REBLOG

Le festival des festivals (Marc Obregon)

Le festival des festivals

Cannes, troisième jour. Plus ça change, plus c’est la même chose. Sous les palmiers de la Croisette, toujours les mêmes pavés humains. La lumière dorée du mois de mai, juste une scialytique borgne qui souligne les rembourrages en latex.  La Riviera est un prétexte de sarcophage, un hic et nunc bavé sur la mémoire intergicielle des smartphones…  Au loin, barrant l’horizon, les yachts des milliardaires du Golfe font office de sentinelles, rappelant à qui veut l’entendre qui tient les ficelles de la bourse, qui possède la moitié de l’immobilier en France. L’esprit bon enfant du Cannes d’antan, évidemment envolé, circonscris par le maillage numérique, par les retweets qui tapissent la surface intérieure de ces youtubeuses gavées de street food vegan et de fadaises pour putes augmentées. Ça grouille, comme toujours, la seule différence ce sont ces œilletons noirs abouchés les uns aux autres, langues-de-cerfs invisibles, brandis par les people comme par les prolétaires, les uns alimentant les autres d’images volées, flux tendus de chimères qui n’ont même plus la grâce des mirages, seulement la pesanteur des moments volés à un quotidien chaviré. Pas grave, pendant quelques jours, on a le droit à l’amnésie au nom du « septième art ». Ils sont lourds, ils sont pesants, pourrait-on dire sur la voix de rogomme d’un Céline, en désignant ces ultra-mondains qui convergent vers le Palais des Festivals comme de douloureux colombins vers quelque chiotte globalisée. Loana, premier martyr de la télé-réalité vient de « monter les marches » aux côtés de son boyfriend du moment, désigné comme le « sosie d’Elvis Presley ». Le genre de kamoulox qui ne fait même plus lever aucun sourcil. A Cannes les scandales ont bien vite été remplacés par des outings prémédités, par des performances en carton-pâte. Aya Nakamura, improbable moukère, fait son apparition, déguisée en pain de sucre noir, réhaussée au gloss et au strass, matoise figure de proue d’une pop culture réversible, fomentée dans les banlieues-spectacles du quart-monde autorisé. Un mannequin tente de se faire connaître en improvisant une performance pour dénoncer les viols en Ukraine. Pauvres violées. Pauvre Ukraine. Ce beau pays ne méritait sans doute pas cela, encore moins cette petite frappe de Zelenski qui vient faire son show pendant l’ouverture, ne perdant jamais une occasion de se faire mousser devant la « communauté internationale ». Quelle probité morale. Mais on aime, à Cannes, forcément, l’indignation dirigée. Les stars du cinéma, toutes bouturées par les mêmes chirurgiens, calfatés par les mêmes diététiciens, défilent sous les horions, se repassent les mêmes plats depuis 50 ans, boivent aux mêmes mamelles corrompues. Même le « glamour », cette drôle d’invention européenne, est menacée de ringardise : les nouvelles starlettes s’affichent désormais sans talons aiguilles, tous tatouages dehors, avec si possible une pilosité de gouinasse en guise de street cred infamante. Ces stars sont-elles encore désirées par les foules ? On en doute. Elles seraient plutôt affichées en décalcomanies interchangeables dans le sale cœur en silicium et en koltan qui leur tient lieu de poitrine. Il n’y a plus de stars. Il n’y a plus de Cannes. Il n’y a plus de cinéma. Il n’y a que ces acteurs geignards et cabochards qui rejouent la même comédie partouzarde autorisée par le deep state planétaire. Rompez.

Marc Obregon L’Incorrect

Image

« Le cinéma, la pieuvre mondiale des cerveaux… toute la pourriture… autant de ventouses à pourriture que de salles obscures !…

Le veau d’or d’Hollywood… arrogant, campé sur son Cinéma… “le moulin des obscénités mondiales… bla… bla…” »

— Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre (1937), éd. Denoël, 1937, p. 266

EN BANDE SON :

Catégories :REBLOG

Tagué:

1 réponse »

Laisser un commentaire