1984

Something for nothing : «Un non-sens économique et financier: la capitalisation boursière du Bitcoin vient tout juste de dépasser celle de GE, à hauteur de 160 milliards de dollars.

La Citation du Jour : «Un non-sens économique et financier: la capitalisation boursière du Bitcoin vient tout juste de dépasser celle de GE, à hauteur de 160 milliards de dollars.

Pour rappel, GE est l’une des plus grandes entreprises mondiales, avec un chiffre d’affaire de près de 123 milliards USD. Le bitcoin, à l’inverse, ne repose sur rien…Parfait exemple d’une bulle spéculative liée à l’excès de liquidité sur le marché. » (Saxo Bank)

Le Tweet du Jour : Le bitcoin a besoin de moins en moins de temps pour gagner 1000 dollars en valeur.

Le minage global du Bitcoin représente une consommation d’électricité supérieure à la consommation de 159 pays dont L’irlande  et la plupart des pays africains.

« Something for nothing », c’est le grand secret de la post-modernité.

Ceci n’est pas une critique du Bitcoin mais des élites; il faut que système soit bien pourri et dysfonctionnant pour que le désespoir, l’absence d’espoir, conduisent  des gens à miner du Bitcoin qui ne vaut que parce que les élites ont failli à leur mission, elles ont tué les réserves de valeur! Le Ponzi limité vaut plus que le Ponzi illimité des gouvernants. La dialectique de la destruction est à l’oeuvre.

Cryptofolie: ne vous y trompez pas, la folie n’est pas celle de ceux qui minent, achètent ou transactent du Bitcoin, non, elle est celle d’un système humain déréglé au point ou la production très onéreuse, gaspilleuse,  de quelque chose qui s’assimile à du vent, fut-il technologique, peut faire l’objet d’une activité dite économique.

Je trouve que ceux là, ceux qui peuplent le monde du Bitcoin,  sont presque des héros. Ils sont dignes de Camus,  ces sont des héros de l’absurde; ils vont tenter de pousser au sommet de la montagne la pierre de la Valeur, ils s’attaquent au mythe suprême, celui de la Valeur.

Ce mythe  de la valeur est au centre de notre condition sociale. Il y a quelque chose d’alchimique dans leur entreprise, qui va bien au delà de la transformation du plomb en or, mais touche à la conquête du  Graal. On n’est pas  dans le matériel ou le figuratif, mais dans sa sublimation. Ce qui se profile c’est le scintillement du phallus à moins que ce ne soit celui de son complément, pur vide entouré d’imaginaire. Le trou, le vide qui a besoin d’être comblé.

Si le souvenir de Sisyphe me vient à l’esprit c’est bien  à cause de l’absurde: le gaspillage, l’inutilité objective,  ce ne peut être qu’une punition que ce minage du Bitcoin.  Peut-on imaginer pareille débauche d’énergie pour créer quelque chose dont la seule valeur est d’être rare? Le Bitcoin est une dérivée de l’inutile érigé en Valeur.

Il faut vraiment avoir désobéi aux dieux pour mériter cela! Peut-on douter des hommes et de leur bon sens, de leur morale, au point de devoir confier à une machine dévoreuse, pure Ugolin, le soin de produire de la confiance, de la rareté pure, forme vide de tout contenu?

Car le ressort est là: c’est la méfiance  à l’égard de l’homme, à l’égard des élites qui anime la recherche du Graal des cryptomonnaies. Le succès des cryptomonnaies nous parle, il nous dit: on ne peut “LEUR”  faire confiance pour ne pas abuser de la planche à billets, il faut créer une machine, un processus, un programme, à produire … de la rareté. La vertu ne se trouve plus  chez les hommes, mais dans les machines .

Les héros de la Valeur  prennent acte de la révélation de la post-modernité, post démocratque: 1) on ne peut leur faire confiance et 2)  la Valeur n’est rien, elle n’existe pas en dehors de la tête des gens, elle est pure forme, inintelligible sauf par l’attrait qu’elle suscite.  Ils se lancent donc à la conquête du Pouvoir. Ils font chuter le dollar de son piedestal;  il en faut 9 000 pout avoir un seul Bitcoin. Nos héros  seront bien sûr un jour écrasés par la pierre, par la gravité, par le poids du réel, mais ils auront fait un tour, un tour du manège de l’absurde.

Au lieu de se révolter comme le suggère Camus, ils ont pris les faux dieux au mot, ils ont poussé encore plus loin l’absurde, au lieu de les abattre.  Ils veulent faire concurrence aux faux dieux ou à leurs pales usurpateurs, faux démiurges, vrais contrefacteurs, les Draghi, les Yellen, les Blankfein.

Puisqu’il n’y a plus rien, alors enrichissons nous sur ce rien, tel est le sens de leur entreprise. Léo Ferré disait : “il n’y a plus rien et ce rien …on vous le laisse”! Les héros du blockchain ne le laissent pas ce rien, ils  veulent ce rien. Ils ne révoltent pas, ils ne se rebellent pas, ils ne suicident pas,  non ils  poussent l’absurde de l’exploitation, de la domination, de l’aliénation jusqu’à en tirer profit… sur leurs compagnons d’infortune. C’est l’esclave gladiateur  Spartakus qui au lieu de se révolter contre ses maîtres, retourne son glaive contre  ses compagnons d’infortune.

Les cryptomonnaies constituent une pure « consumption », une offrande, un sacrifice, elles occupent la place de la part maudite du système, pur gaspillage qui devient Valeur en vertu d’une Loi divine qui est celle de l’offre et de la demande. Offre et demande qui n’ont rien d’autre à offrir que leur tautologie. Le régime ainsi créé est le comble de la frivolité de la valeur, de son caprice, elle ne réside que dans la tête de celui qui la contemple, elle est pure incarnation du marginalisme du vieux Walras et du génial Menger. Elle est ce mouvement irrésistible de nos sociétés  vers l’abstraction, vers le règne, vers la dictature du signe et son primat sur le réel. Les cryptomonnaies sont de la névrose sociale cristallisée. On est tellement dans la bouteille, derrière la grosse vitre transparente,  que l’on ne sait même plus qu’elle existe et qu’il y a autre chose. Les fous de l’asile ont pris le contrôle  du savoir médical.

BRUNO BERTEZ

EN BANDE SON : 

2 réponses »

  1. Merci pour cet exceptionnel texte. Vous écrivez assez souvent depuis des années « vers la dictature du signe et son primat sur le réel. » Et si vous vous trompiez ? Que le primat du réel s’affaiblissant au profit du primat du signe est un processus, un chemin, forcément nécessaire et spontané, dans la Nature de la conscience-esprit individuelle et collective. Un processus d’intériorisation ? Car qui voit ? Qui ? Quel réel ? Grâce à la machine (internet) mais quand plus d’énergie (pétrole acier etc) pour 10 milliards d’humains et disparition complète de tout les animaux …. Le Réel arrivera, lequel ?

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