Pour la Russie, pour l’Ukraine, pour la France
Durant sa vie encore courte, votre serviteur n’a pas très souvent été chrétien. Il l’a été cependant ce printemps où le prince Mychkine, Christ blond, aima Nastassia Philippovna, l’éblouissant trou noir du péché, et failli la sauver de cet amour. Cet autre printemps aussi où Aliocha Karamazov envoyait en mission d’amour universel les enfants de son village, en leur distribuant des sucreries. Eh bien l’Europe, mal-élevée comme seules savent l’être les filles des meilleures familles, tient apparemment assez peu au salut de mon âme. L’université Bicocca de Milan a ainsi la semaine dernière voulu annuler le cours que l’écrivain Paolo Nori devait y donner sur Dostoïevski. Devant le tollé que ce dernier a provoqué suite à cette décision, elle s’est rétractée, mais Nori a finalement refusé d’assurer son enseignement après cette décommande. Cette manifestation de bêtise haineuse n’a malheureusement rien d’esseulée. Aux quatre coins du continent, on annulait les concerts et autres ballets russes, on privait le pays de toute sorte de compétitions, de l’Eurovision à la coupe du monde au Qatar. L’éditeur de jeu vidéo EA sports, sans doute désireux de prouver l’absurdité de cette vague autodafaire, la poussait jusque là où elle est reine, le virtuel, en expulsant les équipes russes de sa simulation de football FIFA 22. Devra-t-on bientôt débaptiser la place de Stalingrad ? Effacer des livres d’histoire les dix millions de soldats soviétiques morts lors de la Seconde Guerre mondiale pour battre l’Allemagne hitlérienne ? Renommer le pont Alexandre III Guillaume II ?
Alors évidemment, Vladimir Poutine fait la guerre et la guerre c’est mal. Et c’est vraiment mal. Et chaque obus qui défonce un immeuble de Karkhov, et au passage arrache à jamais des éclats de rire et des gémissements de plaisir à la terre, est intolérable. Comme l’est toute souffrance dans la création, à moins de croire pour de vrai aux gesticulations leibnitzéennes. Et évidemment, par l’instinct et par l’intelligence, on penche pour ce petit pays doré qui résiste avec un orgueil insoupçonné à son immense voisin, grand frère tyrannique, pour cette nation qui naît sous nos yeux comme elles naissent toutes, dans le sang et l’acier. Pour ces stars millionnaires, acteurs, champion de sport de combat, qui reviennent des flashs des métropoles du monde enfiler un uniforme anonyme sous les bombes. Même pour ce président, ancien clown qui jouait du piano avec son sexe à heure de grande écoute, et porte maintenant ses attributs avec une autre respectabilité.
Mais Dieu qu’il est dur d’avoir le cœur à Kiev, quand s’y déverse l’habituel vomi nappé de sucre glace des bons sentiments planétaires. #IstandwithUkraine n’est que le #Blacklivesmatter ou le #JesuisCharlie du lendemain. Voyez-vous, nos belles âmes mondialistes ne voient dans l’Ukraine qu’une face éplorée à consoler de larmes de crocodile, que la victime de l’heure. Relire Girard. Ah certes ils sont Européens, mais l’Ukraine c’est loin et un peu gris. Ont-ils la 4G ces gens ? Non, bon alors sortez les Kleenex. Et nous devons être dans le camp de ces idiots… c’est un peu comme être d’Estienne d’Orves et devoir résister à côté de cette salope de Maurice Thorez (en fait le bon secrétaire du PCF s’est planqué toute la guerre à Moscou mais vous ne le direz pas à votre grand-oncle communiste). Alors soyons pour l’Ukraine différemment. Avec intelligence. Sans verser dans la russophobie primaire, dans l’illusion qui verrait en Poutine le danger principal pour l’Occident. Tout se passe comme si la haine contenue toute l’année des orthodoxe de la pensée, pourtant un sentiment bien humain, trouvait enfin à s’exprimer contre Vlad, qui a tout de même l’avantage d’être blanc et hétérosexuel et à peu près chrétien… et de parler le langage de la force, le langage de l’ancien monde. Oui, Vladimir est un homme de l’ancien monde, sorte de Bonaparte à chapka. Un homme de l’ancien monde d’ailleurs assez paranoïaque et impitoyable, mais vraiment ce n’est même pas ça qui compte pour nos amis qui écrivent désormais Kyiv pour Kiev. Alors oui, nous sommes pour l’agressé contre l’agresseur, pour la nation contre l’empire, pour le courage des hommes contre le fracas des obus, et puis finalement et surtout pour les causes perdues de l’histoire. Encore une fois, comme lors du covid et avant ça des gilets jaunes et encore avant ça de toutes les querelles de l’histoire nationale depuis l’affaire janséniste, il nous faudra résister au manichéisme des imbéciles et réfléchir avec mesure. Dans un monde de Russes et d’Ukrainiens, dure tâche que de rester Français.
Ange Appino l’Incorrect
“Toute grandeur est exilée au fond de l’Histoire et si Dieu veut agir manifestement, il faudra bien qu’il agisse de Lui-même victorieusement comme il y a deux mille ans, lorsqu’il ressuscita d’entre les morts. J’attends les Cosaques et le Saint-Esprit.” Léon Bloy
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