Alt Right

Jordan Peterson, l’intellectuel de référence des masculinistes

En quelques mois, Jordan Peterson s’est imposé, presque à son corps défendant, comme l’intellectuel de référence des masculinistes de l’alt-right. Retour sur le parcours de ce professeur de psychologie canadien qui fait des millions de vues sur YouTube en s’attaquant à ce qu’il considère comme le totalitarisme du politiquement correct. Un article à retrouver dans le nouveau numéro d’Usbek & Rica, en kiosque depuis le 7 février.

L’enfance d’un chef

La vie de Jordan Bernt Peterson est d’un classicisme à faire pâlir Racine lui-même. Il naît en 1962 dans une petite ville du Canada. Sa mère est protestante pratiquante et Peterson ne perdra la foi qu’à l’adolescence. L’événement le plus marquant de son enfance se situe le jour où, à 7 ans, il annonce à son père que quand il sera grand il se mariera avec Tammy, la petite voisine d’en face. À 13 ans, il se démarque légèrement en développant une obsession pour la guerre froide et les régimes totalitaires. Ses cauchemars sont peuplés d’holocaustes nucléaires. Élève brillant, Jordan part pour Montréal faire sa thèse dans la plus ancienne fac du pays, la renommée McGill. C’est là qu’il revoit Tammy et réalise son vœu : ils se marient et ont deux enfants, un garçon et une fille. Spoiler : ils vivent toujours ensemble et sont désormais d’heureux grands-parents.

Jordan Peterson / © Gage Skidmore – CC BY-SA 2.0

Un homme tranquille

Le parcours universitaire de Peterson est tout aussi impeccable. Thèse à McGill sur les potentiels marqueurs psychologiques d’une prédisposition à l’alcoolisme, poste de prof assistant à Harvard, professeur de psychologie à l’université de Toronto, une centaine d’articles publiés, et des recherches qui reçoivent le soutien de nombreux organismes canadiens officiels. Mais ce CV irréprochable cache autre chose. La nuit, Peterson travaille sur un livre qu’il mettra quatorze ans à écrire, finalement publié en 1999 : Maps of Meaning: the Architecture of Belief (« Les cartes du sens, l’architecture de la croyance »). Un pavé de 600 pages vendu à 500 exemplaires, qui essaie d’expliquer les structures des croyances humaines, celles qui ont pu mener à des génocides, en mêlant biologie évolutionniste et psychologie. Il en sort avec la certitude que l’homme est biologiquement violent. L’homme, et non l’humain – la différence est de taille.

En guerre contre l’« agenda transgenre »

Peterson doit attendre ses 52 ans pour accéder à une certaine notoriété. En 2016, sur la chaîne YouTube où il a pris l’habitude de poster les vidéos de ses cours, il dénonce une circulaire demandant qu’on utilise un pronom neutre pour parler des étudiants transgenres. Selon Jordan, c’est une atteinte à sa liberté d’expression. La vérité biologique est la suivante : on est un homme ou une femme. « L’identité n’est pas et ne sera jamais quelque chose que les gens peuvent déterminer eux-mêmes. » Il se dit prêt à aller en prison s’il le faut. Il ne risquait qu’une amende mais le voilà martyr prêt à se sacrifier pour lutter contre le totalitarisme du politiquement correct.

Peterson met en ligne une liste de professeurs qu’il qualifie de « néo-marxistes postmodernes » pour appeler les étudiants au boycott

Il gagne l’attention médiatique et lance, dans la foulée, une pétition contre le fait qu’on remplace dans les formulaires les termes « père » et « mère » par « parents ». Il pense qu’une telle réforme fait partie d’un « agenda transgenre ». Peterson se définit dès lors comme un combattant. Il met en ligne une liste de professeurs qu’il qualifie de « néo-marxistes postmodernes » pour appeler les étudiants au boycott. La liberté d’expression qui lui est si chère semble donc à géométrie variable.

Le moment Peterson

Début 2018, le professeur franchit un nouveau palier en matière de notoriété. Invité par une chaîne britannique à l’occasion de la sortie de son deuxième livre, 12 Rules For Life, il affirme que les inégalités de salaire entre femmes et hommes s’expliquent par beaucoup d’autres facteurs que le genre. La journaliste tente maladroitement de l’attaquer. En restant calme, Peterson la pulvérise et devient le nouveau héraut des masculinistes.

Son livre grimpe en tête des ventes, ses vidéos sont vues des millions de fois et le New York Times le qualifie d’« intellectuel le plus influent du moment ». Pourtant, son livre est grosso modo une méthode de développement personnel à l’usage des jeunes hommes perdus qui « ne savent plus comment être et sont terrifiés ».

Peterson, qui a peaufiné son personnage, surjoue la figure paternelle austère qui vous assène vos quatre vérités pour vous guider sur le bon chemin. Pour lui, il s’agit de se tenir droit (règle n° 1), de ranger sa maison avant de critiquer le monde (n° 6), de ne pas mentir (n° 8), ou encore de prendre ses responsabilités pour devenir un homme. Peterson se paie même le luxe de se plaindre de ses millions de lecteurs qui n’ont jamais eu un père ni un professeur pour leur donner ces quelques règles de vie essentielles.

Chaos vs ordre

En vérité, la vision petersonienne du monde est profondément déprimante. L’inégalité est dans la nature, et il faut l’accepter. En gros, la part de violence de l’homme a été contenue grâce au christianisme mais, ensuite, elle s’est déchaînée dans les régimes totalitaires.

« Si on pousse trop les hommes à se féminiser, ils deviendront de plus en plus intéressés par une idéologie fasciste »

Nous avons tenté de nous pacifier avec des discours sur la bienveillance, l’idéologie progressiste et le politiquement correct, mais « si on pousse trop les hommes à se féminiser, ils deviendront de plus en plus intéressés par une idéologie fasciste ». Il faut donc remettre les femmes à leur place naturelle, biologique, sinon nous finirons dans le chaos. En lisant cela, c’est sans grand étonnement que vous apprendrez que Peterson souffre de dépression sévère depuis des dizaines d’années – même s’il affirme s’être récemment soigné grâce à un régime sans glucides, à base de viande, de sel et d’eau.

Un prophète

Entre l’individu dépressif à la vie rangée et la superstar réac de YouTube, y a-t-il des points communs ? En tout cas, des indices permettent de comprendre son évolution. Un de ses anciens amis a raconté qu’il y a des années, Peterson souhaitait acheter une église. Cet ami pensait qu’il allait l’aménager en habitation, mais Peterson lui a expliqué qu’il voulait y prononcer des prêches le week-end pour partager sa vision du monde. Peterson a également pratiqué des rituels chamaniques au cours desquels il jouait bien sûr le rôle du chaman.

Autre indice, à la fac de Montréal, ses étudiants ressortaient transformés de ses cours, certains disaient même qu’il avait changé leur vie. Déjà, Peterson prêchait plutôt qu’il n’enseignait. Il faut dire que l’homme maîtrise l’art oratoire. Ses anciens collègues d’université lui reprochent d’ailleurs d’employer les mêmes techniques de persuasion que les chefs totalitaires qu’il a si longuement étudiés. Maintenant, une question reste en suspens : quel est l’exact degré de dangerosité de Jordan Peterson ?

https://usbeketrica.com/article/jordan-peterson-intellectuel-masculiniste

L’essai de Jordan Peterson, 12 règles pour une vie[1], connaît actuellement un succès planétaire. Chez Peterson, les babines marchent avec les bottines. Il met en pratique les règles de vie élaborées dans son essai.
Je me suis arrêté à la première règle de vie : Tenez-vous droit, les épaules en arrière, tant le texte de l’auteur suscite des interrogations fondamentales, de nature philosophique, voire métaphysique. Car il s’agit bien d’une conception de la nature humaine prenant sa source dans la biologie évolutionniste. C’est ce point fondamental de l’essai de Peterson qui me laisse fort perplexe. Le problème, en résumé, c’est le passage de la biologie à la morale. Ce que depuis David Hume (1711-1776) l’on désigne comme étant la « guillotine de Hume » interdisant la nécessité d’un ‘doit’ à partir d’un ‘est’, comme il est usuel de l’évoquer. Mon père – il va de soi – fut mon géniteur. C’est un fait. Ce dont Hume conteste la légitimité, c’est qu’on ne saurait passer de ‘Mon père est mon géniteur’ à ‘Mon père doits’occuper de moi, son enfant’. Aucun fait, aussi évident soit-il, ne saurait donner lieu à une affirmation en matière de moralité.
Dans le premier chapitre, présentant la première règle de vie, Peterson parle abondamment des homards, ces crustacés qui vivaient il y a plus de trois cent cinquante millions d’années. Les humains auraient hérité, au plan biologique, de ces antiques animaux. Plus précisément, notre cerveau, plus élaboré que celui d’un homard, ne fonctionnerait toutefois pas différemment fondamentalement de celui de nos vieux ancêtres crustacés.
Le nerf de la guerre, c’est la production de la sérotonine, ce neurotransmetteur du bonheur dans le cerveau. La quête du bonheur serait donc liée à la sérotonine. C’est le passage de l’une à l’autre que la guillotine de Hume condamne. Comment, en somme, peut-on conclure que la quête de la sérotonine constitue en même temps la quête du bonheur ? Car la sérotonine, comme tout autre élément matériel du cerveau, ne pense pas. L’être humain, de son côté, pour être heureux, épanoui, doit penser. Problème redoutable, constituant le mystèrephilosophique par excellence.
D’où la phrase d’une profondeur abyssale qu’énonce Peterson en page 69 de son essai : « Se lever physiquement implique aussi se lever métaphysiquement ».
J’entends cette phrase, pour ma part, comme signifiant : le spirituel survient sur le physique, en ce sens que le plan de l’activité biologique fait émerger l’activité spirituelle; bref, l’esprit. L’esprit n’est pas le cerveau; mais sans le cerveau, pas d’esprit. L’esprit serait au cerveau, ce que la pomme est au pommier. Sans pommier, pas de pomme. Cela va de soi. Mais ne réduisons pas la pomme au pommier, ni non plus, comme le font les défenseurs du matérialisme, n’identifions pas la pomme au pommier.
Peterson serait partisan du dualisme métaphysique : nous serions un être corporel engendrant l’être spirituel que nous sommes, sans que le spirituel se réduise à la matière cérébrale. Par ailleurs, ce dualisme défend que le corps et l’esprit ne seraient pas séparés comme le prône le dualisme de Platon et de Descartes, mais fusionnés pour ainsi dire l’un à l’autre. Peterson rejoint, je pense, la doctrine hylémorphique d’Aristote touchant la nature de l’âme (et du corps).
La notion d’esprit exige réhabilitation. Ça urge. Le matérialisme contemporain, ayant le vent dans les voiles, ne croit pas à l’esprit. Ils nient l’existence de l’esprit, réduisant toute activité spirituelle au comportement de la matière.
Le philosophe qui soit allé aussi loin que nous y invite Peterson, c’est le britannique, Thomas Hobbes (1588-1679). Dans son immense traité de philosophie politique, Léviathan, Hobbes écrit ses mots aux accents métaphysiques et tragiques :
…je place au premier rang, à titre de penchant universel de tout le genre humain, un désir inquiet d’acquérir puissance après puissance, désir qui ne cesse qu’à la mort.[2]
Bien avant Zarathoustra, donc, Hobbes avait pressenti la Volonté de puissance que Nietzsche plaçait au cœur de l’être humain. Mais comme le fit remarquer le Père Sertillanges
Dire que la vérité ne vaut que comme conquête et le bien que comme satisfaction d’un pouvoir, c’est nier l’un et l’autre au profit d’une possibilité sans substance. L’homme, selon le cœur de Nietzsche est puissant; bien; mais que va-t-il faire ? Devenir plus puissant ? En vue de quoi ?…[3]
Autant chez Hobbes que chez Nietzsche, il n’y a pas de finalité à l’exercice de la puissance. Ce qui est ‘bon’, ‘bien’, c’est l’exercice pur de la toute-puissance. Il n’y a ni plaisir ni bonheur comme terme, comme but. On peut sans doute l’admettre pour les animaux, mais pour l’homme ?
Dans la Cité de Dieu, au livre XIX, chapitre XII, saint Augustin évoque Kakos, l’être méchant par excellence. Augustin écrit : « … si sauvage, si féroce qu’il soit, tant de férocité n’a d’autre but que la paix de sa vie et l’intérêt de sa conservation. » Autrement dit, personne n’agit pour acquérir la domination pure et simple – mais en vue du bonheur, quel que soit la signification que nous associons au bonheur.
La modernité a récusé tout recours à la finalité, au but, à la direction des choses et des êtres. Le sens s’en est allé. Les philosophies de l’absurde, ainsi que le postmodernisme, font partie de notre décors mental. Jordan Peterson s’élève à sa manière pour contrer le chaos spirituel dans lequel les hommes s’enlisent actuellement. Mais il faudra bien plus qu’une leçon sur les homards pour que nous puissions relever la tête. Il faudra redécouvrir la métaphysique, le seul moyen de nous lever debout.
Il faut réhabiliter la métaphysique, la science des sciences. La modernité rejeta la métaphysique au nom de la métaphysique elle-même car bon nombre de scientifiques et de penseurs font du matérialisme le fondement de la science.
Le biologiste français, Jacques Monod, dans son célèbre essai Le hasard et la nécessité (1970) éjecte hors de la science les fameuses causes finales chez Aristote. Il n’y aurait, selon le biologiste, que des causes efficientes ou motrices. Monod reconnaît toutefois que la nature offre de multiples exemples d’êtres vivants ayant des comportements téléologiques, au sens où ils obéissent à des finalités, à des projets, des plans ou encore des desseins. Pour le scientifique, la méthodologie de la science adhérant au postulat de l’objectivité exclut la téléologie, la science de la finalité. Quant au fameux postulat de l’objectivité, précise Monod, il s’agit d’un « postulat pur à jamais indémontrable, car il est évidemment impossible d’imaginer une expérience qui pourrait prouver la non-existence d’un projet, d’un but poursuivi, où que ce soit dans la nature. » (Le hasard et la nécessité, p. 38)
Quoi qu’il en soit, Aristote, sur ce point, ne s’enfarge pas dans les fleurs du tapis. Il écrit par exemple au tout début de L’Éthique à Nicomaque : «… le Bien (agathôn) est ce à quoi toutes choses tendent.» (1, 1094a 1). Le bien de tout être, en somme, sa raison d’être, consiste dans son épanouissement. Le bien est donc de nature objective. Il est à la source de toutes valeurs. Loin d’Aristote, l’idée moderne selon lequel le bien résiderait en nous, soit dans notre pensée, soit dans notre sensibilité. Le bien constitue pour ainsi dire l’être par lequel tout être trouve son accomplissement.
Les homards veulent la suprématie, le pouvoir sur les autres. Parce que cela fait partie de leur constitution ontologique, c’est-à-dire de leur être. Chacun, donc, lutte pour la survie. Chacun recherche le pouvoir afin de se maintenir en vie; plus précisément, être.
C’est un « fait métaphysique » que les êtres luttent pour l’existence. Même la théorie des espèces de Darwin par la sélection naturelle présuppose ce fait métaphysique qui n’est pas le fruit de l’évolution mais le premier moteur pour ainsi dire de l’évolution.
Ainsi, lorsque Peterson déclare : « Se lever physiquement implique aussi se lever métaphysiquement. », il faut comprendre que l’évolution de l’être humain est précédée par une réalité de type métaphysique qui n’est pas soumise à l’évolution et que présuppose l’évolution. Se lever métaphysiquement, c’est cesser d’attendre de la science notre raison d’être.[4] En somme, c’est la redécouverte de la philosophie, c’est-à-dire la réflexion sur le sens des choses.

Se posant en défenseur d’une masculinité en crise, le psychologue canadien Jordan Peterson a vu sa popularité exploser outre-Atlantique. Avec un discours combatif contre le « politiquement correct », il touche la corde sensible d’hommes jeunes, en quête de repères.

La scène est insolite. Début mai, un public considérable, largement masculin, converge vers le Warner Theater, à Washington. Mais plutôt qu’un groupe de rock ou un humoriste – spectacles que ce genre de salle accueille d’habitude –, cette foule est venue boire les paroles d’un universitaire. Pendant plusieurs heures, un homme austère, la cinquantaine bien entamée, débite, avec une verve charismatique, sa vision du sens de la vie, tout en interpellant sans cesse ses ouailles : « Mais bon dieu, qui êtes-vous, vraiment ? »

Outre-Atlantique, l’orateur Jordan Peterson est le phénomène intellectuel du moment. Jusqu’il y a un ou deux ans, ce professeur de psychologie clinique à l’université de Toronto (Canada) jouissait d’une certaine estime, mais restait inconnu du grand public. En cette année 2018, il fait sensation : il est l’auteur d’un best-seller, ce qui lui permet de faire une « tournée » américaine au cours de laquelle il harangue des salles de concerts bondées. Surtout, il compte désormais plus d’un million d’abonnés sur sa chaîne YouTube, où ses vidéos connaissent un succès fou.

Le phénomène Peterson s’explique à la fois par une demande culturelle et un contexte politique. En premier lieu, Peterson se présente comme le prophète d’une masculinité en crise. Le sous-titre de son best-seller est : « Un antidote au chaos ». Le « chaos » en question est surtout celui de la vie d’hommes jeunes, célibataires, tourmentés par la solitude et les addictions, incapables de s’engager dans des relations sérieuses. La démarche de Peterson est celui d’un père sévère mais honnête, qui « parle vrai » à ces jeunes avides de conseils pratiques pour devenir des adultes responsables.

Mais le coaching de Peterson est teinté de contestation idéologique : car c’est aussi un violent pourfendeur du « politiquement correct ». La crise de la masculinité est la conséquence, selon lui, d’une passion contemporaine pour l’égalité. Le féminisme, le constructivisme, la conviction que le « genre » est une construction sociale sans support biologique – idées très répandues dans les milieux progressistes nord-américains – sont pour lui les causes majeures du nouveau désordre psychologique et amoureux.

« Tu seras un homme, mon fils »

Originaire d’un village isolé dans les prairies de l’Alberta, Peterson a d’abord conduit des recherches sur les rapports entre l’alcoolisme, le dysfonctionnement cognitif et l’agressivité, qui lui ont valu une solide réputation de chercheur. Après une crise spirituelle qui l’a conduit à abandonner sa foi chrétienne, il trouve des ressources dans la mythologie, le sujet de son premier livre. Inspiré par Carl Jung, Peterson considère les grands mythes comme des « antidotes au chaos » : ils racontent comment un héros s’affronte au désordre existentiel afin de se doter d’une individualité mûre et responsable.

Son actuel best-seller12 Rules for Life. An antidote for chaos, s’inscrit dans cette continuité. Il s’agit d’un manuel de développement personnel, présentant « douze commandements » contre « l’angoisse et la vulnérabilité existentielle de l’individu sans objectif ». Mais derrière ce coaching, on trouve une philosophie en porte-à-faux avec bien des valeurs contemporaines. La première règle petersoniennne est celle-ci : « Tenez-vousbien droit, avec les épaules en arrière. » Pour lui, cette règle est liée à une sorte de darwinisme social, au fait que la nature est fondamentalement hiérarchique. Pour illustrer son propos, il évoque les homards : les mâles les plus combatifs ont des niveaux plus élevés de sérotonine, ce qui leur donne une mentalité de conquérant – un peu comme les hommes qui se tiennent droit, avec les épaules en arrière. Peterson note, en passant, que ces homards « gagnants » ont un pouvoir d’attraction irrésistible pour les femelles.

Un nouvel ordre patriarcal

De livres en vidéos, Peterson défend ainsi un nouvel ordre patriarcal. Les hommes doivent être forts et adultes, les parents fermes, les règles respectées, les sanctions assumées. Ainsi est-il devenu le pape des « incel », ces hommes « involontairement célibataires », souvent tentés par le ressentiment et la misogynie. Sa solution, c’est de marteler les bases biologiques de la différence sexuelle. Bien entendu, la biologie n’est pas un destin, et Peterson le reconnaît. Mais il soutient que nous courons toujours le risque de nous abîmer quand nous désavouons trop démesurément nos prédispositions léguées par l’évolution. Comme les homards, nous roulons à la sérotonine.

À l’automne 2016, Peterson a pris part au débat national canadien sur les droits des transgenres – il a notamment refusé publiquement de reconnaître les droits des trans de choisir leurs propres pronoms (« eux »), comment le prévoyait un projet de loi. Cette prise de position, par un universitaire reconnu, lui a valu de devenir l’une des grandes cautions scientifiques du mouvement « alt right » – la droite xénophobe américaine. Peterson porte une responsabilité dans cette récupération. Mais le sentiment qui anime fondamentalement sa pensée est moins la colère populiste qu’une tristesse existentielle. Le douzième de ses règles sembleraient presque rassurante : « Caresse le chat que tu rencontres dans la rue. » Mais sa justification va dans l’autre sens : la vie n’est que souffrance, entrecoupée de rares lueurs de bonheur. Le chat qu’on caresse dans la rue, c’est un rappel que « la merveille de l’être peut, pour une quinzaine de secondes, compenser la souffrance indéracinable qui l’accompagne ». Jordan Peterson, ou l’insoutenable fardeau de l’existence.

https://www.scienceshumaines.com/jordan-peterson-le-patriarcat-contre-attaque_fr_39833.html

Jordan Peterson, apôtre de la sérotonine

LE MONDE IDEES Le 27 janvier 2019 

Professeur de psychologie à l’université de Toronto, ses thèses antiféministes et antitransgenres se diffusent sur le Web. Vedette du développement personnel, il a fait de ce neurotransmetteur du système nerveux un remède au désordre social et psychologique qu’il voit régner sur le monde.

En ce jour pluvieux, Birmingham (Royaume-Uni) grouille d’un petit monde bien reconnaissable. Chacun a revêtu ses plus beaux atours : veste en cuir bardée d’écussons, sweat-shirt à têtes de mort, jeans noirs, les bras bariolés de tatouages. La ville natale du heavy metal reçoit ce soir-là des invités de marque, le groupe Slayer. Rendez-vous est donné au Birmingham Arena pour un tonnerre de rock et un déluge de testostérone.

Un peu plus loin, au Symphony Hall, un public plus sage, moins hirsute, se presse, attiré par une autre hormone : la sérotonine. Le ­conférencier attendu, un psychologue canadien et star du Web, s’est fait l’apôtre de ce neurotransmetteur bien avant que Michel Houellebecq en fasse le titre de son dernier roman.

Cette affection pour la sérotonine n’est pas la seule chose que ces deux hommes aient en commun, ils partagent également la conviction que la liberté des modernes a conduit à un désordre social et psychologique. Pour y faire face, Jordan Peterson estime qu’il est important d’« inciter [la sérotonine] à couler à flots » en s’affirmant dans la lutte des places qui organise naturellement la vie en société. Il le dit et le répète dans son best-seller mondial, traduit récemment en français (12 règles pour une vie. Un antidote au chaos, Michel Lafon, 2018).

Bouderie

Vedette du développement personnel, Jordan Peterson doit avant tout sa célébrité à la polémique. Farouchement antiféministe, ce professeur à l’université de Toronto (Canada) s’est d’abord fait remarquer par une diatribe contre la cause trans. Il surgit sur la scène médiatique en novembre 2016 avec un accès de colère qui a fait le tour du Web. Lors d’un débat portant sur un projet de loi du gouvernement canadien contre la discrimination des personnes transgenres, il explique qu’il sera bientôt obligatoire d’utiliser les pronoms créés en langue anglaise pour les personnes transgenres (par exemple « ze » plutôt que heou she, « il » ou « elle »). Le contrevenant sera, selon lui, passible de poursuites criminelles. Le barreau canadien dément cette idée.

Qu’importe. « Ces pronoms sont des néologismes créés par des personnages autoritaires inspirés par un politiquement ­correct radical », lance-t-il, avant d’ajouter : « Je ne me ferai pas le porte-parole d’un vocabulaire que je déteste. Un point c’est tout ». Il ­conclut en croisant les bras, dans un moment de bouderie qui fit les délices des milieux conservateurs et de la droite extrême.

Pourtant, le public présent à Birmingham ne semble guère intéressé par de telles querelles. On repère ici ou là des caricatures de jeunes conservateurs, mais on distingue aussi des tourtereaux, un père et son fils d’une vingtaine d’années, des jeunes hommes d’origines diverses ou même un couple tatoué qui aurait tout à fait sa place au concert de Slayer. Néanmoins, on exprime ici volontiers sa préférence pour un retour aux rôles traditionnels, des femmes qui réconfortent et des hommes protecteurs.

C’est le cas de James Gough, qui est venu avec sa sœur Amy : « La société occidentale est devenue trop individualiste et a oublié ce qui compte vraiment : la famille. Les femmes sont aussi talentueuses et intelligentes que les hommes, elles peuvent atteindre les plus hauts échelons, mais les rôles de chacun sont dans une certaine ­mesure définis par la nature. Les mâles fournissent les ressources nécessaires à la vie, et c’est vrai à travers l’ensemble du monde naturel. » Amy acquiesce : « Je crois que c’est vrai, les femmes continuent de chercher un homme fort. »

De jeunes parents, Jason et Gemma Guest, font aussi la queue pour entrer : « Ce que dit Jordan Peterson a pour moi beaucoup de sens. Nous avons deux jeunes garçons et je suis ici en tant que père. Il m’a aidé à comprendre que je devais inciter mes enfants à s’attendre au pire, y faire face, et à viser le meilleur. »

« Tenez-vous droit, les épaules en arrière »

L’homme qui arrive sur scène semble étonnamment calme en comparaison de sa réputation. Il regarde le sol, la tête de biais, comme s’il était perdu dans ses pensées. Il est introduit par Dave Rubin, un comique et agité du Web qui en profite pour féliciter Jordan Peterson du tweet qui vient de lui être adressé par la ministre suédoise des affaires étrangères : elle l’invite à retourner dans son trou au plus vite.

Elégant dans son costume bleu royal, ­Jordan Peterson s’amuse de cette invective et s’étonne avec plaisir d’en être à la 91e date de sa tournée en Europe. Il compte revenir ce soir sur la première des douze règles qu’il énonce dans son livre afin d’échapper au « désespoir » : « Tenez-vous droit, les épaules en arrière. »

Le développement personnel permet à Jordan Peterson de populariser des thèses déjà diffusées par la droite, leur apportant une apparence de scientificité. Son propos révèle globalement d’un profond conservatisme – bien qu’il rejette cette appartenance – fondé sur une vision pessimiste du monde. Certes, ses conseils sont souvent bénins : aux jeunes hommes incapables de faire des rencontres amoureuses, il propose d’apprendre à danser et à surmonter leur peur de l’échec. Mais sous ce vernis de bon sens se cache une redoutable machine de combat. Les cibles sont bien déterminées : le féminisme ou le « postmodernisme ».

Le homard dominant

Rencontré peu avant sa conférence, Jordan Peterson reprend un discours bien huilé, en gardant cet air préoccupé qui ne le quitte ­jamais. « La sérotonine agit comme une régie centrale. Elle vous permet de connaître le statut dont vous jouissez dans la société. » Pour illustrer son propos, le psychologue s’appuie sur… les ­homards, des animaux qui vivent selon une organisation hiérarchique claire. Pour éviter le conflit permanent, le homard dominant sait projeter sa puissance et cette confiance lui vient de la sécrétion de sérotonine qui suit une victoire sur un rival. A l’image du crustacé, il faut donc ne pas se montrer vulnérable, mais tenir fièrement sa place, et le dos droit.

« Ce qu’il dit sur la sérotonine n’est pas entièrement faux, mais il s’appuie sur des études aujourd’hui datées. Surtout, les hommes et les homards n’ont pas le même cerveau », remarque Anne Teissier, neurobiologiste au CNRS, à qui on soumet la validité de l’hypothèse. Mais Jordan Peterson n’en démord pas : le règne animal nous apprend qu’il revient à chacun de s’insérer au mieux dans la hiérarchie. Rien ne sert de dénoncer le capitalisme ou le patriarcat.

« Il faut aborder avec prudence l’idée voulant que les hiérarchies sont intrinsèquement tyranniques et patriarcales. Les hiérarchies sont utiles et nécessaires. Croire que la société est une tyrannie patriarcale, comme le fait la gauche radicale, a un effet préjudiciable pour les jeunes hommes. On risque de les décourager au ­moment où ils tentent de s’affirmer. Ils risquent de ne pas savoir comment se comporter. Cela leur apporte une excuse bien pratique pour ne pas réaliser leur potentiel. »

SELON JORDAN PETERSON, LE FÉMINISME EST INSPIRÉ DU MARXISME QUI RÈGNE DANS LES UNIVERSITÉS AMÉRICAINES OÙ PERSISTE L’INFLUENCE DE JACQUES DERRIDA. OR, ON SAIT, DIT-IL SANS CRAINDRE LA CARICATURE, OÙ CONDUIT LE MARXISME : AU GOULAG.

Jordan Peterson s’en défend, mais il porte un regard beaucoup moins bienveillant sur les femmes. Il déclare dans son livre qu’elles sont généralement associées au chaos dans les ­récits religieux fondateurs. Il estime en outre que si persistent des inégalités salariales, c’est parce que les femmes s’intéressent davantage « aux personnes » qu’« aux choses ». Elles auraient par exemple tendance à être plus attirées par le métier d’infirmière que celui d’ingénieur, pourtant mieux payé.

Dans son rapport annuel, l’Organisation internationale du travail pointe plutôt l’impact négatif de la maternité sur la carrière des femmes et le manque de services à la famille. Surtout, pour lui, le féminisme est inspiré du marxisme qui règne dans les universités américaines où persiste l’influence de Jacques Derrida. Or, on sait, dit-il sans craindre la caricature, où conduit le marxisme : au goulag.

A l’autre bout de l’échiquier politique, l’extrême droite ne semble pas autant l’inquiéter. Il lui est arrivé d’emprunter certains de ses codes dans des messages en ligne, mais toujours, dit-il, dans l’intention de convaincre ses sympathisants de renouer avec une vie plus riche de sens, jamais pour les pousser dans des dérives identitaires.

Mais il n’hésite pas à accorder un entretien complaisant à Gavin McInnes, un agitateur connu pour être un ancien du magazine Vice, qui a récemment créé une confrérie violente, les Proud Boys, en « défense des valeurs occidentales ». Jordan Peterson rejette vivement toute association avec l’extrême droite et rappelle qu’il est conspué par l’alt-right, la droite suprémaciste américaine. Faith Goldy, une représentante canadienne de ce courant, le brocarde en effet régulièrement en ligne. Pour Jessica Reaves, de la Ligue anti-diffamation, une association engagée dans le combat contre l’antisémitisme et le discours haineux, Jordan Peterson se rapproche de l’« alt-light », une droite juste un peu moins dure que l’alt-right.

Marc-Olivier Bherer (Birmingham, Royaume-Uni, envoyé spécial)Le 27 janvier 2019 

EN BANDE SON :

8 réponses »

    • Je réagis à la critique que je considère comme la plus philosophique du bouquin de Peterson:

      enquetedesensjl.blogspot.com 7/11/2018

      où il est écrit:

      « Peterson serait partisan du dualisme métaphysique : nous serions un être corporel engendrant l’être spirituel que nous sommes, sans que le spirituel se réduise à la matière cérébrale. Par ailleurs, ce dualisme défend que le corps et l’esprit ne seraient pas séparés comme le prône le dualisme de Platon et de Descartes, mais fusionnés pour ainsi dire l’un à l’autre. Peterson rejoint, je pense, la doctrine hylémorphique d’Aristote touchant la nature de l’âme (et du corps). »

      C’est selon moi précisément la position du mathématicien/philosophe René Thom qui a appliqué sa théorie des catastrophes, théorie « hors substrat » de l’analogie, à la biologie et à la linguistique. Voici ce qu’il écrit en conclusion de « Stabilité structurelle et morphogénèse », sous-titré « Essai d’une théorie générale des modèles »:

      « C’est sans doute sur le plan philosophique que nos modèles présentent l’apport immédiat le plus intéressant. Ils offrent le premier modèle rigoureusement moniste de l’être vivant, ils dissolvent l’antinomie de l’âme et du corps en une entité géométrique unique. »

      Thom a également écrit « Esquisse d’une sémiophysique » sous-titré « Physique aristotélicienne et théorie des catastrophes » où il tente de marier chez Aristote -et selon moi réussit- topologie et hylémorphisme.

      Personnellement je milite -Thom à l’appui- pour un fémininisme, c’est-à-dire pour le pendant féminin du masculinisme -rien à voir avec le féminisme post-moderne-, et je rêve d’une démocratie opposant -en France*- les femmes au palais du Luxembourg aux hommes au palais Bourbon. Pour moi c’est plus unité-harmonie-diversité (les femmes plus dans la synthèse que les hommes, quant à eux plus dans l’analyse) que ordre-harmonie-équilibre (trilogie selon moi plus délicate -et dangereuse- à manier).

      * mais aussi dans les communes, cantons, départements et régions.

      • Sauf qu’il ne saurait y avoir de métaphysique en soi si l’on s’en tient à la seule dualité corps-esprit. À cette dernière il faut bien sur ajouter l’âme qui fait le lien entre les deux et qui permet dans le cadre d’une subtile dialectique à la fois essentialiste et constructiviste d’être au cœur d’un mouvement de balancier, mouvement qui permet d’échapper à l’écueil des positions binaires et partisanes. En l’occurrence ici matérialisme historique d’un côté essentialisme chrétien de l’autre. Bien sur Peterson penche du coté du matérialisme historique ramenant l’homo sapiens masculin à sa quête de sérotonine, Nietzsche parlerait de volonté de puissance réduit à la seule contingence biologique. Je reste septique quant à moi quant à la la pertinence des règles de Peterson qui semble vouloir ignorer les notions de d’immanence et de transcendance et donc de mouvement et se cantonner à une position purement réactionnaire et binaire face à un féminisme outrancier.

      • Le programme en quelques siècles

        On supprimera la Foi
        Au nom de la Lumière,
        Puis on supprimera la lumière.
        On supprimera l’Âme
        Au nom de la Raison,
        Puis on supprimera la raison.
        On supprimera la Charité
        Au nom de la Justice,
        Puis on supprimera la justice.
        On supprimera l’Amour
        Au nom de la Fraternité,
        Puis on supprimera la Fraternité.
        On supprimera l’Esprit de Vérité
        Au nom de l’Esprit critique,
        Puis on supprimera l’esprit critique.
        On supprimera le Sens du Mot
        Au nom du Sens des mots,
        Puis on supprimera le sens des mots.
        On supprimera le Sublime
        Au nom de l’Art,
        Puis on supprimera l’art.
        On supprimera les Écrits,
        Au nom des Commentaires,
        Puis on supprimera les commentaires.
        On supprimera le Saint
        Au nom du Génie,
        Puis on supprimera le génie.
        On supprimera le Prophète
        Au nom du Poète,
        Puis on supprimera le poète.
        On supprimera l’Esprit,
        Au nom de la Matière,
        Puis on supprimera la matière.
        AU NOM DE RIEN ON SUPPRIMERA L’HOMME ;
        ON SUPPRIMERA LE NOM DE L’HOMME ;
        IL N’Y AURA PLUS DE NOM.
        NOUS Y SOMMES.

        — Armand Robin (1912-1961)

        • L’homme et le néant, mode d’emploi !
          voilà un manifeste nihilo-marxiste pour effacer l’homme pas à pas, et ne puisse renaître sans goûter aux lendemains qui chantent en déchantant

  1. @The Wolf
    . « Je reste septique quant à moi quant à la la pertinence des règles de Peterson qui semble vouloir ignorer les notions de d’immanence et de transcendance et donc de mouvement et se cantonner à une position purement réactionnaire et binaire face à un féminisme outrancier  »

    Si juste!
    L’enfer -me -ment venant d’un chrétien je ne suis pas étonné .
    « purement binaire et réactionnaire »:comme ça on va continuer a s’opposer: la guerre de tranchées qui dure depuis 200O ans depuis que les monothéismes ont supplantés La source:le paganisme.
    La troisième voie…mais encore faut-il accepter de sortir de la prison…l’inconnu fait peur le connu
    rassure ….même si il est mortifère et recouvre l’Essence du ciel.
    .

    .

  2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Armand_Robin

    Un gars a connaitre:

    La Fausse parole : décryptage du discours de propagande
    Il n’en continue pas moins ses écoutes radiophoniques sur ondes courtes, toutes les nuits, durant vingt-cinq années, jusqu’à sa mort. Il tape à la machine et ronéote à une trentaine d’exemplaires un bulletin de synthèse qu’il dépose aux abonnés : l’Élysée, le ministère de l’intérieur, l’Agence France-Presse, plusieurs quotidiens, la nonciature apostolique… Captant des nouvelles d’apparence anodine, il annonce, avec parfois douze mois d’avance, des événements notables, par exemple l’arrivée de Khrouchtchev au pouvoir, ou le « refroidissement » sino-soviétique18. Il analyse la guerre froide entre l’Est et l’Ouest « comme le reflet d’une lutte, non pas entre un système socialiste et un système capitaliste, mais entre deux systèmes qui relèvent tous les deux du capitalisme »11.

    Il dénonce la profonde dénaturation que l’idéologie marxiste-léniniste impose au langage, la « novlangue » soviétique qui inverse le sens des mots comme dans le roman 1984 de George Orwell. Ce qui existe est l’exact contraire de ce qui est : le « socialisme » en lieu et place de la surexploitation des travailleurs, la « révolution » en lieu et place de la pire oppression qui soit, l’« avenir radieux » en lieu et place de la plongée dans les ténèbres10.

    En 1953, il publie La Fausse parole, point d’aboutissement de sa réflexion sur ses écoutes de radios et sur la propagande : « La propagande obsessionnelle tend à persuader qu’il n’y a qu’avantages à ne plus entendre par soi-même ; la machine à regarder peut servir à créer une inédite variété d’aveugles ».

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