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Métro-Police : Chez Amazon, un algorithme vire les employés « pas productifs »

D’après les documents révélés par The Verge, Amazon aurait mis en place un système qui note automatiquement les employés pour leur productivité, et qui leur envoie des avertissements, voire un avis de licenciement en cas de défaut de productivité.

Dans un mail, Amazon France a tenu à nous faire savoir qu’ « Amazon offre des salaires et des avantages compétitifs, des opportunités de développement de carrière attractives, ainsi qu’un environnement de travail sûr et moderne à nos employés. Comme la plupart des entreprises, nous avons des objectifs ». Soulignant que le licenciement n’est opéré qu’à l’issue d’un accompagnement dédié et de formations. La déclaration complète est à retrouver en fin d’article.

En l’espace de 14 mois, Amazon aurait viré plus de 300 employés dans un seul entrepôt de Baltimore

En février dernier, Amazon révélait ses résultats annuels pour 2018, bien supérieurs aux attentes de la plupart des analystes : le chiffre d’affaires s’est élevé sur l’année 2018 à 233 milliards de dollars, soit une hausse de 31% par rapport à 2017. Si la santé financière de l’entreprise est au beau fixe, on ne peut en dire autant de celle morale et physique de ses employés.

En avril, The Guardian pointait le manque de considération de la plateforme d’e-commerce pour ses employés blessés, des employés qui doivent se battre pour obtenir des soins médicaux pour des blessures dues à leur travail. C’est cette fois-ci The Verge qui révèle de bien curieux procédés : en l’espace de 14 mois, Amazon aurait viré plus de 300 employés dans un seul entrepôt de Baltimore, pour défaut de productivité. Plus glaçant encore, les documents recueillis par The Verge – une lettre, augmentée d’informations venant d’un avocat représentant l’entreprise – révèlent un système automatisé d’avertissement et de licenciement.

Les Temps modernes 2019

Dans les faits, Amazon définit un taux de productivité renseigné pour chaque employé dans un système automatisé. « Le système d’Amazon enregistre les taux de productivité de chaque salarié et sur cette base, génère automatiquement avertissements et lettres de licenciement sans action du superviseur », lit-on dans la lettre. Amazon précise que les superviseurs sont éventuellement en mesure de révoquer le licenciement, sans préciser toutefois les modalités. « Les salariés d’Amazon nous disent se sentir traités comme des robots, parce que leur travail est géré et supervisé par des robots », commente auprès de The Verge Stacy Mitchell, co-directrice de l’Institut pour l’autonomie locale (Institute for Local Self-Reliance) et grande critique de l’entreprise américaine.

Amazon ou une version 2019 des Temps modernes (Image issue du film Les Temps modernes, 1936)

Le système note également le « TOT », le « time off task », soit le temps passé à ne pas travailler. Si l’employé a interrompu son travail trop longtemps, il reçoit alors des avertissements qui peuvent mener à un licenciement. Certains employés éviteraient de faire leur pause pipi pour être certains d’assurer leur taux de productivité. Amazon indique aussi prévoir une nouvelle formation pour les 5% les moins efficaces de l’entrepôt et change les objectifs de productivité dès que 75% des employés atteignent les leurs. Ou quand le supplice de Sisyphe prend effet dans le monde du travail. Atteins ton objectif, on l’élèvera.

Amazon en plein déni ?

L’ironie de l’affaire veut que la fameuse lettre ait été produite comme défense par Amazon, qui souhaitait dénoncer les accusations d’un employé qui pensait avoir été viré pour son engagement politique. Surtout pas, argue l’avocat de la firme, Amazon ne vire pas pour engagement politique, mais par manque de productivité. Et pour justifier l’action de l’entreprise, s’est fendu de ces explications.

Rappelons qu’en France, l’entreprise a viré quatre de ses employés pour avoir soutenu les Gilets jaunes sur Facebook. Amazon considère également que ses employés bénéficient d’avantages suffisants, dont le taux horaire de 15 dollars de l’heure aux États-Unis (obtenu au forceps par les travailleurs au prix de manifestations sur plusieurs années) pour accepter les exigences auxquelles on l’expose. L’entreprise serait-elle en plein déni ou en belle crise de mauvaise foi ?

« Aujourd’hui, je mets au défi nos principaux concurrents dans le commerce (vous vous reconnaîtrez !) de faire aussi bien que nous et de mettre en place un salaire minimum de 15 dollars. » C’est en termes que le patron d’Amazon, Jeff Bezos, roule des mécaniques dans une lettre ouverte publiée le 11 avril où il s’érige Robin des Bois des GAFA. Une attitude pas vraiment appréciée par ses concurrents de la grande distribution. Sur Twitter, le vice-président de Walmart, Dan Bartlett s’amuse à détourner l’injonction de Bezos d’un « Hé, concurrents dans le commerce (vous vous reconnaîtrez ! ), pourquoi ne pas payer vos impôts ? ». Et d’ajouter dans son tweet le lien redirigeant vers un article pointant l’absence d’impôts d’Amazon qui dégage pourtant en 2018 11,2 milliards de profits.

Le 3 mai, Amazon France nous a envoyé la déclaration suivante :

« Chez Amazon, nous offrons des salaires, des avantages compétitifs, des opportunités de développement de carrière attractives, ainsi qu’un environnement de travail sûr et moderne à nos employés. Comme la plupart des entreprises, nous avons des objectifs. Et ceci est valable pour l’ensemble des collaborateurs d’Amazon, qu’ils travaillent dans les bureaux administratifs ou dans un centre de distribution. Nous soutenons les personnes qui ne remplissent pas les objectifs assignés via un accompagnement dédié qui leur permet de s’améliorer et de poursuivre une carrière chez Amazon.

Le licenciement d’un employé ne survient qu’après s’être assuré qu’il ait reçu notre soutien entier, notamment via un accompagnement personnalisé et des formations supplémentaires. Nous sommes une entreprise en croissance, nous avons pour objectif de nous assurer que nos collaborateurs bénéficient d’opportunités de développement de carrière sur le long terme ».

https://usbeketrica.com/article/chez-amazon-un-algorithme-vire-les-employes-pas-productifs?utm_source=Futur+%21&utm_campaign=8353ec5df0-EMAIL_CAMPAIGN_2019_05_02_04_16&utm_medium=email&utm_term=0_a9d8dccd24-8353ec5df0-43274503

Les syndicats s’unissent contre Amazon

By Audrey Duperronfr.express.live mai 2, 2019

Les représentants syndicaux de la société de e-commerce Amazon de 15 pays se sont rencontrés lundi à Berlin pour organiser une action transfrontalière pour mieux défendre leurs intérêts. Les conditions de travail offertes par Amazon sont très critiquées depuis des années. Les salariés ont donc décidé de se réunir pour organiser leur lutte pour de meilleurs droits. 

Cette réunion, qui a s’est étendue jusqu’au mardi, avait pour but de dresser un état des lieux des conditions de travail dans les principaux centres logistiques d’Amazon.

La lutte pour de meilleures conditions de travail

Amazon possède près de 800 centres de distribution dans lesquels les commandes des clients sont préparées, puis emballées avant d’être livrées. Les conditions de travail dans ces entrepôts ont été maintes fois décriées. Alfred Bujara, un syndicaliste polonais du mouvement Solidarnosc, explique que les gestes des employés sont chronométrés « à la seconde », et que les employés jugés trop lents sont immédiatement licenciés. Les salariés se plaignent également des bas salaires, de la suppression de leurs pauses, des mesures de surveillance excessives dont il font l’objet.

La réunion de Berlin devait permettre de dresser l’inventaire des doléances, et d’échanger les points de vue sur les actions possibles. L’objectif ultime est d’obtenir des conventions collectives, ou, du moins, de rétablir un dialogue apaisé avec la direction. « Quand il y a un mouvement coordonné entre nous, une grève simultanée en France, en Italie et en Espagne, Amazon réagit. Quand il y a confrontation, Amazon accepte d’entamer des négociations », explique Stefanie Nutzenberger, du syndicat allemand Verdi.

Une coodination internationale à développer

Les syndicats européens ont commencé à coordonner leurs actions depuis 2013. Ils ont par exemple instauré des grèves lors de journées de promotion commerciales cruciales, telles que le Prime Day ou le Black Friday. En 2018, une cinquantaine de grèves ont été organisées, dont certaines ont été coordonnées au niveau international. Les employés ont aussi poursuivi leur campagne sur les réseaux sociaux, notamment avec le #Wearenorobots

Mais hors d’Europe, les syndicats se concertaient très peu jusqu’ici; « Nous sommes en territoire totalement inconnu en Amérique du Sud. Ils viennent d’ouvrir un centre d’opérations au Brésil, les employés ne sont pas du tout préparés là-bas », indique Henry Oliveira, représentant syndical uruguayen. Toutefois, Stefanie Nutzenberger souligne que des campagnes internationales seront bientôt organisées.

Amazon Allemagne a réagi en rejetant les allégations d’UNI Global Union. « Amazon prouve chaque jour qu’il est un employeur juste et responsable, même sans convention collective », a déclaré la société.

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