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Par Alexandre de Galzain
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Publié le 17 mars 2022 L’Incorrect

La place croissante des cabinets de conseil pose quatre problèmes majeurs dans la sur-implication des cabinets de conseil durant le mandat d’Emmanuel Macron. Le premier est le refus d’avoir recours à l’administration, le deuxième l’opacité dans l’attribution des missions, le troisième le risque de conflits d’intérêts en lien avec les différents autres clients de ces cabinets, et le dernier le coût très important de ces prestations.
Ainsi, ce seraient plus d’un milliard d’euros au bas mot qui auraient été dépensés depuis 2017 par l’État pour financer le travail des cabinets de conseil, chiffre en grande partie dû à la crise du Covid-19. Concernant le refus de recourir à l’administration, on peut tout d’abord remarquer l’absence de cohérence d’Amélie de Montchalin, ministre de la Fonction publique, qui passe son temps à vanter les mérites de l’administration tout en validant sans réserve l’action du gouvernement sur les cabinets de conseil. Par ailleurs, on peut trouver ennuyeuse la suppression de postes de fonctionnaires en parallèle, véritable affaissement du pouvoir public au profit d’entreprises privées et donc, indirectement contrôlées. Cet affaissement serait-il dû à une incompétence de la part de l’administration ? Selon les cabinets en question, il n’y a pas de doute, ils sont les meilleurs. Que ce soit le cas ou non, peu importe en réalité : le gouvernement préfère investir une fois de plus dans des palliatifs plutôt que de consolider l’État, ce monstre froid d’incompétence. Peut-être faudrait-il penser à réduire le fameux « mille-feuille administratif », moderniser l’appareil d’État et investir plus dans la formation. Bonus : la commission sénatoriale a pointé des manques d’efficacité parmi les travaux effectués par ces cabinets.
Deuxième point : le manque de transparence. Alors qu’Emmanuel Macron avait promis d’en faire l’une des « grandes causes » de son quinquennat, la Commission a observé qu’un nombre très important des missions effectuées par ces cabinets – 80% de celles exécutées 2019 ! – n’étaient pas justifiées. Avec la venue des conclusions de l’enquête, le gouvernement avait mis en place le 19 janvier dernier une circulaire visant à mieux les encadrer. Comme par hasard… L’une de ces irrégularités avait particulièrement fait jaser en février dernier, à propos de 500 000 euros déboursés pour une étude qui n’avait finalement pas eu lieu à propos de la modernisation des pratiques d’enseignement. L’État l’avoue d’ailleurs lui-même : il n’existe pas de liste exhaustive de ces prestations. La nature du travail effectué étant parfois obscure, il devient d’autant plus légitime de le remettre en question. L’opacité passe d’autant plus mal qu’avant 2021, rares étaient les Français conscients de l’implication de ces entreprises privées dans les actions de l’État. La Covid aura eu un mérite.
Le pénultième problème porte sur le risque de conflit d’intérêts de la part du cabinet de conseil qui, fort logiquement, a pour objectif de s’enrichir lui-même, et ne se met au service de l’État qu’en vue de cette fin. Or, McKinsey, pour ne prendre que le plus influent de ces groupes, a de nombreux clients, privés comme publics. S’il veut servir au mieux les intérêts des uns et des autres, notamment dans la prise de décisions, on imagine avec difficulté comment cet intermédiaire peut rester neutre. En effet, l’implacable loi du marché fait qu’il faut vendre au plus offrant –entendre ici : privilégier les intérêts du client qui paie le mieux – ce qui augmente encore le risque de collusions. Comme il est impossible à l’heure actuelle de connaître la liste des clients de ces cabinets, le doute est largement permis. Mais les collusions ne se limitent pas à la clientèle. En effet, de nombreuses personnalités publiques avaient, lors de la crise du Covid, dénoncé le fait que le fils du président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius ait un haut poste chez McKinsey. L’ennui était alors double : l’attribution des missions à McKinsey a pu être influencée par ce lien de filiation entre un ami du président de la République et un dirigeant du cabinet, le contrôle de légalité des mesures du Conseil constitutionnel a pu être biaisé, et la stratégie sanitaire optimale a pu être détournée à des fins électoralistes.
L’implacable loi du marché fait qu’il faut vendre au plus offrant –entendre ici : privilégier les intérêts du client qui paie le mieux – ce qui augmente encore le risque de collusions
Enfin, le coût de ces prestations est parfois exorbitant. Entre 1 et 1,3 milliard d’euros auraient été dépensés sous le seul quinquennat Macron, soit un doublement de l’enveloppe entre 2018 et 2021. Or, comme on l’a dit, ces missions n’ont parfois pas de réelle consistance. Surtout, au lieu de finir dans les poches des fonctionnaires français, la somme dépensée va dans celles des Américains qui y travaillent. Et ce alors que les plans de relance s’enchaînent pour augmenter la consommation.
Le rapport de la commission sénatoriale conclut en apportant dix-neuf propositions visant à contrôler le rôle de ces cabinets dans l’appareil étatique, parmi lesquelles la publication de la liste des prestations de l’Etat et de ses opérateurs publiquement, ainsi qu’un examen attentif des travaux facturés à plus de 150 000 euros et l’interdiction des prestations gratuites.
« Mon indépendance, qui est ma force, induit ma solitude, qui est ma faiblesse »
Mon indépendance, qui est ma force, induit ma solitude, qui est ma faiblesse.
[« La mia indipendenza, che è la mia forza, implica la solitudine, che è la mia debolezza. »]
Pier Paolo Pasolini – Tempo (1969)
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