Une des grandes spécialités de la vie intellectuelle et politique française consiste à évincer les journalistes les plus brillants, ceux qui ont eu raison trop tôt et ne sont arrivés à influencer que marginalement la vie politique de leur pays. Être de gauche a toujours été la norme dominante. Les journalistes qui ont défendu des idées qualifiées de droite par les aboyeurs de la bien-pensance, ont toujours été accusés de sortie de route. C’est un peu ce qui est en train de se produire avec Eric Zemmour. Il est notamment accusé de pétainisme alors que pratiquement tous ceux qui stigmatisent aujourd’hui ses propos ont servi François Mitterrand. Pourtant, il a été décoré de la Francique par le Maréchal Pétain, qui faisait fleurir la tombe du Maréchal chaque année et qui en plus était resté l’ami de René Bousquet, l’organisateur de la rafle du Vel d’Hiv !
Voyons comment trois grands journalistes ont été traités à l’époque par leurs contemporains.
Raymond Aron a dénoncé le conformisme marxisant de l’intelligentsia française
Raymond Aron (1905-1983) a été pendant trente ans, éditorialiste au Figaro et à l’Express.
Dans « L’opium des intellectuels » en 1955, Raymond Aron dénonce l’aveuglement des intellectuels à l’égard des régimes communistes. Un essai devenu classique, mais qui lui a valu d’être vilipendé en son temps. Sa rupture avec Sartre et Merleau Ponty est au centre du livre. “Moins l’intelligence adhère au réel plus elle rêve de révolution” écrivait-il.
En mai 1968. Raymond Aron a été un des seuls à garder la tête froide. Il a toujours voulu éviter la sacralisation de ces journées agitées. Le général de Gaulle n’a jamais caché qu’il aimait la France avec passion mais qu’il n’étendait pas aux français la considération qu’il avait pour l’idée de la France….
En 1977, dans « Plaidoyer pour l’Europe décadente » il montre que les pays qui s’appellent eux-mêmes socialistes empêchent les hommes et les idées de franchir la ligne de démarcation. L’Europe de l’Ouest est-elle vouée à la décadence parce qu’elle s’obstine à croire à la démocratie et au libéralisme ? Il dépendait de notre clairvoyance et de notre courage que la liberté l’emporte. il redoutait une civilisation reniant ses fondements et arrachant ses racines
En 1983 dans ses « Mémoires » il explique pourquoi Soljenitsyne gênait. S’il indignait c’était qu’il frappait au point sensible, au point du mensonge des intellectuels occidentaux. « Les camps restent des camps qu’ils soient bruns ou rouge » écrivait-il.
Dans « Les modernes » en 1984 il annonce la glaciation des esprits, c’est à dire l’avènement du discours autour du rien et du n’importe quoi. Dans cet ouvrage prophétique il annonce la décadence de l’Occident et le triomphe de l’Américanisme
Raymond Aron est toujours allé à contre-courant des idées dominantes de l’intelligentsia de gauche. Il a incarné « l’intellectuel de droite » face à un Sartre qui symbolisait l’intellectuel de gauche. Il a été le penseur essentiel de la droite conservatrice et un des seuls de son camp à ne pas avoir sombré dans un délire marxiste proche de la psychose collective. Tout son parcours n’empêche pas les dignitaires de l’université française de répéter que « Il valait mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Raymond Aron »…
Louis Pauwels doit quitter le Figaro
Louis Pauwels (1920-1997) était le défenseur de la liberté individuelle qui était pour lui la valeur essentielle. Toute politique qui menaçait les libertés individuelles devait être combattue. Dans le Figaro Magazine qu’il avait créé, il défendait à longueur de colonnes ces principes : 1/ La liberté individuelle est la valeur essentielle 2/ Il n’y a pas de droit de l’homme sans le droit à la liberté économique 3/ La prospérité économique conditionne la liberté politique 4/ La source de la richesse et de l’emploi est dans la croissance 5/ Beaucoup de gens veulent nous persuader que en dehors de l’État toute richesse est indûment acquise 6/ Le mythe de l’État bon et honnête alors que les producteurs seraient mauvais et mal honnêtes est complètement faux
En 1986, dans un de ses éditoriaux, il qualifie les manifestants contre la loi Devaquet visant à établir une sélection à l’entrée de l’université de “jeunesse atteinte d’un sida mental”. Il dénonçait simplement “les écoliers de la vulgarisation, les produits de la culture Lang”. Malheureusement, dans la nuit précédant la parution de son papier, Malik Oussekine meurt après une interpellation par la police. Louis Pauwels devient alors le bouc émissaire pratique que l’on excommunie. Il doit alors quitter immédiatement le Figaro.
Jean-François Revel dénonçait l’Etat qui fait de plus en plus mal ce qu’il devrait faire
Jean François Revel (1924-2006) Entre 1970 et 1976 il quitte la gauche de plus en plus gagnée par le marxisme léninisme. Il publie alors « La tentation totalitaire » dans lequel il explique que la prochaine révolution viendra des États Unis. A cette époque, des dizaines de millions d’intellectuels de part le monde, des étudiants et des professeurs constituant l’élite de l’enseignement supérieur dans les sociétés démocratiques étaient en train de méditer avec componction le tissu de niaiseries prétentieuses qu’était le fameux « Petit Livre Rouge » de Mao Tse Tung . Quiconque n’admirait pas le catéchisme du despote sénile était immédiatement classé comme crétin réactionnaire.
L’idée directrice de Jean François Revel était que « un libéral est celui qui révère la démocratie politique, celle qui impose des limites à la toute-puissance de l’état sur le peuple, non celle qui la favorise ». Il est en économie, un partisan de la libre entreprise et du marché, bref du capitalisme. C’est enfin un défenseur des droits de l’individu. Il croit à la supériorité des sociétés ouvertes et tolérantes. Il développera ses idées de 1970 à 1981 à la tête de l’Express.
En 1972, il reprochait à François Mitterrand de priver la gauche de toute chance d’accéder au pouvoir en se laissant « phagocyter » par les communistes. Il dénoncera un grand nombre de propositions du programme commun émanant directement du PCF, particulièrement en matière d’édition et d’information. À ceux qui lui reprochaient de se rapprocher des libéraux, il répondait que pour lui, la gauche avait toujours été libérale, mais que c’est la gauche française qui avait cessé de l’être. Pour Revel, le socialisme n’était viable que dans une économie performante, car l’État-providence ne pouvait vivre que soutenu par une économie productive.
Alors qu’il a eu raison dans pratiquement tous les domaines qu’il a abordés, Jean François Revel ne figure au programme d’aucune université française. Il est le plus souvent considéré comme un homme peu fréquentable puisqu’il défendait le libéralisme. Rappelons que l’intellectuel dispose de deux recettes pour rester considéré par toutes les majorités et perdurer à travers toutes les alternances. L’une est de ne se tromper jamais. c’est la formule de Raymond Aron. L’autre est de se tromper toujours, c’est celle d’Alain Minc. Elle est encore plus dure à appliquer que la première et suppose une constante discipline.
Simon Leys démolit les mythes de la révolution culturelle chinoise
Simon Leys 1935-2014) bien que n’étant pas journaliste a subi le même sort, car il a eu beaucoup de courage pour affronter seul les aveuglements germanopratins sur la Chine de Roland Barthes, Philippe Sollers, André Malraux, Simone de Beauvoir, Jean Paul Sartre ou Maria Antonieta Macciocchi. Ce n’est ni aux maoïstes occidentaux, ni aux ministres UDR qu’on pouvait demander de parler de la Chine. Alain Bouc correspondant du Monde à Pékin a même écrit que Simon Leys n’avait manifestement pas l’expérience de ce dont il parlait..! Son livre « Les habits neufs du président Mao » est dénoncé par Le Monde Diplomatique et Libération comme “une anthologie de ragots” émanant des milieux réactionnaires de Hong Kong eux-mêmes manipulés par la CIA…
A Hong Kong il a vu arriver les cadavres, il a vu s’enfuir les gardes rouges, il a entendu les témoignages. Livre éclairé et courageux sur la Chine. Il démolit tous les mythes entretenus en Occident sur la “Grande Révolution Culturelle Prolétarienne”. Il la considère comme une gigantesque imposture. Le “Grand Bond en Avant” a fait de 30 à 40 M de morts. En France on considère Leys comme “un traitre” , “un réactionnaire” , “un renégat”. Il faudra attendre 1984 pour qu’il fasse sa première apparition à la télévision dans Apostrophe de Bernard Pivot.
A cette époque, Roland Barthes, nous explique “dans « Carnets de voyage en Chine » que la Chine nouvelle c’est le peuple par lui-même qui est en quelque sorte son propre théoricien. Pour lui c’est un incontestable bond en avant ! De son côté Julia Kristeva dans “La résolution de la question éternelle des sexes » est éblouie par la liberté des femmes chinoises !, Philippe Sollers fait aussi part de ses commentaires lyriques dans “La vraie révolution anti bourgeoise”. André Malraux versait lui aussi dans le dithyrambe vis à vis de Mao Tsé tung (“La plus grande figure historique de notre époque”). On retrouvera en 1973 ce ton dans le “Quand la Chine s’éveillera” de Alain Peyrefitte…
Pour la gauche branchée de cette époque, les ennemis s’appelaient Reagan, Thatcher et le RPR. Tous ceux qui s’opposaient radicalement à l’idéologie économique politique, sociale et culturelle de la gauche étaient des “staliniens de droite”. Tout opposant au socialo-syndicalo-communisme était un intolérant et à terme un fauteur de guerre civile
Les crimes du communisme sont évalués à 85M de personnes exécutées au nom de la faucille et du marteau. Un bilan bien pire que celui du IIIème Reich !
Aron, Pauwels, Revel, Leys ont un point commun c’est d’avoir été traités comme des membres de la droite voire de l’extrême droite. On sait bien que « personne n’est plus détesté que celui qui dit la vérité »…Tous ceux qui dans l’histoire ont identifié les causes du désastre qui nous guettait ont été éliminés puisque les solutions qu’ils proposaient allaient à l’encontre de l’idéologie de leur époque. Espérons que Eric Zemmour ne sera pas à son tour écarté de la vie politique française pour avoir ouvert les yeux des Français sur la réalité…
“Ce qui la distingue la noblesse, ce ne sont pas les privilèges, mais le fait d’être sélectionnée et formée pour commander. Elle gouverne, juge et mène au combat. Elle implique une personnification du pouvoir qui humanise celui-ci à l’inverse de la dictature anonyme des bureaux.” Dominique Venner
EN BANDE SON :
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Au moins l’un des intellectuels que vous citez dans l’article avait des liens avec la CIA et c’est assez connu. Ca n’empêche pas la qualité des analyses. A lire sans être dupe d’un tropisme atlantiste, pas vraiment ami de la France. 😓
Les adeptes d’un jacobinisme « ultra plus » néo-franquistes peuvent clamer tout leur Amour pour la Patrie, ils la desservent plus qu’autre chose car ils aiment mal. On peut dénoncer la mise sous curatelle d’une Europe invertébrée par Goldman Sachs & Consorts à condition de ne pas se faire financer une campagne électorale par des robinets financiers affiliés aux Rothschild. Sinon c’est du gros pipeau ! Faut être cohérent, merde !!
On peut être souverainiste tout en étayant un modèle de l’Etat plus rassembleur, plus fédérateur. L’assimilation par la juxtaposition des liens avec les communautés territoriales historiques comme l’Occitanie, la Bretagne, la Corse, la Catalogne ou le Pays Basque aurait une autre gueule et une toute autre efficacité à l’égard de ceux qui n’ayant pas de racines. Des indigènes faisant l’effort de suivre des cours du soir en langue basque, ça ne fait pas des loulous de banlieues voués à nier et à saboter consciencieusement la République et ses représentants. Il faut au moins deux raisons d’assimilation, une locale véritablement ancrée dans l’histoire d’une République plus fédératrice que mutilante à l’égard des acteurs de sa construction, et une autre nationale. Le reste c’est de l’excitation qui participe à amplifier l’atomisation de la société.