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L’Article du Jour : NON ( Marc Obregon )

Non

La démocratie et son ulcère chronique la « campagne présidentielle » : voilà qui rend le politique systématiquement laid, vulgaire, compromis. A chaque fois, j’essaye, je me dis qu’il faut bien fournir un effort, jouer le jeu, faire comme si tout cela était réellement important. Mais non. C’est plus fort que moi. Les meetings présidentiels, les visages plastifiés au fond de teint, les slogans publicitaires, les bêlements partisans, les drapeaux français qu’on croirait trempés dans le bromure, toute cette paralysie du politique figé sous les projecteurs, sous les quolibets perpétuels des twittos, sous les sarcasmes des journalistes, cette comédie universaliste qui veut rejouer cycliquement la grande adhésion du peuple, le raout républicain, ce banquet où viennent toujours baffrer les mêmes opportuns, les mêmes experts de la crevaison, où les vieilles chambres à air du système viennent appliquer leurs rustines, s’alourdir d’un oxygène nouveau, volé à de plus dolentes cages thoraciques, à des plèvres plus nubiles… tout cela est littéralement répugnant. Je ne plaisante pas : même les personnes que j’ai pu admirer deviennent systématiquement laides et convenues, leurs idées et leurs visages se ratatinent sous le fard républicaine. La seule que je sauve : Marion Maréchal, blanche vestale que la bave du démocratisme n’atteint pas. Et peut-être Gaspard Proust, dont l’exercice d’équilibriste à la grande messe de Valeurs Actuelles aura au moins eu le mérite de laisser chaque camp circonspect. Pour le reste : la démocratie jaunit les dents, tavèle les peaux, voile d’une taie tous les regards. Au moins les régimes autoritaires n’enlaidissent point trop leurs sentinelles. Peut-être que la hiérarchie naturelle qui découle de l’ordre des choses donne aux hommes un semblant de noblesse, une tenue particulière. Peut-être est-ce tout simplement la peur qui permet de se tenir bien droit sur son strapontin éjectable. Mais la démocratie, sorte de dégénérescence tabulaire, qui fait semblant de tout mettre au même niveau, qui fait descendre l’exercice du pouvoir dans les filets de rétiaire du gros complexe capitalo-industriel, donnant au passage à la nation les couleurs avinées d’une putain entretenue à la javel et au crack, la démocratie dis-je c’est la phase terminale du politique, lorsque celui-ci n’a plus rien à faire, lorsqu’il est devenu trop pesant, trop perfusé d’argent et de compassion factice, et qu’à force de se retourner dans un ventre pourri il contamine la totalité des organes à proximité.  Relayée par l’ignominieuse dromosphère, sorte de démocratie dans la démocratie, c’est-à-dire une sujétion au carré de l’intelligence, la campagne présidentielle prend des allures de lavage de cerveau, de gommage de tout ce qui est beau, juste et profond. Un homme d’état ne devrait pas avoir envie de séduire, de convaincre, encore moins de s’adonner aux processions imbéciles de l’adolescentsia qui se donne des airs d’importance jusque dans les coursives de la domination numérique. Aidée par tous ces tribunaux populaires misérables qui fleurissent dans les flaques bourbeuses de Twitter et d’ailleurs… on n’a jamais vu système plus vérolé, plus audacieux dans le parjure et la délation… notre démocratie a des pieds de putricule et une tête couronnée de fer noir. Entre les deux, c’est le corps mutilé, rongé par les vers, d’un peuple qui se croit investi et responsable, lorsqu’on lui donne simplement le droit misérable de japper sur un réseau social et de faire tomber son bulletin d’électeur dans la panse crottée d’une Mille Fois Gueuse. Le pouvoir devrait se prendre, pas se quémander, pas se négocier avec le support crapuleux des entités supra-étatiques qui se font brusquement toutes petites pour laisser passer la baudruche démocratique… la démocratie est une entreprise de laideur et de fausseté, et elle n’a sûrement jamais été aussi vaine qu’aujourd’hui, flanquée de ses récits officiels, de ses drapeaux ukrainiens en toc, de ses emportements en bois blanc… de quoi nous donner des envies de bèche et d’épée.

Marc Obregon L’Incorrect

« Nous voilà donc atteints d’un Bien incurable. Ce millénaire finit dans le miel »

Nous voilà donc atteints d’un Bien incurable. Ce millénaire finit dans le miel.

Philippe Muray – L’Empire du Bien (1991)


Le genre humain est en vacances. C’est comme un vaste parc de loisirs que je voudrais essayer de peindre notre village planétaire. Un parc aux dimensions du territoire. De la France. De l’Europe. Du globe bientôt.

[…] Oui, c’est comme un grand parc d’attractions qu’il faut visiter l’esprit du temps. Avec ses étalages et ses reflets, ses vedettes de quelques jours, ses fausses rues de fausses villes de partout, ses châteaux reconstitués, ses excitations, ses pièces montées, ses décors en résine synthétique, ses acteurs anonymes qui s’affairent, sous les costumes appropriés, à simuler leurs tâches coutumières…

Il n’y a plus d’énigmes, plus de mystères. Plus la peine de se fatiguer. Le Bien est la réponse anticipée à toutes les questions qu’on ne se pose plus. Des bénédictions pleuvent de partout. Les dieux sont tombés sur la Terre.

Toutes les causes sont entendues, il n’existe plus d’alternatives présentables à la démocratie, au couple, aux droits de l’homme, à la famille, à la tendresse, à la communication, aux prélèvements obligatoires, à la patrie, à la solidarité, à la paix.

Les dernières visions du monde ont été décrochées des murs. Le doute est devenu une maladie. Les incrédules préfèrent se taire. L’ironie se fait toute petite. La négativité se recroqueville. La mort elle-même n’en mène pas large, elle sait qu’elle n’en a plus pour longtemps sous l’impitoyable soleil de l’Espérance de Vie triomphante.

Bien sûr, quelques vieilles ruines nous encombrent, de vagues souvenirs des guerres passées, il va falloir les déblayer, c’est une question de jours, de semaines. 

[…] Le Bien, tout entier, contre tout le Mal ! À fond ! Voilà l’épopée. Tout ce qui a définitivement raison contre tout ce qui a tort à jamais. La Nouvelle Bonté a le vent en poupe contre le sexisme, contre le racisme, contre les discriminations sous toutes leurs formes, contre les mauvais traitements aux animaux, contre le trafic d’ivoire et de fourrure, contre les responsables des pluies acides, la xénophobie, la pollution, le massacre des paysages, le tabagisme, l’Antarctique, les dangers du cholestérol, le sida, le cancer et ainsi de suite. Contre ceux qui menaceraient la patrie, l’avenir de l’Entreprise, la rage de vaincre, la famille, la démocratie.

[…] Il va donc sans dire que je suis pour, définitivement pour toutes les bonnes causes ; et contre les mauvaises à fond. Et puis voilà. Et puis c’est tout. Et ça va bien mieux en le disant. Pas d’histoires ridicules : l’évidence. Je suis pour tout ce qui peut advenir de bon et contre tout ce qui existe de mauvais. Pour la transparence contre l’opacité. Pour la vérité contre l’erreur. Pour l’authentique contre le mensonge. Pour la réalité contre les leurres. Pour la morale contre l’immoralité. Pour que tout le monde mange à sa faim, pour qu’il n’y ait plus d’exclus nulle part, pour que triomphe la diététique. Ne me faites pas prétendre des choses. […] Les certificats de bonnes vie et mœurs font comme les chaussettes, ils ne se cachent plus.

[…] L’ennui guette, envahit tout, les dépressions se multiplient, la qualité du spectacle baisse, le taux de suicides grimpe en flèche, l’hygiène niaise dégouline partout, c’est l’Invasion des Mièvreries […].

Bernard de Mandeville, qui s’attira pas mal d’ennuis pour avoir tenté de montrer que ce sont souvent les pires canailles qui contribuent au bien commun, constatait déjà, au XVIII e siècle, dans sa Fable des abeilles : « Une des principales raisons qui font que si peu de gens se comprennent eux-mêmes, c’est que la plupart des écrivains passent leur temps à expliquer aux hommes ce qu’ils devraient être, et ne se donnent presque jamais le mal de leur dire ce qu’ils sont. »

On les comprend. S’ils faisaient le contraire, les malheureux, ils ne sortiraient plus de prison.

EN BANDE SON :

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