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Pepe Escobar : Le monde selon Vladimir Poutine

Pepe Escobar : Le monde selon Vladimir Poutine

SOCHI, RUSSIA – OCTOBER 19: (RUSSIA OUT) Russian President Vladimir Putin speaks during his meeting with Valdai Club members on October 19, 2017 in Sochi, Russia. (Photo by Mikhail Svetlov/Getty Images)

Le président russe, à Sotchi, fait la loi en faveur du conservatisme – il affirme que l’Occident malmené est en déclin…

La session plénière est le point d’orgue traditionnel des discussions annuelles et incontournables du Valdai Club, l’un des principaux rassemblements intellectuels d’Eurasie.

Vladimir Poutine est souvent l’orateur principal. Cette année, à Sotchi, comme je l’ai relaté dans une précédente chronique, le thème général était « le bouleversement mondial au XXIème siècle : l’individu, les valeurs et l’État ».

M. Poutine a abordé ce thème de front, dans ce que l’on peut d’ores et déjà considérer comme l’un des plus importants discours géopolitiques de l’histoire récente (une transcription encore incomplète peut être consultée ici) – certainement son moment le plus fort sous les feux de la rampe. Ce discours a été suivi d’une session complète de questions-réponses (à partir de 4:39:00).

Comme on pouvait s’y attendre, les atlantistes, néoconservateurs et interventionnistes libéraux seront apoplectiques. C’est sans importance. Pour les observateurs impartiaux, en particulier dans les pays du Sud, l’important est de prêter une attention toute particulière à la façon dont Poutine a partagé sa vision du monde, y compris dans certains moments très francs.

Dès le début, il a évoqué les deux caractères chinois qui représentent la « crise » (comme dans « danger ») et l’ »opportunité », en les associant à un dicton russe : « Combattez les difficultés avec votre esprit. Combattez les dangers avec votre expérience. »

Cette référence élégante et oblique au partenariat stratégique entre la Russie et la Chine a conduit à une évaluation concise de l’échiquier actuel :

Le réalignement de l’équilibre des forces suppose une redistribution des parts en faveur des pays émergents et en développement qui, jusqu’à présent, se sentaient exclus. En clair, la domination occidentale sur les affaires internationales, qui a commencé il y a plusieurs siècles et qui, pendant une courte période, a été presque absolue à la fin du XXème siècle, est en train de céder la place à un système beaucoup plus diversifié.

Cela a ouvert la voie à une autre caractérisation oblique de la guerre hybride comme nouveau modus operandi :

Auparavant, une guerre perdue par un camp signifiait la victoire de l’autre camp, qui assumait la responsabilité de ce qui se passait. La défaite des États-Unis dans la guerre du Vietnam, par exemple, n’a pas fait du Vietnam un « trou noir ». Au contraire, un État en plein développement y a vu le jour, qui, il est vrai, a pu compter sur le soutien d’un allié puissant. Les choses sont différentes aujourd’hui : Peu importe qui prend le dessus, la guerre ne s’arrête pas, elle change simplement de forme. En règle générale, l’hypothétique vainqueur est réticent ou incapable d’assurer un redressement pacifique après la guerre, et ne fait qu’aggraver le chaos et le vide qui représentent un danger pour le monde.

Un disciple de Berdyaev

À plusieurs reprises, notamment lors des questions-réponses, Poutine a confirmé qu’il était un grand admirateur de Nikolaï Berdyaev. Il est impossible de comprendre Poutine sans comprendre Berdyaev (1874-1948), qui était un philosophe et un théologien – essentiellement un philosophe du christianisme.

Dans la philosophie de l’histoire de Berdyaev, le sens de la vie est défini en termes d’esprit, alors que la modernité séculaire met l’accent sur l’économie et le matérialisme. Pas étonnant que Poutine n’ait jamais été marxiste.

Pour Berdyaev, l’histoire est une méthode de mémorisation du temps par laquelle l’homme travaille à sa destinée. C’est la relation entre le divin et l’humain qui façonne l’histoire. Il accorde une importance énorme à la puissance spirituelle de la liberté humaine.

Poutine a fait plusieurs références à la liberté, à la famille – dans son cas, de condition modeste – et à l’importance de l’éducation ; il a loué chaleureusement son apprentissage à l’université d’État de Leningrad. En parallèle, il a absolument pulvérisé le wokisme, le transgendérisme et la culture de l’annulation promue « sous la bannière du progrès ».

Ce n’est qu’un passage parmi une série de passages clés :

Nous sommes surpris par les processus qui se déroulent dans des pays qui se considéraient comme des pionniers du progrès. Les bouleversements sociaux et culturels qui se produisent aux États-Unis et en Europe occidentale ne nous regardent évidemment pas et nous ne nous en mêlons pas. Quelqu’un dans les pays occidentaux est convaincu que l’effacement agressif de pages entières de leur propre histoire – la « discrimination inversée » de la majorité en faveur des minorités, ou l’exigence d’abandonner la compréhension habituelle de choses aussi fondamentales que la mère, le père, la famille ou même la différence entre les sexes – qu’il s’agit là, à ses yeux, de jalons du mouvement vers le renouveau social.

Une grande partie de son discours de 40 minutes, ainsi que ses réponses, ont donc codifié certains marqueurs de ce qu’il définissait auparavant comme un « conservatisme sain » :

Maintenant que le monde connaît un effondrement structurel, l’importance d’un conservatisme raisonnable comme base de la politique s’est multipliée, précisément parce que les risques et les dangers se multiplient et que la réalité qui nous entoure est fragile.

Revenant à l’arène géopolitique, Poutine a été catégorique : « Nous sommes amis avec la Chine. Mais pas contre qui que ce soit ».

Sur le plan géoéconomique, il a une nouvelle fois pris le temps de se lancer dans une explication magistrale, complète – voire passionnée – du fonctionnement du marché du gaz naturel, couplé au pari autodestructeur de la Commission européenne sur le marché spot, et des raisons pour lesquelles Nord Stream 2 change la donne.

Traduction d’Asia Times par Aube Digitale

Article du Jour : « La liberté n’est pas un droit, c’est un devoir » Par Nicolas Berdiaev

« La liberté n’est pas un droit, c’est un devoir »

La liberté n’est pas un droit, c’est un devoir.

Nicolas Berdiaev (1874-1948) – Royaume de l’esprit et Royaume de César


La liberté est l’énergie créatrice intérieure de l’homme. Par la liberté, l’homme peut créer une vie toute nouvelle, vie nouvelle de la société et du monde.

Mais ce serait une erreur de considérer en l’occurrence la liberté comme une causalité intérieure. La liberté se trouve en dehors des rapports de causalité. […] La liberté vient d’un autre monde ; elle contredit la loi de ce monde et la renverse.

Il est également erroné de ne voir dans la liberté qu’un moyen pour l’établissement d’un ordre social collectif et de la considérer comme dépendant exclusivement de l’ordre social. Nous verrons que c’est de la conception formelle ou réelle de la liberté que dépendent les antinomies de la liberté dans la vie sociale.

La liberté qui devient trop facile, qui n’exige plus de lutte héroïque, dégénère et perd sa valeur. La liberté dégénérée ne s’exprime que dans la conscience négative du fait que je ne subis pas de contrainte. L’expression extrême de la liberté dégénérée, c’est le« Laissez-moi tranquille. »

La liberté n’est nullement la facilité la liberté est difficile et lourde à porter. La liberté n’est pas un droit, c’est un devoir.

Les libéraux considèrent habituellement la liberté comme un droit et non comme un devoir ; pour eux la liberté est synonyme de facilité et d’absence de contraintes. C’est ainsi que la liberté se transforme en un privilège des classes dirigeantes.

Dans un sens plus profond, la liberté est la majorité de l’homme, la conscience du devoir envers Dieu de se comporter comme un être libre et non comme un esclave. La conception héroïque de la liberté est contraire à la vieille conception libérale. La liberté présuppose une résistance elle est une manifestation de force.

Pour ne pas être purement formelle, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen devrait être également une déclaration des devoirs de l’homme et du citoyen. Et l’accent devrait être mis sur l’homme, en tant qu’être spirituel, ce que l’on n’a généralement pas fait dans les révolutions politiques.

On sait trop bien que dans les démocraties il peut ne pas y avoir du tout de véritable liberté. Dans la démocratie jacobine, inspirée de Rousseau, peut s’affirmer le principe de l’État totalitaire, l’absolutisme de la souveraineté populaire. Dans les démocraties capitalistes l’argent et une presse vendue peuvent gouverner la société en éliminant la liberté réelle.

Et tout ceci alors que la déclaration des droits de l’homme et du citoyen a des origines religieuses: elle est née de l’affirmation de la liberté de conscience par la Réforme. Mais par la suite on s’est éloigné de cette source religieuse. Aussi, les âmes non-libérées intérieurement ont-elles créé de nouvelles formes de société servile.

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