’est une dream team », pour situer son état d’esprit de l’époque. […] Être qualifié de réactionnaire ne faisait plus peur à personne. Le pouvoir d’intimidation de la gauche sur les esprits était mort. Une chose curieuse est que les nouveaux réactionnaires les plus fréquemment cités par Lindenberg n’étaient pas des intellectuels à proprement parler. Il s’agissait de Maurice Dantec, Philippe Muray et moi-même. […] Le choix de Lindenberg est excellent. Les idées de Muray et Dantec méritent d’être bien connues, bien plus que celles des intellectuels officiels et même un peu plus que les miennes ! Ce n’est pas de la modestie, mais de l’objectivité.

Qu’est-ce que je prophétisais dans mes livres — si on fait une synthèse ? D’abord l’avènement du transhumanisme. Cela commence à se produire très doucement, il est possible que cela s’accélère. […] Ensuite, dans Soumission, j’ai prédit la prise de pouvoir en Occident par un islam modéré, et que l’Occident préférait se soumettre en abdiquant ses valeurs qui ne lui conviennent plus. À l’heure actuelle, on ne peut pas dire que ce soit un islam modéré qui se manifeste en Europe. […] Pour être complet, de petits signes commencent à apparaître. Comme on l’a vu, il y a une grande souplesse des universités occidentales, surtout françaises, à accepter des concessions dès qu’il y a des financements importants venant des monarchies du Golfe. Il semblerait qu’il y ait une sorte d’aptitude des Français à la collaboration qui perdure.

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https://www.valeursactuelles.com/societe/michel-houellebecq-les-elites-haissent-le-peuple-67809

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EN BANDE SON : 

6 réponses »

  1. Bonjour, en complément des informations de Lupus, nous vous proposons avec son autorisation notre Revue de presse quotidienne :

    Revue de presse du jour comprenant l’actualité nationale et internationale de ce lundi 20 février 2017

    Est disponible dans la section Revue de presse de Crashdebug.fr
    https://www.crashdebug.fr/revue-de-presse

    Et toujours des documentaires exclusif en intégralité :
    François Fillon et la « stratégie du choc »

    https://www.crashdebug.fr/actualites-france/13102-francois-fillon-et-la-strategie-du-choc

    Merci Lupus,

    Amicalement,

    f.

  2. Ce qui apparait, hélas, dans les faits, c’est que Michel Houellebecq bien qu’ayant anticipé des évènements, est encore en dessous de la réalité concrète qui s’accomplie devant nos yeux.
    On pourrait dire qu’il est ‘trop gentil’ dans son anticipation effrayante,
    « La Réalité Concrète » des évènements dans les actes annoncés, lorsqu’ils s’accomplissent autour de nous, est à la puissance 4 de ce qu’il avait initialement prédit.

  3. Houellebecq est un Céline plus grand que Céline lui-même car moins viscéralement acrimonieux, plus à même de ressentir les nuances et de les faire habiter dans sa littérature , un écrivain simplement hors du commun, un des plus grand car il arrive à tenir dans ses propos la petitesse de cette modernité qui n’a de cesse de complexifier le monde afin qu’il échappe à toute réflexion . Houellebecq est un être profondément humain, il est un Prométhéus à sa façon,en faisant don de sa souffrance , donc de sa lumière, à des gens capables de comprendre ou de la ressentir . Céline n’est pas de cet acabit ; il a le style mais pas l’empathie dont nous fait part M H, ce lien que l’on sent quand on le lit, cette intelligence qui s’échauffe en nous , elle est comme un soleil le matin qui éclaire notre cerveau et réchauffe notre conscience, mieux que des amphét’ , la marque des plus grand .

  4. Je suis en grande partie d’accord avec cet article puisque je dis la même chose depuis longtemps. Par contre, à mon avis, la haine des élites n’est pas vraiment dirigé contre le peuple lui-même mais contre la réalité de ce qu’ils représentent, c’est à dire leur échec à avoir proposer un modèle crédible de société.
    La base du gauchisme, c’est à dire du collectivisme, consiste à proposer un projet de société qui se révèle utopique car inapplicable puisqu’il ne tient pas compte de la nature humaine mais la conçoit sous une forme idéalisée qui lui sert de base pour son projet. A l’arrivée, la réalité rattrape toujours l’utopie gauchiste, le communisme n’a pas fonctionné, le socialisme est en train de s’effondrer et la mondialisation qui propose un modèle collectiviste à l’échelle mondial basé sur l’universalité de l’homme ne va pas tarder à suivre le même chemin.
    Aujourd’hui, les possibilités de communiquer, notamment avec internet, sont beaucoup plus grandes et les gens qui rappellent la tristesse de leur quotidien sont un camouflet pour les élites qui étaient certaines d’avoir réussi.
    Le gauchisme a longtemps gagné la guerre de la communication grâce à sa propagande qui faisait croire qu’ils conduiraient les gens vers le bonheur ( progressisme bidon, mondialisation pas heureuse du tout) mais la réalité de la société leur renvois l’échec de leur pensée et on voit que si certains sont capables de s’auto-analyser ( Finkielkraut par exemple ), pour d’autres, il est inconcevable de remettre en cause leur mode de pensée. Le gauchisme ressemble à une religion, sa matrice intellectuelle n’évolue pas, son projet d’utopie sociétale lui sert de bible dont il chante les cantiques dans ses églises ( les médias).
    Ce qui est en train de se passer est l’écroulement de cette religion, ce qu’ils ont vraiment du mal à accepter.
    L’échec du communisme comme système capable d’apporter le bonheur au peuple ne date pas de la parution de « l’Archipel du Goulag » de l’immense Soljenitsyne, on connaissait déjà l’horreur du communisme grâce au livre de Victor Kravtchenko  » j’ai choisi la liberté » paru en 1947 qui se terminera par un procès retentissant contre les communistes français qui l’accusaient de mensonges.
    Kravtchenko, pourtant très militant dans sa jeunesse, a compris en parcourant le pays l’horreur du régime communiste puisqu’il a vu le peuple souffrir comme c’est le cas aujourd’hui avec la mondialisation. Devant la réalité de l’échec de l’utopie communiste, il a changé d’avis et est devenu un opposant, comme beaucoup d’autres.
    Toutes les théorie gauchistes sont toujours inapplicables, le » vivre ensemble » est un mythe mais cela ne les empêche pas d’être obséder par leurs délires utopiques, ce n’est pas impossible qu’après la mondialisation, ils nous refassent un nouveau projet utopique même si leur propagande ne fonctionne plus.

  5. Talent,courage, et sens de l’honneur il rend hommage au premiers combattants aujourd’hui disparus « morts au champ d’honneur « MgDantec et Philippe Murray…
    Dantec avait tout prédit dans ces » théatres des opérations »:Manuel de survie en territoire zéro » 1999 journal métaphysique et polémique.
    et  » laboratoire de catastrophe générale ».

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