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Analyse du débat Mélenchon-Zemmour, par Diana Johnstone

Analyse du débat Mélenchon-Zemmour, par Diana Johnstone

By Diana Johnstone arretsurinfo.ch 3 min View Original

 

Pour montrer dès le début la marginalité de leurs deux invités, BFMTV a commencé le show en se vantant de son équipe de dix fact checkers qui allaient traquer les inexactitudes qui seraient inévitablement proférés par les outsiders de l’extrême gauche et l’extrême droite. Cet acte d’impolitesse grossière a certes produit un instant d’empathie entre les deux écoliers qui se sont efforcés de ne pas le montrer. D’ailleurs l’exercice de nit-picking statistique s’est révélé minable, mais passons.

Le seul sondage que j’ai vu, Mediavenir, donne l’avantage à Mélenchon à 57 % contre Zemmour avec 43 % de convaincus. Mélenchon the winner ? Je ne pense pas. Je ne pense même pas que le but de Mél était de gagner le débat, mais plutôt de convaincre la gauche qu’il était toujours leur meilleur tribun. Pour poursuivre cet objectif, il a dit des choses qu’il ne peut pas croire lui-même et a été inutilement insultant envers son adversaire, pour rattraper son péché originel de « débattre avec l’extrême droite ».

Le sujet de l’immigration dominait le débat. La nécessité de maintenir une polarisation sans compromis empêchait Mélenchon de reconnaître le problème ou d’offrir des opinions modérées. La monté des actes criminels ? Mél répond avec l’explication sociologique de base : c’est à cause de la monté de la pauvreté, la solution serait donc d’augmenter le SMIC. C’est le refus de reconnaître que la criminalité se développe non parmi les pauvres mais dans les populations qui se sentent aliénées, notamment chez les non-assimilés. Zemmour va trop loin en décrivant la criminalité des jeunes immigrés, ou plutôt des 2ème et 3ème générations, comme un « djihad », mais Mélenchon ne peut pas offrir d’argument raisonnable car il ne peut pas voir le problème. Pour lui, tout doit se résoudre dans une nouvelle culture grâce à la « créolisation ». Zemmour est pour l’assimilation, ce qui marche toujours assez souvent, y compris parmi les personnes d’origine musulmane qui ne sont pas enfermés dans les territoires hors république.

Donc je trouve que sur l’immigration c’est un match nul parce que l’un va trop loin et l’autre veut ignorer le problème.
Mais c’est sur le sujet devenu fétiche chez Mélenchon que je le déclare perdant : l’écologie, le climat. Il veut « sortir » du nucléaire parce qu’il est trop dangereux, et on ne sait pas quoi faire avec les déchets. Hélas, les Chinois sont en train de faire ce que la France aurait pu faire, développer les réacteurs qui mangent les déchets. Mélenchon vacille sur quand il faut sortir, mais il faut sortir, et il ne voit aucun problème avec les éoliennes. Zemmour est carrément pour le maintien du nucléaire. Donc à mon avis c’est sur le terrain de Mélenchon que Zemmour gagne. « Abandonner le nucléaire c’est abandonner la souveraineté de la France ».

Et là on arrive aux sujets de politique internationale très négligés dans ce débat. Vers la fin on apprend en passant que… Mélenchon veut sortir de l’Otan. Et Zemmour aussi ! Mélenchon veut développer les relations avec la Francophonie. Zemmour veut normaliser les relations avec la Russie. Zemmour se hâte d’exprimer son accord avec Mélenchon sur ces questions, accord qui semble gêner le tribun de la gauche.
Par ailleurs, tous les deux veulent plus ou moins se libérer de l’Union Européenne, Mélenchon en rejetant les règles, Zemmour en rejetant la Cour européenne. Tous deux sont pour le referendum populaire.

Et en effet, ni l’un ni l’autre pourraient poursuivre leur projet – Mélenchon pour sauver la planète, Zemmour pour sauver la France – sans sortir de l’UE et de l’Otan.

Qu’on les aime ou qu’on les déteste, ce sont deux des hommes les plus intelligents engagés dans la politique française, et leur débat est largement consacré à se quereller sur l’immigration de façon trop polarisée pour avancer, alors que l’alternative raisonnable serait de s’accorder sur les moyens de retrouver assez de souveraineté nationale pour sauver ce qui peut l’être. Au lieu de cela, ils représentent deux « extrêmes » marginalisés qui facilitent l’éternel règne du « centre » conformiste autoritaire qui assure le déclin du pays sur tous les fronts.

SOURCE

« Nous voilà donc atteints d’un Bien incurable. Ce millénaire finit dans le miel »

Nous voilà donc atteints d’un Bien incurable. Ce millénaire finit dans le miel.

Philippe Muray – L’Empire du Bien (1991)


Le genre humain est en vacances. C’est comme un vaste parc de loisirs que je voudrais essayer de peindre notre village planétaire. Un parc aux dimensions du territoire. De la France. De l’Europe. Du globe bientôt.

[…] Oui, c’est comme un grand parc d’attractions qu’il faut visiter l’esprit du temps. Avec ses étalages et ses reflets, ses vedettes de quelques jours, ses fausses rues de fausses villes de partout, ses châteaux reconstitués, ses excitations, ses pièces montées, ses décors en résine synthétique, ses acteurs anonymes qui s’affairent, sous les costumes appropriés, à simuler leurs tâches coutumières…

Il n’y a plus d’énigmes, plus de mystères. Plus la peine de se fatiguer. Le Bien est la réponse anticipée à toutes les questions qu’on ne se pose plus. Des bénédictions pleuvent de partout. Les dieux sont tombés sur la Terre.

Toutes les causes sont entendues, il n’existe plus d’alternatives présentables à la démocratie, au couple, aux droits de l’homme, à la famille, à la tendresse, à la communication, aux prélèvements obligatoires, à la patrie, à la solidarité, à la paix.

Les dernières visions du monde ont été décrochées des murs. Le doute est devenu une maladie. Les incrédules préfèrent se taire. L’ironie se fait toute petite. La négativité se recroqueville. La mort elle-même n’en mène pas large, elle sait qu’elle n’en a plus pour longtemps sous l’impitoyable soleil de l’Espérance de Vie triomphante.

Bien sûr, quelques vieilles ruines nous encombrent, de vagues souvenirs des guerres passées, il va falloir les déblayer, c’est une question de jours, de semaines. 

[…] Le Bien, tout entier, contre tout le Mal ! À fond ! Voilà l’épopée. Tout ce qui a définitivement raison contre tout ce qui a tort à jamais. La Nouvelle Bonté a le vent en poupe contre le sexisme, contre le racisme, contre les discriminations sous toutes leurs formes, contre les mauvais traitements aux animaux, contre le trafic d’ivoire et de fourrure, contre les responsables des pluies acides, la xénophobie, la pollution, le massacre des paysages, le tabagisme, l’Antarctique, les dangers du cholestérol, le sida, le cancer et ainsi de suite. Contre ceux qui menaceraient la patrie, l’avenir de l’Entreprise, la rage de vaincre, la famille, la démocratie.

[…] Il va donc sans dire que je suis pour, définitivement pour toutes les bonnes causes ; et contre les mauvaises à fond. Et puis voilà. Et puis c’est tout. Et ça va bien mieux en le disant. Pas d’histoires ridicules : l’évidence. Je suis pour tout ce qui peut advenir de bon et contre tout ce qui existe de mauvais. Pour la transparence contre l’opacité. Pour la vérité contre l’erreur. Pour l’authentique contre le mensonge. Pour la réalité contre les leurres. Pour la morale contre l’immoralité. Pour que tout le monde mange à sa faim, pour qu’il n’y ait plus d’exclus nulle part, pour que triomphe la diététique. Ne me faites pas prétendre des choses. […] Les certificats de bonnes vie et mœurs font comme les chaussettes, ils ne se cachent plus.

[…] L’ennui guette, envahit tout, les dépressions se multiplient, la qualité du spectacle baisse, le taux de suicides grimpe en flèche, l’hygiène niaise dégouline partout, c’est l’Invasion des Mièvreries […].

Bernard de Mandeville, qui s’attira pas mal d’ennuis pour avoir tenté de montrer que ce sont souvent les pires canailles qui contribuent au bien commun, constatait déjà, au XVIII e siècle, dans sa Fable des abeilles : « Une des principales raisons qui font que si peu de gens se comprennent eux-mêmes, c’est que la plupart des écrivains passent leur temps à expliquer aux hommes ce qu’ils devraient être, et ne se donnent presque jamais le mal de leur dire ce qu’ils sont. »

On les comprend. S’ils faisaient le contraire, les malheureux, ils ne sortiraient plus de prison.

EN BANDE SON :

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