Art de la guerre monétaire et économique

Douce France : Classes moyennes – vers le grand déclassement ?

Classes moyennes : vers le grand déclassement ?

 Olivier Damien 12 Avril 2019 Bld Voltaire

Réalité socio-économique ou fantasme de sociologue, la notion de « classes moyennes » est loin de faire l’unanimité. Et il est vrai que sa définition ne fait pas consensus. Quant aux critères de revenus qui permettraient de cerner le concept, ils sont tellement déconnectés qu’ils en perdent toute crédibilité.

Cependant, selon certains économistes, pour appartenir à la classe moyenne en France, le revenu mensuel pris en compte s’établirait entre 1.300 et 4.000 euros. Soit entre 75 et 200 % du revenu médian, qui est de 21.415 euros par an dans l’Hexagone. Un tel écart ne peut que surprendre. En effet, vit-on pareillement dans une famille en disposant du SMIC ou d’un revenu qui lui est 3,5 fois supérieur ? Certainement pas. Mais une telle distorsion n’a pas empêché l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) de se livrer à une vaste enquête sur le sujet.

Ainsi, l’organisme international, qui compte 36 États membres et dont le siège se trouve à Paris, a-t-il enquêté dans plusieurs pays développés et a conclu au « déclassement » et à la « paupérisation » des classes moyennes. Pour être précis, toujours selon l’OCDE, la part des classes moyennes dans la population des pays concernés serait passée, en trois décennies, de 64 % à 61 %. Par ailleurs, d’après les auteurs du rapport, « dans la zone OCDE, à l’exception de quelques pays, les revenus intermédiaires sont à peine plus élevés aujourd’hui qu’il y a dix ans, progressant de 0,3 % tout juste par an, soit un tiers de moins que le revenu moyen des 10 % les plus aisés ». En parallèle, « le coût des dépenses pour assurer le mode de vie des classes moyennes a augmenté plus vite que l’inflation ».

Pour bien saisir l’ampleur du phénomène ainsi que sa gravité, il faut se rappeler que les classes moyennes ont, au cours des dernières décennies, largement contribué à la prospérité des pays dans lesquels elles ont émergé. Nées en tant que réalité socio-économique après la Seconde Guerre mondiale, elles se sont particulièrement développées au cours des Trente Glorieuses, permettant l’instauration d’un cercle vertueux production/consommation qui a favorisé le développement et l’enrichissement de nombreux États. Par ailleurs, l’arrivée dans le jeu économique de cette nouvelle composante socio-démographique a permis à l’ascenseur social de se mettre en place et de conforter l’essor de nos sociétés modernes.

Mais c’est bien la fin d’un cycle que semble annoncer le rapport en question. Publié ce mercredi 10 avril, il vient apporter les bases qui semblaient manquer, du moins d’un point de vue théorique, à la crise des gilets jaunes que nous connaissons depuis plusieurs mois. Car c’est bien cette France déclassée ou en voie de le devenir qui a notamment occupé nos ronds-points et alimenté nos manifestations. Et pour comprendre la peur et l’exaspération de cette catégorie de Français qui craint, aujourd’hui, pour son avenir, il faut se souvenir qu’ils sont près de 52 % à déclarer connaître désormais des difficultés pour boucler leurs fins de mois. Pour ceux-là, la part prise par les dépenses liées au logement, à la santé ou à l’éducation des enfants est devenue tellement importante qu’elle met en difficulté des familles qui, il y a quelques années encore, pensaient vivre à jamais à l’abri du besoin.

C’est prioritairement à cette question que le grand débat devra répondre. Il doit apporter des réponses qui remettront les classes moyennes dans le jeu économique. À défaut, l’accélération de leur paupérisation, qui est inéluctable, risque bien de déboucher sur une crise sociale dont celle des gilets jaunes n’aura été qu’un modeste aperçu.

Dans son nouveau rapport, l’OCDE sonne l’alarme : les classes moyennes des pays développés sont en déclin. Au cours de la dernière décennie, les actifs à revenu moyen ont vu leur niveau de vie stagner. Leur pouvoir d’achat commence même à baisser. En outre, leur emploi est de plus en plus précaire. Cette érosion menace d’être une source d’instabilité politique, prévient l’organisation. 

Elle définit la classe moyenne comme le groupe de la population avec un revenu compris dans une fourchette allant de 75 % à 200 % du revenu médian (50 % des personnes gagnent moins que ce revenu, et les autres 50 % gagnent plus) d’un pays. Cette population est largement majoritaire dans les pays de l’OCDE, mais elle a commencé à se réduire. En 2015, on y retrouvait 61 % de la population des pays de l’OCDE , mais en 1985, cette proportion était de 64 %.

La stagnation des revenus

Les Etats-Unis sont l’un des pays les plus touchés par ce déclin. De nos jours, la classe moyenne n’y représente plus que 51 % de la population. En l’espace de 30 ans, elle s’est érodée de 5 points de pourcentage.

L’explication est simple : les salaires ont quasiment stagné au cours de la dernière décennie. D’un autre côté, les coûts du logement et de l’éducation ont augmenté. Le logement représente désormais un tiers du revenu disponible de ces ménages, contre un quart dans les années nonante. Et dans certains pays, comme aux Etats-Unis, les dépenses de soins de santé ont explosé.

Le pouvoir d’achat a donc décliné, et il devient de plus en plus difficile de maintenir le niveau de vie traditionnellement associé à la classe moyenne. Avoir une qualification professionnelle moyenne ne garantit plus de faire partie de cette classe. Et de nos jours, pour qu’un foyer bénéficie de ce statut, les deux parents doivent travailler, ce qui n’était pas il y a une trentaine d’années.

Un emploi de plus en plus précaire

De plus, 1 travailleur sur 6 de la classe moyenne est menacé de perdre son emploi, en raison de l’automatisation croissante. Dans la classe des hauts revenus, seuls 10 % des travailleurs sont exposés à ce risque.

En outre, le niveau de vie de la classe moyenne est de plus en plus difficile à maintenir. Il est douteux que les enfants de cette génération pourront tous conserver le style de vie de leurs parents, alors même qu’ils sont plus éduqués qu’eux. 60 % des parents de la classe moyenne pensent que leurs enfants auront un niveau de vie inférieur au leur.

En effet, le marché du travail « s’est polarisé : les emplois intermédiaires menacés par la robotisation déclinent, tandis que la part des postes exigeant des compétences élevées augmente », explique Stefano Scarpetta, spécialiste de l’emploi à l’OCDE.

Un risque politique que les gouvernements devront prendre en compte

Cette dégradation risque d’alimenter les frustrations et de nourrir la défiance croissante à l’égard des institutions que l’on constate déjà. « La classe moyenne est le centre de gravité de nos démocraties comme de nos économies », précise M. Scarpetta. Elle est nécessaire pour la stabilité de la société, la croissance, et le bien-être collectif. Une érosion de cette catégorie pourrait déclencher une hausse de la pauvreté, de la criminalité, et d’un rejet plus massif du système.

Selon lui, il est nécessaire de modifier la fiscalité pour transférer une plus grande part du fardeau fiscal vers le capital, afin de favoriser les emplois, et d’aider les personnes les plus vulnérables à s’adapter aux mutations technologiques. De même, les gouvernements devront intervenir pour augmenter l’offre de logements dans les grandes villes.

EN BANDE SON :

 

2 réponses »

  1. https://linactuelle.fr/index.php/2019/04/08/michel-maffesoli-le-printemps-reve-des-peuples/?fbclid=IwAR34UBt-YRD2W4omHJqt_6QG0FYEQQowcgM8mINSujJviD-UHhQt2ZWgloY

    extrait
    Dialogie entre le visible et l’invisible que les pense-menu sont incapables de comprendre. Il en est de même pour les organisateurs du Grand Déballage nommé abusivement « Grand Débat National ». Ceux-ci ayant déjà leurs réponses a priori – ce qui est le propre de la bureaucratie technocratique – sont bien incapables de sentir et d’appréhender les questions fondamentales animant la sagesse populaire.

    Le cœur battant de celle-ci est cette irréfragable liaison existant entre le rêve et le réel. Mixte étroit ressemblant à la spirale de Moebius. Ruban dont l’intérieur et l’extérieur constituent en courbe un perpétuel mouvement. N’est-ce point cette conjugaison qui constitue la forte dynamique des mouvements populaires quels qu’ils soient ?

    Oui, c’est bien le printemps des peuples qui est en cours. Mais cela n’est pas fait pour amuser les écoles, les salles de rédaction et les bureaux politiques qui, eux, restent obnubilés par ce que Hermann Hesse nommait prophétiquement : « l’ère de la page de variétés »

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