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Métagosses et supercons (Marc Obregon)

Métagosses et supercons

Comme toutes ces nouveautés qui sont en réalité travaillées par la science-fiction depuis pas loin de 100 ans mais qu’on vous présente comme révolutionnaires et inédites pour alimenter à peu de frais des sites d’informations prédigérées, l’ascension des « enfants-tamagotchi » annoncée récemment avec perte et fracas n’est jamais qu’une vieille lubie héritée de la première moitié du XXème siècle, et dont les tenants furent âprement discutés à travers tout un tas de séries B plus ou moins inventives.  C’est le Daily mail qui s’est emparé du sujet récemment : les enfants-tamagotchi – comprendre des enfants virtuels rendus possible par la réalité augmentée – seraient la solution à tous nos problèmes. « Ils pourraient même nous aider à combattre la surpopulation et le réchauffement climatique » selon une « experte en Intelligence artificielle », une certaine Catriona Campbell qu’on soupçonne de ne pas exister-  ce blaze a vraiment trop l’air sorti d’un film de James Cameron circa 1990. Probablement une intelligence artificielle elle-même, sans doute pressée de tourner la page de l’humanité, non ?

En illustration de l’article du tabloïd anglais, un montage qui ferait passer le Meilleur des Mondes pour une aimable utopie réactionnaire : une quinquagénaire munie de lunettes de réalité virtuelle qui dorlote un nourrisson transparent, quelque part entre Casper et une version spectrale du chiard Cadum. Bref, on est au-delà du cauchemar. Car enfin, c’est tout le programme transhumain qui se retrouve ici : après avoir satellisé le patriarche quelque part dans la ceinture de Kuiper, détruit et avili le rôle de la mère, devenue femme Barbara Gould puis authentique pute à frange précocement ménopausée par les gaines chromées siglées Thierry Mugler, c’est le rôle cosmique de l’enfant lui-même qu’on voudrait tordre, annihiler et limiter à celui – imbécile et onaniste – d’une simple préoccupation domestique, d’un stand alone achievement : un peu plus que de nourrir sa murène transgénique, mais un peu moins que de se colleter à ce qui ressemblerait, ô sublime horreur, à un destin qui ne soit pas le nôtre !

Comment différencier au fond le fait d’élever un enfant du simple hobby évolutif ? Après tout, si l’on s’en tient aux signes extérieurs et à ce que la bourgeoisie domotique et furieusement post-bourgeoise a fait de l’éducation, un embryon virtuel n’est pas plus crétin que ces gosses fadasses, montés sur roulettes, qui répètent sottement les lieux-communs parentaux, jusqu’à l’inévitable schisme adolescent entretenu et autorisé par le secteur divertissement des démocraties occidentales. Tu seras une femme, mon fils ! Quoi de plus normal qu’au fond l’enfant finisse par se passer de chair pour ne devenir que pure membrane, pure courroie de transmission entre parents bienheureux et un brave fat world entrevu comme l’empire rosâtre d’une néo-natalité éternelle car sans cesse reconduite. Triste tragédie qui rejoint celle des créatures de dessins animés, condamnées à ne jamais grandir : Simpsons et autres Razmokets  étant à jamais bouturés dans les cuves fictionnelles pour nous convaincre que nous aussi nous pouvons le faire : ne pas passer le temps. Devenir nos propres Peter Pan et se contenter de torcher du bout des datagloves le méconium digital de quelque bambin algorithmique… notre société hyper-individualiste doit se doter fissa d’hyper individus, qui ne seront sûrement pas grand-chose de plus que des versions augmentées de nous-mêmes, capables de faire face au grand vide digital qui s’annonce, de s’habiller entièrement en NFT et de boucler ses fins de mois en allouant quelques kilomètres de bande passantes aux micro-transactions qui épuiseront la moelle du monde. On est finalement assez loin des rêveries encore mécanistes d’Isaac Asimov ou de Brian Aldiss, qui imaginaient des enfants robots cajolés à l’instar de poupées savantes. Avec l’enfant digital, ce n’est pas tant l’absence de corps qui constitue le grand évènement métaphysiquement que la possibilité d’un esprit sans fin, flottant comme un nuage de poison dans la clepsydre démesurée du méta-vers, instituant une éternelle boucle temporelle générée par les marketing-bots bienveillants de Pamper’s et Huggies. Vivement la quille.

 Marc Obregon

« L’homme ou la femme moderne, éclairé, émancipé, se révèle ainsi, lorsqu’on y regarde de plus près, n’être qu’un consommateur beaucoup moins souverain qu’on ne le croit. Loin d’assister à la démocratisation de la culture, il semble que nous soyons plutôt les témoins de son assimilation totale aux exigences du marché. »

— Christopher Lasch, Culture de masse ou culture populaire ? (1981)

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3 réponses »

  1. La ceinture de Kuiper… et les bretelles de Newton!
    Je lui suggère de placer le nuage de Oort, c’est encore plus hermétique pour le lecteur lambda qui n’a pas d’intérêt pour l’astronomie.
    Ces gens qui étalent en vrac les éléments de leur culture sans nécessité précise, sans se soucier de bien communiquer avec le lecteur sont insupportables, et ils sont nombreux à s’exprimer pour satisfaire on ne sait quoi..
    Un autre signe des temps, avec le bébé virtuel.

  2. @Francis
    Uniformisation par le bas? L’Obregon est cosmique dites vous je dirais métaphysique.. and so what ?,so bad?Vous pas comprendre? Pas aimer le style ou la pensée?Le lecteur doit préférer les images style BFM.?…. Acheter des cahiers de coloriage?

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