Art de la guerre monétaire et économique

Mini-bots : l’Italie tient une monnaie parallèle prête à côté de l’euro. Bruxelles devient nerveux…

Mini-bots : l’Italie tient une monnaie parallèle prête à côté de l’euro. Bruxelles devient nerveux…

En Italie, il est prévu d’introduire un moyen de paiement alternatif à l’euro. Il s’agit de ce que l’on appelle les mini-bills of treasury

Les designs de ces mini-bots sont déjà prêts. Ils ressemblent à des billets ordinaires et portent l’image d’Italiens célèbres, dont le footballeur Marco Tardelli (voir ci-dessous) et le chef d’orchestre Arturo Toscanini.

Italie : la championne d’Europe des retards de paiement

L’idée des mini-bots est venue de la Lega de Matteo Salvini. Ils visent à réduire les dettes que les organismes gouvernementaux ont contractées auprès de fournisseurs privés. Le gouvernement italien est connu pour ses retards de paiement. Les arriérés s’élèvent aujourd’hui à plus de 57 milliards d’euros. En mettant ces mini-bots en circulation, l’Italie serait non seulement en mesure de payer ses arriérés, mais le gouvernement compte sur les fournisseurs privés pour utiliser ces mini-bots comme moyen de paiement. Ainsi, une monnaie parallèle sera créée à côté de l’euro.

Le parlement italien a déjà approuvé une motion non contraignante autorisant l’émission de mini-robots. Les motions non contraignantes sont courantes en Italie. Habituellement, elles ne débouchent sur rien d’autre.

Argent ou dette ?

Mais la zone euro n’est pas contente de cette initiative, car elle crée un double système monétaire. Selon Riccardo Puglisi, économiste à l’Université de Pavie, la proposition n’est rien de moins qu’une préparation pour un Italexit, qui conduirait l’Italie à quitter la zone euro. Le projet va également à l’encontre du traité sur l’euro. Le président de la BCE, Mario Draghi, partage cet avis. « Les mini-bots, soit c’est de l’argent, et alors c’est illégal, soit ce sont des dettes, ce qui signifie que la montagne de la dette [italienne] monte encore davantage. Je ne vois pas de troisième possibilité. » Les économistes ne sont pas d’accord avec le patron de la BCE sur ce point. Les mini-bots peuvent être à la fois de l’argent et des dettes.

La popularité de Salvini ne fait qu’augmenter

Si on espérait à Bruxelles que le projet finirait par mourir d’une mort silencieuse, le dirigeant de la Lega, Matteo Salvini, semble se préparer à une confrontation. Salvini est devenu le grand vainqueur des élections européennes du mois dernier avec 34 % des voix. S’il est en faveur de nouvelles élections législatives, il y a de réelles chances que la Lega, avec un certain nombre de partenaires d’extrême droite, obtienne la majorité des voix.

Entretemps, une procédure est en cours à Bruxelles, qui pourrait aboutir à de nouvelles amendes à l’encontre de l’Italie en raison de son déficit budgétaire croissant. Ce n’est pas encore le cas, mais il y a de bonnes chances que l’Italie présente à nouveau un budget à l’UE en octobre, avec une nouvelle augmentation de son déficit. Salvini veut mettre en œuvre d’importantes réductions d’impôts.

Les mini-bots, annonciateurs d’une nouvelle crise de l’euro ?

L’introduction de mini-bots est un excellent moyen de compenser ces réductions d’impôt. Cela porterait la confrontation entre Rome et Bruxelles à un tout autre niveau. Si les pays de la zone euro commencent à émettre leur propre monnaie, toute la construction de l’euro n’a guère de sens.

L’UE est maintenant entre le marteau et l’enclume. Si elle continue la procédure contre le déficit budgétaire et que des amendes sont finalement infligées, Salvini ne deviendra que plus populaire dans son propre pays. Cela risque inévitablement de conduire à l’introduction de ces mini-bots, ce qui entraînerait une nouvelle crise dans la zone euro. Une crise dans laquelle le « whatever it takes » (« tout ce qu’il sera nécessaire ») de Draghi serait réduit à une déclaration creuse.

Ces mini-BOTs répondraient à un problème concret et lancinant : l’État italien a des arriérés de paiement d’environ 60 milliards d’euros envers les entreprises italiennes. Solder cette dette creuserait le déficit et l’endettement public de façon importante, ce que Bruxelles interdit. D’où l’idée des mini-BOTs, qui seraient émis pour le montant de cette dette, versés aux entreprises, qui pourraient ensuite s’en servir pour payer leurs impôts, sans que les « critères de Maastricht » ne soient affectés.

Ensuite, ce circuit fermé (État-entreprises-État) pourrait s’élargir : les entreprises pourraient utiliser ces mini-BOTs entre elles, puis pour payer une partie des salaires de leurs salariés et, ainsi, les particuliers pourraient les utiliser. Ces mini-BOTs deviendraient alors une véritable monnaie parallèle. Dans ce modèle, 1 mini-BOT = 1 euro, on resterait dans le cadre de l’euro, même si cette création monétaire irait à l’encontre des traités européens qui imposent une monnaie unique.

L’étape suivante consisterait à décréter que 1 mini-BOT = 1 « nouvelle lire », par exemple, et qu’elle soit cotée sur le marché des changes aux côtés des autres devises, dont l’euro, pour se retrouver dans un système à deux monnaies. La marche ultime serait de convertir, du jour au lendemain, les avoirs en euros dans la nouvelle monnaie (1 euro = 1 nouvelle lire). Et voilà l’Italie sortie de l’euro ! L’Italexit est mis en œuvre. Tout ceci relève de la fiction, bien entendu, mais les Italiens viennent tout de même de décider d’en écrire la première page avec cette motion parlementaire.

Il y a juste un petit oubli dans ce scénario : la balance Target2. Ce système de compensation entre les banques centrales de la zone euro traduit les déséquilibres des balances des paiements entre les pays (quand un Italien achète une Mercedes, cela se concrétise par une créance de la Banque centrale allemande sur la Banque centrale italienne). Le déficit se creuse pour l’Italie (500 milliards d’euros) tandis que les créances explosent pour l’Allemagne (plus de 900 milliards d’euros), qui serait ainsi la grande perdante d’un Italexit ! Un cataclysme susceptible de faire exploser la monnaie unique.

Alors, finalement, peut-être que ces mini-BOTs ne sont qu’un moyen de pression sur Berlin, le vrai patron en Europe, pour que le gouvernement italien puisse légèrement accroître son déficit budgétaire (qui restera inférieur au déficit français, mais personne ne vient embêter Macron, moins turbulant que Salvini il est vrai…). Ou peut-être pas ; les Italiens auraient déjà pris la décision de s’affranchir de la monnaie européenne, et ils y vont pas à pas. Les mois qui viennent seront cruciaux, et la perspective d’une nouvelle crise de l’euro, d’un niveau nettement supérieur à la crise grecque en 2011, se renforce.

https://or.fr/actualites/mini-bots-italiens-vont-ils-tuer-euro-1559

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