Arabie Saoudite

Football, soupçons de terrorisme, investissements… : quel avenir pour la relation France-Qatar ? Macron va-t-il tuer la poule aux œufs d’or ?

 C’est un véritable séisme diplomatique qui vient d’avoir lieu le 5 juin : 15 jours après la visite à Riyad du président américain Donald Trump qui avait demandé aux pays musulmans d’agir de manière décisive contre l’extrémisme religieux, l’Arabie saoudite, l’Egypte, le Barhein, et les Emirats arabes unis ont tous annoncé rompre leurs relations diplomatiques avec le Qatar.Depuis plusieurs années, ce richissime état gazier du Golfe s’est lancé dans une politique d’investissements tous azimuts dans le monde, et plus particulièrement en Europe. En dépit de son rôle controversé dans le soutien à plusieurs courants islamistes, le Qatar est bien implanté dans le paysage économique et diplomatique de la France.

La rupture annoncée entre Doha et l’Arabie saoudite, l’Egypte et Bahrein aura-t-elle alors des conséquences en France ? Si l’émirat y compte des opposants, elle y est également soutenue par plusieurs personnalités de haut rang. Elle y détient en outre de très nombreux intérêts financiers. Pour autant, depuis le relatif alignement de la diplomatie française sur la ligne de l’Arabie saoudite amorcé sous François Hollande, la relation étroite entre Paris et Doha bat de l’aile.

Le 9 avril dernier, sur le plateau de BFM-TV, Emmanuel Macron, alors encore candidat à la présidentielle, avait assuré qu’il comptait «mettre fin aux accords qui favorisent en France le Qatar». «Je pense qu’il y a eu beaucoup de complaisance, durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy en particulier», avait-il déclaré. Dans Une France sous influence, un livre explosif paru en 2016 et écrit par les journalistes Vanessa Ratignier et Pierre Péan, les liens particuliers entretenus par Nicolas Sarkozy avec la famille régnante dans l’émirat étaient détaillés et violemment critiqués, les auteurs n’hésitant pas à évoquer des soupçons de corruption. En 2008, l’émir de l’époque, Khalifa bin Hamad Al Thani, avait été invité par Nicolas Sarkozy au défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées.

S’il est difficile d’affirmer pour l’instant que la rupture diplomatique qui vient d’avoir lieu dans le Golfe motivera la France à s’engager sur cette même voix, force est de constater que les critiques à l’égard du Qatar en France ne sont pas récentes. Le Front national critique régulièrement la «bienveillance» de certains dirigeants politiques français à l’égard de Doha. Juste après les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo, Florian Philippot avait directement mis en cause le Qatar sur Radio Classique et LCI affirmant : «Ce pays finance l’islamisme qui tue» – le Qatar avait alors, fait rarissime, porté plainte contre le dirigeant du Front national. A droite comme à gauche, les liens étroits entre le Qatar et certains mouvements politiques et religieux attisent la méfiance.

Pour autant, le Qatar compte aussi des soutiens plus ou moins ponctuels dans le paysage politique français. Certains le sont par leurs discours, comme Anne Hidalgo, qui vantait un Qatar «féministe et gay-friendly» en juin 2015, ou qui déclarait, à propos de la plainte déposée par Doha contre Florian Philippot : «Je pense que s’ils se sentent insultés, ils ont raison d’avoir recours au droit.» D’autres le sont davantage par leurs liens personnels et financiers avec l’émirat. Dans le livre paru en 2016 Nos très chers émirs les journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot révélaient les relations étroites entre plusieurs dirigeants français et Doha. Jack Lang, Rachida Dati, Jean-Marie Le Guen, Dominique de Villepin… Les auteurs présentaient une longue liste de responsables politiques ayant pour habitude de profiter des largesses de Doha.

Au-delà d’une éventuelle évolution des relations françaises vis à vis du Qatar, les intérêts de l’émirat en France demeurent à la fois anciens et particulièrement conséquents. Parmi les pays européens, la France fait presque figure de privilégiée dans sa relation avec Doha – elle fut d’ailleurs parmi les premiers pays à ouvrir une ambassade qatarie sur son sol, en 1972, soit un an seulement après l’indépendance du Qatar. Peu de temps après, le cheikh Khalifa ben Hamad Al Thani avait acquis une propriété dans le sud de la France, inaugurant par ailleurs la tradition d’employer des précepteurs français pour donner aux enfants de sa famille une éducation francophone. Tamim ben Hamad El Thani, nouvel émir du Qatar depuis 2013, a d’ailleurs choisi la France comme pays pour son premier déplacement officiel dans l’Union européenne.

Entretenant des relations diplomatiques intenses, la France et le Qatar organisent régulièrement des rencontres bilatérales où les négociations commerciales jouent souvent le premier rôle. Depuis 2008, les investisseurs qataris jouissent même d’un régime fiscal d’exception qui les exempte d’impôt sur les plus-values immobilières et d’impôt sur la fortune durant leurs cinq premières années de résidence en France. Ceux-ci en ont ainsi profité pour investir dans des entreprises du secteur du luxe, comme LVMH, pour acquérir les magasins du Printemps, le prestigieux prix hippique de l’Arc de Triomphe, plusieurs hôtels particuliers dans la capitale française ou encore pour acheter entièrement ou partiellement des grands hôtels, comme le Carlton et le Martinez à Cannes, ou l’Hôtel du Louvre à Paris.

Cependant, depuis quelques années, le Qatar diversifie ses investissements dans l’Hexagone, accordant désormais une certaine importance au secteur culturel, industriel et militaire. En 2015, François Hollande avait effectué son deuxième déplacement en deux ans à Doha pour y signer un contrat de vente de 24 avions de combat français Rafale. Mais l’actif qatari le plus emblématique en France est sans conteste le club du Paris Saint-Germain, acquis en 2011. Le Qatar possède également la chaîne de télévision beIN sport France. Il est, en outre, le premier actionnaire du groupe de média et d’édition Lagardère, qui possède entre autres Paris Match, Elle, le Journal du dimanche ou encore Europe 1. Le Figaro affirme que le Qatar serait également présent au capital de plusieurs fleurons économiques français, comme EADS, Vinci, Total, Veolia, Vivendi ou Orange…

La présidence de François Hollande aura néanmoins été marquée par une certaine évolution de l’orientation diplomatique française vis à vis de Doha. Comme le note le journaliste et écrivain spécialiste du Moyen-Orient, Richard Labévière, dans un entretien accordé à RT, sous le quinquennat de François Hollande, la France a privilégié les relations avec l’Arabie saoudite au détriment du Qatar. Autrement dit, une rupture diplomatique avec le Qatar est d’autant moins probable de la part de la France que les deux pays ont déjà amorcé un certain éloignement. Richard Labévière estime par ailleurs que «la même politique va se poursuivre avec Emmanuel Macron», notant que le cabinet de Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense sous François Hollande et désormais ministre des Affaires étrangères, est composé majoritairement de «néo-conservateurs favorisant l’Arabie saoudite pour les questions financières et de signature de contrat».

Depuis environ cinq ans, le Qatar a vu son image évoluer, notamment en Occident. Depuis les printemps arabes, le pays est en effet l’un des principaux bailleurs de fonds des Frères musulmans en Egypte et des groupes proches de cette confrérie dans les pays voisins (notamment en Syrie, en Libye et en Tunisie). Le pays a soutenu avec ferveur l’ancien président égyptien Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, et a qualifié de «coup d’Etat» son éviction par Abdel Fattah al-Sissi en 2013. L’ancien dirigeant du Hamas palestinien, Khaled Mechaal, est également basé au Qatar, et les talibans afghans y disposent d’un bureau. Autant d’engagements qui ont considérablement détérioré la perception du Qatar en France. «L’idée selon laquelle le Qatar financerait ou soutiendrait d’une quelconque manière des terroristes et le terrorisme semble être devenue un présupposé communément admis au sein du débat sur l’extrémisme en Europe», confesse même l’ambassadeur du Qatar à Paris interrogé par l’AFP.

Récemment, les soupçons envers l’émirat se sont considérablement accentués, notamment après la publication par Wikileaks en 2010 d’une note diplomatique américaine qualifiant le Qatar de «pire pays dans la région» en termes de coopération avec Washington pour tarir le financement des groupes extrémistes. Doha aurait, selon la note, une approche «largement passive» et ses services de sécurité «ont été hésitants à agir contre des terroristes connus», de peur d’apparaître trop proches des Etats-Unis. Par ailleurs, le Qatar est régulièrement soupçonné de laxisme dans la lutte contre le financement par des fonds privés d’organisations terroristes.

Si le Qatar réfute systématiquement les reproches qui lui sont faits concernant son soutien présumé au terrorisme, les soupçons, à force de s’accumuler, finissent par attiser une réelle méfiance dans l’opinion occidentale et française. Selon un sondage BVA de 2015, près de 85% des Français auraient une mauvaise image du Qatar. Récemment, des supporters du club de foot de Bastia avait, lors d’une rencontre opposant leur équipe à celle de Paris, déployé une banderole qui avait déclenché de vifs débats. Sur celle-ci, on pouvait lire : «Le Qatar finance le PSG… et le terrorisme.» Le pays, qui devrait organiser les championnats du monde de football en 2022 et s’est déjà engagé dans des travaux d’infrastructures chiffrés à 177 milliards d’euros, doit par ailleurs faire face aux accusations de plusieurs ONG de défense des droits de l’homme concernant les conditions de travail des ouvriers étrangers employés sur les chantiers.

Source : https://francais.rt.com/france/39272-football-soupcons-terrorisme-investissements-quel-avenir-relation-france-qatar

RAPPEL : COMMENT LE QATAR A ACHETÉ LA FRANCE (ET S’EST PAYÉ SA CLASSE POLITIQUE)

Eric Leser —  le 24.09.2012 Slate

Carla Bruni-Sarkozy et Nicolas Sarkozy entourent l’Emir du Qatar Hamad Bin Khalifa Al-Thani et son épouse Mozah Bint Nasser Al-Misned lors d’un dîner à l’Elysée en juin 2009.

La chaîne de télévision qatari Al-Jazeera vient d’acquérir une grande partie des droits de retransmission de la Ligue des champions pour les saisons courant de 2012 à 2015. Nous republions à cette occasion cet article d’Eric Leser de juin 2011 sur la façon dont le petit Etat achète la France.

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Le Qatar qui vient de racheter la majorité du capital du PSG, qui intervient militairement aux côtés des Occidentaux en Libye et qui organisera la Coupe du monde de football en 2022 est à peine un Etat. Etabli sur une petite presqu’île de 11.437 km2, un peu plus grande que la Corse, à l’est de l’Arabie saoudite, son territoire désertique est invivable l’été quand les températures oscillent entre 40 et 50 degrés.

L’émirat a obtenu son indépendance en 1971. Il compte 1,5 million d’habitants dont 200.000 seulement sont des citoyens qataris. Leur revenu par tête est tout simplement le plus élevé de la planète. Ils ne payent pas d’impôts, disposent de transports et d’un système de santé gratuits et pour la plupart n’ont tout simplement pas besoin de travailler, la main d’œuvre immigrée est là pour cela.

La vraie raison de la notoriété et du poids économique et politique de ce micro Etat se trouve sous la terre et sous la mer: le pétrole et plus encore le gaz naturel dont ce pays est le troisième producteur au monde. Cela permet au Qatar de gérer le plus grand fonds souverain de la planète, QIA (Qatar Investment Authority), dont les avoirs des différentes entités approchent les 700 milliards de dollars. Les Qataris sont riches à la naissance et assez rapidement inquiets.

Alternance de coups d’Etat

Leur obsession est de préserver et protéger ce qu’ils ont, c’est-à-dire l’indépendance et l’existence même d’un Etat féodal dirigé par un émir qui change au gré des coups d’Etat. Le dernier en date, en juin 1995, a permis à l’actuel émir, Hamad bin Khalifa al-Thani, de déposer son père qui était en vacances en Suisse et qui lui-même avait chassé son cousin du pouvoir en février 1972.

Il a failli y avoir un autre coup d’Etat en juillet 2009, mais il a échoué. «Les Qataris s’achètent en permanence des assurances-vie ou ce qu’ils croient être des assurances-vie, explique un banquier français installé depuis des années à Doha, la capitale de l’émirat. Ils ne font pas dans la finesse et dans la subtilité, mais ils sont très forts. Ils pensent non sans raison que tout s’achète.»

La survie étant sa préoccupation permanente, le Qatar cherche sans cesse des alliés, des obligés et toute forme de reconnaissance: diplomatique, économique, financière, et sportive… Il est le conseiller, le financier, le partenaire, l’intermédiaire de tout le monde ou presque: des Etats-Unis et d’Israël, de l’Arabie saoudite et de l’Iran, de l’Autorité palestinienne, du Hamas, de la Grande-Bretagne, de la France, de la Syrie, du Liban…

Le Qatar a eu l’habileté de se doter d’une arme de politique internationale exceptionnelle, la chaîne de télévision d’information continue la plus influente du monde musulman, al-Jazeera. Elle couvre tous les pays, sauf un… le Qatar. Et sa bienveillance plus ou moins grande avec les régimes dépend aussi parfois des intérêts de l’émir comme le montrent certaines dépêches secrètes, révélées par Wikileaks, de la diplomatie américaine.

L’addition des biens acquis ne gêne personne

Dans la stratégie d’influence du Qatar, la France occupe une place à part. D’abord parce que les Qataris la connaissent très bien: ses institutions, son personnel politique, ses entreprises, ses forces et ses faiblesses. Ils viennent pour bon nombre d’entre eux en France tous les étés quand ils fuient les grandes chaleurs. Le Qatar aime tellement la France, qu’il a décidé de se la payer… au sens propre.

De se payer sa classe politique, ses grandes entreprises, sa fiscalité, ses grandes écoles, son patrimoine immobilier, ses footballeurs… Et cela ne semble gêner personne. La simple addition des liens établis en France par le Qatar et des intérêts acquis a pourtant de quoi inquiéter.

Car le Qatar n’est pas vraiment un pays fréquentable. C’est une monarchie absolue construite sur une rente. Il n’y a pas de partis politiques et encore moins de démocratie. Le régime de l’émir est fragile même si les révolutions arabes semblent ne pas l’avoir affecté. Il est très difficile d’obtenir des informations sur la tentative de coup d’Etat de juillet 2009. Des militaires de haut rang alliés à une puissance étrangère auraient été arrêtés avant de passer à l’acte.

Doha fait preuve d’une attitude pour le moins ambiguë à l’égard de l’islamisme chiite iranien et plus encore sunnite. C’est le seul pays wahhabite en-dehors de l’Arabie saoudite. C’est un pays où plus des trois quarts des résidents ne sont pas des nationaux et où les minorités iranienne, chiite, pakistanaise, immigrés de pays arabes, pourraient un jour se révolter, prendre le pouvoir, agir pour une puissance étrangère.

Alors Doha tente de jouer un jeu diplomatique subtil consistant à être dans tous les camps en même temps. En février 2010, le Qatar aurait signé un pacte de défense avec la Syrie et l’Iran tout en ayant sur son sol une base militaire américaine depuis la première guerre du Golfe.

Le Qatar a été l’organisateur avec le président syrien Bachar el-Assad, de la visite triomphale de Mahmoud Ahmadinejad, le président iranien, au Liban en juillet 2010. L’émir du Qatar s’est rendu en Israël lors d’une visite secrète en mars 2010. Et selon toujours des sources Wikileaks, le Qatar fait preuve d’un considérable laxisme concernant le financement du terrorisme à partir de son sol.

Tout cela n’empêche pas nos hommes et nos femmes politiques de se succéder en rangs serrés au Qatar. On peut citer pêle-mêle parmi les habitués des séjours à Doha: Dominique de Villepin, Bertrand Delanoë, Philippe Douste-Blazy, Rachida Dati, Ségolène Royal, Fadela Amara, Claude Guéant, Jean-Louis Debré, Gérard Larcher, Hubert Védrine, Frédéric Mitterrand, Hervé Morin, Jean-Pierre Chevènement, Dominique Baudis, Jack Lang…

Un pays pas fréquentable, mais très fréquenté par les politiques français

Trois semaines après son élection en 2007, le premier chef d’Etat arabe reçu à l’Elysée par Nicolas Sarkozy était l’émir Hamad bin Khalifa al-Thani. Un mois et demi plus tard, le 14 juillet 2007, il assistait au défilé sur les Champs-Elysées au côté du président de la République. Les liens étroits tissés par Nicolas Sarkozy avec l’émir quand il était ministre de l’Intérieur et faisait former les forces de l’ordre qataries ont été fructueux.

Cela s’est traduit, pour la partie visible, par le rôle déterminant du Qatar dans la libération en juillet 2007 des infirmières bulgares détenues en Libye par Kadhafi et plus récemment par la participation symbolique du Qatar à l’intervention militaire occidentale contre le même Kadhafi, seul pays arabe à le faire.

Illustration toutefois du double jeu permanent du Qatar, l’émirat a aussi joué un rôle dans l’affaire al-Megrahi, la libération en août 2009, soi-disant pour raisons médicales, de l’un des auteurs libyens de l’attentat de Lockerbie.

Parmi les actuels et anciens membres du gouvernement, Claude Guéant en tant qu’envoyé spécial de Nicolas Sarkozy, Rachida Dati dont la sœur travaille pour le procureur général du Qatar et Fadela Amara ont multiplié les voyages dans l’émirat. A une époque, quand elle était Garde des sceaux, Rachida Dati se rendait jusqu’à deux ou trois fois par mois au Qatar.

Le Qatar soigne Sarkozy, mais pas seulement: des proches de Chirac (qui en tant que président de la République s’était rendu 9 fois en visite officielle à Doha) et des socialistes bénéficient aussi de son attention et de ses faveurs.

Le Qatar est le principal client du cabinet d’avocat de Dominique de Villepin. Le contrat stipulerait que les déplacements de l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac à Doha se font dans les avions de l’émir. Ségolène Royal s’est elle vu offrir un dîner en son honneur à l’ambassade du Qatar le 27 mars 2008.

La bataille d’Areva et les réseaux Sarkozy

Autre démonstration du poids de l’émirat dans la vie politique française, il a obtenu le vote à l’Assemblée et au Sénat au début de l’année 2008 d’un statut fiscal exorbitant pour ses investissements en France. Les investissements immobiliers ne sont pas imposables sur les plus-values et les résidents qataris en France ne payent pas l’ISF pendant leurs cinq premières années de présence. Le groupe d’amitié entre la France et le Qatar compte 49 députés à l’Assemblée nationale

Le Qatar a passé des accords de défense avec la France qui assure la formation des marins de sa flotte de guerre et de ses policiers et lui a fourni une grande partie de son matériel militaire, notamment des mirages 2000. Le Qatar a obtenu ou veut obtenir l’ouverture d’antennes à Doha de quelques-unes de nos plus prestigieuses grandes écoles comme HEC, Saint-Cyr ou l’Ecole nationale de la magistrature.

Les grandes entreprises françaises sont évidemment très présentes à Doha, notamment dans la défense et l’énergie: Total, GDF-Suez, EDF, Veolia, Vinci, Air Liquide, EADS, Technip… ont raflé des contrats importants. Mais le Qatar est aussi et avant tout un investisseur. Le fonds souverain du Qatar est actionnaire ou cherche à le devenir, de groupes stratégiques comme Lagardère (défense et presse), Veolia environnement (services collectifs), Suez (énergie, services collectifs), Vinci (BTP), et du coté des tentatives répétées CMA CGM (shipping) et surtout Areva (nucléaire).

La partie qui s’est jouée il y a quelques mois autour du capital d’Areva illustre bien le poids et l’ambition des Qataris en France et la façon dont ils procèdent et dont leurs réseaux fonctionnent. En l’occurrence, ils ont joué sur les liens étroits et anciens entre Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, François Roussely, président du Crédit Suisse France et Henri Proglio, PDG d’EDF et proche de Nicolas Sarkozy.

Ces trois hommes se connaissent très bien. François Roussely a précédé Claude Guéant à la direction de la police nationale et Henri Proglio à la présidence d’EDF. François Roussely a été chargé par le gouvernement de rédiger un rapport sur l’avenir du nucléaire et, ce qui ne semble gêner personne, conseille le Fonds souverain du Qatar qui est client et actionnaire du Crédit Suisse et souhaite ardemment entrer dans le capital d’Areva.

Paris, la tête de pont qatarie

Il a fallu une intervention conjointe du Premier ministre François Fillon, de la ministre de l’Economie Christine Lagarde et d’Anne Lauvergeon, la présidente d’Areva, pour empêcher in extremis l’entrée à la fin de l’année 2010 du Qatar dans le capital du fleuron français du nucléaire.

«Avec les Qataris, c’est toujours du donnant-donnant, explique sous le couvert de l’anonymat un Français qui a longtemps vécu au Qatar, connaît bien la famille régnante et a vu défiler à Doha une bonne partie de la nomenklatura française. Parfois, il y a un grain de sable in extremis comme dans l’affaire Areva, mais c’est l’exception, ils préparent bien leurs coups.»

L’immobilier donne également une bonne mesure de l’influence qatarie. L’émir possède un palais de 4.000 m2 à Marnes-la-Coquette (Hauts-de-Seine) et l’hôtel d’Evreux, place Vendôme ainsi que deux autres hôtels particuliers attenant. Le fonds souverain détient à Paris des hôtels de luxe (Majestic et Royal Monceau).

Mais ce sont les travaux du frère de l’émir lors de la restauration de l’hôtel Lambert, joyau du XVIIe siècle situé sur l’île Saint-Louis, racheté en 2007 aux héritiers du baron Guy de Rotschild, qui ont fait un peu de bruit. Des travaux considérables et illégaux qui ontprovoqué une polémique. Pour y mettre fin, Christine Albanel, alors ministre de la Culture, n’avait pas saisi la Commission nationale des monuments historiques, mais un Comité scientifique… créé spécialement.

Et pour finir donc le sport et le football qui pour le Qatar semblent être le moyen idéal pour obtenir enfin la reconnaissance et le statut qu’il cherche frénétiquement. Le recrutement de Zinedine Zidane pour plusieurs millions d’euros afin vanter les mérites de la candidature à la Coupe du monde de football de 2022 du plus petit pays au monde l’ayant jamais organisé — qui ne s’est jamais qualifié pour cette compétition et de surcroit à un climat inadapté à la pratique de ce sport en été… — a été couronné de succès.

La controverse qui a suivi et les lourds soupçons de corruption de la Fifa n’y ont rien changé. Après le Royaume-Uni, l’Allemagne à son tour vient pourtant de contester le choix du Qatar et demande que la candidature soit rééxaminée. Peu probable.

L’intérêt du Qatar pour le football ne s’arrête pas à l’organisation de la Coupe du monde et à l’achat pour ses clubs de joueurs européens en fin de carrière payés à prix d’or. Les clubs de football européens deviennent aussi des proies, celui de Malaga en Espagne, le FC Barcelone dans une moindre mesure, et donc maintenant le Paris Saint-Germain, le seul grand club de la capitale française dont Nicolas Sarkozy est un supporter affirmé. Il se dit de façon insistante que l’Elysée n’aurait d’ailleurs pas ménagé ses efforts pour convaincre l’émir de donner au PSG les moyens de nouvelles ambitions. Mais quelle en sera la contrepartie?

Eric Leser

On vient d’apprendre que l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis et le royaume de Bahreïn ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar. Officiellement, pour des questions de sécurité nationale : Doha déstabiliserait la région et soutiendrait des groupes terroristes. Certaines liaisons terrestres, aériennes et maritimes ont même été suspendues.

Ces dissensions ne sont pas sans rapport avec la situation politique et religieuse au Moyen- Orient, le Qatar étant accusé d’être trop proche de l’Iran. Laissons aux spécialistes de la géopolitique le soin d’analyser les causes exactes de ce différend, qui pourrait bien dégénérer en conflit. Si c’était le cas, la France pourrait se vanter d’avoir largement contribué à fournir des armes aux belligérants.

Compte tenu du poids des exportations d’armes dans la balance commerciale, le gouvernement de François Hollande, à défaut de redresser l’économie, a cyniquement calculé le profit qu’il pourrait tirer de ventes qui mettent en jeu des dizaines de milliers d’emplois. Quand on se souvient du refus de livrer deux Mistral à la Russie, on peut être surpris de son indulgence à l’égard de pays qui sont loin d’être exemplaires.

Ne parlons pas des armes livrées à des groupes rebelles syriens, en cohérence avec la politique choisie par l’ancien président de la République.

Mais la vente massive d’armes à des pays dont le fonctionnement démocratique laisse pour le moins à désirer, dont certains sont soupçonnés de complaisance pour le terrorisme islamique ou encore engagés au Yémen dans une guerre meurtrière contre les rebelles houthistes – que la communauté internationale a tendance à oublier –, n’émeut guère nos adeptes de la bien-pensance.En matière de livraisons d’armes, l’Arabie saoudite, qui dispute aujourd’hui la première place au Qatar, a longtemps été pour la France un client privilégié. À ces pays s’ajoute l’Égypte, qui a commandé des Rafale, des hélicoptères, des navires de guerre. Pour nos dirigeants, la vente d’armes est un pactole incommensurable.

Quand de tels intérêts sont en jeu, on garde dans les tiroirs les droits de l’homme qu’on aime tant brandir en d’autres occasions. L’argent n’a pas d’odeur, c’est bien connu ! L’on ne pense pas aux victimes que feront ces armes : après tout, puisqu’on ne les manie pas directement, on peut s’en laver les mains et proclamer, comme Ponce Pilate, son innocence et son amour de la paix !

La France a toujours entretenu des relations privilégiées avec l’Arabie saoudite, malgré la pensée salafiste qu’elle promeut. Elle est, de même, l’un des premiers fournisseurs du Qatar. Bien plus : elle laisse, depuis des années, les Qataris investir massivement, dans des conditions parfois opaques, voire avec des privilèges fiscaux.

Le Traité sur le commerce des armes, ratifié par la France en 2014, précise qu’un État signataire « ne doit autoriser aucun transfert d’armes classiques […] s’il a connaissance […] que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie ».

François Hollande l’a allègrement oublié. Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’est engagé à n’avoir aucune « complaisance » pour le Qatar et l’Arabie saoudite. Mais, en même temps, comme il aime à le dire, le 11 avril 2017, il déclarait à Europe 1 : « La France n’a pas vendu tant que cela à l’Arabie saoudite. » Ceux qui font de la finance la valeur suprême n’ont pas à s’inquiéter : notre nouveau Président ne risque pas de tuer la poule aux œufs d’or.

http://www.bvoltaire.fr/moyen-orient-macron-va-t-tuer-poule-aux-oeufs-dor/?mc_cid=3144a31f4e&mc_eid=b338f8bb5e

1 réponse »

  1. En résumé nous allons avoir une guerre qui, dans un premier temps opposera la coalition Arabie Saoudite + Emirats + Koweit + Israel + Libye + Egypte+ US + occidentaux (France,GB, Deutschland) contre la coalition Russie + Chine + Iran + Liban + Syrie ++++++. J’en passe, bien sur. ====Gros carnage en perspective.
    D’autant plus que les US veulent aussi en découdre, plus à l’est avec la Corée du nord. Ils auront contre eux les Chinois, et, les Russes, et, avec eux les Japonnais.
    Planquons nous !! Mais où ?


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