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LE VARIANT HOUELLEBECQ ( Gabriel Nerciat)

LE VARIANT HOUELLEBECQ

Ce début d’année 2022 va être particulièrement dur, je le pressens déjà.

Car, infiniment plus nocif que le dernier variant sud-africain qui doit tuer tous les non-vaccinés comme des mouches, va déferler bientôt sur le pays le nouveau variant houellebecquien, Anéantir.

Qu’on ne me dise pas, surtout, qu’il n’y a pas de rapport entre les deux.

Car même si cela fait bien quinze ans que je n’ai pas ouvert un seul livre de l’auteur des Particules élémentaires (j’ai laissé tomber Soumission au bout de trente ou quarante pages sans éprouver le besoin de le reprendre un jour ou l’autre), je reste persuadé que c’est à partir de cet auteur devenu central, de ses obsessions morbides et de son imaginaire protozoaire, neurasthénique, mutilé, agonisant et positiviste, que l’on peut comprendre le mieux la façon dont ce peuple s’est avachi de façon aussi spectaculaire, depuis deux ans, à l’occasion de la pandémie.
Plus largement, à chaque fois qu’on se demande comment le reste du monde nous voit, se rappeler que ce que le monde connaît le mieux de nous, aujourd’hui, c’est l’univers dérisoire et vidé de tout sorti de l’imagination de cet homme-lémure.

Certes, on va me dire : mais quoi, Sartre ou Gide, vous pensiez que c’était mieux ? Et Sagan, c’était glorieux, Sagan, avec ses chagrins d’amour et ses châteaux en Suède ? On ne peut pas avoir un Proust, un Claudel ou un Giono tous les demi-siècles, il faut s’y faire. Au moins, Houellebecq lui fait débander tout le monde, et ne se paye pas de mots. Il nous aide à nous confiner en nous-mêmes, et à ricaner du monde extérieur. C’est le début de la sagesse, pour une nation vieillissante en perte de souveraineté.

A cela, je répondrai : rien à voir.

Gide certes n’était ni Goethe ni Nietzsche ni même Wilde ou Valéry, mais il avait plus d’un tour dans son sac et savait rebondir là où on ne l’attendait pas ; Sartre était bien sûr tout ce que l’on sait mais à côté de lui Heidegger, « le-plus-grand-philosophe-du-XXe-siècle », passait pour un vieux barbon nazi aussi illisible qu’infantile ; Sagan après tout, même si elle a mal fini, a écrit des choses charmantes, sensibles et légères qui peuvent se lire encore sans déplaisir aujourd’hui.

Aucun de ces auteurs, quelles qu’aient pu être leurs erreurs ou leurs limites, n’ont attenté viscéralement à l’image que la France depuis quatre siècles a dans le monde.
Houellebecq, lui, n’est pas seulement un auteur médiocre qui est parvenu à tirer le gros lot, quelque chose comme le petit-neveu atrophié de Jean d’Ormesson (ce qui ne mériterait même pas qu’on en parlât).
Non, il peint sur le motif ce que jamais nous n’aurions dû accepter de devenir, et que partiellement mais réellement nous sommes déjà devenus. Et il en est fier, profondément, le bougre.
Il sait qu’il n’y a pas d’autre maladie contagieuse entre Dunkerque et Bonifacio que celle qu’il a extraite des ravages de son corps et de sa psyché, et que les variants de ce virus, dans chacun de ses livres, ne cesseront pas de nous contaminer, même à notre insu.

Dès lors, si jamais vous vous risquez à lire Anéantir, il ne suffira pas, ensuite, d’aller vous laver les mains. Vous aurez été prévenus.

Via facebook GABRIEL NERCIAT

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6 réponses »

  1. Pas d’accord avec vous, c’est un grand écrivain. Rappelons que la littérature ne se fait pas avec les bons sentiments. Houellebecq décrit un monde (et un homme) finissant, déconstruit par le progressisme, la pensée woke, le virus mondialiste et financier, la bien pensance qui impose son « Bien » par la force et la violence. On pourrait dire avec lui  « noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir », pas de  possibilité d’une île  paradisiaque, même pas une plate forme d’où l’on peut prendre un nouvel élan. La carte et le territoire de ce que nous appelons France est en train de se morceler, l’homme est en train de se désintégrer en particules élémentaires perdant son intégrité, en train de s’anéantir…
    Certains veulent le faire renaître sous une autre forme, moitié machine, moitié ordinateur, moitié chair et os, mais sans la substantifique moelle, mi-dieu, mi-homme, à l’assaut de sa nouvelle tour de Babel, pour atteindre les cieux. On connaît la fin de cet orgueil et démesure.
    Houellebecq est une des trompettes de l’Apocalypse. Il nous prévient de ce qui peut nous arriver. A nous, les derniers vivants à ne pas nous soumettre aux forces destructrices, le dernier acte des gladiateurs « gloire, force et honneur » ; ça pourrait être une suite à « Anéantir »…

  2. Ça sort le 7 janvier date anniversaire du massacre de Charlie. 730 pages autour de la campagne présidentielle 2027 —grosse ficelle qui autorise un premier tirage de 300K. D’après bfmwc des pages émouvantes sur son ami Bruno Lemaire, Bruno Juge dans le roman, ministre de l’Économie.

  3. Houellebecq est notre hutte de sudation. Les esprits qui s’y invitent tentent de nous avertir des blessures de nos âmes, blessures individuelles ET collectives. Ce n’est donc pas le thermomètre Houellebecq qui est à juger, c’est la cause de notre fièvre.

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