1984

Les lunettes marxistes regardent encore le monde

La méconnaissance de la culture et de l’histoire d’un pays conduit à de graves impasses d’analyse. On ne peut comprendre l’action politique d’aujourd’hui et les réactions de certains peuples, si on méconnaît leur histoire, leur passé, leur littérature. L’affaire hongroise l’a révélée une nouvelle fois. Impossible de comprendre la politique du gouvernement actuel si on oublie que ce pays a été sous le joug communiste pendant près de cinquante ans et qu’il aspire donc aujourd’hui à la liberté et à l’indépendance.

En 1956, quand les troupes du pacte de Varsovie ont débarqué à Budapest, peu de monde en Europe a protesté contre cette agression. Chaudement repliés derrière le rideau de fer, protégés par l’OTAN, les Européens ont laissé faire et n’ont guère réagi. La répression à Budapest est aujourd’hui estimée à 25 000 morts, à quoi s’ajoutent près de 200 000 Hongrois partis en exil. Imre Nagy, le chef hongrois qui avait tenté de desserrer l’étau soviétique, fut laissé au pouvoir en 1956, puis arrêté en 1958 et exécuté. La répression fut d’une telle sévérité que les habitants en furent groggy et ne tentèrent plus aucune opposition avant 1989, soit trente ans. Il a fallu attendre la génération suivante pour que des jeunes qui n’avaient pas connu la répression de 1956-1958 osent se soulever contre le communisme.

L’Europe qui n’avait pas bougé alors prend aujourd’hui des sanctions contre la Hongrie parce que le Parlement de Strasbourg a estimé que le gouvernement Orban (réélu triomphalement pour un troisième mandat soit dit au passage) menait une politique trop indépendante. On peut comprendre qu’après avoir tant lutté contre l’URSS, les Hongrois n’aient pas envie de brader leur souveraineté à un autre conglomérat de pays. On peut comprendre aussi leur ressentiment face à ceux qui, ne les ayant pas aidés hier, leur disent aujourd’hui comment ils doivent gérer leur pays.

La question hongroise d’aujourd’hui est révélatrice d’une pensée marxiste qui imprègne encore les esprits. Si le marxisme, dans sa version stalinienne, a été vaincu, il demeure dans des versions trotskystes et maoïstes qui continuent d’imposer leur grille de lecture aux événements géopolitique.

La haine de la Russie où la victoire de Trotski

La haine actuelle à l’égard de la Russie se comprend par ce prisme. La psychose qui entoure l’action de Vladimir Poutine dans la presse et la politique à quelque chose de maladif. Il est très difficile d’avoir une analyse raisonnée sur ce pays, sur la politique effectivement menée par Poutine depuis 2000, sur les améliorations du pays et sur les failles qui perdurent. Alors que pendant toute la guerre froide la gauche a été prorusse et béate face à l’URSS, elle est aujourd’hui dans une opposition systématique qui relève plus de la psychose mentale que d’une analyse sereine. Cette position s’explique en partie par la permanence de la lecture marxiste.

Les chefs bolcheviks qui ont mené la révolution en Russie ne sont pas russes. Trotski est issu d’une famille juive d’Ukraine, Lénine vient de Simbirsk, une ville bâtie en 1648 dans les confins de l’Empire russe pour assurer la défense des frontières face aux nomades, et Staline est géorgien. Khrouchtchev et Brejnev ne sont pas russes eux aussi, mais Ukrainiens également. Quant à Gorbatchev, il vient de Stavropol, une région située au nord du Caucase. Lui en revanche est russe, mais d’une Russie très périphérique. Eltsine vient de l’Oural (Sverdlovsk), là aussi une région très périphérique de la Russie. Seul Vladimir Poutine vient du cœur de la Russie, puisqu’il est originaire de Saint-Pétersbourg. Ces différentes origines expliquent beaucoup de la politique de ces différents chefs d’État. Les chefs soviétiques qui ont dirigé la Russie n’étaient pas russes, soit au sens où ils appartenaient à un autre peuple, soit au sens où ils étaient issus d’une zone si périphérique et éloignée de la Russie utile et culturelle, qu’ils n’avaient pas grand-chose en commun avec la culture russe.

Non seulement les hauts chefs soviétiques n’étaient pas russes, mais ils avaient en plus une certaine haine à l’égard de la Russie, de sa culture et de son histoire. La Russie, c’était le tsarisme, l’orthodoxie, l’ancien régime, l’ancien monde qu’il fallait détruire et régénérer. Leur amour était pour l’Union soviétique, qui devait englober et effacer la Russie. Cela explique en partie les destructions et les attaques contre la culture russe. Ils ont fait passer le soviétisme avant la Russie, à l’inverse du Général de Gaulle qui a toujours parlé de la « Russie soviétique » et non pas de l’URSS. Cette haine de la Russie, pour ce qu’elle représente dans l’histoire de l’Europe et pour la façon dont elle se situe dans son environnement stratégique, s’est imbibée dans l’ensemble des partis communistes. Ce que défendaient Maurice Thorez ou Georges Marchais, ce n’était pas la Russie, mais l’Union soviétique. Cette détestation s’est infiltrée dans les journaux et chez les écrivaillons, elle est devenue une façon de voir la Russie et elle ressurgit dorénavant contre Vladimir Poutine qui est le premier russe du cœur historique à diriger le pays depuis Nicolas II. Il mène donc une politique russe, en faveur de la Russie, et non plus une politique soviétique, que les marxistes avaient appris à aimer et à défendre.

La haine que les journalistes et les intellectuels avaient à l’égard de la Russie durant la période soviétique a perduré même si le soviétisme a disparu.

Mao dans les cœurs

À partir des années 1960, nos marxistes se sont entichés de Mao qu’ils ont vénéré au plus haut point. Le portrait du dictateur ornait la cour de la Sorbonne en mai 1968 et nombreux furent les libelles à défendre la politique du Grand Timonier. Le refus de voir les morts, les échecs et les destructions perdurent encore aujourd’hui. Dans les manuels scolaires, on s’attarde longuement sur Staline, mais on ne parle pas des crimes de Mao, pourtant plus nombreux. Cet amour de Mao n’a jamais été l’objet d’un mea culpa de la part de ceux qui l’ont défendu et dont beaucoup occupent aujourd’hui des postes à la télévision et dans la presse. Il explique là aussi, en partie, la bienveillance dont fait preuve la Chine à l’égard de l’opinion.

Xi Jinping a repris sans complexe la politique de Mao et il est bien décidé à développer le nationalisme chinois pour faire de ce pays la première puissance mondiale en 2049. Certes, on s’attarde parfois sur les problèmes écologiques de Pékin et la qualité de l’air, mais sans parler de la pollution des sols et des cours d’eau. Certes, le Tibet attire encore quelques regards, mais comme chacun sait que le dalaï-lama est financé par la CIA et recueilli par l’Inde afin de planter une épine dans le pied chinois, sa parole porte désormais moins. En revanche, rien sur les limitations des libertés fondamentales, sur la surveillance accrue des populations, sur les répressions policières que subissent les minorités. Les mêmes qui brandissent les concepts de démocratie et de droits de l’homme pour la Russie se taisent complètement au sujet de la Chine. Que ce soit conscient ou non, cette attitude est le fruit de l’imprégnation marxiste des esprits qui a toujours fait regarder la Chine avec une grande bienveillance. Même la place Tiananmen est aujourd’hui oubliée.

La bienveillance dictatoriale

Cette bienveillance dictatoriale due à l’imprégnation marxiste se manifeste dans beaucoup d’autres situations géopolitiques. Le Venezuela de Chavez et Maduro en est une caricature. Idem pour Cuba et, actuellement, pour le Nicaragua de Daniel Ortega, qui a eu la bonne idée de prendre le pouvoir grâce à un groupe marxiste, ce qui le met à l’abri des indignations occidentales. Au Brésil, c’est Lula qui a toujours été adulé, alors qu’il était corrompu et qu’il a nui à son pays. La justice a fini par le mettre en prison. Au-delà du simple schéma de la lutte des classes et de la défense des pays du tiers-monde face aux oppresseurs occidentaux, le schéma marxiste de lecture de la géopolitique a introduit une haine irrationnelle à l’égard de certains pays et une bienveillance anormale à l’égard d’autres. Cela serait anodin si cela n’avait pas des conséquences sur notre diplomatie et sur notre approche économique des équilibres mondiaux. Ces œillères marxistes que l’Europe continue de porter l’empêchent d’avancer.

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Interdit de penser : le temps des procureurs

Attaquer, vociférer, agonir d’injures un adversaire est une arme redoutable pour créer autour de lui une vitrification intellectuelle et empêcher toute réflexion et toute analyse. C’est l’arme même de la guerre de propagande qui cherche à rendre impossible toute réflexion pour imposer ses propres idées. C’est l’arme Vychinski, en référence à Andreï Vychinski, homme de main de Staline dans sa politique d’épuration des bolchéviques. Il est né à Odessa en 1883. Il adhère d’abord au parti menchévique, opposants des bolchéviques, et se montre très vindicatif à l’égard de Lénine et du coup d’État bolchévique de 1917. Puis, constatant que ces derniers ont gagné, il rallie les bolchéviques en 1920 et se met au service de Staline, dont il égale la cruauté et le cynisme. Comme tout ancien opposant rallié à un nouveau régime, il doit faire preuve d’excès de zèle pour faire oublier ses origines. Il se charge donc des purges, qu’il effectue tout au long de sa carrière, en Russie, en Lettonie et en Roumanie. C’est lui qui organise les grands procès de Moscou entre 1936 et 1938, dont la finalité est l’élimination des bolchéviques opposés à Staline parce qu’ils étaient proches de Lénine ou de Trotsky. Il excelle dans ce rôle de procureur général, accusant des innocents de crimes qu’ils n’ont pas commis, avec une torture psychologique telle que les innocents s’accusent de ces crimes. À beaucoup, il promet la clémence s’ils reconnaissent les chefs d’accusation. Ceci fait, ils sont bien évidemment condamnés à mort et immédiatement exécutés. Sous Brejnev la méthode fut un peu différente. Les opposants n’étaient plus accusés d’être des ennemis du peuple ou des ennemis de classe, mais des malades mentaux, des déséquilibrés, devant être internés ou rééduqués.

La personne est ainsi coupable par ce qu’elle est, non par ce qu’elle a fait. C’est son être même qui est condamné, sans jugement, sans analyse contradictoire, et elle est jetée en pâture à la vindicte populaire, via la presse qui relaie les actes d’accusation et de condamnation. Inutile de chercher à se défendre puisque l’accusé est présumé coupable et que tout ce qui est dit est retenu contre lui. On aboutit ainsi à une condamnation sociale, politique et médiatique. C’est une pratique bien commode pour éliminer un adversaire, car la condamnation jette l’opprobre sur sa famille, ses amis, son courant de pensée. Même si Vychinski en est le réalisateur le plus connu, ne laissons pas aux Soviétiques le plaisir de cette invention. C’est la Révolution française qui a mis cela en place, avec Fouquier-Tinville dans le rôle-titre du procureur général durant la Terreur. La récente actualité a montré quelques cas de ce syndrome Vychinski où il fut interdit de penser.

La guerre de l’information

La calomnie comme arme politique n’est pas nouvelle. Qu’elle soit aujourd’hui propagée par ceux qui disent lutter contre les fake newsest inquiétant. Elle est une arme à la fois politique et médiatique pour tuer un homme et orienter le contrôle d’un pays. Elle se fait souvent dans le respect de la légalité, car elle prend les rênes du droit pour les mettre à son service. Fouquier-Tinville fut condamné à mort et guillotiné en 1795. Il a à son actif plus de 2 000 condamnations à mort. Lors de sa défense, il eut cette phrase célèbre : « Je n’ai agi qu’en vertu des lois portées par une Convention investie de tous les pouvoirs. Par l’absence de ses membres, je me trouve le chef d’une conspiration que je n’ai jamais connue. Me voilà en butte à la calomnie, à un peuple toujours avide de trouver des coupables. » D’une certaine façon, il avait raison. Mais c’est lui qui tua des milliers de personnes pour assouvir la calomnie. Dans les dernières lignes de ses carnets, il eut ces mots : « Je n’ai rien à me reprocher : je me suis toujours conformé aux lois » et il est vrai qu’il n’avait fait que respecter la loi. Mais cette dictature de la loi couplée à la caisse de résonance des médias représente un danger grave pour la démocratie et les libertés fondamentales.

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