Art de la guerre monétaire et économique

Doigt d’honneur Par Michel Onfray

Doigt d’honneur

On sait que le doigt d’honneur constitue le sommet de la rhétorique présidentielle – on comprend qu’avec pareil bagage intellectuel, les portes de l’Ecole normale supérieure lui aient été fermées devant le nez à deux reprises.

Devant le public de l’Organisation internationale du travail (OIT), le président de la République en a envoyé un nouveau à destination des gilets-jaunes. Comme d’habitue, la classe médiatique y est allée fort avec le cirage et la boite à reluire: Macron aurait effectué publiquement un mea culpa! Et les éditorialistes d’enchaîner sur un prétendu Acte II car le travail des journalistes consiste désormais à reprendre en boucle les éléments de langage, les communiqués et les notes fournies par le service communication de l’Elysée. Précisons au passage que ce genre de travail est rémunéré dans les salles de presse avec l’argent du contribuable qui permet aux journaux de survivre.

En bon disciple des sophistes qu’il est, Macron sait s’adapter à son auditoire. Devant les représentants de l’OIT, il met en avant des préoccupations sociales. Il a même reconnu avoir commis une « erreur fondamentale » dans la gestion de la crise des gilets-jaunes. « Quand le peuple français dit avec force ce qu’il a dit, il faut savoir l’écouter, savoir constater ce qu’on a mal fait, ne pas arrêter de faire ce qu’on doit faire, savoir changer de méthode et entendre le message profond. » Et d’ajouter que « nous avons peut-être parfois construit des bonnes réponses trop loin de nos concitoyens en considérant qu’il y avait des sachants et des subissants. »

Qu’est-ce à dire? Qu’il s’est trompé, certes, mais sur la forme pas sur le fond. Il convient d’un problème de méthode mais ne revient pas du tout sur son projet politique qui reste le programme libéral maastrichtien. On ne pourra pas lui reprocher de manquer de constance. Il avait dit aux gilets-jaunes en substance: « J’entends bien que vous n’êtes pas contents, je vais faire un tour de France pour vous expliquer que vous avez tort, en même temps, je vais vous demander votre avis mais, n’espérez pas, ne rêvez pas, après ce tour de France dans lequel j’ai fait éhontément ma promotion pour les prochains élections européennes, je ne changerai pas de cap. »

Ces élections européennes ont, comme d’habitude, été l’occasion d’une propagande éhontée. On connaît désormais la technique: opposer le bien au mal, les progressistes aux populistes, les gens de progrès aux obscurantistes, les résistants aux fascistes, Jean Moulin et Adolf Hitler, le Mont Valérien et la Shoah, autrement dit: Emmanuel Macron à Marine Le Pen. On aura compris qu’Emmanuel Macron est à lui tout seul le bien, les progressistes, les gens de progrès, les résistants, Jean Moulin, le Mont Valérien et que Marine Le Pen est à elle toute seule le mal, les populistes, les obscurantistes, les fascistes, Adolf Hitler et la Shoah. Pareille propagande ayant déjà permis de beaux succès électoraux aux fourriers de l’Etat maastrichtien, pourquoi ne pas s’en priver?

Or, ce coup-ci, la ficelle était trop grosse. Macron a perdu. Il avait fait de son arrivée en tête un enjeu majeur, il est arrivé second. Qu’à cela ne tienne! L’élément de langage a été fourni aux rédactions qui l’ont tout de suite répercuté en boucle: un écart si faible avec le second n’est pas un échec, c’est même un franc succès! Et les éditorialistes consultant leurs portables sur les  plateaux de télévision y allaient de ce paralogisme: perdre avec si peu c’est très exactement gagner!

Le sceptique que je suis en matière de choses humaines, et plus encore en matière de politique, se pose tout de même une question: qui fait le total des votes entre les villages de campagne et les mégapoles, entre Chambois, mon village natal avec ses trois cents votants, et Paris avec ses millions d’électeurs? Qui, in fine, trace un trait, fait l’addition, calcule, et donne le résultat à la télévision de façon performative? Le président de la République Emmanuel Macron et son ministre de l’intérieur Christophe Castaner. Convenons que c’est une formidable garantie de vérité et de probité, d’honnêteté et de régularité, de véracité et d’authenticité. On a vu dans le traitement idéologique et hystérique, policier et militaire de la question des gilets-jaunes combien ces deux protagonistes étaient animés par le souci de la vérité et de la République…

Complotisme dira-t-on. J’ai l’habitude. On nomme aujourd’hui complotiste quiconque ne souscrit pas aux bobards présentés par les dominants comme des vérités mais qui sont en fait les mensonges utiles à leurs forfaits. Or, je n’ai pas confiance dans les dominants – ce serait aussi sot que, pour des moutons, d’avoir confiance dans la meute des loups ou pour les veaux à l’abattoir d’avoir confiance dans le boucher qui les attend avec un long couteau…

Emmanuel Macron a été élu pour un programme, c’est celui de l’ultra-libéralisme maastrichtien; les puissances de l’argent, du capital, de la banque, des marchés, du journalisme, des médias, de l’intelligentsia l’ont aidé dans cette conquête du pouvoir.

Tout a été fait pour que Marine Le Pen soit au second tour, bien qu’on nous dise ensuite qu’elle est une candidate anti-démocrate et dangereuse pour la République: pourquoi dès lors ne pas lui interdire d’exister politiquement après qu’on en eut apporté la démonstration? Depuis Mitterrand qui a instrumentalisé la famille Le Pen pour assurer la domination sans partage du camp libéral, ce petit jeu commande l’histoire de France.

Macron peut bien confesser des erreurs de méthode, c’est estimer en effet que la lame de la guillotine n’était pas très propre et qu’il présente volontiers ses excuses pour cette souillure – qui n’empêchera tout de même pas la décapitation.

Qu’est-ce que la décapitation ?

L’abolition de la retraite à  soixante ans qui est passée comme une lettre à la poste. Personne n’a repris ces sophistes macroniens qui distillaient les éléments de langage donnés par l’Elysée à savoir: l’âge du départ à la retraite n’a pas changé! Or, la réalité est que cet âge a changé puisque l’âge auquel on peut toucher sa retraite l’est; dès lors, on peut partir au même âge, bien sûr, mais sans toucher sa retraite aux taux plein; conséquemment, si l’on veut la toucher au taux plein il faut partir plus tard, donc: on a modifié l’âge de la retraite. Car on peut en effet partir à la retraite à quarante ans, rien ne l’interdit, mais on ne touchera rien. De même, on peut partir à la retraite à soixante ans, mais on touchera si peu qu’on sera obligé de rester jusqu’au moment où l’on pourra toucher le taux plein qui, lui, aura exigé qu’on sacrifie quatre ans de sa vie en plus au travail. Voilà.

Cet homme qui a perdu les élections européennes, et qui dit que les perdre à si peu c’est exactement les gagner, passe la vitesse supérieure et charge cette fois ci les chômeurs. Après les retraités, les chômeurs. Il continue dans le même esprit: fort avec les faibles, faible avec les forts. Pas de négociation avec les syndicats, les fameux corps intermédiaires dont il n’a cessé de faire l’éloge devant les maires pendant son tour de France égotiste, c’est fini.

Les ordonnances feront l’affaire. Pas besoin de s’embarrasser avec les syndicats, pas besoin de perdre du temps avec le parlement, pas besoin de ralentir le choses avec le Sénat, pas besoin d’en appel au débat – Ricoeur est mort et enterré, son prétendu vieux maître ne lui reprochera pas… –, c’est ce que Macron appelle une présidence jupitérienne. Tout ça n’a vraiment plus grand chose à voir avec la démocratie…

Pour amuser la galerie, il a envoyé sa femme se faire torturer à la radio chez Marc-Olivier Fogiel dont on connaît la férocité critique. Une heure trente de publicité pour le Président a été assurée par sa femme qui, ne riez pas, nous l’assure: son mari à « une âme de poète »… Si, si, elle l’a dit. Mieux vaut entendre ça que d’être sourd.

Michel Onfray

https://michelonfray.com/interventions-hebdomadaires/doigt-d-honneur

EN BANDE SON :

37 réponses »

  1. Excellent ! Il était temps que les intellectuels bougent leurs méninges pour dénoncer cette arnaque au pouvoir ! Le « casse du siècle » perpétré par… des voleurs de liberté !!

  2. Ce n’est pas parce que Michel Onfray est adulé par les média que cet article est bon. Il s’agit juste d’une compilation de ce que dit l’opposition. On a entendu les gilets jaunes revendiquer la possibilité de consommer plus de SUV, de barbecues, d’Iphone, d’abonnements à Netflix, etc… Aucun n’a demandé l’abolition du système consumériste pour lequel le président élu (si, si, élu) fait le job. Quasiment aucun n’a voté Poutou, je pense. Ils préfèrent s’abstenir en attendant l’instauration du vote blanc, sommet de paresse morale.

    • Pour votre info Poutou fait partie de l’extrême gauche trotskyste bras armé du néoliberalisme ambiant si cher à Macron . Rien à voir avec Onfray qui défend à l’image de Michea le socialisme proudhonien qui se propose de renverser l’ordre bourgeois et prédateur au profit de ceux qui en sont devenus les victimes : les classes moyennes blanches. Dans tous les cas il s’agit de redonner sa place au producteur face au diktat unilatéral du consommateur.

      • La classe moyenne blanche… Je me demandais depuis quelque temps pourquoi Onfray me rebutait. Grâce à vous, j’ai trouvé. Merci.

        • Je vous retourne le compliment mais simple déduction logique et constatation sociologique car en attendant l’avènement de la Nouvelle France multiculturelle et multiethnique je n’ai pas eu l’occasion de voir hormis dans les travaux publics beaucoup d’africains sur les ronds points de notre douce France, par contre beaucoup de cinquantenaires blancs issues des classes moyennes. Contrairement à vos amis issus de l’islamogauchisme Onfray ne racialise pas depuis 40 ans la France à grand renforts de minorités opprimées et de promesses électorales toutes plus discriminantes les unes que les autres. Par conséquent FAIRE PASSER ONFRAY POUR UN ODIEUX RACISTE tient du mauvais procès d’intention et du sophisme dont vous semblez être un praticien chevronné.

          • Je ne fais pas passer Onfray pour un odieux raciste. Je dis juste une chose: quand on est de gauche et qu’on passe tout son temps à taper sur la gauche (quelles que soient les tares de cette dernière), que par ailleurs on est apprécié par l’extrême droite, alors il faut commencer à se poser des questions. C’est la problématique dans laquelle s’est mis Onfray. Ça le regarde.

            • je pense que c’est davantage un problème pour vous que pour lui visiblement…et hop encore une petite tentative d’amalgame une de plus : voici maintenant Onfray L’ODIEUX FASCISTE ! C’est quoi la prochaine étape, Onfray l’ODIEUX TERRORISTE ! Mais dites moi Mitterrand francisque action française l’homme de droite-gauche par excellence c’est cela vos références ?

              • Bon visiblement, vous n’êtes pas dans le débat mais dans la polémique caricaturale. Ça ne m’intéresse pas. Bonne journée.

                • Le débat c’est bien connu c’est quand on partage vos idées, et comme vous êtes à court d’arguments ! Bonne journée

                  • Parce que vous croyez que vos diatribes sont des arguments? Vous croyez que vos commentaires sont tolérants? Je vais vous dire une chose (et ça vaut aussi pour Onfray, s’il nous lit): la colère ne fait pas un discours. J’ajoute que visiblement, Onfray a un contentieux personnel avec Macron (qui, j’en suis sûr, s’en tape complètement de lui). Je précise que je ne vote pas Macron.

                    • L’intolérance serait de ne pas vous laisser avancer votre argumentaire mais la tolérance ne consiste pas à vous laisser dire tout et nimporte quoi selon votre bon plaisir. Donc je vous répond ne vous en déplaise ! Pour le reste pensez en ce que vous voulez !

                    • Est-ce que, depuis dix ans, Onfray a critiqué la droite ou l’extrême droite? Non. Est-ce qu’il a repris à son compte des thématiques, une rhétorique qu’on retrouve à l’extrême droite? Oui. Lorsque cette dernière l’a « félicité », est-ce qu’il a pris ses distances avec elle? Non. Voilà. Ce sont des faits. Je n’en conclue pas qu’il est devenu d’extrême droite, je dis juste que pour quelqu’un de gauche, c’est pour le moins troublant, et qu’il devrait se poser des questions. En outre, son attitude qui consiste à dire « Seules 3 personnes peuvent me juger » me laissent à penser qu’il n’a plus toute sa lucidité. Il devient mégalo. Qu’il revienne sur terre: dans un siècle, plus personne ne saura qu’il a existé (idem pour moi, mais moi, je le sais), hormis quelques érudits.

                    • Je vous trouve bien sévère. C’est un anarchiste, il s’est rapproché de certains identitaires comme Zemmour du fait de sa critique de l’islamisme.Pour le reste je le trouve plutôt cohérent dans sa démarche sans pour autant partager tout ce qu’il dit. Sa tentative de dépassement des clivages habituelles via une certaine transversalité me parait être une démarche fructueuse, courageuse et interessante.

        • Parler de la « classe moyenne blanche » ça vous rebute ?
          Et parler de la classe moyenne chinoise ça vous rebute aussi ?
          Et parler des africains, ça vous rebute aussi ?
          Et parler de la classe moyenne ça vous rebute aussi ?
          Bien sûr que non ! ce qui vous rebute c’est parler des « blancs ».
          Pourquoi ?
          Parce que l’état vous a dit que « blanc » c’était caca. Et vous n’avez pas chercher à réfléchir plus loin.
          En fait, refuser aux « blancs » d’exister en tant que « blanc », c’est du racisme. Du vrai.

          • Le racisme est systémique. Il a été inventé et théorisé par les blancs. Il ne peut exister hors de ce corpus idéologique. Ce corpus est celui de l’extrême droite.
            Au fait, je suis blanc.

            • Le racisme a été inventé par les blancs, tout comme la théorie de la gravitation, les vaccins, le engrais, et bien d’autres choses.
              Le racisme mélange deux choses : la croyance dans l’existence des races, et d’une hierarchie entre elles.
              Du point de vue biologique, les races existent, même si ça ne s’appelle plus de cette manière (on dit « groupe biologique » pour ne pas confondre avec le racisme), mais la hiérarchie en revanche est purement politico-religieuse (un vestige de la hierarchie céleste du judéo-christianisme).
              En revanche, sans parler de hierarchie, il est très commun (voire universel) pour les gens de cette planète de préférer les leurs, ceux qui leur ressemblent le plus, aux « autres ». Que cette préférence se fasse sur une base culturelle, intellectuelle, sociale, géographique ou … raciale (ou « groupe biologicale » si vous préférez).
              Vous dites être blanc. Je n’en sais rien. Mais si vous disiez être révulsé par les africains comme vous le dites pour les blancs, je pense que ça passerait moins bien. Pourquoi ?

    • En dictature un président est élu avec 90% des voix, en démocratie il est élu avec 22% voix chercher l’erreur….

      • Je ne vois pas où est la contradiction. La dictature, c’est l’absence de diversité d’opinions.

          • Il arrive – parfois – à Michel Onfray de dire des sottises. Il lui arrive aussi – pas souvent – de céder à la démagogie. Mais sa voix, différente, originale, souvent passionnée, mérite d’être entendue. Et je ne me considère ni de gauche, ni libertaire, ni d’extrême droite.
            Notre peuple possède toutes les couleurs politiques. Il faut l’admettre. L’entre -soi, c’est la paresse intellectuelle .

      • De quelle démocratie parlez vous ? représentative ou directe ? et selon quel mode de scrutin ? Majoritaire, proportionnel, censitaire…

      • Exact. C’est utile de le rappeller ! Voter – sans y être contraint – au suffrage universel est une chance que certains ne mesurent pas toujours…

    • Sacrifier 4 ans de plus à travailler …cela signifierait que l’on « sacrifie » plus de 40 ans au travail ! Autant se suicider à l’adolescence …

  3. D’accord en grande partie. Mais le côté anti-élite, anti-journalistes, me rappelle trop le poujadisme. Et oui, Macron a gagné les dernières élections (je précise que je ne vote pas Macron).

    • Le poujadisme qui semble relever de l’insulte dans votre bouche n’en est pas une dans la mienne bien au contraire et cela d’autant moins que la grande hantise des caciques du MEDEF c’est que les petits patrons, artisans et commerçants qui marnent et font le gros du PIB de la France tout en entretenant une grosse partie des gentils consommateurs assistés puissent un jour se réunir en un syndicat patronal réellement indépendant.

      • C’est bizarre, je pensais que c’était les consommateurs qui entretenaient les PME et les artisans. Question de point de vue.

        • En faisant produire en Chine sans doute…Point de vue non pas, relativisme éco certainement…avec la monnaie en génération spontanée ! C’est vrai que le keynésien de base est fantastique il a mème réussit avec le temps à faire passer de la dépense sociale pour du PIB.

  4. Bravo monsieur Onfray de dénoncer cette nouvelle forme de dictature qui va être très dur à combattre vu que le français est un gros bouffon.

    • Je suis français, je m’en trouve plutôt bien, donc je suis un bouffon.
      Tous les pays où existe le multipartisme, tous ceux qui votent librement sont des bouffons qui s’ignorent.
      Je suis un bouffon parmi d’autres, en somme. Dictature…que de sottises on édicte en ton nom ! ( pardon, j’ai un peu pompé, là. ..)
      Je crois savoir reconnaître une dictature. Mais plusieurs milliards de terriens pourraient en parler mieux que moi.

  5. Si seulement Michel Onfray,qui a atteint l’âge de la retraite, pouvait se retirer!

      • Désolé, ce ne sera pas avant longtemps!

        La retraite à 65 ans hors de question, c’est l’âge on l’on est en pleine forme !
        Nulle envie de vivre sur le dos des actifs.

        Onfray et sa rhétorique des damnés de la terre bien démago, bon créneau !

        • Commencez par le lire vous en parlerez après …Le votre c’est quoi votre créneau : je suis un winner, un chicago boy !!!

  6. Peut-on avoir confiance dans le décompte des voix?
    Qui contrôle le total final?
    Il suffirait d’un clic malencontreux…

Laisser un commentaire