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Les NEWS « éco-comiques » du LUPUS du Vendredi 17 Mars 2023 

Les NEWS « éco-comiques » du LUPUS du Vendredi 17 Mars 2023 

Les inquiétudes se concentrent avant tout sur Credit Suisse en Europe, qui a chuté de plus de 8% vendredi, et sur First Republic aux Etats-Unis, qui lâche 26,5%. Sur la semaine, leur valorisation en Bourse a dévissé respectivement de plus de 25% et de près de 70%.

Plus globalement, l’indice des banques européennes a chuté de 2,85% vendredi, creusant ses pertes à 11,47% sur la semaine, la plus forte depuis six mois. Les pertes hebdomadaires ont été encore plus notables pour Société Générale (-16,94%), Commerzbank (-19,53%), ING (-14,76%), Standard Chartered (-14,30%) et Unicredit (-14,31%).

Les banques américaines étaient sur la voie d’une seconde chute de plus de 10% sur la semaine en moyenne, particulièrement les enseignes régionales et de taille moyenne, les investisseurs se demandant «qui sera la prochaine à avoir besoin d’aide», selon Craig Erlam, analyste d’Oanda.

«La valeur d’une banque, c’est la confiance qu’on lui porte et on a besoin de la restaurer», explique Vincent Juvyns, membre de l’équipe stratégie mondiale de JP Morgan AM.

Les mesures prises jusque-là, comme les 30 milliards de dollars de dépôt de onze grandes banques américaines au sein de First Republic, ou celles des banques centrales plus tôt dans la semaine, ne sont parvenues à ramener le calme que quelques heures.

Les investisseurs restent effrayés par une possible contagion à d’autres établissements, après la faillite éclair de la Silicon Valley Bank (SVB) la semaine passée. Sa maison mère, SVB Financial, a annoncé vendredi avoir déposé le bilan.

Mais la grande fébrilité des investisseurs se lisait partout: le marché des emprunts d’Etats a connu la volatilité la plus forte depuis 2008, avec une forte baisse des rendements.

L’or évoluait à son plus haut niveau depuis avril 2022, à 1.960 dollars l’once alors que les prix du baril de pétrole dévissaient d’environ 12% sur la semaine, pour évoluer à leur plus bas niveau depuis quinze mois.

RÉUNION DE LA FED

Signe de tensions financières, les banques américaines auraient emprunté ces derniers jours 164,8 milliards de dollars auprès de la Réserve fédérale américaine, selon l’agence d’informations financières Bloomberg.

Credit Suisse a aussi reçu le soutien de la banque nationale suisse pour renforcer ses liquidités. L’hypothèse d’un rachat a refait surface, selon des analystes, mais son rival UBS refuse pour l’heure d’y prendre part, d’après Bloomberg.

La Banque centrale européenne (BCE) devait réunir vendredi son organe de surveillance des banques en zone euro pour un «échange de vues» sur le secteur, a appris l’AFP. C’est la seconde fois que cet organe est convoqué cette semaine hors du calendrier habituel.

Toutes ces turbulences ont alimenté les spéculations sur un assouplissement des positions des banques centrales à l’égard de l’inflation afin d’éviter une grave récession.

La BCE a toutefois réaffirmé jeudi sa détermination en relevant ses taux d’intérêt directeurs de 0,5 point de pourcentage supplémentaire. Les investisseurs attendent désormais la décision de la Fed, prévue mercredi.

Gagnant de la semaine, le bitcoin a bondi de 23% pour dépasser les 26.400 dollars, porté par l’hypothèse d’un assouplissement monétaire.

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Le marché réagit plutôt bien à l’annonce de la garantie de 50 milliards de francs apportée à Credit Suisse par la Banque nationale suisse (BNS).  Credit Suisse semble ne pas avoir besoin de ces 50 milliards, si l’on se fie aux derniers ratios publiés par la banque (ratios qui datent de près de trois mois), le marché en revanche avait besoin d’entendre que maman BNS veille au grain et ne laissera pas sa turbulente petite partir en vrille.

Le patient de la Paradeplatz reste ceci dit en observation aux soins intensifs, son CDS (Credit Default Swap) continue d’évoluer dans la stratosphère (3358 points contre 212 pts le 28 février). Un CDS à ce niveau nous indique clairement que de nombreux intervenants continuent de se couvrir contre une faillite potentielle de la deuxième banque helvétique.

Une brise rassurante souffle en provenance des Etats-Unis, où 11 banques annoncent qu’elles vont déposer un total de 30 milliards de dollars auprès de First Republic Bank (FRC +10%) pour contribuer à rétablir le calme. JP Morgan Chase, Bank of America, Citi et Wells Fargo apporteront chacune 5 milliards de dollars de dépôts non assurés, tandis que Goldman et Morgan Stanley contribueront à hauteur de 2,5 milliards de dollars chacune.

Dans un registre un peu moins rose, je note aussi que les banques américaines ont emprunté 164,8 milliards de dollars à la Fed au cours de la semaine qui s’est achevée le 15 mars, signe d’une aggravation des tensions financières à la suite de la faillite de SVB. Les emprunts à la fenêtre d’escompte ont grimpé à 152,85 milliards de dollars, contre 4,58 milliards de dollars la semaine précédente, dépassant de loin le record historique de 111 milliards de dollars. Alors oui, chers taureaux, la journée d’hier fut belle, mais peut-être devriez-vous conserver le champagne au frais encore un peu, la poussière met du temps à retomber lorsqu’une crise de cette nature se déclenche.

1/ Une banque ne fait pas faillite pour des questions de solvabilité mais de liquidités. Une banques meurt toujours d’un manque de liquidités et cela peut se faire en quelques heures seulement et la contagion est immédiate.

2/ La contagion est immédiate car ce sont les banques et les sociétés financières qui ne sont pas en capacité de supporter la hausse des taux actuelle. Le krach obligataire dégrade leurs bilans et fait baisser les actifs détenus en valeur. Du coup, il y a des manques de liquidité et c’est le drame.

3/ Toutes les banques sont concernées car la hausse des taux concerne toutes les banques !

Logiquement, il faudra sauver Crédit Suisse, et toutes les autres grosses banques qui auront globalement le même de problème. Il ne sert à rien de courir d’une banque à l’autre, car elles sont toutes concernées, mais elles ne le seront pas au même moment.

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Deutsche Bank a annoncé ce vendredi le versement à son président du directoire, Christian Sewing, d’environ 8,9 millions € en 2022. Un salaire en légère augmentation par rapport à la rémunération de 8,8 millions € de l’année antérieure. Cette rémunération intervient alors que Deutsche Bank a connu une année faste sur le plan économique. En effet, la société allemande a fait état d’une forte rentabilité en 2022 (son année la plus rentable depuis 2007).

La banque a également annoncé prévoir une légère hausse de son chiffre d’affaires en 2023, qui devrait se situer entre 28 et 29 milliards d’euros, après 27,21 milliards d’euros l’année précédente. Christian Sewing a mené au sein de l’établissement bancaire une des plus importantes réorganisations sur le plan systémique : un plan de restructuration de près de 10 milliards d’euros sur quatre ans, après des années de pertes. On oublie donc les scandales et les difficultés du géant allemand ? Pour le moment oui…

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Onze grands établissements s’engagent conjointement à verser au total 30 milliards de dollars de dépôts dans la banque mise sur la sellette par les trois récentes faillites.

Onze grandes banques américaines ont choisi jeudi de venir ensemble à la rescousse de l’établissement en difficulté First Republic et éviter ainsi qu’il ne devienne le prochain domino à tomber après trois faillites d’affilée.

Elles se sont engagées à verser au total 30 milliards de dollars de dépôts dans First Republic. C’est le signe, selon elles, de leur «confiance dans le système bancaire» du pays, indique un communiqué commun.

Cette action a été saluée par les autorités américaines, le ministère de l’Economie, la banque centrale (Fed) et deux régulateurs financiers estimant dans un communiqué séparé qu’elle «démontre la résilience» du système bancaire.

Ces entités se démènent depuis le week-end pour rassurer marchés et particuliers sur la situation des banques.

La Fed a précisé jeudi leur avoir prêté près de 12 milliards de dollars depuis dimanche, via un nouveau programme spécifique, destiné à permettre d’honorer les demandes de retraits de leurs clients. Les prêts habituels à très court terme ont eux bondi, sur une semaine, d’à peine 5 milliards de dollars à 152 milliards.

Et la Fed a prêté 142,8 milliards de dollars aux deux entités créées par les régulateurs pour succéder à SVB et Signature Bank – enseigne new-yorkaise fermée dimanche par le régulateur américain.

First Republic, 14e banque américaine par la taille des actifs, était sur la sellette depuis plusieurs jours après les défaillances rapprochées de Silicon Valley Bank, Signature Bank et Silvergate, car elle sert principalement une clientèle fortunée.

Investisseurs et analystes craignaient que nombre de clients préfèrent déplacer leur argent dans des établissements ne présentant a priori aucun risque de faillite car trop importants pour que les régulateurs les laissent fermer, et que First Republic doive à son tour être liquidée.

Une perspective peu réjouissante pour le système bancaire dans son ensemble, qui a poussé les grandes banques à agir de concert.

La journée avait mal débuté jeudi pour First Republic: après avoir déjà perdu 73% en une semaine, l’action a perdu jusqu’à 36% après un article de l’agence Bloomberg affirmant que la banque explorait des «options stratégiques» pour son avenir, y compris une possible vente.

Il est prévu que Bank of America, Citigroup, JPMorgan Chase et Wells Fargo, les quatre plus grandes banques du pays par la taille des actifs, apportent, chacune, cinq milliards de dollars.

Les banques d’affaires Goldman Sachs et Morgan Stanley doivent verser 2,5 milliards chacune tandis que BNY Mellon, PNC Bank, State Street, Truist et U.S. Bank doivent débourser 1 milliard.

Fondée en 1985 et basée à San Francisco, First Republic fournit des services de banque privée pour les particuliers et entreprises, et de gestion de fortune, principalement en Californie et sur la côte Est. Elle a enregistré une croissance rapide ces dernières années, passant de 22 milliards de dollars d’actifs fin 2010 à 212 milliards fin 2022.

Déjà surveillée de près depuis quelques jours, la banque avait indiqué dimanche avoir «renforcé et diversifié ses liquidités» et disposer de 70 milliards de dollars grâce à des facilités offertes par la banque centrale américaine, et à JPMorgan Chase.

Insuffisant aux yeux des agences de notation S&P Global Ratings et Fitch, qui avaient abaissé mercredi la note qu’elles accordent à la dette de la société dans la catégorie des investissements spéculatifs.

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La Réserve fédérale a parallèlement indiqué avoir, via son programme habituel de prêts à très court terme, prêté 152 milliards aux banques cette semaine contre à peine 5 milliards la semaine précédente.

La banque centrale américaine (Fed) a annoncé jeudi avoir prêté près de 12 milliards de dollars aux banques américaines depuis dimanche, dans le cadre de son nouveau dispositif, annoncé après la faillite de SVB, pour leur permettre d’honorer les demandes de retraits de leurs clients.

La Fed s’était engagée dimanche à prêter les fonds nécessaires aux banques, dans un communiqué commun avec le département du Trésor et le régulateur bancaire, la FDIC. Les trois avaient présenté une série de mesures visant à rassurer particuliers et entreprises.

L’institution monétaire a par ailleurs indiqué jeudi avoir, via son programme habituel de prêts à très court terme, prêté 152 milliards de dollars aux banques au cours de la semaine écoulée contre à peine 5 milliards la semaine précédente.

Enfin, ce sont 142,8 milliards de dollars qui ont été prêtés aux deux entités créées par les régulateurs américains pour succéder à Silicon Valley Bank (SVB) et Signature Bank, enseigne new-yorkaise fermée d’office dimanche par le régulateur américain.

Une troisième banque, Silvergate, proche du milieu des cryptomonnaies, a également fermé. Jeudi, c’est First Republic, 14e banque américaine par la taille des actifs et sur la sellette depuis plusieurs jours, qui a été sauvée par 11 grandes banques américaines. Celles-ci se sont engagées à verser au total 30 milliards de dollars de dépôts.

Cela a fait grimper de 297 milliards de dollars le bilan de la Fed, qu’elle était pourtant en train de réduire depuis le mois de juin, après avoir, pendant la pandémie de Covid-19, acheté des titres pour inonder le marché de liquidités et lui permettre de continuer à fonctionner.

Cette nouvelle hausse de son bilan devrait peser dans la balance mardi et mercredi, au cours de la prochaine réunion de la Fed, lorsqu’elle prendra la décision de relever de nouveau ses taux ou non. Injecter des liquidités dans l’économie va en effet à l’encontre de son principal objectif actuel, qui est de juguler l’inflation.

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Dans ce contexte, JP Morgan a élaboré plusieurs scénarios quant à l’avenir de l’établissement de la Paradeplatz, qui pourraient impliquer la 8e restructuration de Credit Suisse depuis 2011, alors que les analystes jugent «le soutien de la BNS en matière de liquidités (comme annoncé mercredi soir) insuffisant». «Le statu quo n’est pas une option», cinglent les experts.

Les analystes de la banque américaine jugent ainsi une reprise par la concurrente UBS comme le scénario le plus probable, relevant tout de même les difficultés en termes de concurrence, selon eux, «car la part de marché combinée est d’environ 30%», avec un risque de concentration et de contrôle de parts de marché en Suisse trop élevé.

Ni Credit Suisse si UBS n’ont voulu s’exprimer à ce sujet.

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Le prêt de 50 milliards de francs de la BNS ne permettra pas, à lui seul, de sauver la banque car il est finalement petit au regard des chiffres.

Il y eu tout d’abord une alerte à bon compte sur Crédit Suisse, que la débâcle de SVB a probablement éludée pour certains investisseurs, mais que nous avions soulignée dans notre hebdo de la semaine passée.

La SEC avait alors demandé des précisions sur des flux de trésorerie douteux et la banque Suisse avait jugé plus prudent de retarder la publication de ses comptes… Mais, pendant que SVB faisait la une des journaux, durant la semaine du 10 mars, les obligations Crédit suisse n’avaient pas tant chuté comme en témoigne le graphe ci-dessous. Nous exhortions donc nos lecteurs encore présents sur cet émetteur précaire et inconsistant depuis plusieurs années à céder leurs positions, au vu de ses déboires récurrents et toujours plus massifs.

 

C’est finalement après avoir évacué le sujet SVB et passé un week end de repos et de réflexion, que le marché décida de s’attaquer résolument à la banque helvétique et lui asséna le coup de grâce, poussant son taux d’emprunt senior à plus de 10%, ses obligations les plus subordonnées à 30% du nominal et son CDS à plus de 1000 points, obligeant ainsi la Banque Nationale Suisse à apporter son soutien par un prêt de liquidités de 50 milliards de francs suisses pour éviter un bankrun et une probable faillite éclair.

Nous ne reviendrons pas sur les raisons de notre défiance vis-à-vis de Crédit Suisse mais apporterons quelques nouvelles précisions au vu des évènements récents:

  1. Le prêt de 50 milliards de francs de la BNS ne permettra pas, à lui seul, de sauver la banque car il est finalement petit au regard des chiffres. Rappelons par exemple que les dépôts, source de financement et donc de stabilité, d’activité et de rentabilité de la banque ont fondu de 320 milliards de francs suisses sur l’année 2022 (les encours passant de 1614 milliards CHF à 1294 milliards CHF), dont 110 milliards de francs suisses au T4 2022. On peut imaginer une tendance quasi comparable au T1 2023 au vu de l’inquiétude grandissante des clients sur la banque. Rappelons aussi que le hors bilan de la banque représente environ 14 000 milliards de francs suisses et qu’un ratio core Tier 1 de 14%, que la banque ou le régulateur estiment comme très solide, représente tout de même un levier proche de sept fois sur les fonds propres ! Alors quand on multiplie les erreurs de comptabilité, les scandales à la Greenshill ou Archegos, et quand de nombreux clients fortunés ou corporates retirent fébrilement leurs avoirs, 50 milliards CHF sur un bilan de 531 milliards CHF et des engagements croisés de 14 000 milliards peuvent s’envoler en quelques minutes…
  2. L’ère du soutien des actionnaires et des augmentations de capital semble révolue tant les déboires sont lourds et les déconvenues récurrentes, comme en a témoigné un des actionnaires de référence en la personne de la Banque Nationale Saoudienne
  3. Le sujet est clairement systémique pour la Suisse, mais aussi pour l’Eurozone, puisqu’on a vu la première Ministre française demander aux autorités suisses d’intervenir au plus vite pour régler la situation.
  4. Qu’il s’agisse de Crédit Suisse comme de SVB, les apports de liquidités des deux banques centrales montrent encore une fois que la régulation ne suffit pas et que le principe du Bail-in que nous avons expliqué dans notre hebdo précédent (ici) n’est toujours pas appliqué stricto sensu , ce qui était pourtant l’objectif après les coûts sociaux, monétaires, économiques et politiques des sauvetages de la crise de 2008…
  5. Au vu des ruptures de covenants de liquidité dès le T4 2022 et de l’intervention de soutien récente de la BNS, la logique réglementaire mise en place par les accords de Bâle depuis 2008 voudrait que les obligations AT1 au minimum, et peut être même les Tier 2, soient mises à contribution et voient leur coupon supprimé voire leur nominal réduit ou effacé. Cependant, la Suisse reste un pays sensiblement à part du reste de l’Europe à plusieurs titres :
  1. Les banques sont un fleuron industriel du pays et la source principale de revenus. Les soutenir est donc un enjeu supérieur en Suisse que dans des pays à l’économie plus diversifiée.
  2. Les banques sont soutenues par la population qui paraît plus encline à accepter un soutien d’Etat, alors que d’autres pays européens comme la France pourrait plus difficilement supporter politiquement et socialement un tel soutien à leurs banques
  3. La Suisse est un pays peu endetté (40% d’endettement sur PIB) capable de dépenser quelques francs pour sauver son système bancaire et par là-même sa stabilité, son économie et son « crédit » auprès des investisseurs…

Ainsi, si le schéma de prêt de la BNS est plutôt habituel pour parer au plus pressé, et la Fed a réagit à peu près de même la semaine passée pour SVB, ce qui l’est moins est la réaction de la Finma, régulateur des banques suisses, qui a apporté son soutien moral au management de Crédit Suisse et a abandonné les potentielles investigations qu’elle avait envisagées sur les sorties de capitaux et la communication du management à ce sujet… Les plus moqueurs diront qu’on ne tire pas sur une ambulance… Les plus circonspects diront que la Finma a joué ici son va-tout en mettant sa garantie sur la table et en affirmant que son analyse du bilan écarte tout danger… Mais n’oublions pas que la Finma ne peut analyser que les chiffres qui lui sont fournis et que l’évaluation des prix des actifs, des engagements et des créances sont eux réalisés par la banque elle-même… qui n’a jusqu’à présent pas fait preuves d’une grande fiabilité…

Selon nous, tout repose donc à ce stade sur l’Etat, la Banque Nationale Suisse et le système bancaire Suisse. S’il est clair que ces trois parties ont certainement un intérêt marqué pour organiser un sauvetage ordonné avec le moins de bruit, le moins de procès et le moins de conséquences négatives possibles pour leurs contreparties – ce qui plaide pour une absence de pertes pour les créanciers obligataires, y compris subordonnés – ceci reste un scenario de soutien public qui sort de l’analyse financière et réglementaire classique, et sur lequel nous avons eu trop peu de cas comparables, a fortiori en Suisse et sur des établissements aussi systémiques, depuis la mise en place des règles de Bâle post-2008, pour que nous nous y risquions.

De plus, nous considérons que Crédit Suisse est une entreprise systémique pour la finance européenne, voire mondiale. Au stade actuel, une étincelle serait tout à fait susceptible d’embraser le système bancaire européen, tant les imbrications sont nombreuses et de taille importante. Si nous continuons de penser que les banques européennes, pour la plupart, sont solides, bien capitalisées et capables de résister à la défaillance de l’une des plus fragiles d’entre elles depuis bien longtemps, nous considérons pour autant que les semaines à venir resteront très incertaines, causeront probablement de nouvelles phases d’inquiétudes, voire de sell-off sur le secteur, en particulier sur les dettes les plus subordonnées.

Et nous ne résistons pas à la tentation d’une remarque plus légère sur le sujet afin de tenter de faire sourire quelques secondes nos lecteurs dans cette semaine difficile. Remarquons ainsi que Crédit Suisse est encore à cet instant notée BBB par les agences de notation Moody’s et S&P, tandis que les investisseurs – et donc le marché – lui attribuent un rendement de 17%, soit supérieur à celui des émetteurs notés CCC, et qu’il a fallu que la BNS lui fournisse des liquidités pour éviter qu’elle ne s’effondre… De même Moody’s et S&P attribuaient respectivement à SVB, le 8 et 9 mars 2023, des note Baa1 et BBB- assorties d’une belle analyse, pour la dégrader à C et CC le 10 mars 2023, une fois la faillite actée… Du côté des agences de notation, comme chez les Poppys «non, non rien n’a changé» … Bien heureusement, l’empirisme et la régulation financière avaient déjà éloigné bon nombre d’investisseurs de ces établissements moins utiles pour anticiper et gérer son risque que pour résumer ce que le marché leur dit en un acronyme de AAA à D…

Enfin, si nous devions dire un mot de la BCE, presque passée inaperçue derrière le Crédit Suisse, nous estimons que le respect de la parole donnée sur les 50 points de base de hausse était une nécessité pour rassurer les investisseurs sur:

  1. La proportion du problème Crédit Suisse à l’échelle européenne
  2. La capacité des autorités et du système bancaire à gérer le cas Crédit Suisse indépendamment de la politique monétaire
  3. La cohérence de la banque centrale vis-à-vis de ses objectifs et de ses discours

Nous continuons donc, à ce sujet, sur nos convictions de début d’année en maintenant une maturité moyenne faible et un positionnement sur les obligations privées plutôt que sur les taux d’Etats, hautement volatiles et beaucoup moins rémunérateurs.

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Griffin, de Citadel, dénonce le sauvetage de la SVB : Le capitalisme américain « se désintègre sous nos yeux »

Contrairement au milliardaire Bill Ackman, qui a salué le sauvetage des déposants de la SVB par le gouvernement fédéral, le fondateur de Citadel, Bill Griffin, n’est pas impressionné, déclarant au FT que cette action des régulateurs américains montre que le capitalisme américain « se désintègre sous nos yeux ».

Pour rappel, le fonds d’assurance-dépôts de la FDIC garantit normalement les dépôts jusqu’à 250 000 dollars, ce qui protège les petits clients de détail, y compris les entreprises familiales. Les banques paient cette garantie par des primes d’assurance, mais le fonds d’assurance n’est pas destiné à soutenir les dépôts de clients plus importants ayant une plus grande capacité à faire face aux pertes en cas de faillite d’une banque.

Pourtant, comme le remarque l’éditorial du Wall Street Journal, après que les investisseurs en capital-risque (donateurs démocrates) et les politiciens de la Silicon Valley ont hurlé, la FDIC a annoncé dimanche qu’elle couvrirait les dépôts non assurés de la SVB et de la Signature Bank en vertu de l’exception relative au « risque systémique ».

 

Apparemment, les investisseurs et les startups de la Silicon Valley sont trop gros pour perdre de l’argent lorsqu’ils prennent des risques. Ils ont énormément profité du tuyau de liquidité pandémique de la Fed, qui a fait doubler les dépôts de la SVB entre 2020 et 2021. La SVB payait des intérêts allant jusqu’à 5,28 % sur les gros dépôts, qu’elle utilisait pour financer des prêts aux startups.

Désormais, la FDIC garantit un rendement sans risque aux startups et à leurs investisseurs.

Les dépôts non assurés subissent normalement une perte de 10 à 15 % en cas de faillite de la banque. Or, 85 à 90 % des 173 milliards de dollars de dépôts de la SVB ne sont pas assurés. Le coût de cette garantie pourrait s’élever à 15 milliards de dollars.

 

La Maison Blanche indique que des cotisations spéciales seront prélevées sur les banques pour récupérer ces pertes.

 

Cela signifie que les clients des banques dont les dépôts sont inférieurs à 250 000 dollars paieront indirectement cette mesure par le biais de frais bancaires plus élevés. En d’autres termes, il s’agit d’un transfert de revenus des Américains moyens vers des investisseurs aux poches pleines.

Il y a un an, Griffin avait prévenu que les pressions sur les prix resteraient obstinément persistantes, obligeant les décideurs politiques à freiner « fortement », ce qui entraînerait probablement une récession qui, selon lui, laisserait l’Occident confronté à des problèmes « existentiels ».

Un an plus tard, il avait raison, car les hausses de taux agressives de la Fed ont « cassé quelque chose »…

« Les États-Unis sont censés être une économie capitaliste, et celle-ci est en train de s’effondrer sous nos yeux », a-t-il déclaré lors d’une interview lundi.

« Il y a eu une perte de discipline financière avec le renflouement intégral des déposants par le gouvernement », a ajouté Griffin.

Comme le note le Wall Street Journal, de nombreuses banques ont couvert leur risque de taux d’intérêt et diversifié leurs dépôts, ce qui représente un coût commercial, mais certaines, comme la SVB et la Signature Bank, ne l’ont pas fait.

Aujourd’hui, la Fed leur dit que ce n’est pas grave, qu’elle les soutient.

Il n’était pas nécessaire qu’il en soit ainsi, car Griffin note que la vigueur de l’économie américaine rendait inutile une action aussi énergique.

 

« Cela aurait été une grande leçon d’aléa moral », a-t-il déclaré.

« Les pertes subies par les déposants auraient été insignifiantes, et cela aurait permis d’insister sur le fait que la gestion des risques est essentielle.

« Nous sommes au plein emploi, les pertes de crédit ont été minimes et les bilans des banques n’ont jamais été aussi solides. Nous pouvons aborder la question de l’aléa moral en position de force.

Enfin, alors que le premier réflexe de la Maison Blanche, même en cas de panique financière, a été de déformer la réalité et de chercher des boucs émissaires politiques, Griffin pointe directement du doigt la bureaucratie :

« Le régulateur était la définition même de l’endormissement au volant ».

Mais nous sommes certains qu’aucun fonctionnaire ne sera jamais tenu pour responsable d’avoir « manqué » ce risque – probablement occupé par les « menaces » liées à la diversité et à l’inclusion.

Le dernier mot revient à Satyajit Das, qui a parfaitement résumé ce triste état de fait : Les risques moraux liés aux renflouements sont bien connus.

Il semble maintenant que les start-ups technologiques comme les banques, les entreprises automobiles et tous ceux qui ont des lobbyistes efficaces sont trop gros pour faire faillite, même s’ils sont trop difficiles à comprendre ou à gérer correctement.

Comme l’a dit Herbert Spencer :

« Le résultat ultime de la protection des hommes contre les effets de la folie est de remplir le monde d’imbéciles ».

Au cours des quinze dernières années, le système économique et les pratiques financières se sont orientés vers des taux bas, des liquidités abondantes et une prise de risque garantie par les autorités. Il n’a jamais été facile de s’écarter de cette situation, si tant est que cela soit possible.

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Le secteur financier mondial a été effrayé par l’effondrement de Silicon Valley Bank (SVB). Cela montre que les effets d’une inflation plus élevée et d’une politique monétaire plus stricte de la part des banques centrales ne sont pas encore terminés.

Dans sa lettre annuelle aux investisseurs, Larry Fink, PDG de BlackRock, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, met en garde contre d’autres dangers dans le système financier et se demande si les dominos ne vont pas tomber maintenant. Lorsque quelqu’un comme Larry Fink pose cette question, c’est que le danger est déjà là.

Deux dominos

Dans l’actu : Larry Fink considère les hausses de taux d’intérêt des banques centrales comme le premier domino qui va tomber. Il cite en exemple les marchés obligataires, qui ont perdu environ 15% de leur valeur en raison de la hausse des taux d’intérêt.

  • L’effondrement de Silicon Valley Bank pourrait être le deuxième domino, selon Fink.
  • Il compare cette situation à la crise de l’épargne et du crédit aux États-Unis dans les années 1980.

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Le bitcoin gagne des points en tant que valeur refuge en période de turbulences financières

Sur fond de crise bancaire, le bitcoin est passé cette semaine d’environ 22.000 dollars lundi à 26.000 dollars vendredi matin, soit une hausse de 18 %.
L’instabilité actuelle de certaines banques est la meilleure preuve de la nécessité d’un système alternatif, affirment en chœur les partisans de la cryptomonnaie.

Les bouleversements : lorsque la banque Silvergate, favorable aux cryptomonnaies, a chaviré la semaine dernière, des analyses encore plus sombres concernant le secteur ont déferlé. « Les cryptomonnaies ont perdu leur lien avec le monde financier réel », pouvait-on lire. Mais maintenant que les banques traditionnelles s’effondrent à leur tour, les fans de cryptomonnaies se réjouissent à l’inverse et pointent du doigt les défauts de construction des banques traditionnelles.

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Emmanuel Macron renonce au vote à l’Assemblée nationale et passe en force en utilisant l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire passer sa réforme impopulaire des retraites, qui portera l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Les syndicats appellent à une journée nationale de grèves et de manifestations le 23 mars en réponse, et les dirigeants de l’opposition de gauche et de droite fustigent la décision du président. Cette décision pourrait inciter les syndicats à utiliser les goulets d’étranglement de l’économie française – tels que le ramassage des ordures ou les opérations de raffinage – pour faire pression sur le gouvernement afin qu’il revienne sur la législation. En lisant les titres de la presse mondiale ce matin, je me demande si l’histoire ne retiendra pas que la pire erreur de la présidence Macron vient d’être commise, le roi est-il sur le point d’être nu?

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« Celui qui s’arrête fait remarquer l’emportement des autres, comme un point fixe »

Ceux qui sont dans le dérèglement disent à ceux qui sont dans l’ordre que ce sont eux qui s’éloignent de la nature et ils la croient suivre, comme ceux qui sont dans un vaisseau croient que ceux qui sont au bord fuient. Le langage est pareil de tous côtés, il faut avoir un point fixe pour en juger. Le port juge ceux qui sont dans un vaisseau, mais où prendrons‑nous un port dans la morale ?

[…] Quand tout se remue également, rien ne se remue en apparence comme en un vaisseau : quand tous vont vers le débordement, nul n’y semble aller. Celui qui s’arrête fait remarquer l’emportement des autres, comme un point fixe.

Blaise Pascal – Pensées (1669)


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