Art de la guerre monétaire et économique

Reflexions en vrac sur le vrai et le faux après la cousinade de Macron Par Bruno Bertez

« Le problème de la vérité c’est de comprendre pourquoi le mensonge réussit si bien »

Henri Lefebvre

À l’ère des fake news, des «faits alternatifs», beaucoup soutiennent que nous sommes serions entrés dans une nouvelle phase de l’histoire dans laquelle la vérité ne compte plus.

Cette croyance s’est particulièrement propagée depuis le référendum sur le Brexit, puis l’élection de Trump, en 2016. Certains grâce à moult contorsions intellectuelles en arrivent à soutenir que nous serions entrés dans un âge post-vérité et même post-factuel.

Les discours comme ceux de Macron ou de Trump qui ont perdu tout ancrage dans le vrai peuvent renforcer ces affirmations. Le langage tordu, les inversions de causes et d’effets,  le culot avec lequel tout cela est martelé sont tellement cyniques que l’on a l’impression d’un  phénomène neuf.

De même les prestations des journalistes , elles construisent un monde tellement faux que tout le monde en parle , aussi bien ceux qui sont dans le camp des médias aux ordres que ceux qui sont dans l’opposition.

Notez bien que je dis que tout le monde en parle, je ne prétends pas que tout le monde s’en aperçoit. Le discernement ne va pas jusqu’au décodage ou à la démystification ou au rétablissement de  la vérité, non, il ne va généralement que jusqu’à la reconnaissance de la problématique et plus exactement la reconnaissance que les autres mentent.

Mon sentiment est qu’il est faux de dire que nous sommes dans une ère post-quelque chose; cela sous entend qu’avant nous étions dans une ère de vérité ou d’objectivité. Ce préfixe «post-» suggère qu’il existait jadis une ère, un age  d’or où la démocratie et les connaissances factuelles étaient incontestées, voire se renforçaient mutuellement. Il suffit de se tourner vers l’histoire pour constater que cela n’a jamais été le cas.

Le conflit entre le vrai et faux, l’usage du mensonge, de la propagande sont  aussi vieux que la démocratie. Ce qui est nouveau, c’est le rôle des intérêts particuliers et des politiques spécifiques dans la dégradation du discours public.

Les intérêts  particuliers ont pénétré au coeur du pouvoir, ils l’influencent,  ils sont le pouvoir même. Et comme ces intérêts particuliers sont ceux des puissants, des ultra riches et des élites économiques, ils disposent des moyens de diffusion, des canaux par ou passent les informations.  Ces informations traversent des prismes, des lamelles, des épaisseurs qui déforment dans un sens précis, sens  qui est celui de l’intérêt dominant.

Il en va ainsi par exemple de tout ce qui concerne la Construction Européenne. Le  monde entier l’analyse comme un échec, comme une structure défectueuse, bancale mais les  intérêts économiques dominants, lesquels contrôlent le discours public, ces intérêts dominants la présentent comme un succès.

Les citoyens d’aujourd’hui ne sont pas  plus stupides  qu’ils ne l’étaient dans le passé. Ils ne sont ni plus sots ni plus crédules, simplement ils sont soumis à une pression colossale du mensonge.

Je vais souvent jusqu’à affirmer que l’on fait fait vivre les gens dans une sorte d’imaginaire, dans une névrose sociale. Ce qui compte ce n’est pas les catégories du vrai ou du faux, c’est ce qui s’impose comme croyance reconnue dominante, comme ce qui est su et cru par la majorité, voire la masse: « la knowledge  ne suffit plus il faut qu’elle soit common knowledge ». On voit clairement ce que je vise en regardant côté du politiquement correct délirant qui s’est imposé avec les droits de l’homme, le féminisme, l’ouverture, l’inclusion…

Cette pression, cette répétition, n’ont pas équivalent dans le passé en raison des moyens modernes, monopolistiques de diffusion des nouvelles, des narratives, des romans qui les accompagnent.

Sachant cela, les pouvoirs en place se permettent tout, ils jouent sur l’absence d’alternative, sur la répétition  et la persuasion plus ou moins clandestine. Les pouvoirs ont inventé de fausses estampilles et de faux experts, ils utilisent les discours d’autorité.

La répétition est un outil sous estimé en psychologie, elle est pourtant à la base de la formation des sujets, de leurs convictions et donc de leurs comportements. Surtout quand ces répétitions sont accompagnées d’une gratification comme dans la publicité ou d’une sanction comme dans la violence d’état. Le discours politique et social reprend les « trucs » de la publicité; un grand patron de chez Ogilvy me disait:

« dans une pub, il faut que celui qui la voit ait l’impression qu’il va toucher un chèque à la fin ».

Il faut conjuguer l’information avec une inscription de jouissance:

Les répétions fabriquent des sujets nouveaux grâce à l’inscription dans leur psyché , inscription gravée soit par le plaisir soit par la douleur.

En ce sens , il y a une dimension tout a fait négligée dans les réflexions sur le vrai, le faux, le bidon, l’imaginé, l’inventé etc, cette dimension c’est celle du plaisir ou du refus de la souffrance. Il y a quelque part inscription du vrai ou du faux, et plutôt du faux, par une jouissance. Je dis plutôt du faux car le faux est presque toujours conçu comme gratifiant, c’est, comme on dit en autisme, une sorte de renforçateur.

Ce que je suggère est bien sur pessimiste mais rejoint les grandes vérités exprimées par les observateurs de l’âme humaine et les grands moralistes.  A savoir que les hommes aiment leurs chaînes, ils aiment le mensonge parce qu’il va dans leur sens, dans le sens du poil; dans le sens du moindre effort, le sens du status quo.

De beaucoup de  choses, les hommes ne veulent surtout rien savoir.

C ‘est justement l’art du menteur.  Il va dans un certain sens qui correspond à une attente de celui à qui on ment. Ainsi va  le processus de confirmation. Celui a qui on s’adresse entend ce qu’on lui dit de façon sélective, avec une béance, une sorte de trou que le locuteur vient remplir. Le  biais de confirmation bien connu, joue sur la  validation des opinions préexistantes.

Je ne crois pas a la thèse Macroniste de la régression, je crois pas aux clichés de psychologie sociale de la fin du XIXe siècle,  dans lesquels «les masses» étaient considérées comme intrinsèquement irrationnelles et irresponsables et donc impropres à la gestion autonome. C’est une thèse scélérate qui repose sur le désir de s’affranchir des pratiques démocratiques.

Ce n’est pas le peuple qui glisse et retourne en arrière, c’est Macron et ses sponsors qui veulent mettre  en place un nouveau système politique bien dans l’air du temps, un système dans lequel la gouvernance, en particulier la gouvernance économique et la gouvernance du pognon remplacent les règles qui découlent de la souveraineté du peuple. Les règles de gouvernance sont des règles dont le but est de denier la democratie en imposant, sous couvert objectif,, la primauté des intérêts privés.

Quelle devrait être  la place de la vérité dans la politique démocratique? Vaste sujet.

Les élections ne sont pas et ne sont pas censées être des processus collectifs permettant de déterminer la vérité. Personne n’interprète le résultat d’un vote comme ayant établi que les perdants étaient une bande de menteurs ou d’imbéciles. Seul peut être Macron semble le faire  en ce »moment mais alors il faudra qu’il en tire les conséquences à l’avenir

Il me souvient de cette énormité du député Laignel du temps de  Mitterrand, il disait:

« vous avez tort parce que vous êtes politiquement minoritaire ».

Et puis ce souvenir de lecture:

Il faut être  inquiets lorsque les politiciens prétendent être seuls à avoir un accès exclusif à la vérité.

« Considérée du point de vue de la politique », a déclaré Hannah Arendt,  « la vérité a un caractère despotique ».

BRUNO BERTEZ

6 réponses »

  1. « Il en va ainsi par exemple de tout ce qui concerne la Construction Européenne. Le monde entier l’analyse comme un échec, comme une structure défectueuse, bancale mais les intérêts économiques dominants, lesquels contrôlent le discours public, ces intérêts dominants la présentent comme un succès. »
    Et pour cause – et vérité – pour une fois, puisque ces intérêts en sont les initiateurs, acteurs et bénéficiaires : reste à masquer les vrais rouages et conséquences de cette UE et rejoindre le constat de cet article.
    Merci pour celui-ci.
    Bonne journée.

  2. Très bon article…devrait être lu à l’ecolé ou mieux à la TV …rêvons mais toujours est-il que les citoyens se « réveillent » et c’est une bonne nouvelle !

  3. comme l’affaire des vrais-faux passeports sous Mitterrand, les fausses-vraies fakes se répandent à une telle vitesse que même une poule n’y retrouverait pas ses petits, Macron étant le premier à répandre et se répandre

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