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RONDES REPUBLICAINES : C’est comme la Ronde de Max Ophüls, ça ne s’arrête jamais et ça revient toujours au même point de départ : chez les putes.(Gabriel Nerciat)

RONDES REPUBLICAINES

C’est toujours la même histoire, en période électorale, quand les gens dans ce pays se mettent à causer de la République.

Front républicain, valeurs républicaines, refondation républicaine (ô le pauvre Che, encore plus pathétique qu’à l’époque du servile Georges Sarre et du redoutable Didier Motchane), République en marche, gouvernement de Défense républicaine, et patati et patata.

Le Banquier Président, après bien d’autres, s’essaie à ce jeu de dupes lui aussi, mais avec lui, compte tenu de ce qu’il est et de ce qu’il fait depuis son arrivée au pouvoir, cela tourne maintenant à la parodie devenue soudain dangereusement grinçante.

Depuis six jours, on se croirait de plus en plus à la fin du Pauvre Bitos de Jean Anouilh – le plus grand rôle, peut-être, de Michel Bouquet (avec bien sûr Le roi se meurt de Ionesco) -, qu’on s’est bien gardé de diffuser à la télévision à l’occasion de sa mort.

Pourquoi cette comédie, la préférée des élites progressistes et libérales depuis l’époque de l’Affaire Dreyfus, est-elle cousue de fil blanc ?

Pour une raison simple : ceux qui la jouent voudraient nous faire croire que l’essence première de la République est l’union nationale, scellée sur la base du contrat social rousseauiste et le principe universel de l’égalité de tous les hommes et de tous les citoyens devant la loi (« toutezettousses, mes frères et soeurs »).

Or, la République n’a jamais été cela : née de la Révolution puis de la guerre civile et religieuse, elle n’a jamais recherché l’union du pays pour elle-même. Elle l’a acceptée, au mieux, presque comme un mal nécessaire.

Dès le vote de l’amendement Wallon qui a permis d’entériner, en janvier 1875, à une voix près, l’instauration définitive du régime républicain à la suite de la renonciation du comte de Chambord et du complot avorté des députés orléanistes, il était clair que l’objectif recherché par les nouvelles élites politiques n’était nullement de réaliser l’union et la concorde nationales mais au contraire d’imposer le pouvoir et les principes idéologiques, encore très minoritaires, des héritiers de 1789 et de 1793 sans pour autant heurter les intérêts économiques des notables et des industriels les plus influents de la nation.

Le régime qui commence avec la Semaine sanglante et se poursuit avec la violence des répressions ouvrières du tournant du siècle, les persécutions religieuses anti-catholiques ou les ruineuses et sanglantes aventures coloniales de Jules Ferry puis des radicaux-socialistes, ne s’est jamais soucié de réaliser la paix civile, que ce soit en métropole ou dans l’empire d’outre-mer.

Uniquement de garantir l’ordre et la sécurité des élites acquises à la pérennité de son pouvoir. C’est lorsque ceux-ci sont menacés, par la rue ou la défiance populaire généralisée, qu’on se souvient de façon un peu trop automatique que la légitimité du régime repose formellement sur l’impératif de la représentation et de l’union nationales.

Le macronisme et Macron procèdent exactement de la même manière.

Temps 1 : Il faut éviter que le pays se déchire sous l’effet des haines identitaires, religieuses, ethniques, sociales ou politiques. Je suis l’union, la réconciliation, et donc la République – en marche ou immobile.

Temps 2 : Nos adversaires populistes sont des fascistes et des ennemis de la République. Il faut donc les combattre résolument et totalement, jusqu’à leur refuser une représentation adéquate au sein du Parlement, des départements et des régions.

Temps 3 : Les fascistes sont vaincus, peu importe grâce à l’aide de qui ; toutes les voix sont bonnes à prendre. Si le fasciste-populiste est un chien antirépublicain, tous ceux qui le combattent (au nom de la Révolution ou de la Charia) sont dignes de la République, même par défaut. Vive la République, donc, au nom de l’union, de la réconciliation, de la bienveillance, etc.

Seulement bien sûr il faut éviter le retour de la division, les fractures, la guerre civile, les haines identitaires ou sociales, et on recommence. Temps 1, etc., etc.

C’est comme la Ronde de Max Ophüls, ça ne s’arrête jamais et ça revient toujours au même point de départ : chez les putes.

Il est vrai qu’il y a des métiers bien moins honorables que celui-là.

Gabriel Nerciat via Facebook

« Jamais les lois ne furent plus multipliées que lorsque l’État fut le plus corrompu »

« Ni la guerre italique, ni la guerre civile, qui la suivit de près n’empêchèrent d’éclore une foule de lois, souvent contradictoires ; jusqu’à ce que L. Sylla, dictateur, après en avoir aboli, changé, ajouté un grand nombre, fît trêve aux nouveautés, mais non pour longtemps, car les séditieuses propositions de Lépidus éclatèrent aussitôt, et la licence ne tarda pas à être rendue aux tribuns d’agiter le peuple au gré de leur caprice. Alors on ne se borna plus à ordonner pour tous ; on statua même contre un seul, et jamais les lois ne furent plus multipliées que lorsque l’État fut le plus corrompu. »

« Corruptissima respublica, plurimae leges »

Tacite, Annales, III, 27

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2 réponses »

  1. Journal de guerre N° 26 – https://wp.me/p4Im0Q-5xF – 30/04/2022 – Si l’uchronie présidentielle n’avait fait qu’un tour où en serions-nous du passé et surtout du présent, avec un président haï et pourtant réélu (sans uchronie. Pourquoi cette contradiction au bon sens)?

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