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Le super cycle du Léviathan prend fin ; les dirigeants occidentaux font semblant de ne pas l’avoir remarqué (Alastair Crooke)

Le super cycle du Léviathan prend fin ; les dirigeants occidentaux font semblant de ne pas l’avoir remarqué


La « bulle » de la guerre en Ukraine est en train de se dégonfler alors que les États-Unis et l’Europe atteignent le fond du « tonneau » de stocks d’armes.


Par Alastair Crooke – Le 17 octobre 2022 – Source Strategic Culture

« Un malentendu et une négligence flagrants concernent toutefois la nature de la politique et le rôle joué par les combustibles fossiles. L’énergie est en effet au cœur du problème. Comment la classe dirigeante actuelle à Washington a-t-elle pu « oublier » que l’économie réelle occidentale est un système de réseau basé sur la physique, alimenté par l’énergie ? La modernité est tributaire des combustibles fossiles. Une transition en douceur vers l’énergie verte au fil du temps dépend donc aussi largement de la disponibilité continue de combustibles fossiles abondants et bon marché. Sans le bon type d’énergie, les emplois disparaissent et la quantité totale de biens et de services produits chute brutalement.

Pourtant, les dirigeants occidentaux ont jeté aux orties cette compréhension de base. À quoi pensaient-ils lorsqu’ils ont préconisé que l’Europe sanctionne l’énergie russe bon marché et s’en remette plutôt au GNL américain coûteux ? À réaffirmer une hégémonie « fondée sur des règles » ? Aux « valeurs européennes » ? Ont-ils bien réfléchi à tout cela ?

Et, dans un autre acte de folie lié à l’énergie, l’administration Biden s’est maintenant aliénée l’Arabie saoudite et les producteurs de l’OPEP. L’OPEP est un cartel qui tente de gérer la production et la demande en fixant le prix du pétrole. L’équipe Biden aurait-elle oublié que le pétrole et le gaz sont, en réalité, l’essence même de la géopolitique ? Le prix, le flux et l’acheminement de l’énergie sont, au fond, la principale « monnaie » de la politique mondiale.

Pourtant, le G7 a décidé de retirer ce rôle à l’Arabie saoudite. Il a proposé à la place un « cartel d’acheteurs des États occidentaux » qui fixerait le prix du pétrole (et, à la suggestion de Mario Draghi, fixerait également un plafond au prix du gaz ). En clair : Il s’agissait d’asséner un coup de marteau au « modèle économique » de l’Arabie saoudite et de faire s’effondrer la principale fonction de l’OPEP – désormais renforcée sous le nom d’OPEP+.

Non contente de faire cela, l’administration Biden a commencé à vendre un million de barils par jour de ses réserves stratégiques, ce qui a encore affaibli le modèle économique saoudien, tout en cherchant à faire baisser les prix du brut par la manipulation du marché.

L’Arabie saoudite devait-elle céder au G7 le rôle durement gagné de l’OPEP en matière de fixation des prix ? Pourquoi devrait-elle le faire ? Le fait que le parti de Biden doive affronter des élections de mi-mandat difficiles en novembre le justifie-t-il ?

C’est exactement ce contre quoi les États se sont élevés lors du sommet de Samarcande : le sentiment occidental d’être dans son bon droit. Bien sûr, Mohammad ben Salmane devrait s’en remettre aux perspectives électorales de Biden, et sourire alors que son atout géopolitique lui est retiré.

C’est le vieux « péché » impérial. Attendre la déférence et insister sur celle-ci, tout en laissant transparaître une faiblesse inhérente. Washington et ses alliés tentent d’imposer la servilité sur tous les fronts. Pourtant, la rhétorique belliqueuse se retourne contre eux ; les États ont progressivement perdu leur appréhension vis-à-vis de Washington.

Ainsi, les menaces américaines inspirent de plus en plus non pas la déférence mais la défiance. Le problème est que la trame des récits de guerre binaires « nous et eux » est devenue de plus en plus artificielle et invraisemblable ; et par conséquent, il est presque impossible pour l’Occident de la maintenir en place.

Cette tendance mondiale à la défiance pourrait finalement s’avérer être le tournant décisif – dépassant de loin toute issue de la guerre en Ukraine – vers un ordre mondial modifié. D’autant plus que Biden a choisi un moment délicat pour faire la guerre aux producteurs de pétrole. Nous avons donc trois bulles distinctes qui semblent prêtes à éclater en tandem, créant une tempête « incontrôlable » qui pourrait engloutir ce qui reste de la « force » occidentale.

Voilà où nous voulons en venir : non seulement un super-cycle politique est en transition, mais les bulles éclatent sur tous les fronts.

La « bulle » de la guerre en Ukraine est en train de se dégonfler alors que les États-Unis et l’Europe atteignent le fond du « baril » d’armes, que les finances de Kiev se dégradent et que ses forces subissent de lourdes pertes. Kiev et l’OTAN sont plutôt confrontés à la perspective intimidante d’une offensive russe majeure, peut-être bientôt, début novembre.

La deuxième bulle qui éclate est celle du « modèle économique » de l’Europe. Une grande partie de l’industrie européenne n’est tout simplement plus compétitive, ayant « perdu » le gaz et le pétrole russes bon marché. En d’autres termes, le coût de l’énergie met l’industrie européenne en faillite.

La troisième est la plus importante de toutes : c’est la bulle « inflation zéro-taux d’intérêt zéro/QE » qui a commencé à éclater. Elle est énorme. Et d’un point de vue stratégique, le Golfe représente la dernière réserve de véritables « liquidités » qui, historiquement, ont été des acheteurs et des détenteurs fiables de bons du Trésor américain.

Plus important encore, cette hyperfinanciarisation qui a duré des décennies a commencé à se résorber, avec la montée en flèche des taux d’intérêt. Ce que nous observons au Royaume-Uni n’est qu’un signe avant-coureur : de nombreux fonds sont à nouveau fortement endettés (comme avant 2008) et exposés à des produits dérivés utilisant des mathématiques éblouissantes pour faire croire que des rendements supérieurs à la référence peuvent être créés sans risque, à partir de rien (comme avant 2008). Cela se termine toujours mal. Tout cet effet de levier à haut risque et non couvert devra être dénoué à un moment donné.

Et à ce moment précis, Biden choisit d’entrer en guerre avec les États producteurs d’énergie du Golfe qui entretiennent presque exclusivement la crédibilité des obligations du Trésor américain. Washington ne semble pas avoir conscience de la gravité de ces événements combinés, ni de la nécessité de faire preuve de prudence. »

Alasteir Crooke

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3 réponses »

  1. Merci au lecteur qui a envoyé cette image hilarante. Malgré toutes les données entrantes et l’instabilité des prix, certains s’attendaient à ce que la Fed pivote sur sa position. Même BlackRock aurait dit aux conseillers de s’attendre à un « langage pivot » lors de la dernière réunion du comité fédéral de l’O Ils espéraient que la Fed annoncerait une position plus souple pour la réunion de décembre malgré les conditions qui ne s’améliorent pas.
    Les marchés ont correctement anticipé une hausse de 75 bps pour novembre. Jerome Powell a déclaré que les données entrantes de la dernière réunion ont amené la banque centrale à croire que les taux seront plus élevés que prévu à l’origine. Le PCE a augmenté de 6,2 % au cours des 12 derniers mois, le PCE de base augmentant de 5,1 %. Il y a longtemps après que Powell ait changé sa position « transitoire », il a réitéré que le principal objectif de la Fed est de ramener les niveaux à l’objectif de 2%. La stabilité des prix est la priorité absolue – point final.
    « Comme je l’ai dit lors des deux dernières conférences de presse, il deviendra approprié de ralentir le rythme des hausses, alors que nous approchons du niveau des taux d’intérêt qui sera suffisamment restrictif pour ramener l’inflation à notre objectif de deux pour cent. Il existe une grande incertitude autour de ce niveau de taux d’intérêt. Malgré cela, nous avons encore du chemin à parcourir, et les données entrantes depuis notre dernière réunion suggèrent que le niveau final des taux d’intérêt sera plus élevé que prévu auparavant », a réitéré le président.
    La banque centrale réalise que la situation ne fera que s’aggraver. «Rétablir la stabilité des prix est essentiel pour préparer la voie à l’obtention d’un maximum d’emplois et de prix stables à long terme. Le bilan historique met fortement en garde contre un assouplissement prématuré de la politique. Nous continuerons jusqu’à ce que le travail soit fait », a commenté Powell. Ses questions/réponses après l’annonce n’ont fait que réitérer sa position extrêmement faucon (voir vidéo ci-dessus).
    Powell a déclaré que la Réserve Fédérale s’adapte à trois facteurs principaux : 1) la vitesse à laquelle il faut resserrer la politique, 2) le niveau à quel point il faut augmenter les taux, 3) combien de temps il faut rester sur le cap Powell a dit qu’ils passeraient « rapidement » aux taux de déplacement, surtout compte tenu du faible point de départ. Il pense que les données entrantes justifient des hausses de taux continues, et son estimation est supérieure à ce qui a été annoncé en septembre. Enfin, il a dit qu’ils pourraient avoir une discussion sur le moment de relâcher la politique, mais l’accent a été mis sur le mot discussion.
    Martin ARMSTRONG

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