Americanism

4 juillet 2019 : Trump proclame sa version de l’exceptionnalisme américain Par André Archimbaud

4 juillet 2019 : Trump proclame sa version de l’exceptionnalisme américain

Trump a bouleversé la routine des cérémonies de la fête nationale américaine qui célèbre, le 4 juillet, la rupture du pays avec l’Europe, ses royaumes, ses « pays », ses traditions, son ineffable capacité à transformer la quantité en qualité par l’intercession du sacré. Une rupture qui fait des États-Unis non pas une nation mais un projet : celui de s’imposer comme la république universelle. Un projet maintenant en crise.

Fox News faisait état, le 4 juillet, d’un sondage sur la fierté d’être américain, qui décrit des changements drastiques. D’une façon générale, la « fierté » est au plus bas depuis 2001, année du 11 septembre, il est vrai. De plus, quand il s’agit d’être « extrêmement fier », seuls 47 % répondent à l’appel, contre 70 % en 2002. Et la brisure du pays se manifeste clairement : chez les électeurs républicains, aujourd’hui, l’« extrême fierté » atteint 74 %, tandis que les démocrates atteignent péniblement les 32 %.

La super-classe mondiale aurait donc gagné, cornaquant des élites politiques converties à l’apatriotisme, ouvertement chez les leaders démocrates, et furtivement chez les républicains. Ce qui explique que l’on continue d’agiter le drapeau, essentiellement pour défendre les intérêts de ceux qui mettent les patriotes au chômage, quitte à envoyer leurs enfants faire la police sur des théâtres d’opération étrangers pour le compte des banques et groupes industriels transnationaux.

Ainsi donc, croyant se rebeller contre le « tyran » britannique, les États-Unis n’ont fait que propulser mondialement son moteur, celui du libéralisme des frontières ouvertes préconisé par l’anglais Adam Smith. Et la « religion de la Constitution » – celle de Jefferson – a sans cesse lutté contre celle du marché et des oligarchies, incarnée à l’origine par Hamilton et Adams, et maintenant par essentiellement tout le monde à Washington, Davos, comme à l’hôtel Bilderberg.

La religion du marché et des oligarchies a progressivement gagné, au point qu’il faille maintenant renier le drapeau pour gagner de l’argent (comme vient de le faire Nike™ en retirant le drapeau « Betsy Ross » apposé sur un nouveau modèle de pompes), car ce drapeau est indissociablement témoin d’une hypocrisie nationale : les inventeurs des droits de l’homme étaient des esclavagistes, voire des exterminateurs d’Indiens. Et tous les tabous et croyances et mythes patiemment construits en un ciment social tendent à se désintégrer, puisque seuls, désormais, comptent les agents économiques.

Trump, contre l’avis de tous, a donc fait de la résistance en transposant à Washington – de façon spectaculaire – ce qu’il avait vu à Paris le 14 juillet 2017, alors invité par Macron. Avec une innovation : un discours présidentiel dit « d’union », destiné en fait à glorifier l’Amérique, son armée, son « esprit d’innovation », listant les héros du passé et ceux du jour. Bref, il a fait campagne pour l’élection de 2020, ce qui a pris tout le monde par surprise : les démocrates, bien sûr, mais aussi certains républicains hostiles qui cajolent toujours l’idée d’organiser une primaire contre lui.

En promouvant l’exceptionnalisme américain, Trump a ainsi promu le sien. Reste à vérifier s’il pourra museler ses faucons sur l’Iran et la Corée. Ce serait là une authentique preuve de son « exceptionnalité ».

Trump sera réélu… sur le papier

Tout semble bien aller pour Trump. Son taux d’approbation (sondages Rasmussen – les plus fiables) oscille entre les 48 % et 52 % depuis plusieurs semaines ; l’équipe du procureur Mueller, pourtant très motivée, n’est pas parvenue, en deux ans, à criminaliser le comportement de Trump lors de sa campagne de 2016 ; le ministre de la Justice Barr a non seulement dégommé la thèse de l’entrave à la justice mais est maintenant en voie de ruiner la légitimité de deux ans d’enquêtes anti-Trump (y compris l’enquête Mueller), plaçant la bureaucratie du Renseignement sur la défensive (affaire dite du « Spygate » qui semble montrer que Trump a bel et bien fait l’objet d’un coup d’État de moins en moins discret) ; les électorats hispano-américain et afro-américain – nous l’avons déjà dit ici – semblent de mieux en mieux comprendre Trump, bien mieux que les élites ; l’économie tient la route ; les négociations commerciales internationales semblent provoquer un retour des emplois industriels au pays ; le Mexique – traditionnellement pourvoyeur de drogues et de serfs à son voisin du nord – finit par céder, etc.

Bref, si l’on ajoute à cela les discussions du G20 à Osaka, et la visite surprise de Trump en Corée du Nord, ne serait-ce que de quelques dizaines de mètres, sans oublier l’apparente division des démocrates, tout semble sourire à Trump.

Pas si vite ! Car c’est sans compter sur les néoconservateurs et leurs alliés du complexe militaro-industriel, qui contrôlent le sommet de l’appareil d’État, les états-majors des deux partis, ainsi que les conseils d’administration des médias et des « think tanks ». Tous cornaqués par les lobbies, étrangers ou non, implantés à Washington.

Jusqu’ici, Trump a survécu grâce à l’appui inconditionnel des chrétiens et juifs fondamentalistes, s’alignant sans retenue sur Netanyahou. Il a, ensuite, duré grâce au soutien des industries de l’armement (d’où les orgies commerciales organisées en Arabie, l’an dernier, et les bras tordus des membres de l’OTAN pour leur faire renoncer à leurs industries militaires nationales). Mais il risque gros : le système financier et technétronique américain a déjà « voté Chine », le complexe militaro-industriel qui noyaute la Maison-Blanche veut la guerre avec l’Iran (et met en place les cliquets de non-retour), tout comme il rejette l’idée d’un traité de paix avec la Corée du Nord (juridiquement, les protagonistes sont toujours en guerre).

La coalition de « l’État profond » a ainsi deux préoccupations : la politique étrangère et l’affaire « Spygate ». Pour la première, si Trump « n’est pas sage », le Sénat républicain (composé, pour la plupart, d’anti-Trump), pourrait bel et bien se joindre à la Chambre lors d’une procédure de destitution, factice on non. Quant à la seconde, qui pourrait, aux yeux de l’opinion, annuler toute tentative de destitution de Trump, elle représente un danger mortel pour ce marécage qui détient le pouvoir réel sur le pays. Aussi un piège semble-t-il se mettre en place pour a minimadestituer le ministre de la Justice Barr. D’où la convocation, par le Congrès, du procureur Mueller, qui pourrait soit se taire (et en rester à son rapport) soit, de quelques mots, brandir la foudre contre Barr, si ce dernier, non plus, « n’est pas sage ».

Trump devrait gagner en 2020. Mais, pour ce faire, sous quelles fourches Caudines devra-t-il passer ? Pourra-t-il continuer éternellement à jouer au chat et à la souris avec les néoconservateurs ? L’enquête du « Spygate » sera-t-elle sabordée ?

Et si, en 2020, Donald Trump était réélu grâce à un surplus de vote hispanique et afro-américain ?

Chaque fois que Trump sent que ça traîne du pied dans sa bureaucratie, ou chez les élus républicains, il lance une pluie de tweets qui s’abattent comme des météorites sur Washington, New York ou Los Angeles. À la veille du rallye de lancement de sa campagne 2020 tenu le 18 juin à Orlando, en Floride, il dit sur Twitter vouloir déporter « dès la semaine suivante » des millions d’immigrants en situation irrégulière.

Peu importe que cela soit possible ou non. Il contrôle ainsi, une fois de plus, le langage de la « petite politique », forçant tous à se positionner sur un thème « glissant », à droite comme à gauche. Et, surtout, il sait que « l’extrême gauche » va lui répondre illico, ce qui crée des fissures au sein du clan démocrate. C’est fait. En lui répondant qu’« administration Trump » signifie « camps de concentration », la dynamique parlementaire Alexandria Ocasio-Cortez réaffirme que le destin américain reste bien, depuis la fondation du pays, d’être « ouvert au monde ».

Trump et Ocasio-Cortez se rendent, en fait, mutuellement service, car tous deux font de la « grande politique » transformatrice. Elle veut un gouvernement mondial qui « égalisera » les chances des neuf dixièmes de l’humanité au sein d’une économie post-industrielle et écologiste, et annonce clairement la couleur. Trump incarne la résurgence du populisme anti-establishment « jacksonien » qui voulait déjà « rendre » le pouvoir au peuple, laquelle résurgence, en des détours surprenants, lui est parvenue via Lincoln (industrialisation et tarifs douaniers) et Théodore Roosevelt (« gros bâton » brandi sur les puissances faibles ; amour de la Russie tsariste devenue hostilité à l’instigation de ses brain-trusts… déjà !).

Ce qui mène les tenants de la « petite politique », soumise aux prébendes des puissants donateurs, à des tactiques à courte vue : une sud-américanisation électorale des États-Unis, voulue avidement par le parti démocrate, qui rend bien service à l’Amérique des chambres de commerce en quête constante de prolétariat au rabais. C’est ainsi que la Californie, il n’y a pas si longtemps État profondément conservateur, est devenue un fief démocrate, et surtout le symbole de l’Amérique de demain. Et c’est ainsi que le Texas et la Floride sont en train de basculer, espèrent les démocrates. Auquel cas, la Reconquista latino-américaine serait définitive.

Mais avec Trump, tout se brouille, car cette « Reconquista » pourrait très bien tourner en sa faveur. Il y a environ 50 millions d’Américains récents, majoritairement hispaniques. À cela s’ajoutent les 12 (consensus) à 30 millions (université Yale) en situation illégale (dont on ne saura jamais combien auront réussi à se faufiler sur les listes électorales via l’obtention d’un permis de conduire). Or, contrairement à toute attente, plus Trump choisit une ligne dure sur le chaos de l’immigration massive contrôlée de facto par les organisations criminelles, plus son approbation est élevée (50 %, selon le site Epoch Times) chez ces nouveaux Américains qui comprennent très bien ce qui se passe au Sud et ne veulent pas, non plus, subir de pression à la baisse sur les salaires. De plus, ils sont naturellement conservateurs sur les questions culturelles ou morales.

Alors, une fois de plus, les élites prévoient une défaite majeure de Trump le factieux en 2020, oubliant qu’il sera peut-être, cette fois-ci, élu grâce à un surplus de vote hispanique… et afro-américain.

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