Delit d'Opinion

Diversité pour tous ! Le Royaume uni ouvre la voie et ferme les voix dissidentes

Comparé au multiculturalisme, le projet diversitaire est plus large, plus ambitieux, plus dévastateur. Diversité : voilà le mot d’ordre de l’Occident. Dans tous les domaines, de l’art à la science, des médias à l’éducation, la population sera triée, comptée, répartie selon sa couleur de peau, ses inclinations sexuelles, ses origines. Les politiques identitaires fixent les quotas. D’ici 2020, une personne sur six apparaissant à l’écran devra être homosexuelle ou handicapée, la BBC s’y est engagée. Administrations, entreprises, partis politiques annoncent leurs objectifs.

L’Anglais Ben Cobley a théorisé le « système diversitaire » ; il en a identifié les mécanismes, les stratégies, les institutions, le lexique. Dans son livre The Tribe : the liberal left and the system of diversity (La Tribu : la gauche progressiste et le système diversitaire), il dévoile l’infrastructure de cette machinerie puissante qui déconstruit tout sur son chemin.

« La Tribu », c’est le Parti travailliste. Vous en étiez membre. Vous ne l’êtes plus ?

J’y ai adhéré en 2010. J’étais très impliqué au niveau local. J’ai vu de l’intérieur à quel point les politiques identitaires dominaient. Aucune critique n’est recevable. Les féministes sont intouchables. Je me suis mis à écrire sur ce sujet dont personne ne voulait débattre. Ce que j’appelle le système diversitaire est constitutif du Parti travailliste. J’ai rendu ma carte en 2016. La diversité pour la diversité, c’est absurde. La diversité, c’est le pluralisme, les variations, la découverte. Dans ce système, tout est décidé à l’avance. Selon vos origines ou votre sexe, on vous assigne une place dans le monde. Le mot lui-même, diversité, a été perverti, tordu jusqu’au contre-sens. Il implique de favoriser certains groupes de la population par rapport à d’autres, pour répondre à des objectifs décrétés. Le nouveau sens de la diversité c’est la conformité à un grand projet de transformation de la société.

Comment les politiques identitaires segmentent-elles la population ?

Vous avez deux grandes catégories avec, en leur sein, des sous-catégories qui se correspondent : femmes/ hommes, non-blancs/blancs, immigrant/non-immigrant, minorités ethniques/Britanniques, musulmans/chrétiens, homosexuels/ hétérosexuels, transgenres/« cisgenres », handicapés/valides. Dans la colonne de gauche, ceux qui doivent être protégés, favorisés, soutenus, encouragés ; à droite, ceux qu’il faut défavoriser, surveiller, faire taire, reléguer à l’arrière-plan. Face au groupe « musulmans », il n’y a pas un groupe « non-Musulmans » mais un groupe « chrétiens », soit une cible plus claire et plus associée au passé, autrement dit plus indésirable pour les progressistes.

Diriez-vous que le système est d’essence marxiste ?

Il calque le modèle oppresseurs-opprimés. On a remplacé le prolétariat par les identités protégées. Les sousgroupes de la colonne de gauche (femmes, non-blancs, musulmans, homosexuels, etc.) sont considérés par principe comme victimes de discrimination et de sous-représentation – une approche qui ne s’appuie pas nécessairement sur la réalité. Le racisme auquel s’attaque le système est idéologique, il ne se rapporte pas à une personne ou à un acte. Vous êtes culturellement raciste, raciste sans le savoir (allez vous défendre contre cette accusation…). Idem pour le sexisme. Toute femme est a priori victime de misogynie et tout homme est un violeur potentiel.

Ce sont des vérités établies, des postulats de départ, d’où est apparue la notion de « préjugés inconscients ». Vous avez des stages dans les entreprises ou les universités pour corriger les « préjugés inconscients » sexistes, racistes, islamophobes, etc. La diversité est une affaire politique. Avant de quitter le pouvoir, le Parti travailliste a fait voter la loi sur l’Égalité de 2010 (Equality Act). Cette loi anti-discrimination établit la liste des populations « protégées ».

Comment s’articulent les mécanismes de pouvoir au sein du système ?

Il y a trois niveaux de pouvoir. Au sommet, vous avez la tribu : la gauche progressiste a mis en place et contrôle le système. Toute personne qui questionne ou contrevient à la doxa provoque une réaction immédiate de la tribu, prompte à combattre ses ennemis pour défendre son territoire. En-dessous, vous trouvez les représentants des identités protégées à qui le niveau supérieur soustraite son autorité : ONG, groupes de pression, associations « décoloniales », féministes, anti-islamophobie, etc., chargés de divulguer le statut de victime du groupe qu’ils représentent, quitte à dévoyer la réalité et à manipuler les statistiques (voir l’éternel mythe de l’écart salarial hommes-femmes). La survie de ces associations reposant sur la pérennité des inégalités, avérées ou pas, elles doivent sans cesse faire campagne, trouver de nouveaux motifs d’indignation. Enfin, le troisième niveau ce sont les membres du groupe concerné à qui leurs représentants vont décerner des faveurs (subventions, quotas) pourvu qu’ils ne viennent pas contredire le récit fondateur.

Vous évoquez « les institutions de la diversité ». Quelles sont-elles ?

Métissage ethnique, parité hommes-femmes, ouverture aux transgenres, le Parti travailliste est l’archétype de l’institution diversitaire. Il produit les militants les plus actifs du système. Le Guardian est aussi une institution clé. C’est l’organe officieux de la tribu. Sur un thème comme l’immigration de masse, peut-être le défi le plus considérable et le plus complexe de notre temps, le Guardian véhicule une vision exclusivement positive sans nuance. La BBC s’enorgueillit de son « inclusivité » au point d’accorder plus d’attention à sa composition qu’à sa fonction (celle de divertir et d’informer).

Autre relais puissant : Channel 4 a été créée avec pour mission de séduire « un public jusque là négligé ». Déterminée à devenir « leader en diversité », la chaîne a édité en 2015 sa « Charte de la Diversité 360° » dans laquelle elle s’engageait entre autres à nommer 40 directeurs de programmes « issus de la diversité ». Parmi eux, Mr Thomas-Johnson, précédemment attaché de presse de CAGE, une ONG de défense des terroristes islamistes…

Ce système est-il en partie responsable des errements dans l’affaire des réseaux de viols qui a frappé près de 30 villes anglaises ?

Le système choisit d’ignorer les vérités embarrassantes. L’exploitation sexuelle de jeunes mineures blanches (la plus jeune avait 11 ans) par des gangs d’origine pakistanaise, pendant plus d’une décennie, en est l’épisode le plus effarant. L’enquête a dénombré 1 400 victimes dans la seule ville de Rotherham. La police locale s’en était remise à Jahangir Akhtar, figure de la communauté pakistanaise, malgré ses condamnations passées pour violences en réunion. C’est un cas classique du système en action, où l’autorité publique délègue ses pouvoirs à un représentant du groupe concerné pour éviter de tendre les relations inter-communautaires.

Le système choisit d’ignorer les vérités embarrassantes. L’exploitation sexuelle de jeunes mineures blanches (la plus jeune avait 11 ans) par des gangs d’origine pakistanaise, pendant plus d’une décennie, en est l’épisode le plus effarant. L’enquête a dénombré 1 400 victimes dans la seule ville de Rotherham.

Dans toutes ces villes, la police a failli à sa mission par crainte d’être accusée de racisme. Les quelques courageux qui se sont emparés de la question ont été traités d’islamophobes, de racistes. La député travailliste Ann Cryer, menacée de mort, a dû solliciter une protection policière. Le Parti travailliste s’est désolidarisé de la députée de Rotherham, Sarah Champion, qui avait osé mentionner l’origine pakistanaise des violeurs. En privilégiant la protection des jeunes filles violées, Champion remettait en cause les règles du système et risquait de faire perdre au Parti les voix de la communauté pakistanaise qui lui sont acquises.

Existe-t-il un seul espace de la société qui échappe au système ?

Le système s’immisce partout. N’oublions pas qu’il s’agit de changer le monde – de l’améliorer, selon ses zélateurs. Chaque recoin de la société est donc sommé de se convertir à l’inclusivité. L’entreprise Equality Group, qui veut « enrichir le monde des affaires par la diversité », facture, tenez-vous bien, du consulting en inclusion : ils vendent leurs services aux sociétés en quête de vertu et encouragent l’État à financer des stages de remise au pas. Le secteur public de notre pays s’enorgueillit d’être « l’employeur britannique le plus progressiste sur le terrain de l’égalité et de la diversité ». La bureaucratie clame son progressisme et le gouvernement conservateur, en place depuis dix ans, suit le mouvement, ce qui est remarquable, vu que conservatisme et progressisme sont deux visions du monde antinomiques ! Dans l’élan général, administrations et universités se dotent d’agents égalité et diversité ou de responsables de l’inclusion (intitulés proches des commissaires politiques de l’URSS) qui surveillent et rééduquent.

Vous sous-entendez que c’est un système totalitaire ?

Il manipule le langage. Le mot discrimination est devenu négatif. L’adjectif inclusif a acquis un sens qu’il n’avait pas. Il contrôle le débat public en décidant des sujets interdits. Secteurs publics et privés doivent se conformer au modèle diversitaire. Même la science, sommée d’être inclusive et égalitaire, devient un enjeu de justice sociale. Les chercheurs subissent la traque du système. Le Prix Nobel Tim Hunt, exclu de la communauté scientifique et déchu de ses fonctions après de fausses accusations de sexisme, en a fait les frais. Tout cela concourt à une forme de dérive totalitaire. Et la dissidence se paye cher. Vous pouvez perdre votre emploi sur une simple accusation. On l’a bien vu avec le mouvement #metoo. Les politiques identitaires, qui ont pour vocation de lutter contre l’oppression, peuvent être elles-mêmes très oppressives.

L’idée d’une culpabilité originelle blanche est destructrice (décolonisation du savoir, statues déboulonnées, bâtiments débaptisés). Comment cette notion est-elle devenue si prégnante ?

Je lui vois une dimension religieuse proche de la notion de péché originel. Cette volonté d’expier une faute collective apporte une sécurité existentielle à ceux qui la portent, un sens de la vie, si vous voulez. Et aussi un sentiment d’appartenance. La libéralisation des années 60 nous a privés des repères dont nous avons besoin. Je dirais même que cette idée de culpabilité originelle opère comme un lien aux autres. Si vous êtes un mâle blanc hétérosexuel et british, vous n’avez pas grand’chose à quoi vous raccrocher. Militer pour la diversité est un moyen de vous sentir inclus dans le système, celui-là même qui vous désigne comme coupable. Vous obtenez ainsi une forme d’approbation sociale.

Quelle est la position du système par rapport au Brexit ?

Le système a brouillé le débat autour du Brexit en le caricaturant, dès la campagne de 2016 et jusqu’à présent. Il y a le côté du bien et le côté des NIMBY (not in my backyard, « pas dans mon arrière-cour ») ; les remainers ouverts au monde face aux brexiters racistes et ploucs. J’ai quitté le Parti Travailliste en 2016 pour cette raison-là. C’était la goutte d’eau. Parce qu’on était favorable au Brexit, on était désigné comme raciste et xénophobe. C’était blessant. Blessant et malhonnête. Et ça continue. Le 29 mars dernier, jour théorique de notre sortie de l’Europe, a eu lieu à Londres une marche pro-Brexit. Jon Snow, journaliste star de Channel 4, remainer notoire, couvrait l’événement. À la fin de son reportage, il a dit : « Je n’ai jamais vu autant de Blancs réunis ». Il a ramené la manifestation à une question de race. Évidemment, il n’y avait pas que des Blancs, mais c’était une façon de délégitimer le mouvement.

Vous citez beaucoup Sadiq Khan, le maire de Londres.

Sadiq Khan est un homme politique intéressant, presque totémique dans ce système. Au début de sa carrière, il avait refusé de signer un engagement porté par des militantes du Parti travailliste, où les signataires s’engageaient à ne participer à aucun groupe qui ne soit pas à parité hommes/femmes. Il s’était fait taper sur les doigts par les féministes. Il a retenu la leçon. Il est un des plus zélés « administrateurs » du système. Il met en avant ses origines musulmanes et non-blanches et ne cesse de rappeler son engagement pro-immigration, pro-diversité. Il récite le mantra à l’envi.

Il prend soin de flatter les minorités, de dire à chacun ce qu’il veut entendre. Pendant sa campagne pour la mairie de Londres, il a dit devant l’association Operation Black Vote : « C’est un fait, si vous faites partie d’une minorité ethnique, vous avez plus de chances d’être au chômage, vous gagnerez moins et vous mourrez plus jeune ». Cet avocat affirme également qu’il est crucial que nos juges et nos magistrats ressemblent à ceux qu’ils jugent. Appliquer les politiques identitaires au système judiciaire, c’est sérieux !

Observez-vous une contestation du système ?

Le système est parfaitement rodé, en pleine expansion, et dispose de relais puissants. Si vous aspirez au pouvoir, vous ne pouvez pas le contester sans vous exposer à de féroces attaques et de lourds ennuis pour vous et vos proches. Néanmoins, on commence à mesurer les implications de cette idéologie. Je sais que des politiciens ont lu mon livre comme celui de David Goodhart. Quelques voix s’élèvent. Il faut être habile, solide et patient. C’est un défi dangereux et qui prendra du temps. Mais cela arrivera, sans quoi notre modèle de société risque de se désintégrer. 

Propos recueillis par Sylvie Perez

EN BANDE SON :   

5 réponses »

  1. La diversité humaine forcée en un instant à comparer avec celle de la nature aux milliards d’années reflète bien l’orgueil d’une gauche qui décide, taille, choisit, oblige, démesure et applique ses slogans méphitiques en dépit de toute sagesse lente, posée, compatissante . . . les gauchiards veulent tout tout de suite avec les résultats qu’on sait !

    • C’est la revanche des faibles contre les forts qui espèrent trouver là réparation à ce qu’ils estiment être une injustice pour ce qui n’est bien souvent que le fruit d’un hasard qui j’en convient ne fait pas toujours bien les choses ! Ils oublient juste une chose : comme en écologie à trop vouloir jouer avec les règles la nature finit par reprendre ses droits !

  2. Revanche des faibles contre les forts ?
    C’est l’essence du projet chrétien. Après 2000 ans à attendre la parousie qui n’est jamais survenue, les faibles perdent patience et décident de prendre les choses en main via l’union sacrée.
    Le terme « projet diversitaire » est très intéressant en rajoutant la dimension quota/planification au multicul.
    Quand il parle de nouveau péché originel, un pas de plus, et il aurait pu dire que c’est la shoa le nouveau péché originel et que la religion diversitaire n’est qu’un nazisme inversé : la famille c’est caca, la patrie c’est le monde, et le travail n’est qu’une occasion de faire du social, la fonction de production est secondaire (si elle existe encore).
    Est-ce que la société risque de se désintégrer ? non. C’EST la désintégration elle même. Ce n’est pas parce qu’on conserve quelques armes de pointe et des super-marchés remplis de junk-food que la société ne s’est pas déjà désintégrée.
    On peut aller plus loin. Ce phénomène « diversitaire » est cyclique. Ce n’est pas un progrès, c’est un marqueur de décadence qui survient lors d’une fin de civilisation. Mais grâce aux progrès technologiques, on peut aller plus loin dans les horreurs contre-nature (dysgénisme).
    Le diversitisme est un projet mondialiste transhumaniste. Il vise à fabriquer un homme nouveau, industriellement domestiqué (en attendant d’être carrément fabriqué par les techniques médicales de procréation assistée – uterus artificiel pour bientôt – afin de « libérer » la femme de la contrainte de la gestation), moine-soldat d’une religion artificielle matérialiste messianique et universelle.
    L’homme traditionnel, enraciné (même un nomade est enraciné dans ses trajets migratoires immémoriels), productif, décent, fort, tribal, le créateur de civilisations, n’est plus nécessaire : les robots, l’IA, et les cyborg n’ont plus besoin de lui. Au contraire même il est une menace.

    • D’ou mon letmotiv et slogan préféré « nous vivons une époque nietzschéenne dans un Monde qui ne veut croire qu’au messianisme marxiste et religieux. »

  3. Excellent résumée Le communautarisme des diverses minorités opprimés est le nouveau communisme organisé par les mêmes sauveurs, jésus, marx & co, ces immenses émetteurs de dettes idéologiques celles là.

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