Art de la guerre monétaire et économique

2018 : l’année où la boîte à malices financière s’est vidée

2018 : l’année où la boîte à malices financière s’est vidée

Toute personne qui possède des actions se réjouit de la fin de l’année 2018, une année au cours de laquelle près de 7000 milliards de dollars de capitalisation boursière sont partis en fumée. Les économies émergentes ont gémi sous le dollar fort et même les obligations souveraines du gouvernement américain ont perdu de leur valeur.
Les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, associées au ralentissement des économies émergentes, ont effacé plus de 10 % de la valeur de l’indice mondial des actions MSCI dans 47 pays. C’est la première fois depuis la crise financière de 2008 que l’on constate une perte annuelle à deux chiffres.

Les bourses

Le CSI300 chinois est en recul de 25 % par rapport au début de l’année, le BEL 20 a perdu plus de 20 %, le Dax allemand est inférieur de 16 % et le CAC40 français, de 12 %. Mais ce sont des enfantillages par rapport aux pertes enregistrées dans les économies émergentes. Les bourses turque et argentine sont respectivement inférieures de 45 % et 50 % par rapport à leurs niveaux du mois de janvier.

Le pétrole

Ajoutez à ce cocktail toxique l’effondrement des prix du pétrole (-40 % par rapport au début du mois d’octobre) et l’augmentation des spreads sur les titres des gouvernements italien, grec et maintenant français, qui reflète surtout les doutes persistants sur la zone euro.

Les crypto-monnaies

Il y a ensuite les crypto-monnaies qui étaient à la fête il y a exactement un an et dont la valeur a été décimée en 2018.

L'évolution du cours du Bitcoin depuis octobre 2013

Le Forex

L’année a été principalement caractérisée par la hausse rapide des taux d’intérêt américains et par la force du dollar. En conséquence, l’euro et la livre sterling, le dollar canadien et le dollar australien ont enregistré des pertes de 5 à 10 %. Le peso argentin  et  la livre turque ont dévissé respectivement de 50 % et 30 %.

Les titres des FANGMAN

Il y a ensuite  les actions Fangman considérées comme inaccessibles il y a 1 an, qui ont connu une année en dents de scie et dont les 5 plus grandes entreprises (Facebook, Amazon, Apple, Netflix et Google) ont perdu 800 milliards de dollars en valeur de marché depuis leur pic d’août, une baisse de 24 %. 800 milliards de dollars correspondent aussi à la valeur totale de toutes les crypto-monnaies au début de l’année. Aujourd’hui, il en subsiste moins de 128 milliards de dollars.

Les investissements sûrs traditionnels

Même les investissements sûrs traditionnels n’ont pas tenu leurs promesses. L’or vaut 4 % de moins qu’il y a un an, les bons du trésor américains et allemands valent 2 % et 2,3 % de moins qu’il y a un an.

Les rares gagnants : le gaz, le cacao, le palladium et le blé

L'évolution du cours de certaines matières premières en 2018
© FinViz

Pourquoi tout cela s’est produit ?

1. La fin de la boîte à malices financière

La normalisation du système financier initiée par la Federal Reserve [et dans une moindre mesure par les autres banques centrales] à mis fin à la panoplie financière qui a sous-tendu la croissance insoutenable des bénéfices des sociétés au cours de la dernière décennie.

2. De l’argent a été prêté à ceux qui étaient déjà endettés par dessus la tête

Les investisseurs à la recherche de rendements n’ont pas hésité à prendre des risques et ont été prêts  à prêter de l’argent à des entreprises déjà endettées. Certains comptes se révèlent maintenant faux.

3. Le rachat d’actions propres

Mais l’argent bon marché a eu d’autres conséquences. On peut par exemple examiner le comportement des dirigeants dans le «monde de l’entreprise». Ils n’ont pas utilisé les bénéfices colossaux que ces entreprises ont réalisés ces dernières années et l’argent bon marché qu’elles ont emprunté sur les marchés pour augmenter les salaires ou investir davantage.

Les rachats d'actions propres ont atteint un niveau record en 2018
Ce qu’ils ont fait, c’est racheter massivement des actions de leur propre entreprise. De cette manière, ils ont été en mesure de verser d’importantes sommes d’argent aux actionnaires tout en catapultant le cours des actions de leur propre entreprise. Comme la plupart des contrats de travail de ces dirigeants prévoient de les rétribuer pour partie en stock options, ils ont également bénéficié de ces rachats en passant et ils se sont donc concentrés sur le court terme.« Bienvenue dans la grande finale de l' »extend and pretend » (« Continuez et faites comme si de rien n’était »), la plus misérable expérience monétaire de l’histoire »

Le mois de janvier était pourtant très prometteur, mais l’année 2018 s’achève en cauchemar pour les personnes les plus fortunées de la planète : l’effondrement des marchés auquel nous avons assisté cette année leur a fait en effet perdre 511 milliards de dollars (environ 448 milliards d’euros).
C’est ce que rapporte Bloomberg, sur base des calculs de son « Bloomberg Billionaires Index« , qui suit les patrimoines des 500 personnes les plus riches de la planète.

Une fortune cumulée de 4700 milliards de dollars

Vendredi dernier, la valeur cumulée de ces patrimoines était tombée à 4700 milliards de dollars (environ 4121 milliards d’euros), contre 5200 milliards au début de cette année. Ce n’est que la seconde fois en 6 ans qu’ils se sont érodés au cours de l’année, plutôt qu’accrus, précise l’agence de presse. Elle ajoute que l’année avait pourtant bien commencé pour les moguls, magnats et autres multi-milliardaires, puisque jusqu’à la fin du mois de janvier, leur fortune avait poursuivi sa phase ascendante, pour culminer à 5600 milliards de dollars.

Mais les craintes d’une possible guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, associées au ralentissement des économies émergentes, ont eu raison de la confiance excessive des marchés financiers. Ceux-ci s’inquiètent de plus en plus d’un marasme économique mondial, y compris aux Etats-Unis, et les cours des actions s’en ressentent : l’indice mondial des actions de 47 pays, le MSCI, a perdu plus de 10 % de sa valeur cette année.

Une déconfiture globale

La bérézina a été globale. Ainsi, Mark Zuckerberg, classé N°7 sur la liste, avec une fortune évaluée à 49,7 milliards de dollars à ce jour, est le plus gros perdant de l’année. Sa fortune s’est effondrée de 23 milliards de dollars. Le milliardaire chinois Wang Jianlin, à la tête du Dalian Wanda Group, la plus grande société de développement immobilier de Chine et la plus grande chaîne de salles de cinéma du monde, a quant à lui vu ses avoirs fondre de 11,1 milliards de dollars ; Jack Ma, le fondateur du géant chinois du e-commerce, Alibaba, le talonne avec une perte de 10,5 milliards de dollars, ce qui fait d’eux respectivement les 4e et 5e plus gros perdants de l’année.

Au Moyen-Orient, les super-riches saoudiens ont eu une année particulièrement difficile, en raison de la répression exercée par le prince héritier Mohammed Ben Salmane (MBS) contre la corruption. Le prince Al-Waleed bin Talal, surnommé « le Warren Buffett du Moyen-Orient« , a vu 3,4 milliards de dollars de sa fortune s’envoler en fumée cette année. Depuis 2014, sa fortune a perdu 60 %. Le prince faisait partie d’un groupe de princes, d’anciens ministres et d’hommes d’affaires que MBS avait fait emprisonner au début de l’année 2017. Ceux-ci n’avaient pu obtenir leur libération qu’en échange d’une partie de leur fortune, qui pouvait atteindre 70 % dans certains cas.

L’Europe particulièrement touchée

La conjoncture économique difficile en Europe et en Asie n’a pas épargné les super-riches européens, qui ont quasiment tous vu leur fortune s’éroder cette année, du fondateur de Zara, Amancio Ortega, classé 5e homme le plus riche du monde, qui accuse la seconde plus forte baisse du classement (-16 milliards de dollars), à l’ancien Premier ministre italien Silvio Berlusconi (-1,63 milliard de dollars), en passant par l’Allemand Goeorg Schaeffler, actionnaire majoritaire du producteur de pièces automobiles Continental AG, qui accuse la 3e plus grosse perte (-.13,6 milliards de dollars).

Sur le plan sectoriel, ce sont surtout les industriels (-79 milliards de dollars cumulés) et les milliardaires du commerce de détail (-75 milliards de dollars) qui ont pâti de la chute des cours. Mais le secteur technologique n’a pas été épargné non plus, avec une perte globale de 55 milliards de dollars.

Bezos s’en tire bien, comme Elon Musk

Toutefois, l’année n’a pas été totalement catastrophique pour tout les membres de la liste. L’homme le plus riche du monde, le fondateur du site de e-commerce américain Amazon, Jeff Bezos, parvient à réaliser la plus forte progression de fortune du classement, avec un gain de plus de 16 milliards de dollars. Mais cela ne représente qu’une fraction des 69 milliards de dollars qu’il avait gagnés sur l’année au mois de septembre. Il termine l’année avec une fortune estimée à 115 milliards de dollars.

En Europe, le Français Bernard Arnault, propriétaire du groupe spécialisé dans le luxe LVMH, tire son épingle du jeu, avec un gain de plus de 4 milliards de dollars sur sa fortune maintenant estimée à 67,3 milliards de dollars, qui fait de lui le 4e homme le plus riche du monde. De même, les moguls de l’énergie russes, Leonid Mikhelson, Gennady Timchenko et Vagit Alekperov n’ont pas eu une mauvaise année, puisqu’ils ont ajouté globalement 9 milliards de dollars à leur fortune.

Enfin, notons qu’Elon Musk, le flamboyant CEO de Tesla, classé 29e, fait partie du groupe des milliardaires relativement épargnés par la bérézina boursière de 2018. Il termine l’année avec un patrimoine de 23,6 milliards de dollars, soit 3,52 milliards de plus qu’à la même époque l’année dernière. 

EN BANDE SON : 

4 réponses »

  1. les super-riches saoudiens, « Ceux-ci n’avaient pu obtenir leur libération qu’en échange d’une partie de leur fortune, qui pouvait atteindre 70 % dans certains cas » au profit de qui ?

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