
La décision de la Cour de cassation de Paris est passée inaperçue et pourtant elle semble donner raison aux pornographes 3.0 et au fameux « monde d’après » qui se gargarise toujours plus de chair numérique. Le 18 mai, la plus haute juridiction a en effet estimé après délibération que le fait de monnayer ses charmes virtuellement ne relevait pas de la prostitution, rejetant la demande de la Confédération nationale des associations familiales catholiques qui réclamait que ces activités soient davantage encadrées. Ouf ! les camgirls et surtout les plateformes qui hébergent leurs contenus et facilitent leurs transactions (en prenant au passage un pourcentage pas du tout symbolique) vont pouvoir dormir sur leurs deux oreilles. Elles ne sont pas des putes, ils ne sont pas des maquereaux. Tout au plus des adultes consentants qui échangent de bonnes pratiques au fil de vertueuses contractualisations.
Vidéodrome
C’est oublier qu’à Budapest ou à Miami, ces mêmes plateformes, dont beaucoup sont la propriété du géant du porno Mindgeek, ont bâti de véritables « vidéodromes » dans lesquels ces starlettes de la webcam sont parquées et condamnées à répéter toute la journée les mêmes positions, devant un parterre conséquent de voyeurs tapis derrière leurs écrans. C’est oublier que ces nouvelles méthodes menacent dangereusement la santé mentale des jeunes filles, en s’invitant dans les chambres d’adolescentes, en démocratisant des pratiques extrêmes sous couvert de « safe sex » (sexe sans contact) et en les exposant souvent aux fantasmes d’internautes dégénérés qui en veulent toujours plus, protégés par l’anonymat.
Pas de la prostitution ? Il nous semble ici qu’il s’agit au contraire d’une hyper-prostitution, puisque ces jeunes filles qui s’effeuillent devant des centaines d’inconnus et répondent à leurs demandes perverses moyennant quelques « tips », vendent leur image en plus de vendre leur corps. Les prostituées à l’ancienne sont certes pénétrées dans leur chair, mais au moins leurs ébats restent-ils du domaine de l’intime et ne sont pas exposés à la foule, enregistrés, dupliqués mille fois sur des sites de streaming. En réalité, il s’agit bien de prostitution, et même de prostitution au carré.
Se prostituer en toute sécurité
Il faut dire que le monde entier leur donne raison. Comme si la morale s’arrêtait toujours bel et bien là où commence le profit. L’émission « Les pieds sur terre » de France Culture a donné la parole à quelques-unes pendant le confinement. Toujours avec cet angélisme embarrassant lorsqu’il s’agit de faire passer au forceps le mariage impie du sexe et du capital. Édifiant.
La crise sanitaire a accéléré tous les processus délétères du néo-capitalisme, parmi lesquels les déviances sexuelles arrivent en tête de peloton
La crise sanitaire a accéléré tous les processus délétères du néo-capitalisme, parmi lesquels les déviances sexuelles arrivent en tête de peloton. France Culture et la plupart des médias dominants n’y voient pas d’inconvénient majeur. Pas de drame social ici : ces nouvelles travailleuses du sexe sont jeunes, ultra-connectées, appartiennent plutôt à la bourgeoisie et font ça pour « explorer leurs limites », « expérimenter leur relation à leur propre corps » ou tout simplement arrondir leurs fins de mois.
Quand se prostituer est un hobby
On vous présente le métier avec un habillage enfantin, histoire de banaliser la perversion, de vous faire sentir que c’est une activité comme une autre, que vous deviendrez une micro-entrepreneuse. La frontière et d’ailleurs parfois très floue entre les twitcheuses et les cam girls. La prostitution, en fait, n’est plus une pratique, c’est devenu le mode d’être du féminin sur internet : se vendre, c’est la base de tout.
Finalement, ces nouvelles pratiques ne font qu’entériner une chose : la victoire totale du capital sur le sexe. Là où on pouvait encore délimiter une fonction sacrificielle dans la prostitution à l’ancienne, ces nouvelles prostituées l’évacuent complètement, et assument un appât du gain totalement hors contrôle, qui devient d’ailleurs lui-même un fétiche sexuel : les fameux « money slaves », qui payent des dominatrices… pour leur offrir des cadeaux ou leur faire des virements PayPal. Autrement dit, ils payent pour payer. La boucle est bouclée.
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Tagué:Marc Obregon
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