Sacrifice de masse
C’est une performance comme une autre. Forcément diffusé en live stream sur des réseaux spécialisés en gaming. Ce samedi, un gosse de 18 ans a parcouru 300 kilomètres depuis sa ville natale de Binghampton, sympathique bourgade de l’état de New-York, afin de se rendre à Buffalo, connue pour sa forte communauté noire, et d’y commettre une tuerie ciblant principalement cette dernière. On se demande bien à quoi pensait le garnement pendant les 4 heures de route, dans sa bagnole de location, alors que luisaient à côté de lui, sur le siège passager, les crosses et les cartouchières, souriantes comme des cranes. Le jeune homme avait évidemment pris le soin d’intégrer à son équipement une caméra embarquée : le meurtre de masse, comme toutes les manifestations de l’hypermodernité, se joue lui aussi sur les réseaux. Le meurtre à l’âge de son enregistrement en temps réel et de sa diffusion massive, pourrait-on dire en paraphrasant Benjamin. On pense évidemment au tueur de Christchurch et à son redémarrage en trombe, parfaitement synchronisé sur le mythique Fire d’Arthur Brown. Du grand art. Dans une collision furieusement dadaïste, la haine meurtrière et la pop culture convolent. Depuis Charles Manson, qui hésitait déjà entre chansonnier beatnik et gourou maléfique, on connaît la chanson. La seule différence, c’est qu’aujourd’hui ces jeunes désaxés n’ont plus besoin de gourou… leur abonnement 5G suffit amplement à alimenter leurs mauvais rêves.
Tout le monde connaît la formule d’André Breton, tirée du Second manifeste du surréalisme : « L’acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu’on peut, dans la foule. » Derrière la provocation, on peut y voir l’annonce programmatique des tueries de masse qui défraient régulièrement la chronique depuis que l’Occident a été pacifié dans les largeurs par les deux « grandes guerres » et anesthésié à coups de valium. Ce week-end, la fusillade d’Orlando a permis aux médias de brandir à nouveau le chiffon rouge de l’extrême droite. C’est toujours une aubaine, lorsqu’entre deux crapuleries de babouchards radicalisés, un jeune blanc aux oreilles bien dégagées nous fait l’offrande d’un massacre prémédité et si possible ordonné sous les auspices d’un « suprémacisme » fourre-tout. On remarquera au passage que les tueurs de masse version white power ont un peu plus de savoir-faire et de force de frappe que nos immigrés syriens gavés de Captagon, mais passons. Dans les deux cas, l’argument religieux-séparatiste ou politique est tout simplement fallacieux. Qu’ils soient des admirateurs du troisième Reich ou des repris de justice initiés au wahhabisme dans les douches collectives de Fleury-Mérogis ne fait finalement aucune différence.
Ces jeunes dégénérés, marginalisés et surtout coupés du réel, enfermés dans leur bulle schizo-numérique, sont tous des surréalistes en puissance, et ils répondent davantage à l’injonction satanique d’André Breton qu’à une quelconque idéologie. On s’évertue bien à dépêcher de dociles enquêteurs chez les criminels, où l’on collectera paresseusement les mêmes indices destinés à rassurer l’opinion publique, à caresser dans le sens du poil les contempteurs d’un mal parodique, facilement identifiable : disques durs remplis à ras bord de sourates meurtrières ou exemplaires de Mein Kampf reliés en croûte de cuir. Fadaises. Le meurtrier de masse – spree killer en anglais, puisqu’il s’est surtout popularisé aux États-Unis, pays qui semble ontologiquement conçu pour ce genre de performance, n’a en réalité aucune motivation politique. Le suprémacisme n’est souvent qu’un patch appliqué à la performance pour lui donner réluctance et pour lui permettre de s’agréger naturellement à une zeitgeist prédéfinie sous la férule hyper-médiatique.
Ces tueries de masse ne sont que la continuation d’un mode sacrificiel qui fait son grand retour depuis la fin du cléricalisme et depuis que les terreurs illuministes du XVIIIème siècle et de la philosophie moderne ont décidé de congédier Dieu dans les hypogées de l’espace-temps.
Il faut relire à ce sujet le trop méconnu Monseigneur Gaume, dont l’œuvre a été curieusement mise de côté par l’Eglise, alors qu’elle prend aujourd’hui tout son sens. « Il a fallu le sacrifice d’une victime divine, pour abolir le sacrifice des victimes humaines. Partout où la victime divine n’a pas été immolée, a régné et règne encore l’immolation des victimes humaines : que le sacrifice divin vienne à cesser, le sacrifice humain recommence. » (Résurrection du sacrifice humain, 1877). Notre monde « illuminé » est donc basé sur ce seul retour à un archaïsme punitif, qui voit dans le sacrifice humain son seul moyen de régulation et de substitution. Les abattoirs industriels, les hôpitaux où l’on commet des avortements à la chaîne, les backrooms où la jeunesse brûle sa pudeur et son intégrité physique, et in fine ce néo-terrorisme qui n’appartient à aucun groupe, mais seulement à lui-même, reproduisent sans fin ce sacrifice global qui est devenu le mode d’émergence même de notre réel. Un sacrifice de masse. Un sacrifice capital.
Marc Obregon L’Incorrect
« Je n’admets pas que rien me nuise ; je veux que tout me serve, au contraire »
Je n’admets pas que rien me nuise ; je veux que tout me serve, au contraire. J’entends tourner tout à profit.
André Gide – Journal (24 mars 1906)
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Ainsi l’incompris sacrifice divin de l’a-alpha sur appareillage delta, génération de sept flux qui, amplifié, sur appareillage phi -huitième- génère ces fameuses farines sacrées, plagiat des Pères de l’Eglise incapable d’une telle prouesse, faisant alors tels des talibans dans la cancel culture, cela depuis 2000 ans !!!.