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Assassinat de Daria Douguine : La piste bidon et propagandiste de « l’Armée nationale républicaine »

Le projet américain « Ponomarev-Lénine2.0 » et la tentation de la guerre civile russe

By Karine Bechet-Golovko 

russiepolitics.blogspot.com

5 min

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L’histoire ne se répète jamais à l’identique, ce qui n’empêche pas la tentation. Les mentors de cette guerre globale reprennent le fleuron de la guerre civile russe, mais les ressources sont objectivement limitées et ils ne semblent capables que d’une parodie avec l’ancien député-escroc Ponomarev, depuis plusieurs années parti en Ukraine puis aux Etats-Unis, en guise de Lénine et une fantomatique « Armée nationale républicaine » en place d’un véritable soulèvement populaire. Quoi qu’il en soit, il existe bien des forces voulant ouvrir un deuxième front, intérieur en Russie, en jouant sur l’éternelle division des clans au pouvoir et le mécontentement populaire, que provoque ces élites russes globalistes toujours en place, pour monter les Russes les uns contre les autres et si possible contre le pouvoir. A ce jour, cette idée a peu de perspective, ce qui n’empêche pas le danger à terme.

L’ancien député Ilya Ponomarev est une figure assez caricaturale de l’opposition dite libérale en Russie. Il est important pour la suite de connaître un peu le personnage. En 2015, il est accusé de détournement de fonds publics, pour avoir touché 70 000 dollars environ pour une série de 10 conférences à Skolkovo (la Sillicon Valley russe, américanisée de l’intérieur), dont il n’en a fait qu’une seule (voir notre texte ici). Lui qui se pose en grand combattant de la corruption du « régime de Poutine » en Russie, à l’époque les détournements de fonds publics ne le dérangeaient pas. Immédiatement parti aux Etats-Unis à l’été 2015, la Douma a quand même attendu l’été 2016 pour lui retirer son mandat (voir notre texte ici). Il traîne depuis dans les Forums globalistes antirusses de l’opposition radicale, financés depuis l’étranger.
Cette opposition radicale a un très faible capital politique en Russie, justement parce qu’elle va à contre-courant de l’opinion publique : elle remet en cause le consensus de Crimée, appelle à plus de sanctions contre le pays, appelle à la dissolution de la Russie dans le jeu global et à la remise en cause des valeurs traditionnelles. Et c’est justement cette opposition, qui est tenue par l’étranger. 
Il semblerait que l’occident ait retenu la leçon de l’échec total du projet Navalny, présenté comme ultra libéral. Avec Ponomarev, ils tentent une alternative pseudo-patriotique. Le discours change un peu du discours classique, il tente d’être anti-Poutine raisonnable mais sans concession, faisant du président un être faible sous une pression qu’il ne supporte plus, et dont il faut sauver la Russie et les Russes. C’est ce qui ressort par exemple en grandes lignes de cette interview avec Gordon, le propagandiste ukrainien.
Cette « opposition » de l’étranger tente de recréer des symboles étatiques et reprenant la même technologie que pour Tikhanovskaya en Biélorussie, ils veulent transformer le drapeau national : le rouge en Russie doit disparaître du drapeau, c’est la couleur du sang, il ne doit rester que le bleu et le blanc. 
Ponomarev, qui s’est positionné immédiatement contre le conflit ukrainien, a très tôt diffusé des bruits non confirmés d’atteintes systématiques contre les centres militaires de recrutement. Mais son poids politique en Russie est très faible, en raison de son passé, qui ne peut en faire un patriote. Ses appels restent donc assez vides.
Avec l’attentat contre la famille Douguine, Ponomarev est monté d’un cran et en a profité pour donner vie à une mystérieuse « Armée nationale républicaine », dont il publie le Manifeste, sur fond de chant patriotique, qui appelle au renversement de l’ordre constitutionnel en Russie:
Selon les déclarations non prouvées de Ponomarev, cette organisation existe depuis plusieurs mois, elle aurait déjà commencé à agir et ce serait elle qui aurait assassiné la fille Douguine, en ratant le père. Et cette organisation serait prête à agir en Russie, ouvrant ainsi un second front, devant conduire à la division de la société, qui est censée se mettre à soutenir ces faux partisans.
La démarche est intéressante, car manifestement, les tireurs de ficelles ont tiré les leçons de leurs revers : ils ne peuvent mettre en place en Russie une opposition radicale libérale pour renverser le pouvoir, Navalny est l’illustration parfaire de leur échec. Ils veulent donc jouer la carte faussement patriotique, en s’appuyant également sur les élites globalistes, qui sont au pouvoir et restent très peu populaires, bien que encore puissantes. Ainsi, d’un côté, ils provoquent le mécontentement avec des individus, qui soit bloquent le processus de déglobalisation de la Russie, soit continuent ouvertement à défendre « le parti de la paix » (des négociations, des compromis, des retraits, etc.), comme il est appelé. Ces individus permettent de discréditer le pouvoir auprès de la population, majoritairement conservatrice et patriotique. Ce qui peut conduire pour une partie de la population à remettre un peu vite en cause le caractère patriotique du pouvoir en place … et donc à lui chercher une alternative. L’alternative lui est également fournie par ce même clan globaliste extérieur, clé en main, prête à consommation. Ce qui a en plus le mérite d’écarter les véritables patriotes.
Ce plan a peu de chances de fonctionner, mais il est clairement activé. Beaucoup va en réalité dépendre de la capacité du pouvoir en Russie à nettoyer en douceur, mais avec fermeté, ses élites globalistes et à répondre aux attentes de la population en matière de déglobalisation (de l’enseignement, du système de santé, etc.). Car aucun changement par la force de l’ordre constitutionnel ne peut se faire de l’étranger, sans qu’il n’y ait un véritable mécontentement populaire. Ces « révolutionnaires-mercenaires » ne peuvent qu’orienter, que s’approprier ce mécontentement. Il est donc fondamental de ne pas tendre le bâton.

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