La guerre en Ukraine, un «signe divin» pour l’État Islamique
Dans un texte publié dans une de ses revues, l’organisation terroriste s’est réjouie de cette «guerre entre croisés» qui serait une «punition» pour les pays de «chrétiens mécréants».
À l’heure où la situation en Ukraine monopolise l’attention sur la scène internationale, plusieurs groupes djihadistes violents reliés à l’État Islamique (EI) ont manifesté leur félicité quant à ce conflit, perçu comme un signe divin. Cette dimension eschatologique de punition divine n’est pas nouvelle, puisque l’EI avait déjà fait l’usage de cette terminologie à propos de la crise sanitaire.
Antinomie entre Occident et proches de l’EI
Un éditorial publié mardi 15 mars dans la revue Al-Naba, affiliée à l’EI, fait de cette «guerre entre croisés» une «punition» administrée aux «mécréants chrétiens» pour avoir «exporté» leurs combats dans les pays musulmans. Le théologien proche du groupe al-Qaida, Abou Mohammad al-Maqdisi, a déclaré sur Twitter se «réjouir que cette guerre se poursuive, de la même façon que vous vous réjouissiez de détruire les pays musulmans». De la même manière, un religieux affilié à Hayat Tahrir al-Sham, ex-branche d’al-Qaida en Syrie, a invité tous les musulmans à faire en sorte «que les oppresseurs s’anéantissent entre eux (…) dans l’intérêt de l’islam». Précisons toutefois que cette position n’est pas partagée par l’ensemble du groupe HTS. Abou Maria al-Qahtani considère par exemple qu’un musulman donnant sa vie au combat en Ukraine est un martyr.
Cette logique de non-alignement face à des nations ennemies n’est pas nouvelle, comme l’explique pour Le Figaro le journaliste et veilleur analyste des mouvements djihadistes, Wassim Nasr. «Ce sont bien les nations qui ont mené leurs deux guerres mondiales, et pour l’EI, ce sont des guerres “intercroisés”, dans la droite ligne de leur projet prophétique». Il s’agit aujourd’hui pour eux d’un véritable signe divin, vers l’avènement de leurs idées. Un jeu de symbolique que met en exergue Wassim Nasr dans son dernier ouvrage, État Islamique, le fait accompli.
Les talibans affichent quant à eux une position beaucoup plus mesurée, puisqu’ils poursuivent une stratégie de neutralité pour s’offrir une place de choix à l’international. Si l’EI témoigne d’une certaine incohérence dans la malléabilité de son message, les talibans cherchent davantage à se faire les chantres de la stabilité et de la nuance, précisément pour être des médiateurs et asseoir leur puissance. Laurence Bindner, cofondatrice de JOS Project qui est une plateforme d’analyse de la propagande extrémiste en ligne, explique en ce sens qu’ils «ont toujours des postures très politiques, plus mesurées, justement du fait de cette volonté (…) de ne plus être considérés comme un vulgaire groupe insurrectionnel».
D’autre part, les Tchétchènes musulmans qui combattent aux côtés de la Russie sont considérés par l’EI comme des «apostats», puisqu’ils ignorent la dichotomie qui demeurerait entre musulmans et non musulmans. Wassim Nasr rappelle l’allégeance faite par le chef tchétchène sunnite Kadyrov à Vladimir Poutine, liant les deux peuples militairement, en échange d’un soutien politique mutuel. Le canton tchétchène appartenant à la Russie est ainsi géré par les partisans de Kadyrov, ce dernier offrant en contrepartie un soutien militaire. Au Caucase, Kadyrov mène ainsi une guerre redoutable à grand renfort de répression et d’exactions. Ces intérêts politiques sont donc antagonistes avec la volonté que l’EI de faire le djihad à l’international.
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