La guerre fait déjà son retour en Afghanistan, et elle pourrait s’étendre au-delà de ses frontières
Les talibans pensaient contrôler l’ensemble du pays, mais ils se retrouvent confrontés à une vague d’attentats. Celle-ci est orchestrée par ISIS-K, une nouvelle version de l’État islamique. Les miliciens au pouvoir n’ont pas l’habitude de se retrouver dans un rôle de contre-insurrection, et les Occidentaux craignent la création d’un nouveau sanctuaire terroriste.
Des combattants des montagnes peu à l’aise en ville
Déjà, les attentats et les fusillades se multiplient, en particulier dans les grandes villes. Les attentats-suicides à Kaboul, la capitale, et dans des villes importantes comme Kunduz, dans le nord, et Kandahar, dans le cœur méridional des talibans, ont tué au moins 90 personnes et en ont blessé des centaines d’autres en l’espace de quelques semaines. Ce mardi, des combattants de l’État islamique ont mené une attaque coordonnée avec des hommes armés et au moins un kamikaze contre un important hôpital militaire de la capitale, tuant au moins 25 personnes.
Nouveau sanctuaire terroriste ?
La situation se dégrade à un tel point que les états-majors occidentaux s’inquiètent de la création d’une nouvelle zone refuge pour terroristes qui pourraient, de là, mener des attaques à l’échelle internationale. Pour Colin Kahl, sous-secrétaire américaine à la Défense, il n’est pas exclu que cette nouvelle branche extrémiste d’un arbre impossible à couper puisse mener ce genre d’action dans six mois à un an.
Il est difficile d’estimer à quel point les talibans seraient capables à moyen terme de lutter face à ISIS-K ; les miliciens au pouvoir ne sont certes pas dans leur élément, mais ils ont hérité d’un pléthorique matériel de pointe abandonné par l’OTAN, y compris des engins d’écoute radio qui peuvent s’avérer très utiles. En outre, ils se plaisent à rappeler qu’ils bénéficient d’un soutien populaire qui a toujours fait défaut aux Occidentaux, et donc des renseignements qui vont avec de la part des civils. Il est vrai qu’en Afghanistan, ce point s’est toujours avéré plus crucial que toute supériorité technologique.
Salafistes contre hanafistes
Un point qui reste toutefois à nuancer, car ISIS-K est issu d’une scission au sein du mouvement taliban sur des bases liturgiques et légales : alors que ceux-ci suivent majoritairement le hanafisme, la plus ancienne des quatre écoles religieuses islamiques sunnites de droit musulman et de jurisprudence, une minorité préfère l’école salafiste, tout comme l’État islamiste. Et si les miliciens ont accordé des concessions à des imams salafistes pour renforcer la paix, ce mouvement semble prendre de l’ampleur, en particulier autour de son fief de Jalalabad, où les mosquées salafistes se multiplient. Une nouvelle enclave rétive à conquérir pour les talibans, par l’esprit ou par les armes. Avant qu’elle ne finisse par fournir des recrues, poussées par la crise économique et sécuritaire, dans les bras de leur nouvel ennemi.
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On dit que Nietzsche après la rupture avec Lou Salomé, entré dans une solitude définitive, écrasé et exalté en même temps par la perspective de cette œuvre immense qu’il devait mener sans aucun secours, se promenait la nuit, sur les montagnes qui dominent le golfe de Gênes, et y allumait de grands incendies de feuilles et de branches qu’il regardait se consumer. J’ai souvent pensé à ces feux et leur lueur a dansé derrière toute ma vie intellectuelle. Si même il m’est arrivé d’être injuste envers certains hommes, que j’ai rencontré dans le siècle, c’est que je les ai mis sans le vouloir en face de ces incendies et qu’ils s’en sont aussitôt trouvés réduits en cendres. (Albert Camus, discours de Suède)