Art de la guerre monétaire et économique

Iran : Donald Trump a-t-il encore une stratégie ? Depuis des décennies, la stratégie américaine au Proche-Orient est celle du chaos

Iran : Donald Trump a-t-il encore une stratégie ?

C’est peu de dire que la température monte entre l’Iran et les USA. En effet, depuis deux mois, les bases américaines en Irak sont les cibles d’attaques de roquettes ayant causé, fin décembre, la mort d’un citoyen américain, tandis que le pied-à-terre de la Maison-Blanche, sis en pleine zone verte, à Bagdad, est pris d’assaut par les manifestants.

La réaction est immédiate, avec l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani et d’Abou Medhi al-Mouhandis, numéro deux du mouvement Hachd al-Chaabi, composé d’Irakiens de confession chiite et pro-iraniens, mais fidèles au gouvernement local.

Bref, la confusion règne plus que jamais. Le 4 janvier, Anthony Samrani, l’une des plumes les mieux informées du quotidien libanais L’Orient-Le Jour, affirme :

 « Ce n’est certainement pas le début de la Troisième Guerre mondiale. Mais cela a de fortes chances d’être celui d’une nouvelle escalade, susceptible d’ajouter encore de l’huile sur le feu dans la région, ou même de provoquer un affrontement direct entre Washington et Téhéran. »

Comment cette région, de longue date en proie au chaos, en est-elle arrivée là ? Pour Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, interrogé par BFM TV, le 5 janvier, le « péché originel » remonte à 2003. Soit l’année du grand mensonge d’État américain à cause duquel un Irak déjà plus qu’affaibli après la guerre de 1990 fut quasiment renvoyé à l’âge de pierre, son défunt président Saddam Hussein étant alors accusé de vouloir frapper les USA avec des « armes de destruction massive » n’existant que dans les cerveaux exaltés des néoconservateurs de la Maison-Blanche. On connaît le résultat.

Après, qu’en déduire ? Que Donald Trump est fou, à en croire une certaine gauche française ? Ou visionnaire, pour une autre droite, tout aussi hexagonale ? La réalité, comme toujours, se situe dans l’entre-deux. Car ce vibrionnant président n’est pas fou, se voulant seulement pragmatique ; sauf que ce prétendu pragmatisme peut aussi l’entraîner vers les pires folies.

Ce qu’il vise n’est évidemment pas la paix dans le monde, pas plus que la sauvegarde de ce qu’il appelle « Occident », et encore moins celle de son pays, mais seulement sa prochaine réélection. Mais les moyens employés sont-ils les plus appropriés ? Rien n’est moins sûr, puisqu’il persiste à poursuivre la politique de ses prédécesseurs, politique dont la dénonciation virulente lui a néanmoins permis de se faire élire ; ce, contre toute attente médiatique.

En effet, la guerre de 2003 visait avant tout à isoler l’Iran et à empêcher la construction d’un axe chiite allant de Téhéran à Beyrouth. Résultat : l’Irak est, depuis, quasiment devenu province iranienne. Paradoxe : c’est au moment où des voix irakiennes, de plus en plus nombreuses, entendaient se défaire de la tutelle iranienne que les rangs se resserrent contre l’ennemi commun : les USA. Avoir réussi à fédérer Arabes de Bagdad et Perses de Téhéran, c’est une forme d’exploit.

Pareillement, alors que Bagdad et Téhéran sont en proie à des manifestations, voilà que ces peuples font à nouveau bloc : contre les États-Unis, une fois de plus. Voilà qui ne correspond peut-être pas tout à fait à l’objectif à l’origine recherché…

Pour tout arranger, l’Iran, non sans raison, ne voit pas pourquoi il devrait s’embarrasser du traité sur le nucléaire, conclu en 2015, et que Donald Trump a cru intelligent d’unilatéralement déchirer.

Après, c’est toujours la même histoire : cette ancestrale lutte interreligieuse entre musulmans sunnites et chiites, doublée d’un affrontement politique entre Riyad et Téhéran. Le comble, dans cette affaire, est que Washington ne parvient pas à s’affranchir de l’alliance conclue avec les Saoudiens en 1947, alors qu’ils ont financé et financent peut-être encore le terrorisme islamiste dans la région, tout en accusant les Iraniens de « terrorisme », faisant mine d’oublier que, sans les troupes de choc du général iranien Qassem Soleimani, de ses alliés syriens et russes, Daech serait aujourd’hui en passe de devenir la principale puissance régionale, au risque d’un jour menacer la dynastie saoudienne.

Alors, certes, Donald Trump n’est pas fou. Mais il s’en approche chaque jour un peu plus en menaçant de frapper des sites historiques iraniens. En Afghanistan, les talibans l’avaient fait en dynamitant les bouddhas de Bâmiyân, en 2001, alors que leur régime n’avait été reconnu que par deux capitales dans le monde : Riyad et… Washington.

Ne reste plus qu’à savoir en quoi consistera la riposte iranienne, patrie des échecs, contre celle d’un poker souvent menteur.

https://www.bvoltaire.fr/iran-donald-trump-a-t-il-encore-une-strategie/

Depuis des décennies, la stratégie américaine au Proche-Orient est celle du chaos

En donnant son feu vert à l’exécution du général Soleimani, Trump a, d’une certaine façon, brûlé ses vaisseaux. Soleimani était, officieusement, le numéro trois du régime iranien. Surtout, il était le stratège de la mise en place et de la préservation de l’axe chiite est-ouest : Irak, Syrie, Liban. Il avait deux ennemis : l’Amérique et les fondamentalistes sunnites. Ce dernier point l’avait d’ailleurs parfois rapproché des Américains, avec qui il avait travaillé pour renverser le régime des talibans en Afghanistan ou lutter contre Al-Qaïda en Irak, après l’invasion américaine.

Mais en sortant de l’accord nucléaire, auquel l’Iran tenait beaucoup, Trump a choisi de remettre l’Iran au cœur de « l’axe du mal ». Les deux pays s’étaient, certes, affrontés en Syrie, mais indirectement, car si les Iraniens avaient des milliers d’hommes aux côtés de l’armée syrienne, les Américains soutenaient l’insurrection islamiste sans présence officielle sur le terrain.

C’est d’ailleurs Soleimani qui avait rencontré Poutine à Moscou, cartes en main, pour le convaincre que sans intervention russe, al-Nosra et Daech finiraient par l’emporter.

Pour l’Iran, le coup est rude. Son stratège en chef a disparu, et il ne sera pas facile à remplacer. Une vengeance semble inéluctable. L’acte de guerre voulu par Trump (car c’en est un) en appellera d’autres en retour. L’Iran ne voudra pas perdre la face en ne réagissant pas, même si cela doit prendre du temps.

Trump a-t-il bien mesuré les conséquences de sa décision ? On ose l’espérer, mais alors, pourquoi avoir claironné à de très nombreuses reprises que les interventions lointaines et coûteuses devaient prendre fin ?

Depuis des décennies, la stratégie américaine au Proche-Orient est celle du chaos : en Irak, en renversant Saddam Hussein (le pire ennemi de l’Iran, d’ailleurs, allez comprendre…), en Syrie, en travaillant pour le renversement de Bachar el-Assad.

L’élimination de Soleimani relève de la même logique.

Antoine de Lacoste

https://www.bvoltaire.fr/donald-trump-se-transforme-en-chef-de-guerre/

EN BANDE SON :

2 réponses »

  1. W.Bush n’était surement pas très équilibré, mais TRUMP lui est très loin d’être fou, très très loin … Peut être a t il passé un Deal avec le Pouvoir militaro-industriel US quelque mois avant les élections … De toute façon nous-mêmes citoyens ordinaires, nous ne voyons que la surface des évènements, et nous n’en connaissons que « Le vernis extérieur » que les médias veulent bien nous donner et de la façon dont ce vernis nous est présenté ….
    Un scénario est néanmoins possible : il semblerait d’après « radio moquette », que les USA ont armé, armé, armé encore, et surarmé jusqu’à plus soif L’Arabie Saoudite durant ces dernières années, et celà n’est surement pas pour aller à la pêche au Thon, ni pour aller « à la chasse au Gaspi »…
    Une attaque sous fausse bannière de multiples terminaux pétroliers Saoudiens pourrait devenir un prétexte idéal pour un début de conflit de l’Arabie Saoudite contre l’Iran…
    Par ailleurs celà permettrait par corolaire, de faire aussi tourner le Business militaire US,
    et ça satisferait très surement Israël qui pourrait voir là d’un bon œil, 2 de ses ennemis arabes s’entretrucider,
    et ceci surtout que l’un d’entre eux s’apprête à se doter d’un pétard nucléaire à moyenne portée, ceci après avoir fait désormais de l’irak (pays frontalier avec israel), sa nouvelle résidence secondaire …

    • Une nuit sur le mont chauve : Douguine n’est pas Pouchkine et Abramovitch n’est pas Tarkovski !

      Trump est ce que l’on appelle un chauffeur de salle, un acteur chargé par ses pairs d’enflammer les foules au moment des élections mais il est pris dans la nasse néoconservatrice us c’est a dire que ce sont les évangélistes sionistes qui mènent le jeu en matière de politique étrangère, intéressez vous au cas Pompéo. Trump a fait une erreur c’est de renvoyer le sioniste Bolton à ses œuvres œcuméniques. Les Néocons se sont vengés en lui mettant une menace d’impeachment dans les pattes.

      2 dangers idéologiques empêchent selon moi toute analyse sérieuse de la situation géopolitique actuelle et font perdre beaucoup de temps à ceux qui s’attèlent à démêler le faux du vrai : la thèse atlantiste d’un coté et la thèse eurasiste de l’autre il faut donc aller chercher chez des commentateurs réellement indépendants pour avoir un début de vérité.

      L’eurasisme est un faux nez, chine comme Russie sont 2 alliés objectifs de l’atlantisme, la seule voie alternative qui me semble praticable pour nous Européens c est le retour à la voie indo européenne sur le mode Julius Evola. Guenon est un orientaliste épris de soufisme et qui croit aux vieilles lunes eurasistes. Evola aborde l’Europe par la métaphysique et la tradition, et sait donc parler à l’âme indo-européenne !

      Les Russes sont devenus les alliés objectif d’Israël au moyen Orient et leur PIB c’est l’équivalent de celui du Texas, ils ne sont pas force d’opposition mais force supplétive à l’Atlantisme . Le reste c’est de l’agit prop ! Les Russes à part des armes ne produisent plus rien depuis l’ère soviétique, ils ont renoncé à enchanter le monde et à concurrencer le modèle US en termes de production de la réalité laissant du même coup le champ libre à « l’heroic » fantaisie américaine. Tout comme la France, le Royaume Uni et la Chine tous anciens empires défroqués, la Russie de Poutine singe aujourd »hui au nom de la modernité le modèle du grand frère américain. Mais le problème de la copie c’est qu’elle n’est jamais l’égale de l’original, il lui manquera toujours ce supplément d’âme. Cet âme russe si chère à nos amis tsaristes du 19eme siècle et qui est morte dans les goulags staliniens. Et ce ne sont pas les agitations d’une église orthodoxe définitivement corrompue qui y changeront grand-chose…

      L’atlantisme est un hydre à 2 têtes : le neoconservatisme évangélique d’une côté pour la diplomatie de la canonnière et le mondialisme d’origine Fabien de l’autre qui fait dans l’ingénierie sociale et régit la politique intérieure américaine tout en produisant la réalité pour le reste du monde. Avec la Chine comme laboratoire d’ingénierie.

      Si l’on ajoute que le fondamentalisme us soft n’a rien à envier au fondamentalisme islamiste tout s’explique alors mais encore faut il admettre que la barbarie humaine est la chose la mieux partagée en ce bas monde

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