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Un monde orwellien, ou plutôt orWELLSien ? Comment les « temps à venir » de H.G. Wells sont arrivés

Un monde orwellien, ou plutôt orWELLSien ? Comment les « temps à venir » de H.G. Wells sont arrivés

PAR ADMIN · PUBLIÉ 19 JANVIER 2021 · MIS À JOUR 5 FÉVRIER 2021

Où l’on découvre, entre autres, que les idées d’H.G. Wells, qui ont nourri la réflexion de l’Occident libéral moderne, ses prétentions à l’universalisme, son culte de la performance, ses nouvelles approches scientistes telles que le transhumanisme visant à créer des « hommes supérieurs », ou encore son accent sur le modèle du « winner » parfaitement amoral, délivré de ses « tabous »  et situé « au delà du bien et du mal » (en d’autres termes déshumanisé), ne différaient en rien de celles d’Hitler…


Par Cynthia Chung
Paru sur Strategic Culture Foundation sous le titre An OrWELLSian Purge? Why H.G. Wells’ ‘The Shape of Things to Come’ Has Arrived Today


« Il est devenu évident que des masses entières de population humaine sont, dans l’ensemble, inférieures à d’autres masses dans leurs attentes sur l’avenir, qu’on ne peut pas leur donner d’opportunités ou leur faire assez confiance pour leur donner du pouvoir comme on fait confiance aux peuples supérieurs, que leurs faiblesses caractéristiques sont contagieuses et nuisent au tissu civilisateur, et que leur éventail d’incapacités tente les forts et les démoralise. Leur donner l’égalité, c’est s’abaisser à leur niveau. Les protéger et les chérir, c’est être noyé dans leur fécondité. »

– H.G. Wells dans « Anticipations : de l’influence du progrès mécanique et scientifique sur la vie et la pensée humaines » (« Anticipations : Of the Reaction of Mechanical and Scientific Progress upon Human Life and Thought », 1901, non traduit en français) 

Dans « The Shape of Things to Come: The Ultimate Revolution » (« Une Histoire des temps à venir », 1933), H.G. Wells prédit avec optimisme qu’il y aura une autre guerre mondiale dans quelques années, suivie d’une épidémie et d’une famine. Dans ce futur fictionnel, la guerre perdure pendant trente ans, jusque dans les années 1960, bien qu’entretemps, les gens aient oublié pourquoi ils se battent. L’humanité entre dans un nouvel Âge sombre. Dans une dernière tentative de victoire, l’ennemi déploie une arme biologique qui provoque la « maladie de l’errance », créant les premiers zombies, et en 1970, la population mondiale est tombée à un peu moins d’un milliard.

Bien que ce soit décrit comme épouvantable, c’est en même temps décrit comme une nécessité – un « Grand Reset », pour rétablir l’ « équilibre ». C’est seulement avec cette réduction de la population que le monde peut commencer à se reconstruire à partir de son précédent chaos, et entrer dans sa nouvelle phase d’évolution en tant qu’espèce biologiquement supérieure – l’espèce inférieure ayant été éliminée par la guerre et la maladie – gérée par un système bureaucratique sous la forme d’un gouvernement mondial.

C’est la science-fiction de H.G. Wells, et c’est le thème central de tout ce qu’il a écrit, y compris de ses œuvres de non-fiction. Les moyens de réduire la population mondiale était un dilemme pour Wells… non pas la réduction en elle-même, mais la pensée de gens qui seraient assez stupides pour s’y opposer.

Vous savez, certains considéraient que l’espèce humaine s’était retrouvée en crise dans les années 1900. L’Europe, jusqu’au XVIIe siècle, avait une population qui n’avait jamais dépassé les 100 millions d’habitants environ. Mais elle avait presque doublé pour atteindre 180 millions au XVIIIe siècle, et encore doublé pour atteindre 390 millions au XIXe siècle. H.G. Wells a écrit de cet « essaim extravagant de nouvelles naissances » qu’il s’agissait de « la catastrophe essentielle du XIXe siècle ». (1) Pas la guerre, pas la maladie, pas la famine, pas la pauvreté, mais la croissance démographique a été définie comme le désastre de tout un siècle.

Aujourd’hui, la population mondiale est de 7,9 milliards de personnes, ce qui est très loin du petit milliard que Wells espérait. Cependant, il y a de bonnes nouvelles ! Le site worldometers.info prévoit une diminution de la croissance démographique, de sorte que d’ici 2050, le changement annuel sera de 0,50 % de ce qu’il est aujourd’hui ! En d’autres termes, le taux de croissance de la population sera réduit de moitié dans 29 ans ! Ce sont des projections frappantes, qui impliquent un plafonnement massif de la croissance ! Il s’agit évidemment d’une projection fondée sur le succès présumé des « réformes de l’éducation ». Mais je me demande… que ferons-nous si tous les individus n’acceptent pas de se conformer à ces réformes ? Et que ferons-nous si toutes les nations n’acceptent pas de se conformer à ces réformes ? Allons-nous néanmoins les appliquer, et si oui… par quelles méthodes ?

Les fantômes du passé de Wells

« La connaissance d’aujourd’hui est l’ignorance de demain » – H.G. Wells

Le Wells que nous connaissons aujourd’hui a commencé son parcours en tant que jeune garçon doté d’une bourse d’études à la prestigieuse Normal School of Science (aujourd’hui appelée Royal College of Science). Sa matière de prédilection était la biologie et son professeur et mentor n’était autre que Thomas Huxley, connu sous le nom de « bulldog de Darwin » (selon ses propres termes).

A travers Huxley, la conception de Wells de la nature de l’humanité s’est formée sur les fondements des philosophies de Charles Darwin et Thomas Malthus. Comme Wells était très influencé par ces hommes, et qu’ils constituent de fait la base même de sa morale, j’ai jugé opportun de partager avec vous quelques citations.

Dans son « Essai sur le principe de population » (1799), Thomas Malthus a écrit :

« Nous devrions faciliter, au lieu de tenter en vain et sottement de les entraver, les opérations de la nature qui produisent de la mortalité ; et si nous redoutons la fréquentation trop fréquente de l’horrible famine, nous devrions encourager les autres formes de destruction que nous contraignons la nature à utiliser. Dans nos villes, nous devrions rendre les rues plus étroites, entasser plus de gens dans les maisons, et courtiser le retour de la peste. » [Gras ajouté]

Cette approche ne semble pas trop différente d’une proposition qui viserait à entasser des gens dans un bâtiment avec du petit bois, puis à y mettre le feu. Après tout, le feu est un phénomène naturel. Un remède beaucoup plus rapide et efficace, je pense, si l’on adopte ce type d’approche…

Dans « La Filiation de l’homme », Charles Darwin, bien que spirituellement très en conflit avec les conséquences sociales de ses philosophies, expose ses réflexions sur l’élevage de bétail :

« Aucun de ceux qui se sont penchés sur l’élevage d’animaux domestiques ne douteront que cela soit très insultant envers la race humaine. Il est surprenant de voir à quel point un manque de soins, ou des soins mal faits, conduisent à la dégénérescence d’une race animale ; mais à part dans le cas de l’homme lui-même, presque personne n’est ignorant au point de permettre à ses animaux de moindre valeur de se reproduire. » [Gras ajouté]

Au crédit de Darwin (bien que le mal ait été fait), il a inclus un avertissement dans sa « Filiation de l’homme », selon lequel si l’humanité devait prendre sur elle l’application des supposées « forces de la nature », ce serait au prix de ses « plus nobles qualités ».

Comme l’affirme Darwin :

« Nous ne pourrions pas non plus bannir notre empathie, même sous l’impulsion de la raison, sans que la partie la plus noble de notre nature ne se détériore. Le chirurgien peut s’endurcir en pratiquant une opération, car il sait qu’il agit pour le bien de son patient ; mais si nous négligions intentionnellement les faibles et les impuissants, ce ne pourrait être que pour un bénéfice contingent, et un mal immédiat écrasant. » [Gras ajouté]

De Darwin, Malthus, Huxley et Wells, Darwin était de loin le plus troublé par les conséquences sociales de ce qu’il croyait être une nécessité. Pourtant, il n’a jamais pu déterminer pourquoi quelque chose de nécessaire pouvait être si mentalement destructeur, et cette incapacité à concilier ces deux pensées opposées allait lui coûter cher. À la fin de sa vie, dans son autobiographie, il a décrit son incapacité à éprouver du plaisir dans la vie : (2)

« J’ai dit qu’à un certain égard, mon esprit a changé au cours des vingt ou trente dernières années. Jusqu’à l’âge de trente ans, ou au-delà, la poésie de toutes sortes m’a procuré un grand plaisir, et même en tant qu’écolier, je prenais un plaisir intense à Shakespeare, en particulier dans les pièces historiques… la musique [était] un très grand plaisir. Mais maintenant, depuis de nombreuses années, je ne peux plus supporter de lire un vers de poésie : J’ai essayé récemment de lire Shakespeare, et je l’ai trouvé si intolérablement ennuyeux qu’il m’a donné la nausée. J’ai aussi presque perdu mon goût pour la musique… Mon esprit semble être devenu une sorte de machine à broyer des lois générales à partir de grandes quantités de faits, mais pourquoi cela aurait-il dû provoquer l’atrophie de cette partie du cerveau dont dépendent les goûts supérieurs, je ne peux pas le comprendre… La perte de ces goûts est une perte de bonheur, et peut éventuellement être préjudiciable à l’intellect et plus probablement au caractère moral, en affaiblissant la part affective de notre nature. » [*]

Quelle est la valeur de la vie, si en luttant pour notre soi-disant « survie » nous perdons nos plus nobles qualités ? Pourquoi devrions-nous sacrifier nos meilleures qualités dans un compromis humiliant, pour un « bénéfice contingent » et « un mal écrasant » ?

Le ministère britannique de la propagande

Peu après le déclenchement de la Première Guerre mondiale (1914), le gouvernement britannique a découvert que l’Allemagne disposait d’une agence de propagande – et il était donc tout à fait raisonnable de créer un bureau britannique de propagande de guerre. David Lloyd George, le Chancelier de l’Échiquier, devait diriger cette tâche.

Le 2 septembre 1914, H.G. Wells (qui avait alors 48 ans) fut invité parmi douze autres participants (dont Arthur Conan Doyle et Rudyard Kipling) pour discuter des moyens de promouvoir au mieux les intérêts de la Grande-Bretagne pendant la guerre. Tous les écrivains présents à la conférence ont accepté le plus grand secret, et les activités du Bureau de la propagande de guerre n’ont été connues du grand public qu’en 1935. Il avait été convenu que des pamphlets et des livres seraient rédigés pour promouvoir la vision du gouvernement.

En plus d’écrire des livres pour le ministère de la propagande, Wells a également fait quelques expériences en tant que journaliste sous la supervision de Lord Northcliffe, le propriétaire du Times et du Daily Mail (le journal le plus diffusé en Grande-Bretagne au début du XXe siècle), entre autres.

Les journaux de Northcliffe ont fait de la propagande pour la création d’un ministre des Munitions, qui a d’abord été détenu par David Lloyd George (1915), et ont joué un rôle déterminant dans sa nomination au poste de Premier ministre de Grande-Bretagne en 1916. Lloyd George a ensuite nommé Lord Northcliffe au poste de directeur de la propagande. (3)

Ainsi, H.G. Wells ne participait pas seulement au Bureau britannique de la propagande de guerre, mais travaillait directement sous la direction du directeur de la propagande. Et donc, une grande partie de ses écrits, à partir de 1914, doit être considérée comme relevant du service des intérêts de l’Empire britannique (et certainement pas d’une quelconque opposition).

Parmi la pléthore de livres que Wells a écrits, on trouve « The New World Order » (« Le Nouvel ordre mondial », 1940). Il semble que Wells ait été le premier à utiliser ce terme désormais tristement célèbre.

La vision de Wells pour une Nouvelle République contre le Peuple de l’abîme

Dans les « Anticipations » de Wells, publiées en 1901, il écrit que des « masses nuisibles, impuissantes et pauvres » sont apparues, se répandant comme les systèmes ferroviaires se sont répandus, et représentant une partie intégrante du processus d’industrialisation, comme les déchets d’un organisme sain. Pour ces « grandes masses inutiles », il adopte le terme de « Peuple de l’abîme » et prédit que la « nation qui s’occupera le plus résolument de son Peuple de l’abîme, l’éduquera, le stérilisera, le déportera ou l’empoisonnera » sera en ascension. (4)

Le système moral établi dans la Nouvelle République de Wells interdit la croissance du « Peuple de l’abîme ». Dans le passé, la nature les a tués, et dans certains cas, il sera encore nécessaire de les tuer. Et nous ne devrions pas être effrayés par cette tâche, selon M. Wells. Pour ces gens, la mort signifiera simplement « la fin de l’amertume de l’échec, l’oblitération miséricordieuse des choses faibles, idiotes et inutiles ». Il est clair pour Wells que la réalisation de cet objectif sera moralement justifiable :

« La nouvelle morale considérera la vie comme un privilège et une responsabilité, et non comme une sorte de refuge nocturne pour des esprits vils venus du néant ; et l’alternative pour ceux qui se conduisent bien sera soit de vivre pleinement, magnifiquement et efficacement, soit de mourir. Pour une multitude de créatures méprisables et idiotes, animées par la peur, impuissantes et inutiles, malheureuses ou haineuses, heureuses au milieu d’un déshonneur sordide, faibles, laides, inefficaces, nées de bas instincts effrénés, et qui se multiplient par pure concupiscence et stupidité, les hommes de la Nouvelle République auront peu de pitié et encore moins de bienveillance. » (5) [Gras ajouté].

Si « toute la teneur des actions d’un homme » montre qu’il est inapte à vivre, les Nouveaux Républicains l’extermineront. Ils n’auront pas peur d’infliger la mort, car ils auront une idée plus précise des possibilités de la vie. « Ils auront un idéal qui justifiera pleinement ces meurtres. » Le meurtre, explique Wells, ne sera pas inutilement brutal. « Tous ces meurtres seront réalisés avec des opiacés. » Il ne dit pas si ceux-ci seront administrés de force ou si la victime sera persuadée de les avaler. Des criminels sélectionnés seront détruits par les mêmes moyens. La peine de mort sera également utilisée pour prévenir la transmission de maladies génétiques. Les personnes souffrant de maladies génétiquement transmissibles se verront interdire de procréer, et seront tuées si elles le font. (6)

Quant aux « essaims de noirs, de bruns, de blancs sales et de jaunes », qui ne répondent pas aux nouveaux besoins d’efficacité ? Eh bien, le monde est un monde, pas une institution caritative, et je pense qu’ils devront partir. La teneur et le sens du monde, tel que je le vois, implique qu’ils doivent partir », insiste-t-il. « Dans la mesure où ils ne parviennent pas à développer des personnalités saines, vigoureuses et importantes pour le grand monde de l’avenir, il leur revient de s’éteindre et de disparaître. »  (7)

En 1938, la « Guerre des mondes » de Wells a été diffusée sous forme d’une émission radiophonique racontée par Orson Welles. Apparemment, au cours de la diffusion, il n’avait pas précisé à son public qu’il s’agissait d’une fiction radiophonique, et non d’informations. Le reportage d’une invasion d’extraterrestres mangeurs d’hommes a provoqué une panique à Londres, et je suis sûre que le Bureau de la propagande britannique en a bien ri. C’était une excellente nouvelle pour eux, car cela montrait à quel point il serait facile de contrôler toute « narrative », même si elle devait être poussée à un degré absurde. Cela leur a confirmé que le public est prêt à croire n’importe quoi.

Wells a écrit sur la panique provoquée par l’émission à Londres :

« Si l’on avait pu accrocher ce matin de juin à un ballon dans le bleu éclatant au-dessus de Londres, toutes les routes du nord et de l’est sortant de l’enchevêtrement infini des rues, auraient semblé tachetées de noir avec les fugitifs en fuite, chaque point représentant un humain terrifié et en détresse… Jamais auparavant, dans l’histoire du monde, une telle masse d’êtres humains n’avait avancé et souffert ensemble… sans ordre et sans but, six millions de personnes sans armes et sans provisions, roulant droit devant. C’était le début de la déroute de la civilisation, du massacre de l’humanité. » (8) [Gras ajouté]

Je ne pense pas que ce soit une coïncidence si notre industrie du divertissement actuelle, si saturée par l’influence de la propagande de Wells, est obsédée par le thème d’un monde post-apocalyptique, avec un retour constant du jeu de la mort dont les avatars sont testés sur leur capacité à survivre à tout prix. À travers ces aventures, nous, les spectateurs, sommes amenés et apprenons à ressentir le frisson de la chasse, la catharsis de la matraque, le défoulement engendré par le chaos. Car nous sommes les enfants de la révolution ultime, à l’aube de la grande purge.

La Religion moderne : Un esprit collectif orwellien

Dans « La Conspiration au grand jour » de H.G. Wells, il n’hésite pas à déclarer que sa trilogie « Les grandes lignes de l’histoire » (1919), « La science de la vie » (1929), et « Le travail, la richesse et le bonheur de l’humanité » (1932) forme une nouvelle Bible :

« J’ai déjà raconté comment j’ai élaboré un groupe d’écrits pour incarner les idées nécessaires de l’époque nouvelle sous une forme adaptée au public actuel ; j’ai fait une sorte, disons, de « Bible » provisoire, pour certains facteurs au moins, dans La Conspiration au grand jour. » (9)

Le lecteur doit savoir que Julian Huxley [petit-fils de Thomas Huxley, NdT] est l’un des co-auteurs de « La science de la vie ». Julian était également un membre éminent de la Société eugénique britannique, dont il avait été vice-président de 1937 à 1944, et président de 1959 à 1962. Des choix de vie intéressants de la part des auteurs de la « nouvelle Bible ».

De sa vision d’une « Religion moderne », Wells a écrit :

« … si la religion doit développer un pouvoir unificateur et de direction dans la confusion actuelle des affaires humaines, elle doit s’adapter à une tournure d’esprit tournée vers l’avenir et l’analyse de l’individualité ; elle doit se défaire de son histoire du sacré… Le désir de servir, de subordination, d’échapper à la mesquinerie et à la mortalité désolantes de la vie individuelle, est l’élément infrangible de tout système religieux.

Le temps est venu de réduire la religion à cela seul [le service et la subordination sont tout ce que Wells veut garder de l’ancienne relique qu’est la religion]… L’explication du pourquoi des choses est un effort inutile… Le fait essentiel… est le désir de religion et non pas la façon dont il est né… La première phrase du credo moderne doit être, non pas « je crois », mais « je m’engage. » (10) [Gras ajouté]

Et à quoi devons-nous nous « engager » sans nous poser de questions, mais avec une foi aveugle et une adoration envers ce qu’on nous dit être le bien ?

Wells nous l’explique ainsi :

« Le caractère de la Conspiration au grand jour sera désormais affiché. Elle sera devenue un grand mouvement mondial aussi répandu et évident que le socialisme ou le communisme. Elle aura très largement pris la place de ces mouvements. Elle sera plus que ces derniers, elle sera franchement une religion mondiale. Cette grande masse d’assimilation de mouvements, de groupes et de sociétés tentera évidemment d’englober toute la population du monde et de devenir la nouvelle communauté humaine. » (11)

Conclusion

Dans le film « Rope » (« La Corde », 1948) d’Alfred Hitchcock, deux étudiants de Harvard assassinent un de leurs amis pour faire l’expérience du « crime parfait » et démontrer leur supériorité intellectuelle. Ils mettent le corps dans un grand coffre au milieu de la salle à manger et organisent une fête, en prévoyant que leurs invités seront trop bêtes pour deviner qu’ils dînent dans une pièce avec un cadavre frais, c’est-à-dire tous, sauf Rupert Cadell (joué par James Stewart), un de leurs anciens professeurs. Ils savent que Rupert sera leur véritable défi, et la plus grande preuve de leur supériorité intellectuelle s’ils parviennent à le tromper.

En fait, c’est Rupert qui a enseigné aux deux jeunes hommes que « le meurtre est un crime pour la plupart des hommes, mais un privilège pour une minorité ». Cela s’explique par sa conviction selon laquelle « les concepts moraux de bien et de mal ne concernent pas l’être supérieur ».

Ce sujet est abordé lors du dîner, les invités pensent d’abord que Rupert plaisante, mais il leur assure que le monde serait meilleur si les humains supérieurs était autorisé à commettre des meurtres, et que ces meurtres seraient une « forme d’art ». Il déclare « pensez à ce que cela signifierait pour le chômage, la pauvreté, l’attente dans les longues queues ». Il pense qu’une saison ouverte pour les meurtres serait trop longue, et suggère des durées plus courtes telles que « une semaine d’égorgements » ou « un jour de strangulations ».

Au fil de la soirée, Rupert, en homme astucieux, observe une série de comportements étranges de la part des deux garçons. David (le jeune homme assassiné) a en fait été invité à la fête, son père et sa fiancée sont parmi les invités et au cours de la soirée, chacun se demande de plus en plus pourquoi David est absent.

Pour faire court, après que tous les invités soient partis, seuls Rupert et les deux jeunes assassins restent dans l’appartement. Rupert découvre qu’ils ont assassiné David (qui était aussi un de ses étudiant). Il ouvre le coffre et trouve le corps. Horrifié et écœuré, il demande « pourquoi avez-vous fait cela ? » Ils lui répondent, bien sûr : « Nous avons simplement fait ce dont vous parliez toujours ».

Confronté à la concrétisation de ses paroles, Rupert a honte d’être en partie responsable de cette scène macabre. Cependant, Rupert affirme qu’ « il y avait toujours, au fond de moi, quelque chose qui m’empêchait de passer à l’acte », en d’autres termes, il n’avait jamais cru possible que quelqu’un ait réellement en lui la capacité de passer à l’acte.

C’est à ce moment que Rupert réalise que ce n’est pas, en fait, l’être supérieur qui est capable de commettre un meurtre, mais le fou criminel. Que l’idée de purger le monde de ses « inférieurs », débarrasserait le monde de ses êtres les plus aimants et les plus éthiques, leurs traits de caractère étant considérés comme intolérablement stupides et faibles.

En fin de compte, nous nous retrouverions avec la lie de l’humanité : une race humaine qui se serait cannibalisée.

Traduction et note d’introduction Corinne Autey-Roussel pour Entelekheia
Illustration Mystic Art Design / Pixabay[*] Note de la traduction :  L’erreur de Darwin a été de se fonder sur l’étude des animaux pour comprendre l’homme. Chez l’humain, ce n’est pas la force ou les aptitudes physiques qui ont permis la survie de l’espèce, mais la collaboration entre ses membres. L’humanité est en effet composée « d’animaux sociaux » interdépendants. Tout travail humain est un travail d’équipe ! L’empathie, les liens affectifs qui permettent à des personnes d’âges, de cultures, d’intelligences et de talents divers de vivre, de travailler, de progresser en puisant dans leur histoire commune, en bâtissant ensemble et en échangeant des savoirs parfois salvateurs comptent donc, logiquement, parmi les socles fondateurs de l’humanité. Darwin n’arrivait pas à concilier son affectivité avec ses idées selon lesquelles sélectionner les humains comme des vaches charolaises était « une nécessité » parce que, précisément, ce n’en est certainement pas une…

Références de l’auteur :

(1) H.G. Wells, « Kipps », Fontana Books, London, 1961, p. 240
(2) Darwin, Autobiographie, pg 26
(3) James K. Boyce, « Democratizing Global Economic Governance » 2004
(4) H.G. Wells, « Anticipations of the Reaction of Mechanical and Scientific Progress upon Human Life and Thought », Chapman and Hall, London, 1901, pg 81-2, 211-12.
(5) Ibid. pg 298-9.
(6) Ibid. pg 300-301
(7) Ibid. pg 280, 317.
(8) H.G. Wells, « A Modern Utopia », Chapman and Hall, London, 1905, pg 135
(9) H.G. Wells, « Open Conspiracy » pg 50
(10) Ibid
(11) Ibid, pg 58

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2 réponses »

    • @Anders,

      « ils parlent comme comme des anges, mais pensent comme des assassins »

      Arnaud Upinsky, en bon Cartésien, a bien compris le double langage de Macron et des politiques en générale, qui ne sont plus là pour servir les intérêts du peuple et de la société civile, mais des intérêts supérieurs non avouables que nous devons absolument comprendre.

      Les politiques ne sont que des porte-paroles des Deep-States, et ses dernières élections US sont très révélatrices à ce sujet.

      Or, et c’est la bonne nouvelle, les Deep-States qui ne sont que des organisations de fonctionnaires d’Êtas non élus sont dépassés par les évènements, malgré tous les moyens qu’ils disposent pour gérer notre condition humaine.

      Ces fonctionnaires pervertis de longues dates sont bousculés par une évolution incontrôlée et incontrôlable de la Nature Humaine sur une planète elle aussi naturellement capricieuse et font de plus en plus d’erreurs qui révèlent la face cachée de leurs intentions.

      Leurs méthodes devenues mafieuses, par nécessitées pour leurs survies, accentuent la dérive et les dysfonctionnement que nous constatons jours après jours. Les intérêts divergents entre Nations, Cultures et Continents n’étant pas un si fleuve tranquille nous observons des glissements géopolitiques majeurs qui entrainent de multiples conflits sur de multiples terrains avec de multiples méthodes d’interactions.

      Les Deep-States qui fonctionnent comme des sectes religieuses sont devenues l’une des sources les plus nocives et criminelles pour l’avenir de l’humanité. À nous, société civile, d’éradiquer ce fléau.

      En attendant, nous avons de sales moments à passer, par la mise en faillite actuelle de nos systèmes institutionnelles. Il n’y a plus rien à discuter sur ce sujet, car nous ne devons jamais parlementer avec des preneurs d’otages.

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